lundi 13 décembre 2010

Mutation du livre mais pensée unique ?

J'ai eu le plaisir de répondre à quelques questions pertinentes de Stella Terrat, pour son blog de Vita Cogita, société spécialisée dans la commercialisation d’œuvres numériques multimédia sur le développement durable.

Extraits

"VitaCogita : Globalisation, pensée unique et best-sellers versus diversité culturelle, mirage ou réalité ?

L.S. : Le numérique en général et Internet en particulier vont certainement nous faire entrer dans une nouvelle ère. Ils sont en train de le faire. Cela dit il ne s’agit quelque part que d’outils. Qu’en ferons-nous ? Comment les utiliserons-nous ? Ce ne sont jamais les armes qui déclarent les guerres, mais les hommes !
Certes, en prenant un peu de recul, nous voyons bien que le marché du livre est tombé en plein dans le panneau de la société du spectacle et aujourd’hui dans celui de la culture mainstream. Le monde du livre s’est financiarisé et avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique le livre va devenir un média à part entière et probablement glisser (presque) intégralement dans les mains et les portefeuilles des industries du divertissement. Mais, d’un autre côté, il est incontestable que nous avons toutes et tous une certaine marge de manœuvre, d’innovation, de créativité, et en tous cas la possibilité de se saisir et d’utiliser les outils du numériques, dont certains sont libres. Fan-fictions et machinimas en attestent. La digitalisation de l’édition peut également favoriser la bibliodiversité.
Pour les pays en voie de développement le passage d’une édition imprimée à une édition numérique peut ouvrir de véritables opportunités, avec une renaissance des langues nationales par rapport à celles des anciens colonisateurs. Ce qui, par associations d’idées, me fait poser cette question : quid de la francophonie face à cette « world littérature » que vous évoquez ?
Ce qui est le plus symptomatique cependant de la pensée unique à mon avis, particulièrement germanopratine est, alors que livres et lecture sont en pleine mutation, l’absence ou presque d’ouvrages (papier) sur ces sujets !

Le libraire est-il le maillon faible de la filière du livre ? Peut-il véritablement muter dans l’univers numérique tout en apportant une réponse aux lecteurs, ancrée dans le territoire ?
[...]
Que pensez-vous des rentes technico-commerciales des prescripteurs d’aujourd’hui (de type Apple, Amazon, Fnacbook…) ? Le lecteur n’est-il pas pris en otage en devenant un consommateur encadré ?
[...]
La stratégie du géant américain Google pour les livres numériques vous apparaît-elle plus ouverte pour l’ensemble des acteurs de la chaine du livre ?

L.S. : A priori non. Nous n’avons au fond, malgré toutes les analyses, que peu de visibilité sur les finalités du développement hégémonique de Google. [...] Je pose moi la question : Google sera-t-il la Tour de Babel de ce 3e millénaire ?

Pensez-vous que le numérique et ses nouveaux usages (liseuses, tablettes…) peuvent renforcer l’alphabétisation, l’apprentissage ou la formation ?
[...]
Pour finir et pour parler pratique, le témoignage d’un expert : Possédez-vous une liseuse ou une tablette de lecture ? Comment l’utilisez-vous ? Vos impressions ?
 [...]"

jeudi 9 décembre 2010

Former et informer sur le marché du livre numérique

J'ai le plaisir depuis hier d'intervenir durant cette année universitaire auprès des étudiant(e)s de 5e année, second cycle en management projets culturels [ESARTS 2 - Édition numérique] du Groupe EAC.
Le thème de mes interventions est : Marché du livre numérique et émergence de nouveaux modèles économiques, et sera décliné selon le plan suivant :


- Evolutions du marché du livre,
- Emergence d'un marché du livre numérique,
- Business development de l'édition numérique
- Marketing du livre numérique et veille stratégique.

Former et informer les professionnels de demain !

