samedi 30 novembre 2013

Deux nouveaux acteurs : le GLN et le Collectif Kenji

Je profite de l'occasion de la mise à jour de la liste des éditeurs "pure-players" francophones (155 acteurs en ce 30 novembre 2013) gratuitement accessible en suivant ce lien..., pour signaler et saluer la récente création de deux nouveaux regroupements professionnels : 
- Le GLN, Groupement pour le développement de la Lecture Numérique, qui "a pour objectif de fédérer l'ensemble des acteurs qui travaillent à la promotion et au développement de la lecture numérique", et,
- Le Collectif Kenji, collectif des éditeurs numériques jeunesse indépendants, qui se donne pour missions le développement et la promotion d'une édition numérique jeunesse de qualité, en partenariat avec les bibliothèques, les écoles et les institutions concernées...
Deux intéressantes initiatives à suivre...

dimanche 24 novembre 2013

Le projet Bibliosphère membre du Collectif i3Dim

Mon projet Bibliosphère est maintenant partenaire du Collectif l'i3Dim, l'incubateur 3D immersive d'expérimentation d'un modèle de fonctionnement pour l'utilisation mutualisée du logiciel libre OpenSimulator, à des fins d'applications innovantes dans les domaines de la culture, de la création, de l'éducation et de la formation.

Découvrez le blog et l'univers 3D du collectif...
Pour rappel, le projet Bibliosphère a pour ambition de recréer de la médiation humaine au coeur des bibliothèques numériques. Je suis à la disposition de toutes structures pour des informations, des conférences ou des formations sur la 3D immersive et ce qu'elle peut apporter au monde du livre.
 
Conférence en duplex,
Web 3D <=> Cantine numérique - Bibliothèque Les Champs Libres,
Rennes - 16 janvier 2013
 


dimanche 17 novembre 2013

La lecture numérique n'existe pas !

L'espèce de synecdoque "lecture numérique", par son inexactitude grossière, nous empêche de prendre la véritable mesure de ce qui est à l'oeuvre dans le paratexte de notre histoire d'animal-lecteur. Parlons-nous de "lecture imprimée" ? Non.
A proprement parler, à proprement penser, la lecture numérique n'existe pas réellement. Il y a seulement des lectures possibles sur des appareils informatiques. Des limites et des spécificités de ce type de lectures le Living Lab LUTIN (Laboratoire des Usages en Technologies d'Information Numérique, dirigé par Charles Tijus et Thierry Baccino) s'occupe.
  
Du paradoxal non-lieu du langage
  
Il n'y a pas non plus véritablement , pour moi, de lecture sur écran. Les mots ne sont pas sur les écrans. Ils ne sont pas imprimés dessus.
Sont-ils derrière l'écran ? Non plus. Ils sont dans un non-lieu hautement paradoxal : à la fois une utopie, un véritable "sans lieu", et, une décision de "laisser filer", de ne pas continuer les poursuites, ce qui "saute aux yeux" comme contradictoire avec la pratique hypertextuelle, mais désignerait ainsi peut-être son caractère illusoire et proprement labyrinthique.
Si l'on démonte une "machine à lire" il n'y a pas de mots à l'intérieur. Où sont les mots ?
Un microscope électronique pourrait-il nous renvoyer les images de traces des lettres inscrites sur quelques disques ? Probablement pas. Peut-être seulement un rayonnement, comme si nous atteignions là d'autres confins inconnaissables par l'homme. 
Ce que j'écris là n'est pas un plaidoyer pour l'imprimé. Au contraire. L'écriture et l'imprimerie ne sont-il pas des formes de taxidermie du langage (nous pourrions relire sous cet angle de vue le roman de Michel Jullien, Esquisse d'un pendu, sur le travail du copiste Raoulet d'Orléans).
Et puis tout ce que nous appelions "livre" jusqu'à ce jour était-ce toujours vraiment des livres, n'y avait-il pas des films écrits, des souvenirs figés ou des bases de données imprimées ? Des masses gelées par l'encre ? comme les paroles gelées dans le Quart-Livre de Rabelais, ou "Comment en haulte mer Pantagruel ouyt diverses parolles degelées", allégorie, peut-être, de l'expansion de l'imprimerie à l'époque de Rabelais précisément.
  
