vendredi 22 juillet 2011

Emergence de nouveaux genres littéraires

Jean d'Ormesson déclarait au dernier Salon du livre de Paris : "Un jour, le roman va disparaître, comme l'ode ou les tragédies ont disparu. On sent d'ailleurs un essoufflement du roman, il est en train de passer la main..." (Source). Mais à quoi, dis-je ? ;-)
Chaque support génère ses pratiques d'écriture, qui engendrent à leur tour des genres, induisent des lectures, auxquelles sont prédestinés certains lectorats.
Il serait intéressant d'avoir un éclairage historique sur cette question de l'influence des supports sur les genres littéraires, l'émergence, la promotion, ou le déclin d'un genre. (Si des historiens me lisent ?)


Distinguer tendances de fond et épiphénomènes...

Avec le passage de l'édition imprimée à l'édition numérique il se pourrait bien que nous assistions au cours du siècle, d'une part, à la disparition de certains genres (lesquels selon vous ?), et, d'autre part, à l'émergence de nouveaux genres (même question !).
Que pourrions-nous distinguer, pour l'instant, qui pourrait contenir en germes un ou des nouveaux genres ?
Les fan fictions ? (Lire "Le nouvel élan de la fan fiction")
Le work in progress ? (Lire "Avant ou après le roman, son « Journal ».")
Les expériences de lectures transmédia immersives ? (Lire "Après la lecture sociale la lecture immersive")
Quoi d'autre ?
L'univers des jeux vidéo (que je connais peu) serait-il un laboratoire de nouvelles formes de narrations ?
Qu'en pensez-vous ?

mardi 12 juillet 2011

Plus de 60 éditeurs entreprenants à découvrir

Découvrez la liste actualisée de plus de soixante éditeurs pure-players* francophones en cliquant ici...
* "Un éditeur pure-player est un entrepreneur qui publie des livres exclusivement dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture. (Par extension il peut s’agir d’une société fournissant des logiciels applicatifs dédiés à l’édition de livres numériques enrichis et/ou qui propose ses services à des éditeurs de livres imprimés.)"

mardi 5 juillet 2011

Après la lecture sociale la lecture immersive

Plus j'y pense et plus je braque mon attention sur les signaux faibles et plus j'en arrive à considérer que la "lecture sociale" ne serait peut-être qu'un artefact de l'introduction, via les nouveaux dispositifs de lecture, des technologies de la communication dans l'activité, aujourd'hui solitaire, intime et silencieuse, de la lecture.
Polysensorialité et transmedia convergeraient plutôt vers une lecture immersive dont Pottermore serait, peut-être, un premier pas significatif.
 
Ana Vasile, assistante à la communication et aux formations pour le Transmedia Lab vient d'écrire un article : Pottermore: une nouvelle brique de l’univers Harry Potter, qui va implicitement dans ce sens.
Nous pouvons, par exemple, y lire :

"Pottermore est un nouvel élément de l’univers d’Harry Potter. [...] un site web promettant une nouvelle expérience online dans l’univers livresque d’Harry Potter [...] Les livres se veulent multimedia, avec des illustrations et des éléments interactifs. Henry Jenkins écrivait dans son analyse que cette expérience pourrait être le projet transmedia le plus visible de nos jours [...] Il m’est difficile, conclut Ana Vasile, de déclarer dès maintenant que Pottermore représente l’élément qui manquait dans le dispositif transmedia de Harry Potter, mais il est certainement un élément d’interaction transmedia dont nous allons reparler dans les prochains mois..."