Avec la digitalisation de l’édition, le marché du livre se transforme en profondeur. Aussi est-il capital, non pas seulement de former, mais aussi, d’informer, tant les professionnels en exercice aujourd’hui que les futurs professionnels du livre, mais encore, tous ceux qui vont ou pourraient prochainement jouer des rôles actifs dans le marché du livre (numérique ou pas), au cours des prochaines années.
C’est pour cela que cette première collaboration avec l'EAC-Paris me donne une grande satisfaction et que je suis à l’écoute de tous les établissements d’enseignement ou de formation, conscients des enjeux des actuelles transformations du livre et de son marché.

lundi 6 décembre 2010

Pourquoi lire vs le destin technologique de la lecture

Avec acuité et non sans humour, Charles Dantzig, déjà auteur, entre autres, d'un "Dictionnaire égoïste de la littérature française", vient de publier, une nouvelle fois chez Grasset, un opus titré : "Pourquoi lire ?"
L'ouvrage aborde parfois entre les lignes les questions qui nous préoccupent ici et maintenant, et plus particulièrement dans un chapitre de quelques pages intitulé : Lire sur autre chose que du papier en volumes (pp. 230-232).
S'il pointe juste en posant la question : "Le code d'Hammourabi était-il plus dur parce qu'il était en pierre ?",  Charles Dantzig ne peut cependant s'empêcher de finir l'ensemble de son essai sur une tonalité apocalyptique, voyant dans le destin technologique de la lecture un triomphe des écrans.
Cette fin me laisse songeur, me fait repenser à ce que j'écrivais moi-même il y a quelques jours à propos du roman d'anticipation d'Orwell (1984) : "Le roman d’anticipation 1984, ne s’appelle 1984 que parce qu’Orwell l’a écrit en 1948. Au regard des transformations que nous vivons, ou dont nous pouvons être les témoins directs ou indirects, je me demande très sérieusement si cette contre-utopie (dystopie) ne serait pas prémonitoire ( ?). De l’à-venir. En 2984 ? J’ai toujours lu "1984" de Georges Orwell en pensant à "Fahrenheit 451" (de 1953) de Ray Bradbury. (Et je compte relire "Le messager" d’Eric Bénier-Bürckel.)."

L'énigmatique final du livre de Dantzig

"Et quand l'objet en papier aura disparu, pour la satisfaction douloureuse des amers qui diront : je l'avais prédit, nous répondrons : et alors ? Nous ne lisons plus les rouleaux de Rome, seuls quelques érudits savent qu'ils ont existé, et la littérature romaine demeure, en partie. Plus noirs que ces amers, on dira que l'informatisation servira encore mieux les puissants, qui pourront ranger l'humanité dans des appartements toujours plus petits, puisque plus besoin de bibliothèques et tout dans iPad, et que, un jour, quand tout cela sera réduit à un tout petit point rouge, il clignotera fébrilement, puis, hoquetant de moins en moins,
il
s'éteindra."
[Je respecte la mise en page ;-)]
Et Dantzig de conclure :
"Ne lisant plus, l'humanité sera ramenée à l'état naturel, parmi les animaux. Le tyran universel, inculte, sympathique, doux, sourira sur l'écran en couleurs qui surplombera la terre."
En 2984 ?

samedi 4 décembre 2010

Du premier mot au dernier livre

L'histoire de la lecture et l'histoire du livre découlent naturellement de celles de l'écrit et des écritures [L'aventure des écritures] lesquelles découlent tout aussi naturellement de celle de l'acquisition d'un langage articulé, puis de l'histoire des langues [Les origines du langage].

L'actuelle dématérialisation du livre, comme contenant, et sa volatilité, comme contenu, questionnent ce passé fondateur (en tout cas dans le sens où je conçois la prospective du livre et de l'édition et où j'en ressens les enjeux civilisationnels).

Le premier mot
Avec l'élégance et la sensibilité de son écriture, Vassilis Alexakis explore dans son roman "Le premier mot" (Editions Stock, août 2010) les différentes facettes et hypothèses scientifiques sur ces questions de l'apparition des langages et d'une hypothétique langue commune originelle.
Alors : quel fut le premier mot ?
Un livre dont je conseille la lecture ;-)

dimanche 28 novembre 2010

Charte éthique de P.L.E. Consulting

L’éthique est malheureusement aujourd’hui une valeur galvaudée.
Nonobstant, avec P.L.E. Consulting, je m’attache à mettre en pratique dans mon travail, davantage qu’un ensemble de principes de bonne conduite, relevant de la déontologie professionnelle, un code moral personnel.
Car l’avenir du livre et de la lecture est vraiment ma préoccupation quotidienne.
Aussi curieux, voire stupide ou inconvenant, que cela puisse paraître pour un consultant, mon objectif n’est pas de gagner un maximum d’argent, en vendant du vent (ou des applications), en reformulant aux professionnels de l’interprofession du livre ce qu’ils disent eux-mêmes et veulent entendre en écho, en leur fourguant des solutions-recettes qui seront demain matin obsolètes.

