dimanche 7 avril 2019

La Lecture plus loin que la Lecture

Lever l'encre, laisser flotter le texte cassé par la réfraction de son propre reflet sur la page : voilà l'agonie du réel à la surface de sa propre image.
 

vendredi 5 avril 2019

371 Bibliothécaires face au futur...

Les 200 bibliothécaires qui avaient laissé leur adresse mail parmi les 371 à avoir répondu en début d'année à la consultation LE FUTUR DES BIBLIOTHEQUES VU PAR LES BIBLIOTHECAIRES ont reçu aujourd'hui le document de synthèse présentant les principaux résultats, dégageant les principales perspectives, et posant aussi les premières questions essentielles qui émergent de cette enquête indépendante menée en janvier et février 2019.

Resultats de la consultation Le Futur des Bibliotheques vu par les Bibliothecaires...

Si vous aussi souhaitez recevoir ce document à votre tour, merci de prendre contact avec moi et de me communiquer une adresse mail à laquelle je pourrais vous l'adresser (gratuitement).

samedi 30 mars 2019

Quelles métaphores kinesthésiques pour la lecture ?

Le récit de pèlerinage, dans le sens d'une marche qui dans son contexte naturel initial portait son narrateur d'un endroit à un autre dans l'espace physique du monde, pourrait-il opérer dans son envers (en-vers) comme une métaphore kinesthésique, et ainsi trans-porter le lecteur dans le monde du texte ? 
  
D'emblée nous pouvons percevoir la lecture en elle-même comme un déplacement dans, sur, un espace (celui d'une feuille ou d'un écran). 
De fait, le regard de la lectrice ou du lecteur avance de syllabes en syllabes, de mots à mots, comme des pas, de lignes en lignes comme des sillons suivis, et, comme dans la nature, comme dans un environnement d'où un danger pourrait à tout instant surgir il saute constamment d'un point à un autre. Si nous pouvions nous-mêmes les scruter attentivement durant la lecture nous verrions que nos yeux sautent sans cesse sur la page d'un endroit à un autre (l'oculométrie en atteste bel et bien). 
D'après les travaux en imagerie cérébrale du neuroscientifique psychologue cognitiviste Stanislas Dehaene, les zones cérébrales sollicitées par la lecture d'un texte sont les mêmes que celles qui s'activent pour les chasseurs. 
Un parallèle serait aussi intéressant à faire ici avec les travaux de l'anthropologue Tim Ingold et notamment dans son essai Une brève histoire des lignes, et avec ceux relatifs aux pistes chantées des aborigènes australiens (lire par exemple Le chant des pistes, de Bruce Chatwin, Grasset éd. 1988).
 
Quoi qu'il en soit, il s'avèrerait bien que marcher et lire seraient des activités jumelles. Et ce faisant, lectrices et lecteurs progressent dans leurs lectures, ils avancent, et, à chaque page tournée, ils s'enfoncent dans l'épaisseur du volume lu. 

Exemplarité du Livre
 
A ce stade de notre réflexion nous pouvons nous demander en quoi une disparition des exemplaires, car, avec le numérique, ce ne sont pas fondamentalement les livres qui risquent de disparaitre (ils changent en apparence simplement de formes, le texte migre vers d'autres supports de lecture), mais, les exemplaires, en quoi leur disparition nous obligerait-elle à passer un nouveau cap dans le rapport de notre espèce au langage.
Cette disparition des exemplaires ne risquerait-elle pas d'entrainer la disparition d'une certaine exemplarité, c'est-à-dire de valeurs expérientielles qui seraient liées à la matérialité des livres imprimés et que les exemplaires, eux, renfermaient ? C'est une question.
 
Nous pouvons, raisonnablement je pense, postuler l'existence d'une instance du Livre dans l’inconscient, comme l'explicite le psychanalyste, psychiatre et écrivain Gérard Haddad. 
Une présence insistante du livre en nous du simple fait de notre appartenance à la famille de primates des hominidés.  
"Tout groupe humain, de quelque nature que ce soit, se fonde sur un texte, sur un livre. [...] Il est évidemment facile de soulever le problème des peuples primitifs ignorant l’écriture. En vérité, ces peuples possèdent aussi un Livre, sous la forme d’un corpus de mythes qui fonde chacun de ces groupes ethniques. [...] Quelle est donc, à partir de ces observations, la fonction essentielle du Livre ? C’est d’être l’opérateur qui effectue la fameuse coupure entre nature et culture, entre règne animal et humanité. Le Livre joue le rôle de ce que l’on appelle en psychanalyse la fonction du père symbolique, le transmetteur de la Loi qui nous fait humains. Le Livre incarne ce mystère d’animaux primates devenant humains..." (texte complet ici dans la revue Silène).