Lecture immersive et Projet MétaLectures

Alors que nous avançons dans le siècle et la période historique des e-incunables (1971-20??) et que des projets commerciaux, tel Pottermore, avancent en créativité et en innovation, certainement nous faudrait-il faire montre de davantage d'audace et considérer le transmédia dans une perspective transhistorique: mettre en parallèle la lecture immersive du monde et de ses signes multiples par nos plus lointains ancêtres bipèdes (il y a environ six millions d'années), avec les possibilités de lectures immersives que nous pourrions avoir d'ici quelques années dans le Métavers.
J'évoquais récemment ces pistes d'innovation dans mon post : Lire en 3D, et elles trouvent des développements dans mon projet MétaLectures ci-dessous présenté (url du PDF).
Je suis bien évidemment à l'écoute de tous ceux qui souhaiteraient y participer.

mardi 21 juin 2011

Imaginer et construire le livre de demain

Ils se sont efforcés d'imaginer les livres ou les bibliothèques du futur, de mettre en scène les impacts de ces mutations sur les hommes et les sociétés.
Aujourd'hui pour nous il ne s'agit pas de prédire ou de prévoir, d'imaginer ou de seulement anticiper, mais d'écrire l'à-venir du livre, de le préparer, de le construire ensemble.
  
Depuis -385 av. J.-C.
 
-385 / -370 av. J.-C., Phèdre, Platon.
1786, L'an deux mille quatre cent-quarante : rêve s'il en fût jamais (Volume 1), Louis-Sébastien Mercier.
1846, Le monde tel qu'il sera, Émile Souvestre
1892, La vie électrique, Albert Robida
1894, La fin des livres, Octave Uzanne et Albert Robida
1902, L'agonie du papier, Alphonse Allais
1932, La Mort du Livre. Anticipations bibliophiliques, Maurice Escoffier (Revue Mensuelle de l’Association des Anciens Élèves de l'École des Hautes Études Commerciales, numéro spécial sur le livre de décembre 1932).
1943, Ravage, René Barjavel
1944, La bibliothèque de Babel, Jorge Luis Borges.
1946. Chroniques martiennes, Ray Bradbury.
1953 (USA), 1955 (France), Fahrenheit 451, Ray Bradbury.
1965, Dune I, Frank Herbert
1968, 2001 Odyssée de l’espace, Arthur C. Clarke
1975, Le livre de sable (dont, Le Congrès), Jorge Luis Borges.
1988, Prélude à Fondation, Isaac Asimov
1992, Le samouraï virtuel, Neal Stephenson
1995, L’âge de diamant, Neal Stephenson
2006, Rainbows End, Vernor Vinge
2008, Le Messager, Eric Bénier-Bürckel
  

samedi 18 juin 2011

LIRE EN 3D

En partie hérités de la compilation de tablettes reliées par des lanières, nos livres imprimés sont naturellement en trois dimensions. On parle d’ailleurs pour les nommer de volumes. Mais bientôt ce sera le contenu même de nos lectures qui nous apparaitra en 3D dans des propositions de plus en plus immersives.
 
Nous le constatons, les contenus 3D sans lunettes arrivent sur nos écrans de cinéma, de télévision, et sur nos consoles de jeux. De premiers appareils photos prennent des photographies en 3D. Et même l’impression 3D permettra bientôt de reproduire chez soi des objets en stéréolithographie.
Si cela nous séduit a priori c’est naturellement parce que le monde qui nous entoure est tridimensionnel.
La 3D, elle, ne l’est pas vraiment.
Le terme 3D désigne en fait un effet de relief rendu par des images stéréoscopiques, un procédé bien connu depuis les origines de la photographie. Une sorte d’illusion d’optique. La stéréoscopie est à la vision ce que la stéréophonie est à l’audition. Il s’agit de jouer légèrement sur le décalage de deux sources. Aujourd’hui il s’agit le plus souvent de représentations en images de synthèse numériques.
  
La 3D appliquée aux livres
 
Pour le livre, diverses techniques permettaient déjà d'imprimer des images donnant une illusion de profondeur. Notre perception visuelle peut être facilement trompée et le savoir-faire des artisans du livre a toujours été une source de créativité. Les livres animés, nous disons aujourd’hui pop-up, à l’aide de pliages et de superpositions, de tirettes, de volets et autres ingéniosités, remonteraient au moins à la fin du 15e siècle.
  
