vendredi 22 juillet 2016

Les nouveaux chemins de l'oralité

La compréhension des phénomènes liés à l'avatarisation des internautes passe, selon moi, par l'exploration de l'inventivité de ces derniers à travailler la langue dans ces espaces nouveaux que sont les territoires numériquement simulés.
La parole, nous le savons, est antérieure à l'écriture, et la lecture à haute voix antérieure à la lecture silencieuse. Je recommande sur ce sujet les belles pages écrites par Alberto Manguel dans son : Une histoire de la lecture (Actes Sud éd.).
 
Car c'est par le langage que se conquiert le monde ! C'est bien là en tout cas la théorie développée par l'historien Yuval Noah Harari, dans son essai Sapiens : Une brève histoire de l'humanité (Albin Michel éd., 2015), où il y explique que c'est ainsi que l'Homo Sapiens se serait imposé sur la planète : "La capacité de créer une réalité imaginaire à partir de mots a permis à de grands nombres d'inconnus de coopérer efficacement.".
Or, quiconque fréquente le Métavers sait bien que là est le problème : la possibilité d'y rassembler un nombre suffisant d'internautes capables d'y coopérer efficacement.
Le développement du cyberespace, comme extension des territoires physiques limités, passe nécessairement par sa colonisation et l'appropriation du virtuel par les mots.
 
Des expériences francophones !
 
Depuis octobre 2015 nous développons plusieurs réalisations expérimentales dans ce sens avec les comédiens du Théâtre de l'Adret (Jacqueline et Jean-Claude Barral), Jenny Bihouise et Anne Cordonnier, pionnières des environnements OpenSimulator, sur la plate-forme EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg. 
 
Ces réalisations prennent la forme de spectacles accessibles en permanence à tous les internautes francophones (24H/24-7J/7) et sont librement accessibles à tous.
- La première proposition présentait un parcours de théâtre promenade sur les bords de la Saône (voir : Une autre dimension de la réalité augmentée - Du théâtre dans le Web immersif) à partir de textes de l'auteure Ann Rocard.
- La deuxième, un voyage imaginaire dans la pensée de Camille Claudel sur des textes de l'auteur québécois Denis Morin (voir : Lire devient un spectacle permanent).
- La troisième, qui vient juste d'être lancée en avant-première, vous propose une biographie poétique de la chanteuse Barbara, une nouvelle fois sous la plume de Denis Morin :  
BARBARA, Ebène et Ivoire, pour y accéder passez par le site du Théâtre de l'Adret: http://www.theatre-adret.fr/barbara-ebene-et-ivoire.php .
- Une quatrième proposition s'élabore à partir d'un texte de l'écrivain Bertrand Runtz.
 
Ces spectacles expérimentaux sont rattachés au MétaCafé littéraire que je coordonne sur la plate-forme EVER et qui organise régulièrement des rencontres littéraires à distance, permettant à des auteurs et à des lecteurs de se retrouver et d'échanger malgré les milliers de kilomètres physiques qui peuvent les séparer (voir : Lire, est-ce coloniser de nouveaux espaces ?).
Un prototype de librairie 3D, et un d'une MétaBibliothèque universitaire restent également visitables.
Début 2017 nous devrions lancer de nouvelles initiatives autour de la lecture à haute voix.
N'hésitez pas à me contacter pour toutes demandes d'informations ou pour une visite commentée privée de nos réalisations. 

samedi 16 juillet 2016

Ma lecture de FAIT ET FICTION de Françoise Lavocat

Je ne suis ni critique ni chroniqueur. Ci-après il ne s'agit donc que de ma lecture subjective, de mon ressenti personnel eu égard aux divergences et aux convergences, aux éventuelles synergies avec mes propres recherches en prospective des dispositifs et des pratiques de lecture.
J'ai donc lu Fait et Fiction – Pour une frontière de Françoise Lavocat, paru récemment aux éditions du Seuil.
Je l'ai lu de la première lettre de l'introduction (un L) à la dernière de la conclusion (un S). Mes initiales. La synchronicité induite par "la chose" me met d'emblée en délicatesse avec l'ancrage rationaliste de cet essai, par ailleurs vraiment fort intéressant, mais évacuant totalement, au vu de ma propre expérience, la dimension humaine de la lecture de fictions littéraires.
 
