vendredi 1 juin 2018

Récit(s) dans la Revue du Cube !

Découvrez mon entretien avec Nils Aziosmanoff dans le numéro 14 de la Revue du Cube - Centre de Création Numérique, et profitez-en pour découvrir aussi les autres points de vue et fictions sur le thème crucial de : Récit(s)
 
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samedi 19 mai 2018

Quels lieux de discussions et d'information pour les droits des lecteurs ?

Dès 2013 j'ai commencé à essayer de formuler quels devraient être les principaux droits des lectrices et des lecteurs par rapport à la nouvelle donne de l'édition numérique. 
Aujourd'hui, après quelques conférences, beaucoup de veille et de réflexion sur le sujet, je propose une nouvelle version des droits des lecteurs recentrés en réaction aux dérives que nous pouvons constater.
Volontairement, ce n'est là qu'une plateforme de départ pour amorcer une prise de conscience collective, susciter les échanges et générer des initiatives.  
Je pense que ce sont les bibliothèques et les médiathèques qui sont les lieux les plus propices pour en débattre, informer les lectrices et les lecteurs, et travailler de concert avec eux à de multiples manifestations pour la connaissance et la défense de ces droits. 
Je suis à la disposition de tous pour venir en débattre.


#LesLecteursOntDesDroits
1 - Le droit de ne pas être profilés et fichés à partir de nos lectures.

2 - Le droit d’accéder librement et gratuitement au téléchargement des oeuvres littéraires du domaine public.

3 - Le droit à des dispositifs et des interfaces de lecture numérique pérennes respectant des normes d'interopérabilité et non soumis à une obsolescence programmée.

4 - Le droit d'avoir dans sa langue une information indépendante sur les évolutions de l'édition numérique et de son marché.

5 - Le droit d’être pleinement propriétaire des livres numériques achetés ou reçus en cadeaux et de pouvoir les partager librement dans un cadre privé non commercial.

6 - Le droit à l’autonomie et à la confidentialité dans le choix et l'utilisation d'applications logicielles d’annotation et de lecture partagée.

7 - Le droit à un juste prix et à un juste différentiel de prix entre version numérique et version imprimée d'un même livre.

8 - Le droit d’égalité de traitement avec les lecteurs des autres pays, notamment en termes d’offre et de traductions.

9 - Le droit à une médiation humaine notamment en librairies et en bibliothèques numériques.

10 - Le droit à la bibliodiversité et à l'excellence, sans censure marchande ou politique et dans la filiation de la tradition littéraire de la République des Lettres.

11 - Le droit à une offre de qualité convenablement numérisée et corrigée et en tous points conforme aux textes des oeuvres originales.

12 - Les mêmes droits d'accès aux oeuvres littéraires pour tous, avec le respect des droits précédents quel que soit son handicap éventuel, notamment visuel ou moteur, et sa situation sociale.

samedi 12 mai 2018

Le livre, moyen de locomotion intelligent

Quel devenir pour le livre et la lecture dans la troisième décennie du 21e siècle qui sera bientôt notre présent ? 
 
Je n'imagine pas le livre du futur comme un simple dispositif de lecture, mais plutôt comme une forme nouvelle d'interface intelligente (c'est-à-dire peut-être dotée d'intelligence artificielle ?) et en tout cas qui faciliterait l'expression de :

"la puissance démiurgique de l'imagination humaine quand elle consent à l'immersion fictionnelle
: il faut et il suffit de croire pour donner vie à un monde..."
(Anne Besson, Constellations - Des mondes fictionnels dans l'imaginaire contemporain, p. 174, CNRS éd., 2015). 