Aujourd’hui la persistance, naïve à mon sens, qu’ont parfois les acteurs de l’édition numérique à vouloir simuler une page qui tourne avec leurs "feuilletoirs", démontre visiblement, c’est le cas de le dire, que le caractère réinscriptible des nouveaux supports de lecture, de plus en plus plats et de moins en moins épais, pose problème par rapport à des millénaires de spatialisation des pratiques de lecture.
Déjà questionnée par la multiplicité des liens hypertextes et des parcours de lecture qu’ils ouvrent, l’évolution de nos usages face aux textes est de plus en plus déroutante. Nos usages sont de plus en plus impactés par le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique. L’examen de leur évolution réclamerait une véritable réflexion relevant de l’anthropologie de la lecture.
Une réflexion dans la foulée de celle de Marcel Mauss dans "LesTechniques du Corps" (1934), mais appliquée aux pratiques de lecture, mériterait bien ainsi d’être développée.
 
Réalité augmentée et projections holographiques
  
Alors la 3D pourrait-elle redonner, dans une autre dimension, une illusion de matérialité aux livres ?
Les livres imprimés accompagnés de lunettes en carton avec un verre bleu et un verre rouge sont aujourd’hui largement dépassés par les applications de réalité augmentée.
Depuis 2009 des livres imprimés utilisent la réalité augmentée (par exemple via la technologie développée par la société française Totale immersion, voir la vidéo de Nouvo.ch).
Les éditions Nathan, une des marques du Groupe Editis-Planeta spécialisées dans l’éducation, commercialise avec Dokeo, la première collection en réalité augmentée.
  
 
Mais on peut s’interroger sur le devenir de telles solutions passant par l’impression, alors que la 3D envahit plus rapidement nos écrans.
De premières réalisations de livres applications jouant sur des effets 3D commencent à être commercialisées (voir ici) et un futur iPad 3D n’est pas à exclure (voir ici).
L’avenir de la lecture 3D est certainement à envisager aussi du côté des lunettes vidéo et des projections holographiques, dont des prototypes furent présentés au CES 2011 (Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier, voir le rapport d’Olivier Ezratty).
Pour que textes et lecture ne soient pas solubles dans la vidéo, la créativité des auteurs va devoir s’aiguiser sur la scénarisation multimédia et la diffusion plurimédia.
Certaines formes littéraires seraient liées à leurs supports de lecture (la question, par exemple, peut se poser de déterminer si le roman est lié au codex ?) et nous pouvons penser que de nouveaux genres naitront des nouveaux dispositifs de lecture (nous l’avons déjà un peu vu depuis 2010 avec la Twittérature).
 
Redéfinir le contrat de lecture dans les territoires digitaux
   
La R&D des jeux vidéo trace peut-être ainsi la voie à de nouvelles pratiques de lectures, immersives et participatives (collectives ?), liées à de nouvelles formes narratives et à une redéfinition du contrat de lecture.
La console Wii Nintendo et la Xbox 360 Kinect de Microsoft peuvent déjà potentiellement inspirer des fonctionnalités originales pour interagir de manière novatrice dans des environnements imaginaires. (Certains se sont déjà essayés à connecter une Kinect sur l’OpenSimulator pour interagir dans et avec des territoires virtuels.)
  
L’idée est en germe dans la collection BookSurfers lancée par Amazon : « Ces livres numériques ont été écrits par David Gartward dans le but d’encourager les enfants à lire. Chaque aventure est basée sur un livre classique comme par exemple « Le magicien d’Oz ». Le lecteur peut s’il le souhaite cliquer sur des liens dans l’histoire qui renvoient aux passages du livre original… » (Voir l’information sur IDBOOX) et elle a déjà connu dans le passé des tentatives de concrétisations dans Second Life.
  