Former en informant

Dans le cadre moral, que j’ai de ma propre et libre volonté décidé d’appliquer dans l’exercice de mon activité de consultant, les principales missions que je me donne sont :
- Rapprocher les acteurs des filières de l’édition imprimée, et, de l’édition numérique.
- Informer l’ensemble des partenaires de la chaine du livre imprimé, des auteurs aux lecteurs, des enjeux de la digitalisation du livre.
- Former les professionnels en les informant, l’objectif étant de leur donner une perspective historique et prospectiviste juste, pour qu’ils puissent développer des stratégies adaptées et pérennes, responsables aussi.
- Former en les informant, les jeunes des filières du livre, mais aussi de la communication et de la publicité, du marketing, de la gestion et de la médiation de projets culturels, du design et de l’ingénierie culturelle, sur l’édition du siècle. Susciter des vocations.

C’est aussi la mise en œuvre de ce code moral qui donne au présent blog son originalité et sa ligne éditoriale spécifique, résolument à l’opposé, tant des blogs perroquets que commerciaux.

vendredi 26 novembre 2010

Enfer du roman version Richard Millet versus le bel digital optimisme

Le titre accrocheur (L’enfer du roman), un tantinet commercial (mais c’est de bonne guerre), exprime assez imparfaitement ce dont il s’agit et que le sous-titre précise heureusement : des « Réflexions sur la postlittérature ».

Car, et en effet je le confirme : « Nous sommes entrés dans l’ère postlittéraire, assène avec raison l’auteur. Un spectre hante la littérature : le roman, devenu à ce point hégémonique que toute la littérature semble s’y réduire. Le roman tue le roman : le roman international, insipide, sans style, immédiatement traduisible en anglais, ou traduit de l’anglais, l’unique objet d’une littérature sans autre histoire que le jeu de ses simulacres, de ses plagiats, de sa fausse monnaie. ».
Cette postlittérature est-elle pleinement assimilable à cette "world literature" envahissante (Millet, en fin lecteur, remonte plus loin dans les racines du mal me semble-t-il), elle s’exprime cependant amplement en tous les cas, dans ces produits imprimés et dérivés, qui ne sont pas seulement mondialisés, mais, aussi, et à mon avis Millet à raison de le souligner avec cette insistance, anglicisés, c’est-à-dire en fait, américanisés.
Dans ma lecture de cet essai, qui me semble se refuser à en être un, par sa forme, forme et rythme qui se veulent épouser davantage la pensée et les humeurs, que la structure de la page, de la page imprimée, et, ainsi, se rapprocher du flux en ligne ; et que tous ces versets numérotés pourraient au fond très bien être des "posts" de blog, dans ma lecture de "L’enfer du roman" donc, je me suis attaché à discerner comment cette ère postlittéraire se conjuguait avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique. Idée fixe.
En clair, la question que je me pose est : en quoi le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique signerait-il, ou participerait-il, de l’apothéose de ce que Richard Millet désigne et dénonce comme postlittéraire ?
Il ne nous donne que quelques rares pistes dans ce sens :
« Les écrans divers sur lesquels se lisent les romans ne sont pas le signe d’une survie possible de la littérature, mais la possibilité qu’elle a d’en finir avec le tout-romanesque pour entrer dans [c’est moi qui souligne] l’au-delà du roman. ».
 A méditer (avec la part d’optimisme, d’espoir en tout cas, en cet au-delà du roman).

2984 de Georges Orwell

Non, ce n’est pas une faute de frappe.
Richard Millet rappelle dans son livre qu’Orwell disait que : « le délitement de la langue est un signe de dégradation politique, et cette dégradation prélude au totalitarisme. ».
Le roman d’anticipation 1984, ne s’appelle 1984 que parce qu’Orwell l’a écrit en 1948.
Au regard des transformations que nous vivons, ou dont nous pouvons être les témoins directs ou indirects, je me demande très sérieusement si cette contre-utopie (dystopie) ne serait pas prémonitoire ( ?). De l’à-venir. En 2984 ?
J’ai toujours lu "1984" de Georges Orwell en pensant à "Fahrenheit 451"(de 1953) de Ray Bradbury. (Et je compte relire "Le messager" d’Eric Bénier-Bürckel.)