Relire sous La pluie d'été...
 
Ce que je dis moi, je ne dis rien, je délivre simplement ma lecture. Les dispositifs de lecture du 21e siècle seront, peut-être, des feuilles de graphène. Alors qualifier la lecture par ses dispositifs est vraiment regrettable.
Comment lisions-nous, lisons-nous, lirons-nous ? Je parle, moi, de la lecture naturelle et de la lecture littéraire.
Comment, par exemple, Ernesto, qui "était censé ne pas savoir encore lire à ce moment-là de sa vie", précise Marguerite Duras (La pluie d'été, 1990, P.O.L. Editeur), lisait-il ?
"Au début il disait qu'il avait essayé de la façon suivante : il avait donné à tel dessin de mot, tout à fait arbitrairement, un premier sens. Puis au deuxième mot qui avait suivi, il avait donné un autre sens, mais en raison du premier sens supposé au premier mot, et cela jusqu'à ce que la phrase tout entière veuille dire quelque chose de sensé. Ainsi avait-il compris que la lecture c'était une espèce de déroulement continu dans son propre corps d'une histoire par soi inventée." ; et ainsi Marguerite Duras peut-elle éclairer la voie de la prospective du livre et de la lecture, et ses méthodes parfois excentrées et excentriques par rapport aux autres champs de la prospective. Merci.
 

lundi 11 novembre 2013

Le séminaire cultures savoirs et techniques numériques

J'ai le plaisir de participer au Séminaire cultures savoirs et techniques numériques, co-organisé par Florian Forestier et Thibaud Zuppinger avec la revue Implications Philosophiques, et qui se déroule à raison d'une séance mensuelle dans le cadre de l'université Paris 8, d'octobre 2013 à mai 2014.
En filigrane sont abordées, tout au long du séminaire - et plus particulièrement au cours de sa deuxième séance de ce samedi 16 novembre, les problématiques du "livre numérique" ("Le livre numérique, entre contraintes économiques et poids des représentations. Symbole occidental du savoir, le livre est bien plus qu’un objet fonctionnel. Chargé d’un poids de représentations, le livre est un témoin particulièrement significatif des bouleversements opérés dans les mentalités par le numérique. En cherchant à cerner les points de frictions et les lieux de cristallisations du débat, nous nous efforcerons de comprendre les attachements, les représentations et les métaphores qui accompagnent les évolutions économiques et techniques du livre. Les mutations engendrées par les nouvelles technologies ont profondément touché les modèles de création, de diffusion et de vente du savoir, dont le circuit du livre était le principal représentant. Si le secteur économique du livre est en crise, proclamer sa mort est plus que prématuré. Au cours de cette séance il s'agira d'enquêter sur les ressources et les potentialités qu'offrent le livre numérique. Pris entre la problématique de son poids symbolique dans la société et les contraintes économiques de sa fabrication et de sa diffusion, face à des alternatives faisant le pari du gratuit, de gré ou de force (piratage) le livre numérique représente une réponse adaptative à un paysage particulièrement complexe.").
Vous pouvez suivre l'actualité de ce séminaire ou contacter ses organisateurs sur le portail d'Hypothèses.org.
 