 
Le challenge pour les acteurs de l'interprofession du livre et des métiers de la narration devient alors celui de pouvoir singulariser et accompagner chaque lecteur, indépendamment de la masse anonyme du lectorat

Nous pouvons ici penser au roman de science-fiction postcyberpunk de Neal Stephenson L'Age de diamant, dans lequel un dispositif de lecture intelligent instruit, accompagne, guide et conseille ses lecteurs de l'acquisition de la lecture à leur parcours de vie. Un livre-bibliothèque à la fois précepteur et compagnon.
Mais pour l'heure ce rôle semblerait devoir être préempté par les enceintes connectées (lire par exemple : L'enceinte qui parlait à l'oreille des enfants sur Usbek & Rica). 
Est-ce une bonne chose que cette démission du livre ? 
Je ne pense pas. Prochainement l'intelligence artificielle devrait rendre possible le développement de Livres-Mentors (une tentative de ce que cela pourrait donner avait été ébauchée en 2014). 
Cela peut déjà se penser et s'expérimenter. 
Cela ne se pourra que dans une transdisciplinarité qui aux impératifs économiques pourrait conjuguer une vraie intention pédagogique et émancipatrice à l'égard des lecteurs destinataires. Dans l'absolu, un lecteur n'est, ni un simple acheteur de livres ou d'ebooks, ni un spectateur passif face à un spectacle. Lire c'est autre chose. Lire c'est autre chose que de seulement recevoir des contenus immersifs et addictifs. C'est davantage interpréter et imaginer que s’assujettir à simplement accepter, et c'est bien pourquoi la lecture de textes écrits est essentielle pour sauvegarder et développer la liberté d'esprit de notre espèce animale.
 

Si livre du futur il doit y avoir un jour, il sera la conséquence d'une révolution du lectorat. Sans cela il n'y aura pas de futur du livre. Le livre du futur ne sera d'ailleurs pas un livre, mais un moyen de locomotion. Un dispositif de mise en marche de l'esprit pour l'aider à se mouvoir dans le monde physique et entre les mondes fictionnels, et lui permettre de se déplacer dans les mondes fictionnels comme dans le monde physique, plutôt qu'un simple moyen de transport, portant l'imaginaire du lecteur d'un lieu, celui matériel dans lequel il lit, à un autre lieu, celui fictif de ce qu'il est en train de lire.
 
En l’occurrence un moyen de transport n'est pas forcément un moyen de locomotion.
 

Après presque vingt ans de veille quotidienne sur ces questions, je pense aujourd'hui que le futur du livre n'est pas strictement numérique. L'écoute de contes et de légendes immémoriaux, la lecture de romans imprimés, nous font toujours passer de l'autre côté du miroir plus efficacement que tous les gadgets électroniques actuels.  

 
Dans un environnement numérique, pour que le livre ait un futur, il faut le concevoir d'emblée lui-même comme une fiction, pas seulement comme un produit, c'est ce à quoi s'essayent timidement de nouvelles écritures narratives et le transmédia.  
Nous attendons du livre qu'il devienne un catalyseur, qu'il accélère la réaction à la lecture dans l'espace mental du lecteur, qu'il permette le jaillissement des lecteurs dans l'histoire, bien davantage que le surgissement factice et gadgétisé de l'histoire dans l'environnement quotidien de ses lecteurs. 
Les véritables lecteurs de fictions littéraires attendent des technologies du 21e siècle qu'elles les fassent passer de l'autre côté du miroir, qu'elles leur donnent accès à la puissance des fictions comme laboratoires de pensée
 
Aujourd'hui s'intéresser vraiment au futur du livre, c'est envisager comment les technologies émergentes, notamment la Grande convergence NBIC et l'intelligence artificielle pourraient, non pas nous instrumentaliser davantage, mais nous équiper pour que nous devenions de véritables lecteurs-fictionautes pratiquant la métalepse narrative comme méthode de lecture, que nous prenions conscience de ce qui est à l'œuvre derrière le code du langage.

 
Ne pas s'accrocher coûte que coûte au réel comme si nous risquions de tomber dedans, mais prendre en compte cette puissance démiurgique de l'imagination humaine que j'évoquais en introduction. 
 
Les futurs livres ne devront plus être des écrans, mais des miroirs. En 2018, si l'on veut penser le futur du livre, il faut oser rêver le livre du futur et travailler à l'émancipation des lectrices et des lecteurs ! 