Les éditeurs voudraient des recettes ?

Toutes ces réflexions se rapprochent de ma "Théorie des Cinq Cercles" que j’aurais peut-être prochainement l’occasion d’exposer une nouvelle fois, ici même, dans quelques jours, avec, je l’espère, une pertinence renouvelée et plus pointue, incisive.
Les enjeux dépassent de beaucoup l’horizon des petits sous à accumuler, et les professionnels qui ne voient qu’à court terme, sans méthodologie précise, ni surtout de vision stratégique à moyen et long termes, porteront leur part de responsabilité, quel que soit l’avenir.
Une charmante personne me disait récemment que ce que voulaient les éditeurs qui, bon gré mal gré, passent aujourd’hui au numérique, ce sont : « des recettes ». Sous-entendu, du concret, du pratique, sur les métadonnées, les DRM, la norme ONIX et tutti quanti.
Nonobstant, le double sens du mot "recette" est piquant je trouve.

Sur L’enfer du roman, de Richard Millet

A lire, la lecture de Cyril de Pins sur Boojum-Mag. Sa conclusion : « "L’enfer du roman" pourrait se dire aussi "entertainment", divertissement, consommation, "best-seller", cette dernière expression disant honnêtement qu’il n’est plus question d’expérience esthétique, mais d’expérience commerciale. Dès lors, c’est celui qui a la puissance financière qui fixe les formes, la langue de la transaction et les termes du contrat. »
A écouter, le récent entretien de Richard Millet avec Laurence Plazenet à la BPI : « Ecrire, écrire, pourquoi ? »
L’enfer du roman, Richard Millet, Gallimard, septembre 2010, 276 pp., 18,90 €.

mardi 23 novembre 2010

De la présence ardente de la lecture

La fonction du livre, par rapport à nous, lecteurs, est dépendante de notre situation historique. Dépendante du contexte et de l’évolution de la société dans laquelle nous vivons, dépendante aussi depuis le siècle précédent des processus de financiarisation des industries culturelles.
N’oublions pas que, depuis le décret N° 2009-1393 du 11 novembre 2009, relatif aux missions et à l'organisation de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication, livre et lecture dépendent, pour ce qui est de leur dépendance administrative et de l’octroi de subventions, d’une direction générale des médias et des industries culturelles.
Jadis le livre, en marge de la scène de théâtre ou d’opéra, exerçait un certain nombre de fonctions, tant dans la sphère privée que sociétale, l’une influençant l’autre et réciproquement, fonctions que remplirent, progressivement, la peinture et les arts de l’illustration, la presse, la radio, le cinéma, la télévision, et que débordent amplement aujourd’hui internet et l’internet embarqué.

