lundi 13 décembre 2010

Mutation du livre mais pensée unique ?

J'ai eu le plaisir de répondre à quelques questions pertinentes de Stella Terrat, pour son blog de Vita Cogita, société spécialisée dans la commercialisation d’œuvres numériques multimédia sur le développement durable.

Extraits

"VitaCogita : Globalisation, pensée unique et best-sellers versus diversité culturelle, mirage ou réalité ?

L.S. : Le numérique en général et Internet en particulier vont certainement nous faire entrer dans une nouvelle ère. Ils sont en train de le faire. Cela dit il ne s’agit quelque part que d’outils. Qu’en ferons-nous ? Comment les utiliserons-nous ? Ce ne sont jamais les armes qui déclarent les guerres, mais les hommes !
Certes, en prenant un peu de recul, nous voyons bien que le marché du livre est tombé en plein dans le panneau de la société du spectacle et aujourd’hui dans celui de la culture mainstream. Le monde du livre s’est financiarisé et avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique le livre va devenir un média à part entière et probablement glisser (presque) intégralement dans les mains et les portefeuilles des industries du divertissement. Mais, d’un autre côté, il est incontestable que nous avons toutes et tous une certaine marge de manœuvre, d’innovation, de créativité, et en tous cas la possibilité de se saisir et d’utiliser les outils du numériques, dont certains sont libres. Fan-fictions et machinimas en attestent. La digitalisation de l’édition peut également favoriser la bibliodiversité.
Pour les pays en voie de développement le passage d’une édition imprimée à une édition numérique peut ouvrir de véritables opportunités, avec une renaissance des langues nationales par rapport à celles des anciens colonisateurs. Ce qui, par associations d’idées, me fait poser cette question : quid de la francophonie face à cette « world littérature » que vous évoquez ?
Ce qui est le plus symptomatique cependant de la pensée unique à mon avis, particulièrement germanopratine est, alors que livres et lecture sont en pleine mutation, l’absence ou presque d’ouvrages (papier) sur ces sujets !

Le libraire est-il le maillon faible de la filière du livre ? Peut-il véritablement muter dans l’univers numérique tout en apportant une réponse aux lecteurs, ancrée dans le territoire ?
[...]
Que pensez-vous des rentes technico-commerciales des prescripteurs d’aujourd’hui (de type Apple, Amazon, Fnacbook…) ? Le lecteur n’est-il pas pris en otage en devenant un consommateur encadré ?
[...]
La stratégie du géant américain Google pour les livres numériques vous apparaît-elle plus ouverte pour l’ensemble des acteurs de la chaine du livre ?

L.S. : A priori non. Nous n’avons au fond, malgré toutes les analyses, que peu de visibilité sur les finalités du développement hégémonique de Google. [...] Je pose moi la question : Google sera-t-il la Tour de Babel de ce 3e millénaire ?

Pensez-vous que le numérique et ses nouveaux usages (liseuses, tablettes…) peuvent renforcer l’alphabétisation, l’apprentissage ou la formation ?
[...]
Pour finir et pour parler pratique, le témoignage d’un expert : Possédez-vous une liseuse ou une tablette de lecture ? Comment l’utilisez-vous ? Vos impressions ?
 [...]"

jeudi 9 décembre 2010

Former et informer sur le marché du livre numérique

J'ai le plaisir depuis hier d'intervenir durant cette année universitaire auprès des étudiant(e)s de 5e année, second cycle en management projets culturels [ESARTS 2 - Édition numérique] du Groupe EAC.
Le thème de mes interventions est : Marché du livre numérique et émergence de nouveaux modèles économiques, et sera décliné selon le plan suivant :


- Evolutions du marché du livre,
- Emergence d'un marché du livre numérique,
- Business development de l'édition numérique
- Marketing du livre numérique et veille stratégique.

Former et informer les professionnels de demain !