Marcher dans un texte...
 
Quelles lectures alors seraient les plus favorables à cette recherche d'une métaphore kinesthésique pour nous aider à conscientiser la part de nous qui se retrouverait comme embarquée dans les textes que nous lisons ? 
A chacune, à chacun, de trouver les siennes. 
D'après mon expérience personnelle de lecteur je recommanderais, par exemple, Le chemin des nuages blancs du Lama Anagarika Govinda
Mais l'exercice le plus abordable me semble être ce long poème de Charles Péguy : Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres.
Je vous en conseillerais une lecture lente et à voix basse.
La succession des quatrains, le rythme des alexandrins avec effet de rimes croisées, induisent une cadence et font de ce texte un véritable itinéraire lyrique de Paris à la Cathédrale de Chartres. 

 [...]

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules,
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale. 

[...]

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.
[...]

Le travelling de la lecture
 
J'ai l'impression, certes très subjective, que lorsque nous disons "d'hier à demain", l'on s'imagine hier à gauche et demain à droite. 
Cette sorte de sensation intérieure serait-elle liée au sens de notre écriture ? 
L'instance du livre dans notre inconscient serait-elle ici en jeu ?
Je me rappelle d'un documentaire dans lequel Agnès Varda disait que l'effet intérieur ressenti par les spectatrices et spectateurs à la projection de son film Sans toit ni loi, venait du fait que ses nombreux travellings se déroulaient de droite à gauche, c'est-à-dire dans le sens inverse de celui dans lequel nous sommes habitués à lire dans notre monde occidental. 
Et qu'est-ce lire, sinon aussi procéder à un long travelling transversal à la surface des pages, et ce au fil de notre avancée progressive dans l'épaisseur du volume?
Et ne serait-ce pas un mouvement de l'âme, généré par ce déplacement imaginaire, qui engendrerait notre sentiment d'immersion dans l'histoire lue ?
En prendre conscience pourrait-il contribuer à la conscientisation et à l'autonomisation de la part subjective de soi que lectrices et lecteurs projettent spontanément dans leurs lectures de fictions littéraires ? 
Qu'en pensez-vous ? 
  

mardi 26 mars 2019

Etude Métamorphoses de la Narration

Etude de Lorenzo SOCCAVO pour le Cabinet SYMBOLON.consulting
J'ai le plaisir d'avoir réalisé pour le compte du cabinet SYMBOLON.consulting une étude d'une cinquantaine de pages sur le thème : 
 
Métamorphoses de la Narration - Penser le récit numérique.

SYMBOLON.consulting est "une structure innovante, hybride, avec une capacité à articuler les expertises du monde de la recherche avec les besoins que rencontrent les entreprises pour relever les défis et accompagner les changements".
Comme moi les acteurs de SYMBOLON.consulting encouragent et facilitent le dialogue et la coopération entre chercheurs, innovateurs et dirigeants, notamment au sein de la galaxie des métiers du livre, de la lecture et des nouvelles formes de narration dans leurs perspectives les plus vastes. 

Le postulat de cette étude à visée pratique est le suivant : 
"En pénétrant les enjeux au coeur des processus de la lecture de fictions littéraires, en nous penchant sur les ressorts de la parole performative au sein de récits, en devenant attentif à la construction de notre identité narrative, nous pouvons acquérir une certaine maîtrise dans l’art de lire le monde comme un livre et de voir dans des livres ou dans des textes des mondes possibles."
La question : Que pourrions-nous engendrer de différent en lisant différemment ?

Dans la partie 4 j'expose les différentes formes de prestations originales que je suis en mesure de développer au service des personnes et des organisations, en plus d'études ou de conférences plus traditionnelles autour de l'ensemble des problématiques liées aux mutations des dispositifs et des pratiques de lecture.
L'objectif est d'utiliser les ressorts peu connus de la lecture fictionnelle pour accompagner le changement et l'innovation au sein d'entités non fictionnelles.