Irréductible vs imprédictible et inéluctable

Dans l’actuelle et toute hypothétique (r)évolution du livre, fin 2010, il nous faudrait faire la part de l’irréductible (de ce qui serait irréductible dans la lecture), de l’imprédictible (ce que nous ne pouvons ni prévoir – l’imprévisible, ni même, prédire), et, surtout, de l’inéluctable (ce que nous ne pourrons pas éviter).
Je pose la question : que pouvons-nous, habitants du 21e siècle, nous imaginer de ce que nos ancêtres pensèrent, ressentirent et vécurent, lors des époques de passage des idéogrammes aux alphabets, des rouleaux aux codex, de l’édition manuscrite à l’édition imprimée…
Malgré la rupture féconde introduite par Febvre et Martin en 1958 dans leur : "L’apparition du livre", la dimension transhistorique reste trop souvent absente des stratégies de développement de l’édition, focalisée sur la rentabilité à court terme.
Les postures et les outils de l’écrire et du lire ont pourtant, au fil du temps, été si différents des nôtres. Comment les acteurs du 15e siècle reçurent-ils, comparativement à nous autres, les transformations du livre ? Ils vivaient dans un autre univers.
Remontons plus loin dans le temps. Ecoutons un instant Pascal Quignard (Petits traités I) : « Je vois un autre univers. Un copiste, au Moyen Age, en Occident, dans sa robe de bure, devant des pages de veaux écorchés, entouré de son rasoir, de sa craie, de sa pierre ponce, de ses cornes de bœuf – encriers rouge et noir –, de ses besicles-loupes, de son couteau pour tailler les plumes d’oiseau, de sa règle pour assurer la ligne. » (Édition Folio, page 398, XVIIe traité : Liber).
Reconnaissons aussi qu’il y a certaines distorsions historiques pour le moins insolites : la Guerre de Cent Ans, par exemple, qui opposa la dynastie des Plantagenets à la Maison capétienne de Valois, et qui, au final n’eut pas une telle influence sur la construction européenne, est cependant bien plus traitée dans les cours d’histoire, que la mise au point de l’imprimerie à caractères mobiles, dont l’influence fut considérable et, d’une certaine manière, se poursuit aujourd’hui encore.
Les représentations historiques véhiculées par l’époque (toutes les époques) mériteraient d’être davantage interrogées.
Ainsi, nous avons des preuves qu’historiquement les précédentes mutations du livre et de la lecture, telles celles, justement, du passage du rouleau au codex, ou bien, du passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, ont, à leurs époques, profondément modifié la société, et qu’elles ont eu des répercussions culturelles, mais aussi sociopolitiques, indéniables.
Mais nous savons également qu’aujourd’hui, il est courant et juste de constater que le numérique impacte le livre, après, avoir reconfiguré les marchés du disque, de la photo et de la vidéo, pour ne parler ici que des biens culturels.

Etre ou ne pas être l’allié de ses fossoyeurs ?

N’assisterions-nous pas ainsi en fait, plus ou moins inconscients et presque impuissants, au naufrage du livre dans le marché du divertissement, et à celui de la lecture dans les réseaux sociaux (lectures sociales) ?
Cette prétendue évolution du livre que nous serions en train de vivre, et encore bien évidemment, pour ceux seulement pour lesquels livre et lecture ont encore une certaine importance, fait-elle aujourd’hui réellement révolution sociétale, culturelle, ou bien, ne serait-elle simplement qu’une infime partie d’une révolution plus globale ?
Les mutations que nous ressentons dans la chaine du livre ne seraient-elles pas que les effets des coups de butoirs des industries de l’électronique et du divertissement, le jeu des lobbies et des opérateurs de téléphonie mobile, et non plus désormais, des facteurs agissants sur la société et engendrant de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine ?
Aujourd’hui ce sont les réseaux sociaux qui engendrent de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine, et non plus, comme jadis, des réseaux épistolaires, c’est le partage en ligne de vidéos qui reprend le flambeau que l’imprimerie à caractères mobiles avait conduit sur les routes d’Europe et de l’Amérique nouvelle.
L’édition (numérique, incidemment ou accidentellement numérique ? partiellement ou totalement numérique ?) du 21e siècle, nous apparaît ainsi, fin 2010, comme un gigantesque puzzle à ordonner, mais dont les pièces "culture graphique" et "culture écrite" seraient repoussées à la périphérie.
« Sans doute est-ce […], écrit Henri-Jean Martin, (dans sa phrase conclusive de son ouvrage "Histoire et pouvoirs de l’écrit" – Albin Michel, 1996), la mission de notre génération que de faire comprendre à nos descendants que le progrès technique n’implique pas obligatoirement le rejet irréfléchi des apports du passé. ».
Déchiffrer le monde demeure, en ce début de 3e millénaire après J.-C., la principale activité de défrichage de l’espèce humaine.
Au final : tout est et tout reste livre. Donc à lire.
D’où, ce que j’appelle et ressens ainsi : la présence ardente de la lecture.

lundi 22 novembre 2010

Google et Hachette copains comme cochons ?

En compagnie de Gwendal Bihan, fondateur de Leezam (éditeur et libraire 100% numérique), Xavier Cazin, directeur d’Immateriel.fr, et de Marc-André Fournier (auteur hypermédia), j’ai eu l’occasion de donner à Elizabeth Sutton pour son portail IDBOOX, mon point de vue sur le récent protocole d’accord signé par Hachette Livre et Google.