Avec la digitalisation de l’édition, le marché du livre se transforme en profondeur. Aussi est-il capital, non pas seulement de former, mais aussi, d’informer, tant les professionnels en exercice aujourd’hui que les futurs professionnels du livre, mais encore, tous ceux qui vont ou pourraient prochainement jouer des rôles actifs dans le marché du livre (numérique ou pas), au cours des prochaines années.
C’est pour cela que cette première collaboration avec l'EAC-Paris me donne une grande satisfaction et que je suis à l’écoute de tous les établissements d’enseignement ou de formation, conscients des enjeux des actuelles transformations du livre et de son marché.

lundi 6 décembre 2010

Pourquoi lire vs le destin technologique de la lecture

Avec acuité et non sans humour, Charles Dantzig, déjà auteur, entre autres, d'un "Dictionnaire égoïste de la littérature française", vient de publier, une nouvelle fois chez Grasset, un opus titré : "Pourquoi lire ?"
L'ouvrage aborde parfois entre les lignes les questions qui nous préoccupent ici et maintenant, et plus particulièrement dans un chapitre de quelques pages intitulé : Lire sur autre chose que du papier en volumes (pp. 230-232).
S'il pointe juste en posant la question : "Le code d'Hammourabi était-il plus dur parce qu'il était en pierre ?",  Charles Dantzig ne peut cependant s'empêcher de finir l'ensemble de son essai sur une tonalité apocalyptique, voyant dans le destin technologique de la lecture un triomphe des écrans.
Cette fin me laisse songeur, me fait repenser à ce que j'écrivais moi-même il y a quelques jours à propos du roman d'anticipation d'Orwell (1984) : "Le roman d’anticipation 1984, ne s’appelle 1984 que parce qu’Orwell l’a écrit en 1948. Au regard des transformations que nous vivons, ou dont nous pouvons être les témoins directs ou indirects, je me demande très sérieusement si cette contre-utopie (dystopie) ne serait pas prémonitoire ( ?). De l’à-venir. En 2984 ? J’ai toujours lu "1984" de Georges Orwell en pensant à "Fahrenheit 451" (de 1953) de Ray Bradbury. (Et je compte relire "Le messager" d’Eric Bénier-Bürckel.)."

L'énigmatique final du livre de Dantzig

"Et quand l'objet en papier aura disparu, pour la satisfaction douloureuse des amers qui diront : je l'avais prédit, nous répondrons : et alors ? Nous ne lisons plus les rouleaux de Rome, seuls quelques érudits savent qu'ils ont existé, et la littérature romaine demeure, en partie. Plus noirs que ces amers, on dira que l'informatisation servira encore mieux les puissants, qui pourront ranger l'humanité dans des appartements toujours plus petits, puisque plus besoin de bibliothèques et tout dans iPad, et que, un jour, quand tout cela sera réduit à un tout petit point rouge, il clignotera fébrilement, puis, hoquetant de moins en moins,
il
s'éteindra."
[Je respecte la mise en page ;-)]
Et Dantzig de conclure :
"Ne lisant plus, l'humanité sera ramenée à l'état naturel, parmi les animaux. Le tyran universel, inculte, sympathique, doux, sourira sur l'écran en couleurs qui surplombera la terre."
En 2984 ?

samedi 4 décembre 2010

Du premier mot au dernier livre

L'histoire de la lecture et l'histoire du livre découlent naturellement de celles de l'écrit et des écritures [L'aventure des écritures] lesquelles découlent tout aussi naturellement de celle de l'acquisition d'un langage articulé, puis de l'histoire des langues [Les origines du langage].

L'actuelle dématérialisation du livre, comme contenant, et sa volatilité, comme contenu, questionnent ce passé fondateur (en tout cas dans le sens où je conçois la prospective du livre et de l'édition et où j'en ressens les enjeux civilisationnels).

Le premier mot
Avec l'élégance et la sensibilité de son écriture, Vassilis Alexakis explore dans son roman "Le premier mot" (Editions Stock, août 2010) les différentes facettes et hypothèses scientifiques sur ces questions de l'apparition des langages et d'une hypothétique langue commune originelle.
Alors : quel fut le premier mot ?
Un livre dont je conseille la lecture ;-)

dimanche 28 novembre 2010

Charte éthique de P.L.E. Consulting

L’éthique est malheureusement aujourd’hui une valeur galvaudée.
Nonobstant, avec P.L.E. Consulting, je m’attache à mettre en pratique dans mon travail, davantage qu’un ensemble de principes de bonne conduite, relevant de la déontologie professionnelle, un code moral personnel.
Car l’avenir du livre et de la lecture est vraiment ma préoccupation quotidienne.
Aussi curieux, voire stupide ou inconvenant, que cela puisse paraître pour un consultant, mon objectif n’est pas de gagner un maximum d’argent, en vendant du vent (ou des applications), en reformulant aux professionnels de l’interprofession du livre ce qu’ils disent eux-mêmes et veulent entendre en écho, en leur fourguant des solutions-recettes qui seront demain matin obsolètes.