Le 16 septembre 2007 je donnais une première conférence à la Bibliothèque Francophone du Métavers dans Second Life, pour la sortie de mon livre "Gutenberg 2.0, le futur du livre".
Depuis les choses ont peu progressé.
Mon projet MétaLectures n’a pas reçu de soutiens :-(
  
Le Métavers (« monde virtuel, créé artificiellement par un programme informatique ») a lui progressé. Il s’est étendu. Notamment avec l’OpenSimulator (« OpenSim, est un serveur open source utilisé pour héberger des monde virtuels » Wikipédia), que commencent à s’approprier, par exemple, des projets théâtraux (je pense notamment au Festival des scènes virtuelles et  à son monde virtuel sur www.bonjourmonde.fr ).
L’OpenSim héberge notamment de nouveaux mondes virtuels francophones, tels (malgré leurs noms anglophones) Francogrid ou NewWorld, sur lesquels je suis également présent, attentif à y détecter et à y promouvoir toutes initiatives en liens avec les livres et la lecture.
 
La redéfinition du contrat de lecture (contrat implicite entre les professionnels du livre et les lecteurs, et sur lequel se fonde le rapport singulier que nous entretenons tous, plus ou moins, avec les livres), redéfinition induite par le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, passe, je pense, par l’exploration de ces nouveaux territoires digitaux.
  
(Illustrations : une fresque de Pompéi, puis, mon avatar en exploration livresque dans le Métavers ;-)

lundi 13 juin 2011

Mieux comprendre la collection CLN "Comprendre le Livre Numérique"

La collection "Comprendre le Livre Numérique" est née de la volonté de l'éditeur Jean-François Gayrard.
 
Cette collection  a pour ambition d'éclairer les enjeux et les perspectives du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique.
Lorsqu'en décembre 2010 Jean-François Gayrard m'a contacté pour me proposer la direction de cette collection et me demander d'en rédiger en quelques semaines le premier opus : j'ai accepté. Aussitôt.
J'ai accepté d'abord pour le challenge de participer à une édition nativement numérique, pour sortir de la théorie et tester concrètement, comme auteur, l’expérience d’une première édition qui ne soit pas en version imprimée. Ensuite, car l'idée d'une telle collection était (et est toujours) très pertinente : tant les lecteurs que les acteurs de l'interprofession du livre, ont besoin d'informations, de points de vue multiples et de débats, sur les grands enjeux et les perspectives du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique.
     
Les premiers pas d'une collection
  
Les débuts furent difficiles.
Quelques auteurs nous ont fait faux bond. D'autres, pressentis et sollicités, qui seraient sans doute les meilleurs pour aborder certains thèmes, n'ont pas voulu nous suivre.
Soit que leurs activités ne leur laissaient pas la possibilité d'écrire un livre, soit qu'ils n'aient pas voulu prendre le risque de s'exprimer sur des thèmes à la fois d'actualité et sensibles, abordant souvent des secteurs en pleine mutation et sur le devenir desquels nous avons peu de visibilité. Je suis bien placé pour le savoir et pour juger des railleries et des médisances que la prise de ce risque entraine.
 
Vaille que vaille, trois premiers titres sont parus en six mois d'existence, et témoignent de notre volonté commune, à Jean-François Gayrard et son équipe et à moi-même, de mener à bien cette aventure.
 
Le plus récent : "Manuel scolaires et albums augmentés : enjeux et perspectives pour une pédagogie du 21e siècle" de Michèle Drechsler...
 
Auparavant : "Etats des lieux de la BD numérique, enjeux et perspectives" par Sébastien Naeco, du blog reconnu Le comptoir de la BD...
 
Mon propre titre également, sur les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution : "De la bibliothèque à la biblosphère", préfacé par François Bon...
Signalons également le titre hors collection de Thierry Crouzet : "L'édition interdite"...
   