Un essai ambitieux et érudit
 
Heureusement cet ouvrage a cependant plein de qualités. Françoise Lavocat a réussi la gageure de le structurer avec intelligence, ce qui n'a sans doute guère été facile, considérant tant le sujet, que la masse d'essais, de thèses et de théories qui s’accumulent depuis des décennies.
L'ensemble se présente sommairement ainsi : une introduction assez longue qui expose les postulats, les choix théoriques et balise le parcours qui sera suivi ; puis trois grandes parties, chacune subdivisées en 4, 5, 4 chapitres, déclinés en un certain nombre de points. Enfin, une conclusion, qui n'a résonné en moi que comme une justification du point de vue rationnel qui, malgré tout, prévaut tout au long.
- La première partie : Monismes contre dualismes, pose d'emblée l'opposition entre :

vendredi 8 juillet 2016

Une Histoire de la Cyberculture

Les trois premiers lundis de ce mois de juillet 2016 Yann Minh donne à Paris au Théâtre de l'Européen un cycle de trois conférences-débats de trois heures trente chacune, consacré à : L'HISTOIRE DE LA CYBERCULTURE.
Avec sa faconde, ses Necomimi sur la tête (oreilles de chat connectées exprimant l'intensité de son activité cérébrale), casques de VR et connexion directe sur un
Métavers opensim, l'artiste, comme il se présente lui-même, a de quoi stimuler les neurones de son auditoire hétéroclite.
Par rapport à la futurologie de la lecture et à mes propres recherches sur le voyage intérieur du lecteur les liens sont multiples, mais ténus.
Je ne comprends pas pourquoi cette cyberculture n'engendre pas davantage de fictionautes. Certes ! les liens entre œuvres littéraires, édition pure-player et jeux vidéo sont de plus en plus interrogés (il serait temps !), mais l'échec des OpenSim à fédérer les internautes autour de projets créatifs est le symptôme, je crois, je le crains, d'un déphasage entre la cyberculture et un cyberespace habitable (?).
 
Mais peut-être est-ce précisément le métier de la littérature que de tisser les espaces des cultures ?

Après celle du lundi 4 juillet, je serai également présent aux NooConférences des lundis 11 puis 18 juillet. N'hésitez pas à venir et à me faire signe sur place si vous voulez faire ma connaissance :-)
 
Les infos pour s'inscrire, venir et participer gratuitement en suivant ce lien...

N.B. L'entrée est libre et gratuite mais l'inscription obligatoire sur Eventbrite
cliquez ici pour y accéder directement...


lundi 4 juillet 2016

La tortue rouge, ou, Sortir de Tamara

La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit est à mon avis un très beau film d'animation et je le recommande chaleureusement. Mais si je veux l'évoquer ici, sur le blog de la prospective et de la futurologie des dispositifs et des pratiques de lecture, il y a évidemment une autre raison.
En fait, c'est tout simplement parce que ce film, au récit émouvant qui "emporte", qui "prend" son spectateur, est sans parole ni texte, tout en étant cependant, son affiche suffit à le montrer, bien autre chose qu'un film muet.
Sa singularité interroge ainsi discrètement l'utilité du langage verbal et de l'écriture alphabétique pour faire narration, et du coup cela rejoint directement le cœur de mes recherches en prospective du livre et de la lecture.
  
Mon idée n'est aucunement dans l'absolu d'accéder à un quelconque silence sinistre, mais simplement d'expérimenter ce que pourrait être pour des humains du 21e siècle et du 3e millénaire, la vie hors du langage verbal, (re)portant notre attention à la communication par les gestes et les regards, et redécouvrant aussi d'autres écritures, à lire, et cependant non-alphabétiques.
L'entrée dans Tamara, l'une des villes du recueil de nouvelles d'Italo Calvino, Les villes invisibles, exprime assez bien je pense ce mouvement du lecteur, auquel je réfléchis et auquel j'aspire à titre personnel : « L'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. Pour finir, le voyage conduit à la ville de Tamara. On y pénètre par des rues hérissées d'enseignes qui sortent des murs. L'œil ne voit pas des choses mais des figures de choses qui signifient d'autres choses. ».
  
Sortir de Tamara
  
Il nous faudrait lire cette citation à l'envers, et nous imaginer sortir de Tamara : « Dans la ville de Tamara nous sommes dans des rues hérissées d'enseignes qui sortent des murs. L'œil ne voit pas des choses mais des figures de choses qui signifient d'autres choses. Pour finir, notre voyage nous conduit à l'extérieur. Là l'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est devenu muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. ».
Pour aller plus loin il nous faudrait maintenant une nouvelle version cinématographique de La tortue rouge, avec des acteurs humains dans un décor naturel. Puis une autre aussi, avec des acteurs humains dans un décor naturel, et, sans musique (malgré la beauté de celle du film d'animation actuel), avec seulement la bande son originale de la nature. Et il nous faudrait également des versions en réalité virtuelle, certaines subjectives, d'autres avec avatars.
En attendant, dans les mois à venir, je sais que je vais de plus en plus réfléchir aux multiples déclinaisons possibles des "livres audio", des différences entre "écouter lire", et, "lire", mais aussi, "lire à voix haute", et comment tout cela, comme la singularité de La tortue rouge, peut nous conduire à creuser un canal entre réalité(s) et imaginaire(s). A suivre...