Former en informant

Dans le cadre moral, que j’ai de ma propre et libre volonté décidé d’appliquer dans l’exercice de mon activité de consultant, les principales missions que je me donne sont :
- Rapprocher les acteurs des filières de l’édition imprimée, et, de l’édition numérique.
- Informer l’ensemble des partenaires de la chaine du livre imprimé, des auteurs aux lecteurs, des enjeux de la digitalisation du livre.
- Former les professionnels en les informant, l’objectif étant de leur donner une perspective historique et prospectiviste juste, pour qu’ils puissent développer des stratégies adaptées et pérennes, responsables aussi.
- Former en les informant, les jeunes des filières du livre, mais aussi de la communication et de la publicité, du marketing, de la gestion et de la médiation de projets culturels, du design et de l’ingénierie culturelle, sur l’édition du siècle. Susciter des vocations.

C’est aussi la mise en œuvre de ce code moral qui donne au présent blog son originalité et sa ligne éditoriale spécifique, résolument à l’opposé, tant des blogs perroquets que commerciaux.

vendredi 26 novembre 2010

Enfer du roman version Richard Millet versus le bel digital optimisme

Le titre accrocheur (L’enfer du roman), un tantinet commercial (mais c’est de bonne guerre), exprime assez imparfaitement ce dont il s’agit et que le sous-titre précise heureusement : des « Réflexions sur la postlittérature ».

Car, et en effet je le confirme : « Nous sommes entrés dans l’ère postlittéraire, assène avec raison l’auteur. Un spectre hante la littérature : le roman, devenu à ce point hégémonique que toute la littérature semble s’y réduire. Le roman tue le roman : le roman international, insipide, sans style, immédiatement traduisible en anglais, ou traduit de l’anglais, l’unique objet d’une littérature sans autre histoire que le jeu de ses simulacres, de ses plagiats, de sa fausse monnaie. ».
Cette postlittérature est-elle pleinement assimilable à cette "world literature" envahissante (Millet, en fin lecteur, remonte plus loin dans les racines du mal me semble-t-il), elle s’exprime cependant amplement en tous les cas, dans ces produits imprimés et dérivés, qui ne sont pas seulement mondialisés, mais, aussi, et à mon avis Millet à raison de le souligner avec cette insistance, anglicisés, c’est-à-dire en fait, américanisés.
Dans ma lecture de cet essai, qui me semble se refuser à en être un, par sa forme, forme et rythme qui se veulent épouser davantage la pensée et les humeurs, que la structure de la page, de la page imprimée, et, ainsi, se rapprocher du flux en ligne ; et que tous ces versets numérotés pourraient au fond très bien être des "posts" de blog, dans ma lecture de "L’enfer du roman" donc, je me suis attaché à discerner comment cette ère postlittéraire se conjuguait avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique. Idée fixe.
En clair, la question que je me pose est : en quoi le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique signerait-il, ou participerait-il, de l’apothéose de ce que Richard Millet désigne et dénonce comme postlittéraire ?
Il ne nous donne que quelques rares pistes dans ce sens :
« Les écrans divers sur lesquels se lisent les romans ne sont pas le signe d’une survie possible de la littérature, mais la possibilité qu’elle a d’en finir avec le tout-romanesque pour entrer dans [c’est moi qui souligne] l’au-delà du roman. ».
 A méditer (avec la part d’optimisme, d’espoir en tout cas, en cet au-delà du roman).