Lorenzo SOCCAVO pour le Cabinet SYMBOLON.consulting

jeudi 21 mars 2019

innover dans le domaine du livre ?

Voici une question que peu de gens se posent finalement : est-il encore possible de vraiment innover dans le domaine du livre ?
Ma réponse est : oui.
Mais oui à une condition. A la condition de respecter cette règle d’or, qui est également un paradoxe si on la mesure à l’aune du numérique comme unique source d’innovation (ce qui en soit est une aberration) :  
NE PAS OUBLIER QUE LE DOMAINE DU LIVRE EST CELUI DE LA LECTURE !  
Mais aussi, ce faisant, bien se souvenir que l’ampoule électrique n’est pas une amélioration de la bougie.
 
Voilà certes un challenge qui est une odyssée : comment revenir à la lecture en dépassant le cap de l’imprimé 

dimanche 17 mars 2019

Comment les bibliothécaires font-ils face ?

Parution prochaine au printemps du premier volet public des résultats de la consultation auprès des bibliothécaires sur Le Futur des Bibliothèques
Une quinzaine de pages au format PDF qui reprendront les principaux résultats et les grandes perspectives qui se dégagent des avis exprimés par les 371 bibliothécaires participants. A suivre...

Etude-Futur_Biblios_Lorenzo Soccavo
PDF Bientôt gratuitement disponible :-) 

samedi 9 mars 2019

Passer de l'Autre Coté du Miroir...

Passer de l'Autre Coté du Miroir... Ce pourrait être la définition de lire, dès lors qu'il s'agit de lire une fiction littéraire.
Mais, pour mieux saisir cet instant et sa portée, quelle métaphore visuelle à faculté germinative pourrions-nous substituer à cette expérience singulière de déplacement d'un monde (réel) à un autre monde (fictionnel), que vivent mentalement et spontanément les lectrices et les lecteurs, ce afin d'en favoriser la prise de conscience ?
Une réponse m'est peut-être venue en rapprochant la lecture d'un roman, Le guépard (1958) de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa, de son adaptation cinématographique éponyme par Luchino Visconti (Palme d'or au Festival de Cannes 1963). 

La scène retenue :
C'est l'une des dernières scènes du film. Nous sommes vers la fin du grand bal au palais Ponteleone, vers les six heures du matin. Moralement épuisé et sentant l'heure de sa mort approcher le prince Fabrizio Corbera de Salina s'isole un instant dans un cabinet du palais.
Nous le voyons d'abord se regarder de face dans une glace (photo du haut), puis scruter de près son visage comme un livre grand ouvert et ce faisant reflété dans une autre glace sur le mur du fond de la pièce (photo du milieu). Lorsqu'il quitte ensuite lentement la pièce, à la fois il semble venir vers nous, et, en même temps, il semble, de dos dans la glace du fond, s'éloigner de nous.  
Tout au long du film nous pouvons remarquer de nombreux jeux de miroirs. La récurrence de ces effets renforce l'idée qu'ils font sens dans cette oeuvre et par rapport à l'adaptation du roman original.

Pourquoi avoir retenu cette scène ?
Parce que, d'une part, elle ne figure pas dans le roman, mais que, d'autre part, l'image filmique supplée ici en la donnant à voir à ce que la lecture aurait naturellement engendré comme image animée dans l’espace mental de la lectrice ou du lecteur de la fiction littéraire.



Les questions que cela pose
Dans quelle mesure ce double mouvement de la troisième photo pourrait-il jouer comme une métaphore de l'étrange translation que la fiction opère ?
Dans quelle mesure le déplacement ici observable (entrer dans la pièce [prendre le livre], venir se positionner face au miroir [ouvrir le livre], quitter la pièce [entrer dans la lecture du livre]...) pourrait-il exprimer également l'expérience singulière de la lecture du roman de Giuseppe Tomasi Di Lampedusa ?

N'hésitez pas à proposer en commentaires ou par messages privés d'autres métaphores visuelles du déplacement des lectrices et des lecteurs du monde réel à d'autres mondes fictionnels.