mardi 13 août 2013

La prospective du livre n’est pas l’édition numérique

Depuis quelques mois je constate de plus en plus souvent des méprises concernant mon activité.
Je parle souvent certes et je m’intéresse de près à l’édition numérique, soit, mais cela simplement car il est incontestable que le numérique impacte aujourd’hui de plus en plus fortement nos dispositifs et nos pratiques de lecture (quoique cela puisse se discuter et j’en discute justement, je relativise croyez-moi…). Mais je ne travaille aucunement ni dans ni pour ni même sur… l’édition numérique !
Le chewing-gum deviendrait un vecteur de transmission des textes que je m’intéresserais de près aux chewing-gums.
Je n’y connais rien en informatique et je ne suis même pas technophile.
Je suis un lecteur.
Mes recherches se portent sur la prospective du livre et de la lecture, c’est-à-dire, dans une perspective historique et anthropologique (histoire des écritures, du livre et de la lecture, de ses pratiques et de ses influences….) sur l’étude des mutations en cours et la prévision de leurs possibles effets durant les prochaines années, notamment et justement sur nos pratiques de lecture. Je m’intéresse aussi énormément à l’élaboration de nouvelles formes de médiations numériques autour du livre et de la lecture, et ce particulièrement à destination des bibliothécaires et des libraires.
 
Précisons les choses…
 
Pour le dictionnaire de français Larousse, la prospective est la : « Science ayant pour objet l’étude des causes techniques, scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l’évolution du monde moderne, et la prévision des situations qui pourraient découler de leurs influences conjuguées. ».
Initiateur en 2006 (avec mon livre Gutenberg 2.0 le futur du livre, paru en 2007) de la prospective appliquée aux domaines du livre et de la lecture j’en propose, dans ce cadre précis, la définition suivante : « l'étude des mutations des supports et des surfaces perçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire en les considérant comme des interfaces lecteurs / lu et, compte tenu des codes qu'ils véhiculent, en étudiant leurs effets sur le vécu et les impacts de la lecture. ».
 
L’époque des e-incunables
 
Comme je le dis dans mes cours et dans mes conférences je considère que nous sommes depuis 1971 dans l’époque des e-incunables (référence claire aux incunables des années 1450-1501).
Je pense que nous devrions être davantage attentifs et critiques à ce passage de l’édition imprimée à l’édition numérique.
Je considère (nombreux sont les posts de ce blog à en témoigner) que l'édition numérique n'est qu'un épiphénomène d'une mutation de bien plus grande ampleur au niveau du langage et de l'espèce.
Je n’assène pas cela ici pour me mettre en avant, mais simplement pour clarifier la perspective de mes interrogations et de mes recherches.
 
Une édition numérique sectaire
 
Que cela soit donc clair : je ne suis ni un militant de l’édition numérique, ni un béni-oui-oui des pouvoirs de l’imprimé.
Honni de beaucoup sans doute, je demeure un esprit libre.
Enfin, à titre personnel je regrette vivement que le milieu de l’édition numérique soit encore plus sectaire que ceux de l’édition imprimée. Je parle d’expérience. J’ai en effet perdu la direction d’une collection parce que sur ce blog j’avais émis quelques réserves sur certaines pratiques de l’édition numérique, des éditeurs numériques refusent la publication de ma chronique de l’année 2012 sur ces sujets justement parce que je m’y montre critique. Ces preuves manifestes d’intolérance et de fanatisme ne parlent pas en leur faveur.
La prospective du livre n’est pas l’édition numérique, qu’on se le dise ! Pour preuve, ce que je considère aujourd’hui comme mon principal combat concerne les droits des lecteurs… Mais cela aussi bien évidemment ne fait pas l’affaire des marchands de fichiers epub !