Même si j'ai été agréablement surpris par les ventes, il faut reconnaitre qu'il n'y a pas encore pour l'instant véritablement de marché pour le livre numérique francophone, surtout lorsqu'il s'agit d'ouvrages qui pourraient être imprimés. Cela tient principalement, selon moi, à l'absence sur le marché de dispositifs de lecture, à la fois performants, ergonomiques et à des prix abordables.
Car pour le reste, les livres de cette collection sont, d'une part, disponibles aux formats ePub et PDF, et sur toutes les principales plateformes (Immateriel.fr et ePagine.fr, ainsi que de nombreuses librairies partenaires, mais également sur l'iBookstore d'Apple et le Kindle Store d'Amazon), et également via la page Facebook de la collection, et sur la librairie en ligne de l'éditeur de la collection : NumérikLivres, et ce, d'autre part, sans DRM et au prix abordable de 03,99€, abordable et juste si l'on considère le travail de recherche et d'écriture que demande ce type d'essais grand public (je parle en connaissance de cause !) et le travail de formatage de l'éditeur et de son équipe (notamment de Gwen Catala, merci à lui !).
   
Les perspectives d'une collection
 
Parmi nos prochains sujets et nos prochains auteurs : Des opportunités et des arnaques de l'autoédition à l'heure du numérique, par Paul Leroy-Beaulieu ; nos enfants face aux livres numériques, par Laure Deschamps (du site La souris grise) ; puis également des titres sur le devenir de la librairie, le marketing de l'édition numérique, les DRM et le piratage...
Nous recherchons des auteurs susceptibles de traiter les thèmes de : la lecture sociale ; les nouveaux dispositifs de lecture et les nouvelles technologies d'affichage... (Contactez-moi ;-)
 
Par ailleurs le blog dédié à la Collection Comprendre le Livre Numérique devrait prochainement centrer davantage sa ligne éditoriale sur les thématiques de la collection, le suivi de ses titres et de leurs auteurs.
Un partenariat est envisagé avec la collection Numéric'Air des éditions Morey de Florence Dell'Aiera, partenariat qui devrait développer pour certains titres la synergie édition numérique / édition imprimée à laquelle je crois.
Mais cette collection ne se développera que si ses lecteurs la font vivre.
Vous êtes des milliers chaque mois à consulter le présent blog, et à la date du 12 juin 2011 les communautés liées au livre et à l’édition que j'anime, dénombrent : pour le groupe "Prospective du livre et de l’édition" sur Facebook 405 membres (+1976 contacts directs), pour le "Hub Devenir de l’édition" sur Viadeo 626 membres (+282 contacts directs), et, pour le groupe auquel je participe : "Nouvelles tendances dans l’édition, le marché du livre, de la presse et des médias au 21e siècle" sur Linked in, 687 membres (+115 contacts directs).
Si derrière ces chiffres il n'y a pas que des robots ou des végétaux, mais bel et bien des femmes et des hommes pensants, conscients et concernés, au moins curieux des enjeux, des opportunités et des risques du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, alors cette collection Comprendre le Livre Numérique va se développer et remplir sa mission d'information. C'est à vous de choisir !

N.B. "post archive" : je ne suis plus directeur de cette collection depuis le 1er janvier 2012.
  

dimanche 12 juin 2011

Des lecteurs de terrain plus proches de Richard Stallman que d'Amazon et d'Apple

Le philosophe, par André Marin de Barros
Intéressante expérience hier samedi 11 juin, où j'ai eu l'occasion d'intervenir sur le thème : "Les évolutions du livre et de la lecture au 21e siècle. Enjeux et perspectives...", pour une conférence publique devant les usagers du réseau de médiathèques de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines.
  
Liberté d'esprit et contrat de lecture
 
Un auditoire peu nombreux (sans doute en partie à cause du week-end de la Pentecôte), mais très partagé, concerné et réactif.
Des adeptes déjà convaincus des tablettes e-paper, d'autres plus méfiants, d'autres plus crédules, mais tous soucieux de l'avenir du livre et de la lecture, et en demande d'informations.