 
Collaborer à l'émancipation des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires est je pense la voie royale des acteurs de l'interprofession du livre, pour pouvoir participer demain à la Nouvelle République des Lettres qui s'invente aujourd'hui.

samedi 28 avril 2018

Prospective Stratégique des Métiers de la Narration - Le Livre Blanc est disponible :-)

Le Livre Blanc sur les besoins d'une véritable prospective stratégique pour l'interprofession du livre et les métiers de la narration est gratuitement téléchargeable en suivant ce lien...
 
La clé de lecture pour bien saisir son message est : Ne regardez pas le doigt qui montre la lune, mais regardez la lune que montre le doigt...

Critiques constructives bienvenues en commentaires ou en messages privés...

vendredi 27 avril 2018

Résultats du questionnaire sur la Prospective du Livre

Le nombre de réponses à l'enquête sur les attentes liées à la Prospective du Livre et de la Lecture ayant atteint en un mois le chiffre rond de 240 participants-e-s et les réponses se raréfiant, j'ai décidé de suspendre le questionnaire et de vous présenter une synthèse des résultats.

Les participant-e-s
En introduction je précise que parmi les participant-e-s : 67% étaient des femmes et 33% des hommes (ce qui semble le reflet de l'interprofession du livre), 46% en province, 42% en Ile-de-France et 12% à l'étranger (ce qui montre le rayonnement de mon activité, notamment sur la francophonie). 30% ont déclaré avoir entre 40 et 50 ans, 21% entre 30 et 40 ans et entre 50 et 60 ans, et seulement 17% entre 20 et 30 ans et aucun de moins de 20 ans (a priori je pensais toucher principalement des étudiant-e-s des filières livre et édition qui me sollicitent souvent, mais ils n'ont de fait été que 4% des répondants). La majorité, 30% se sont en effet déclaré-e-s éditeurs ou éditrices et 21% bibliothécaires, le reste se répartissant entre libraires, auteurs, correcteurs et correctrices (ce qui me semble refléter l'engagement des acteurs de l'interprofession du livre sur les réseaux sociaux)...
50% pensent que la publication d'un Livre Blanc sur le périmètre et les applications de la prospective stratégique du livre et de la lecture leur serait utile, tandis que 42% se déclarent sans opinion sur cette question. Ces 92% là pourront bientôt se faire une idée plus précise avec le futur Livre Blanc sur la Prospective Stratégique des Métiers de la Narration actuellement en chantier.

Des réponses qui font sens 
100%, oui 100%, déclarent trouver claire et pertinente la définition que je propose de la prospective du livre et de la lecture, à savoir : L'étude de l'évolution des dispositifs et des pratiques de lecture afin de prévoir leurs différentes évolutions possibles ; et 100% encore déclarent se sentir concernés dans le cadre de leur activité professionnelle. Enfin, 100% pensent utile de faire de la veille.
Cette veille professionnelle, ils sont 78% à la souhaiter stratégique, c'est-à-dire à la fois concurrentielle et technologique, et seulement 26% à ne la vouloir que technologique, et 22% seulement sur les réseaux sociaux. Pour 71% une veille logicielle automatisée n'apparait ni suffisante ni pertinente.
87% attendraient d'une formation à la veille stratégique qu'elle leur permette d'évaluer les évolutions et d'anticiper les mutations de leur secteur d'activité, 75% de valider les possibilités de valorisation et d'innovation de leurs offres.
L'attente vis-à-vis de formations à l'élaboration de scénarios prospectifs est plus mitigée. 54% pensent cependant que cela leur serait utile, 58% en attendraient davantage d'autonomie pour piloter à l'avenir leur projet de développement, et 50% souhaiteraient acquérir les bases de la prospective stratégique.