2984 de Georges Orwell

Non, ce n’est pas une faute de frappe.
Richard Millet rappelle dans son livre qu’Orwell disait que : « le délitement de la langue est un signe de dégradation politique, et cette dégradation prélude au totalitarisme. ».
Le roman d’anticipation 1984, ne s’appelle 1984 que parce qu’Orwell l’a écrit en 1948.
Au regard des transformations que nous vivons, ou dont nous pouvons être les témoins directs ou indirects, je me demande très sérieusement si cette contre-utopie (dystopie) ne serait pas prémonitoire ( ?). De l’à-venir. En 2984 ?
J’ai toujours lu "1984" de Georges Orwell en pensant à "Fahrenheit 451"(de 1953) de Ray Bradbury. (Et je compte relire "Le messager" d’Eric Bénier-Bürckel.)

Les éditeurs voudraient des recettes ?

Toutes ces réflexions se rapprochent de ma "Théorie des Cinq Cercles" que j’aurais peut-être prochainement l’occasion d’exposer une nouvelle fois, ici même, dans quelques jours, avec, je l’espère, une pertinence renouvelée et plus pointue, incisive.
Les enjeux dépassent de beaucoup l’horizon des petits sous à accumuler, et les professionnels qui ne voient qu’à court terme, sans méthodologie précise, ni surtout de vision stratégique à moyen et long termes, porteront leur part de responsabilité, quel que soit l’avenir.
Une charmante personne me disait récemment que ce que voulaient les éditeurs qui, bon gré mal gré, passent aujourd’hui au numérique, ce sont : « des recettes ». Sous-entendu, du concret, du pratique, sur les métadonnées, les DRM, la norme ONIX et tutti quanti.
Nonobstant, le double sens du mot "recette" est piquant je trouve.

Sur L’enfer du roman, de Richard Millet

A lire, la lecture de Cyril de Pins sur Boojum-Mag. Sa conclusion : « "L’enfer du roman" pourrait se dire aussi "entertainment", divertissement, consommation, "best-seller", cette dernière expression disant honnêtement qu’il n’est plus question d’expérience esthétique, mais d’expérience commerciale. Dès lors, c’est celui qui a la puissance financière qui fixe les formes, la langue de la transaction et les termes du contrat. »
A écouter, le récent entretien de Richard Millet avec Laurence Plazenet à la BPI : « Ecrire, écrire, pourquoi ? »
L’enfer du roman, Richard Millet, Gallimard, septembre 2010, 276 pp., 18,90 €.

mardi 23 novembre 2010

De la présence ardente de la lecture

La fonction du livre, par rapport à nous, lecteurs, est dépendante de notre situation historique. Dépendante du contexte et de l’évolution de la société dans laquelle nous vivons, dépendante aussi depuis le siècle précédent des processus de financiarisation des industries culturelles.
N’oublions pas que, depuis le décret N° 2009-1393 du 11 novembre 2009, relatif aux missions et à l'organisation de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication, livre et lecture dépendent, pour ce qui est de leur dépendance administrative et de l’octroi de subventions, d’une direction générale des médias et des industries culturelles.
Jadis le livre, en marge de la scène de théâtre ou d’opéra, exerçait un certain nombre de fonctions, tant dans la sphère privée que sociétale, l’une influençant l’autre et réciproquement, fonctions que remplirent, progressivement, la peinture et les arts de l’illustration, la presse, la radio, le cinéma, la télévision, et que débordent amplement aujourd’hui internet et l’internet embarqué.