samedi 9 novembre 2013

Nous passons à une ère nouvelle

Au commencement l’espèce humaine immergée dans un univers indéfini où rien n’avait de nom se comporta spontanément comme toutes formes de vie. Instinctivement, pour déchiffrer son environnement, elle adopta un point de vue concentrique : anthropocentrique, ethnocentrique, égocentrique.
Les êtres humains perçoivent naturellement le monde qui les entoure comme s’ils en étaient chacun le centre, mais aussi à leur échelle réduite et en fonction de leur équipement neurosensoriel les limitant à la perception d’une bande spectrale réduite. Les avancées récentes des neurosciences, notamment les neurosciences de l’esthétique, ou bien s’intéressant à la lecture (je pense aux travaux de Stanislas Dehaene) ouvrent aujourd’hui de nouvelles pistes à explorer. Mais prenons garde cependant que certaines sciences ne s’érigent en religions nouvelles.
Plus largement, affirmons, face aux idolâtres des technologies numériques, que dans le transhumanisme la transgression doit rester au service de l’humain. A l’origine du livre il y a le lecteur. (Or apparaissent maintenant des dispositifs de lecture qui peuvent lire les lecteurs, établir leur profil, “tracer” (sic) et baliser leurs parcours de lectures, anticiper leurs attentes et conditionner leurs choix de textes.)
 
Le souffle d’un changement d’ère
 
Si la lecture est, je l’ai déjà dit souvent, l’activité première de tout organisme vivant qui doit décoder et documenter son milieu naturel pour y survivre, le livre est une invention humaine.
D’une part, puisant aux sources des mythes de la création il acquiert ainsi une sacralité universelle. Tabernacles du code actif de la langue, les livres renferment la puissance structurante et agissante du Verbe, alors que le firmament fut probablement la première écriture que nos ancêtres cherchèrent à déchiffrer. (C’est le rapport entre cet infini du roman universel et ce fini des livres, qui en condensent des récits fragmentaires, qui est aujourd’hui en tension, et il nous faudrait donc réfléchir l’au-delà bien au-delà des enjeux conjoncturels d’un simple passage de l’édition imprimée à une édition dite, simplement, “numérique”.)
Sur toute la surface de la Terre les premiers lecteurs furent apparemment des devins, tant en Mésopotamie (au minimum durant l’époque paléo-babylonienne), qu’en Chine (je pense ici aux travaux et au récent ouvrage du sinologue Léon Vandermeersch, Les deux raisons de la pensée chinoise). Pour les trois monothéismes abrahamiques les Livres, que sont respectivement la Torah, la Bible, et le Coran, sont des mémoriaux de notre transhumance, et tant en Méso-Amérique de civilisation précolombienne, qu’en Afrique de l’Ouest les chemins qui menèrent de la bibliographie naturelle aux écritures humaines semblent parallèles : la Parole ensemence, l’écrit cultive.
Par leur étymologie la page est un vignoble rectangulaire, la lecture s’apparente à une cueillette et le texte à un tissu. L’écrit et ses supports s’imposent ainsi à l’origine comme les principaux vecteurs d’élévation spirituelle de l’espèce humaine.
D’autre part, les dispositifs de lecture, dans leurs dimensions matérielles, ont été cependant logiquement conçus à notre (petite) échelle. Les premiers “manuels” (sic) d’architecture adoptèrent le corps humain comme référence pour les unités de mesures architecturales. Le Parthénon aurait été l’un des premiers édifices à illustrer ce rapport. La Pierre de Salamine, gravée de pieds, de bras et de mains est une table de conversion des différentes mesures en usage à l’époque pour que les ouvriers de cités différentes puissent œuvrer en commun sur un même chantier. Et aujourd’hui encore c’est en pouces que nous mesurons la taille des écrans. Au 1er siècle av. EC l’architecte romain Vitruve théorisa ce rapport, immortalisé en 1492 par Léonard de Vinci avec son dessin de l’homme vitruvien : un corps humain idéalisé inscrit, comme une étoile, dans un cercle et un carré. Les alphabets anthropomorphes de certains abécédaires, tel celui de l’italien Paulini au 16e siècle, expriment cette même résonance entre corps humain, architecture et écriture, liens dont les sources de témoignages abondent au fil des siècles (Traité des proportions du corps humain d’Albrecht Dürer en 1525, L’Art et science de la proportion des lettres, de Geoffroy Tory en 1529…).
Les tablettes sumériennes d’argile rouge, à l’articulation symbolique des versants spirituel et matériel du livre, étaient ainsi façonnées pour tenir dans la paume d’une main humaine ouverte. (Rien là que de naturel.) Il faut desserrer les poings, il faut laisser tomber l’arme ou l’outil, pour lire. (Je pense ici à l’essai de Simone Weil, L’Iliade ou le poème de la force, où la philosophe s’appuie en 1939 sur le langage comme levier pour décrire et décrier l’usage de la force.)
Les dispositifs de lecture s’expriment ainsi entre projections et externalisations du corps des lecteurs. Les bulles-enveloppes d’argile (vers 3200 av. EC) étaient des externalisations de notre cavité buccale renfermant les mots avant qu’ils ne deviennent paroles, tout comme les premières pièces de monnaie en forme d’amandes étaient des projections de l’œil (je me réfère pour ces deux exemples aux travaux de Clarisse Herrenschmidt de l’Institut d’anthropologie sociale du Collège de France, et plus particulièrement à son essai : Les trois écritures - Langue, nombre, code). L’argile et le parchemin sont clairement des substituts de notre peau. Pour Michel Serres les ordinateurs pourraient être considérés comme des externalisations de notre cerveau, les circuits intégrés comme des externalisations de notre mémoire, et les algorithmes externaliseraient nos fonctions mentales...
 