Des attentes clairement exprimées
- A la question de savoir ce qui devrait d'abord concerner la prospective du livre et de la lecture, 75% répondent l'édition numérique, puis à égalité, 58% (plusieurs réponses étaient possibles) l'édition imprimée, et, les nouveaux médias ! Comme les autres options, telles la réalité virtuelle, la réalité augmentée, les jeux vidéos ou les arts numériques n’obtiennent que très peu de suffrages, qu'en conclure, sinon que le livre reste un concept homogène dans l'esprit de ses concepteurs (ce qui est peut-être une bonne chose).
- A la question, à quoi pour vous la prospective du livre et de la lecture devrait-elle principalement s'intéresser, une grande majorité (75%) opte pour : "Les nouvelles formes de diffusion et de commercialisation", suivi de près (71%) par : "Les nouvelles formes de médiation du livre", puis "Les nouvelles formes de communication et de prescription", "L'évolution des lectorats". Là aussi les acteurs de l'interprofession du livre restent concentrés sur le développement de leur activité et pragmatiques dans leurs attentes.
Qu'en pensez-vous ? Si vous n'avez pas répondu au questionnaire initial vous pouvez toujours réagir ici en commentaires...

samedi 21 avril 2018

Le Futur du Livre est entre les mains des Lectrices et des Lecteurs !

Les lectrices et les lecteurs ont des droits.
Sans faire de bruit, ils les revendiquent à leurs manières, soit par de la résistance passive, que ce soit au tout-informatique ou bien aux politiques commerciales des éditeurs, soit en contournant le marché du livre pour tout simplement lire gratuitement.
  
Ce qui était il y a peu encore un signal faible, dont j'avais invité l'interprofession du livre à prendre conscience et à anticiper les conséquences dès 2013 en définissant 14 droits légitimes que les lectrices et les lecteurs allaient inévitablement de plus en plus revendiquer, ce qui était alors un signal faible est en train de devenir une véritable tendance.
 
Je n'évoque pas plus le piratage que le vol à l'étalage de livres, pratiques illégales, même si nous pourrions probablement en trouver traces notamment dans le passé de nombre de nos plus grands auteurs, voire de beaucoup d'entre nous, comme une stratégie de survie pour pouvoir lire malgré la cherté des livres. Non, j'évoque simplement le bon vieux système D, la débrouille : la prescription et la médiation par les pairs via les blogs et une véritable galaxie de groupes et de communautés sur les multiples réseaux sociaux, l'accès libre et légal aux oeuvres du domaine public, les solutions inattendues de prêts, de bibliothèques sauvages, de ventes et de reventes d'occasions, de dons, d'autopublications, etc.
Mais ce phénomène est en train de passer à un autre plan avec le développement de pratiques qui, s'exprimant simplement au niveau humain des lectrices et des lecteurs échappent en fait complètement aux radars sociaux et institutionnels classiques.
  
 Une Nouvelle République des Lettres
  
C'est une nouvelle République des Lettres qui émerge du cyberespace, sans lui être limitée, et en accueillant de plein droit comme membres à part entière les lectrices et les lecteurs.
Je crois que dès à présent seuls les lectrices et les lecteurs sont en capacité d'en percevoir les limites et de s'y glisser intuitivement. 
Ce que le numérique leur apporte n'est pas tant au niveau de nouvelles interfaces de lecture, d'un remplacement du marché de l'imprimé ou autres balivernes, ce qu'il apporte, outre au niveau de la rédaction, de la fabrication et de la diffusion, est en fait au niveau de nouvelles possibilités d'émancipation par rapport aux régulations des pouvoirs de l'écrit.
Je ne peux que prendre acte de convergences fortes entre mon travail de veille et les constatations de mes observations quotidiennes. 
Mes travaux portent de plus en plus sur la recherche des conditions qui seraient nécessaires au déclenchement d'un processus d'autonomisation des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires. Il y a des raisons à cela !
L'ensemble des acteurs de l'interprofession du livre, imprimé ou numérique, et plus largement l'ensemble des professionnels de la narration, ont tout à gagner à prendre ces dimensions en compte, et beaucoup à perdre s'ils ne voient dans les lectrices et les lecteurs que de simples clients consommateurs plus ou moins passifs de contenus, simplement attirés par le divertissement, l'immersion et l'addiction. 
L'humain, et surtout l'humain qui aime lire, ne se réduit pas à cela. 
Ce n'est qu'en se proposant eux-mêmes comme citoyens de la Nouvelle République des Lettres que les professionnels du livre et de la narration sauveront leurs têtes !