Irréductible vs imprédictible et inéluctable

Dans l’actuelle et toute hypothétique (r)évolution du livre, fin 2010, il nous faudrait faire la part de l’irréductible (de ce qui serait irréductible dans la lecture), de l’imprédictible (ce que nous ne pouvons ni prévoir – l’imprévisible, ni même, prédire), et, surtout, de l’inéluctable (ce que nous ne pourrons pas éviter).
Je pose la question : que pouvons-nous, habitants du 21e siècle, nous imaginer de ce que nos ancêtres pensèrent, ressentirent et vécurent, lors des époques de passage des idéogrammes aux alphabets, des rouleaux aux codex, de l’édition manuscrite à l’édition imprimée…
Malgré la rupture féconde introduite par Febvre et Martin en 1958 dans leur : "L’apparition du livre", la dimension transhistorique reste trop souvent absente des stratégies de développement de l’édition, focalisée sur la rentabilité à court terme.
Les postures et les outils de l’écrire et du lire ont pourtant, au fil du temps, été si différents des nôtres. Comment les acteurs du 15e siècle reçurent-ils, comparativement à nous autres, les transformations du livre ? Ils vivaient dans un autre univers.
Remontons plus loin dans le temps. Ecoutons un instant Pascal Quignard (Petits traités I) : « Je vois un autre univers. Un copiste, au Moyen Age, en Occident, dans sa robe de bure, devant des pages de veaux écorchés, entouré de son rasoir, de sa craie, de sa pierre ponce, de ses cornes de bœuf – encriers rouge et noir –, de ses besicles-loupes, de son couteau pour tailler les plumes d’oiseau, de sa règle pour assurer la ligne. » (Édition Folio, page 398, XVIIe traité : Liber).
Reconnaissons aussi qu’il y a certaines distorsions historiques pour le moins insolites : la Guerre de Cent Ans, par exemple, qui opposa la dynastie des Plantagenets à la Maison capétienne de Valois, et qui, au final n’eut pas une telle influence sur la construction européenne, est cependant bien plus traitée dans les cours d’histoire, que la mise au point de l’imprimerie à caractères mobiles, dont l’influence fut considérable et, d’une certaine manière, se poursuit aujourd’hui encore.
Les représentations historiques véhiculées par l’époque (toutes les époques) mériteraient d’être davantage interrogées.
Ainsi, nous avons des preuves qu’historiquement les précédentes mutations du livre et de la lecture, telles celles, justement, du passage du rouleau au codex, ou bien, du passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, ont, à leurs époques, profondément modifié la société, et qu’elles ont eu des répercussions culturelles, mais aussi sociopolitiques, indéniables.
Mais nous savons également qu’aujourd’hui, il est courant et juste de constater que le numérique impacte le livre, après, avoir reconfiguré les marchés du disque, de la photo et de la vidéo, pour ne parler ici que des biens culturels.

Etre ou ne pas être l’allié de ses fossoyeurs ?

N’assisterions-nous pas ainsi en fait, plus ou moins inconscients et presque impuissants, au naufrage du livre dans le marché du divertissement, et à celui de la lecture dans les réseaux sociaux (lectures sociales) ?
Cette prétendue évolution du livre que nous serions en train de vivre, et encore bien évidemment, pour ceux seulement pour lesquels livre et lecture ont encore une certaine importance, fait-elle aujourd’hui réellement révolution sociétale, culturelle, ou bien, ne serait-elle simplement qu’une infime partie d’une révolution plus globale ?
Les mutations que nous ressentons dans la chaine du livre ne seraient-elles pas que les effets des coups de butoirs des industries de l’électronique et du divertissement, le jeu des lobbies et des opérateurs de téléphonie mobile, et non plus désormais, des facteurs agissants sur la société et engendrant de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine ?
Aujourd’hui ce sont les réseaux sociaux qui engendrent de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine, et non plus, comme jadis, des réseaux épistolaires, c’est le partage en ligne de vidéos qui reprend le flambeau que l’imprimerie à caractères mobiles avait conduit sur les routes d’Europe et de l’Amérique nouvelle.
L’édition (numérique, incidemment ou accidentellement numérique ? partiellement ou totalement numérique ?) du 21e siècle, nous apparaît ainsi, fin 2010, comme un gigantesque puzzle à ordonner, mais dont les pièces "culture graphique" et "culture écrite" seraient repoussées à la périphérie.
« Sans doute est-ce […], écrit Henri-Jean Martin, (dans sa phrase conclusive de son ouvrage "Histoire et pouvoirs de l’écrit" – Albin Michel, 1996), la mission de notre génération que de faire comprendre à nos descendants que le progrès technique n’implique pas obligatoirement le rejet irréfléchi des apports du passé. ».
Déchiffrer le monde demeure, en ce début de 3e millénaire après J.-C., la principale activité de défrichage de l’espèce humaine.
Au final : tout est et tout reste livre. Donc à lire.
D’où, ce que j’appelle et ressens ainsi : la présence ardente de la lecture.