Entre ce « d’une part » les livres tabernacles du code actif, et ce « d’autre part » les livres à échelle humaine, se joue ce qui se joue à l’heure actuelle en termes de mutations des dispositifs et des pratiques de lecture.
Aujourd’hui les tablettes de plastique, de verre et de composants électroniques rebattent les cartes, mais les esprits libres et sensibles peuvent toujours (j’espère), dans cette métamorphose du livre comme miroir, percevoir le rayonnement fossile venu des âges mythologiques comme un continuum de conscience qui traverse l’ordre du vivant. Nous pouvons y voir de nouvelles fenêtres (des “fait naître”) à ouvrir. Même si le présent en ce domaine ne se ramènerait qu’à un seul acte : celui de dé-corréler les textes et les images de leurs supports d’affichage. (Car cela arriverait pour la première fois ?)
Le livre-codex nous apparaît comme une machine simple (comme la roue, la poulie, le levier…) mais est-il encore adapté aux textes et aux images qu’il doit maintenant nous donner à réfléchir ?
(Quoi qu’il en soit les réflexions ci-dessus doivent je pense nous inviter à envisager la lecture littéraire comme une pratique émancipatrice de notre condition humaine, et nous inciter à nous considérer davantage comme des transmetteurs que comme des novateurs.)
 
Conservation, conversion, conversation
 
Face à cet événement majeur : la nouvelle métamorphose des dispositifs et des pratiques d’écriture et de lecture, laquelle — et cela est bien compréhensible, nous éblouit tous et aveugle les professionnels qui font commerce du livre (imprimé ou numérique), comment expliquer que l’on cherche à localiser ailleurs le changement d’ère que nous serions de plus en plus nombreux à pressentir ?
 
Le terme d’anthropocène est aujourd’hui de plus en plus souvent celui qui s’impose pour marquer une nouvelle ère, qui aurait débutée avec la révolution industrielle, et ferait ainsi bien convenablement écho à la doxa d’une influence prédominante, et forcément négative, de l'homme sur les équilibres de l’écosystème terrestre, en particulier climatique.
J’ai, pour ma part, ceci à dire : un courant de pensée, parmi d’autres certainement, traverse depuis quelques années déjà les fourmilières et certaines fourmis pensent mordicus que leurs congénères sont responsables des déplacements des plaques tectoniques et de la fréquence des tremblements de terre. Certes ! Ces fourmis là ne sont pas sérieuses, elles sont simplement trop “myrmécocentriques”. Mais nous pouvons les comprendre car, parmi les hommes, certains pensent comme elles. Certains d’entre nous — même en sachant que de grandes civilisations du passé, qui ne disposaient pas de nos technologies et dont l’empreinte écologique ne pouvait être qu’insignifiante, ont nonobstant été balayées par des catastrophes naturelles, certains, comme mes amies les fourmis, restent cependant persuadés que l’homme contemporain serait à l’origine des changements climatiques.
En se crispant sur la conservation de l’ancien monde, au lieu d’œuvrer à sa conversion, certains limitent dangereusement les possibilités de conversation de l’espèce humaine avec le rayonnement fossile que j’évoquais plus haut, ce qui aujourd’hui encore dans la simple lecture littéraire d’un grand roman… nous éclaire malgré tout.
 