Le point le plus important à mon avis, qui ressort de cette rencontre, est qu'il faudrait absolument, partout en France (et partout ailleurs), multiplier de tels débats avec le "grand public" des lectrices et des lecteurs.
Autant que les personnels, les usagers des bibliothèques et des médiathèques sont déboussolés face au passage de l'édition imprimée à l'édition numérique et sont en demande, d'informations soit, mais aussi et surtout d'échanges, de discussions, de débats dans lesquels ils puissent s'exprimer et faire valoir leurs expériences et leurs souhaits. Et cela est légitime !
Que peut-il ressortir sinon de cette enrichissante rencontre, à la limite parfois de la confrontation, et qui a eu le grand mérite de brasser les interrogations et les points de vue ?
Le point essentiel, selon moi, et que j'ai très fortement ressenti, est que lectrices et lecteurs sont très conscients et très soucieux, d'une part, de leur liberté d'esprit, d'autre part, des risques, avec l'édition numérique, de rupture du contrat de lecture (ce contrat implicite entre les professionnels du livre et les lecteurs et sur lequel se fonde le rapport singulier que nous entretenons tous, plus ou moins, avec les livres). 
Ils sont bien conscients de l'obsolescence programmée des nouveaux dispositifs de lecture et de leur faible affordance.
  
De la liberté des lectrices et des lecteurs
  
L'Homme Livre, par Arcimboldo
Même s'il n'en a pas été directement question hier, et même si beaucoup devaient ignorer ces deux textes, je pense que toutes et tous adhéraient spontanément et sans réserves, tant à la récente mise au point de Richard Stallman : The Danger of E-books, qu'au texte : "Les [dix] droits imprescriptibles du lecteur", droits formulés en 1992 par Daniel Pennac dans son essai "Comme un roman", paru aux éditions Gallimard.
  
Par ailleurs consommateurs de plus en plus avertis, et par nécessité de plus en plus vigilants sur leurs dépenses culturelles ou de loisirs, les lecteurs ne sont pas dupes des stratégies commerciales d'Amazon avec son Kindle, ou d'Apple avec son iPad. 
Par manque d'information sans doute, ils "jettent le bébé avec l'eau du bain", repoussant les ebooks au lieu de s'opposer aux DRM.
Légitimement, l'idée de fichiers chronodégradables passe mal.
Alors que la lecture est une activité solitaire et qui isole, beaucoup de lecteurs semblent craindre davantage cet isolement avec les livres numériques, et ainsi ne semblent pas sensibles aux dimensions sociales de la lecture que les technologies de la communication rendraient possibles. Ils sont persuadés que Facebook et Twitter peuvent faciliter des révolutions (comment ont-ils fait en 1789 ?), ou engendrer des apéritifs géants, mais pas faire se rencontrer des lecteurs !
       
Des publics comme celui d'hier n'ont pas encore eu la possibilité de connaitre mes travaux, considérant que j'ai encore peu publié, et que les médias traditionnels ne s'intéressent pas encore à la prospective du livre et de l'édition.
Nonobstant, de telles rencontres confirment bien mon intuition à partir de laquelle s'élance la perspective transhistorique de cette nouvelle discipline, à savoir : la nécessité d'une approche humaniste du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique ; nécessité d'une réflexion collective au niveau, non pas des problématiques et des enjeux technologiques et marchands, mais, au niveau des femmes et des hommes, des auteurs, des lecteurs, de tous les professionnels du livre et de l'édition, tous, que ces derniers (livre et édition) soient imprimés ou numériques. Une réflexion au niveau des usages et des pratiques et pas seulement des comportements d'achat.
Considérant, d'une part, le travail de désinformation des différents lobbies de part et d'autre et le manque d'information des lecteurs, et, d'autre part, le carcan paralysant des contraintes législatives et économiques à des niveaux transnationaux, il se pourrait bien que la période des e-incunables (1971-20??) soit (bien) plus longue que celle des incunables (1450-1501), d'autant plus que nous ne changeons pas seulement de procédé de reproduction, mais, aussi, de supports et d'interfaces de lecture.
Le plus grand danger serait, je pense, de considérer les défis et les enjeux du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique comme un champ clos, en n'y voyant qu'une possible redistribution des cartes et que de possibles perspectives financières.
Il nous faut aujourd'hui concevoir la quatrième révolution du livre par rapport au bruit de fond d'une nouvelle société en gestation.