Vivons-nous la fin de « l’âge des pages de variétés » ?
  
Je pense que l’ère à laquelle nous passerions ne peut pas être ainsi baptisée d’anthropocène, car, plus surement, il s’agirait, je crois, du bibliocène.
A la lecture du roman d’Hermann Hesse, romancier allemand Nobel de littérature 1946, Le jeu des perles de verre, dont l’action se déroule après “l’âge des pages de variétés” (dont la description est celle de notre 20e siècle), nous ressentons je pense la portée de ma précédente proposition d’une possible conversation, par le biais de la lecture littéraire de grands romans, avec le rayonnement fossile qui remonterait à nous depuis les origines de l’écriture.
 
Bien qu’il n’y ait à ma connaissance aucune preuve de l’appartenance d’Hermann Hesse à un quelconque mouvement maçonnique l’on pourrait percevoir dans ce Jeu des perles de verre des harmoniques avec l’Art royal. Pour ma part je pense qu’il s’agissait plutôt dans l’esprit de l’auteur de nous entretenir, par l’exemple, de l’Art du roman. Plusieurs indices m’incitent à cette interprétation. En particulier le fait que le premier Magister Ludi (Maître du Jeu), le personnage de Thomas de La Trave, ne serait autre que Thomas Mann, romancier allemand Nobel de littérature 1929. Cela pourrait en outre signifier, si nous considérons Le jeu des perles de verre comme un roman d’anticipation, que la constitution d’une telle fraternité idéalisée resterait à venir.
Le roman, dont le surgeon moderne est le Don Quichotte, roman de la négation du réel pour le philosophe Michel Onfray, mais je dirais pour ma part : roman des substitutions, le roman serait peut-être, et les nouveaux contextes et médiations numériques de la lecture littéraire nous en apporteront peut-être des preuves au cours des décennies à venir, l’Art des arts.
C’est ainsi que Pierre Ménard est pour moi tout autant que Cervantès l’auteur du Don Quichotte, en ce sens qu’il en a eu la ferme intention et que celle-ci le rend pour moi aussi réel que Cervantès (ou que Borges, car je fais évidemment référence ici à la nouvelle de Jorge Luis Borges : Pierre Ménard, auteur du Quichotte).
 
A la fois cathédrale et symphonie de lettres, architecture imaginaire dont les mots sont les pierres et la musique, le roman est une fabuleuse équation fractale qui se projette à tous les étages de la géométrie du vivant, sur tous les plans sensibles, impressionnables.
Comme le pensait Jorge Luis Borges, que je reconnais, humblement et respectueusement, comme précurseur de ma propre invention de la “prospective du livre et de la lecture” : « Personne ne peut savoir si le monde est fantastique ou réel, et non plus s'il existe une différence entre rêver et vivre. » (ou entre lire et vivre).
Bienvenue dans le bibliocène, scène universelle du Livre.
 

lundi 28 octobre 2013

Portraits en lecteur frustré par les "liseuses"





Auteur en 2007 de l'ouvrage Gutenberg 2.0, le futur du livre (M21 éd.) j'ai craqué et j'ai vidé mon sac à l'occasion d'une Tribune libre sur IDBOOX. Je dis pourquoi les "liseuses" me déçoivent, pourquoi, en tant que lecteur, je me sens fortement frustré par ces prétendues "machines à lire"...
 

dimanche 13 octobre 2013

Portrait du personnage de prospectiviste du livre en astrologue

L’engagement prospectif au cœur du contemporain unit la prospection, la recherche, l'exploration, au tracé de perspectives, de droites, c’est une démarche qui trace ses propres voies et doit pouvoir se retourner lorsqu’elle fait fausse route.
Les prospectivistes ont cependant des portulans et des compas. Ces outils de navigation ne doivent pas être utilisés par eux pour suivre les voies tracées, ni celles indiquées par les boussoles. Demain est terra incognita.
Pour s’orienter il leur faut repérer dans les cartes les signaux faibles, les tendances, les phénomènes, et surtout les distinguer les uns des autres.
Les signaux faibles sont des informations indécises mais significatives, fragmentaires ou éphémères, voire simplement déduites, supputées par le navigateur, car répétées ou bien convergentes avec d’autres, comme, par exemple, le glissement de sens d'un mot. Quand un mot glisse cela est rarement sans incidence.
Les signaux faibles peuvent parfois se transformer en mirages. (Je pense que la fusion livre-site web est peut-être un mirage, surtout si on la considère par rapport aux évolutions prévisibles du web…)
Les tendances sont, elles, clairement avérées. Elles ont une certaine probabilité de poursuivre leur développement et de s'imposer à plus ou moins court terme, comme, par exemple, un nouveau modèle économique qui pourrait pour un certain temps réguler le marché et faire l’affaire de ses principaux acteurs.
Les phénomènes conjoncturels sont eux massifs comme des icebergs, imposants, mais ils fondent comme neige au soleil. Ils ne sont liés qu’à des effets de mode passagers, à des stratégies industrielles ou marketing, au travail des lobbies et de l’ingénierie sociale. Ils sont souvent renforcés par des "prophéties autoréalisatrices" véhiculées par les médias de masse.
Dans l’univers de l’écriture et de la lecture un prospectiviste aventureux peut découvrir de nouveaux territoires à explorer à condition, je pense, d’introduire dans la géométrie de sa recherche deux dimensions supplémentaires : l’une transhistorique, l’autre intuitive.
Pour ma part voici les signaux faibles, les tendances et les phénomènes conjoncturels que je distingue, à ce jour du 13 octobre de l’an 2013 de l’ère commune, sur mon portulan :
 
Signaux faibles
— La formation d'un lectorat conscient de lui-même en tant que corps social et générant en son sein des stratégies d’accès et d’usages à ce qu’il souhaite lire et aux conditions de ces lectures…
— Le développement de nouvelles formes littéraires à la croisée des narrations participatives transmédias et des littératures numériques…
— Le développement des neurosciences de l'esthétique qui pourrait doper le développement de recherches sur les processus de lecture…
— L’évolution technologique du papier et des encres qui pourrait conduire au développement de nouvelles interfaces de lecture…
— Versant marché du livre : un retour de la publicité dans les livres par des chemins détournés…
 
Tendances émergentes
— La multiplication de nouvelles structures éditoriales (je dénombrais 30 éditeurs “pure-players” francophones en avril 2011, j’en dénombre 152 en octobre 2013), et l’émergence du design éditorial, bien qu’il s’agisse peut-être là d’un mirage (il s’agit peut-être d’un effet “d’e-incunabilité”, l’expression d’un effort d’adaptation pour accommoder les recettes typographiques de l’imprimé aux “liseuses”, mais qui disparaitra avec la disparition de ces dispositifs de lecture et l’émergence de nouvelles formes d’œuvres littéraires)…
— La disparition de librairies (depuis un an pas une semaine sans que j’apprenne la fermeture de librairies !)…
— Des formes d’hybridation papier/numérique (on en observe de plus en plus utilisant les QR Codes, la “réalité augmentée”, la 3D)…
— Versant marché du livre : un développement des modèles basés sur le streaming (lecture connectée sans téléchargement)…
 
Phénomènes conjoncturels
— Les "liseuses" et tablettes dont l’imperfection marque le caractère transitoire…
— Les livres applicatifs (applications), auxquels je prédis le destin des livres sur Cdroms…
 
Si vous appliquez vos portulans sur le mien, qu’est-ce que cela donne, dites-moi ?