Extraits de mon point de vue :

« Il va être de plus en plus évident que le marché de l’édition numérique ne va pas pouvoir se développer sur les modèles économiques et législatifs du livre imprimé. […] D’abord, avec le numérique, les notions de livres indisponibles, de tirages épuisés, de ruptures de stocks, vont voler en éclats. Un livre dématérialisé ne peut pas être en rupture de stock !
[…] On voit bien, avec cet accord, et la réaction du ministère de la Culture, que les sociétés privées et internationales, poussées par leurs actionnaires, sont décidées à avancer plus vite que les acteurs institutionnels, et qu’elles voudront imposer leurs lois à l’interprofession, tant aux libraires qu’aux auteurs.
Par ailleurs, il est clair que Google manœuvre habilement pour devenir le point de passage obligé des livres numérisés.
Il va sans doute être de plus en plus difficile pour l’édition française de définir une stratégie commune et de parler d’une seule et même voix. […] Ceux qui voudraient exister en marge des majors de l’édition et du divertissement vont devoir innover : laisser le livre numérisé aux mastodontes et inventer de nouveaux modèles éditoriaux avec de nouvelles chaines de valeur. »
Lire l’intégralité de mon point de vue et ceux des autres intervenants sur le portail d’IDBOOX

samedi 20 novembre 2010

La librairie française face au nouveau paradigme de la distribution numérique

Mon article : "Marché du livre, la librairie française face au nouveau paradigme de la distribution numérique", est paru dans le premier numéro d’E-PaperWorld magazine, de novembre 2010 (en ligne à cette adresse).
Ecrit en mars 2010, ce « papier » (sic ;-) est aujourd’hui une bonne occasion d’évaluer la vitesse des transformations, en cours pour certaines, en gestation pour d’autres, dans le marché du livre, et, malheureusement, de déplorer une nouvelle fois le nouveau retard du portail de la librairie indépendante 1001libraires.com (même s’il est bien évident que ce n’est pas cette initiative seule qui sauvera la librairie !).

Extraits

« Une profession à réinventer
Historiquement, après les temps héroïques des manuscrits, la librairie commence à émerger avec le développement de l’imprimerie et les Maîtres-libraires qui assumaient les fonctions d’éditeurs. Ce n’est qu’après la chute de l’Ancien Régime et des corporations professionnelles que les différentes fonctions d’imprimeur, d’éditeur et de libraire se séparent.
En 2010 faut-il équiper les librairies brick and mortar de dispositifs coûteux d’impression à la demande et de bornes de téléchargements, ou bien faciliter l’émergence de librairies pure players ?
Nous n’allons pas chez des disquaires télécharger nos fichiers MP3.
Il semble bien que nous évoluons vers un mixe de Web immersif, de cloud computing et de réalité augmentée. Les grandes marques travaillent déjà à la virtualisation de leurs espaces de vente. Au programme : modélisation 3D des magasins et intégration de passerelles entre boutiques en ville et boutiques en ligne. Les applications pour iPhone, iPad, et demain autres terminaux de lecture, se multiplient. Les libraires doivent s’y préparer.
Une nouvelle fois le centre de gravité du métier pourrait se déplacer, et il n’est pas exclu qu’au cours du siècle, les fonctions de libraire et de bibliothécaire documentaliste fusionnent. La partie noble de médiateur du livre serait ainsi préservée dans une fonction de manager de communautés de lecteurs.

Des libraires réactifs

Dans ce contexte des libraires réagissent et cherchent à innover. […]
En résumé : la pérennité de la librairie passe par une régulation du marché du livre numérique, qui soit validée au plan international et qui s’inscrive dans les évolutions en cours du commerce des biens culturels. Ce n’est pas gagné.
Mais il y a un siècle, en 1910, les librairies tenaient surtout du comptoir de vente. Peu à voir avec une librairie en 2010. Alors que seront-elles en 2110, dans un siècle ? »
(Lire l’intégralité en ligne…)
E-PaperWorld Magazine, est un magazine numérique gratuit de 198 pages, sous-titré : "La revue des livres, des tablettes électroniques, des applications et des médias intelligents", et réalisé par Eric Le Ray et son équipe. A découvrir et à lire !

jeudi 18 novembre 2010

Séminaire Digitalisation de l’édition au Master Marketing Opérationnel International de l'Université Paris-Ouest Nanterre

Je vais avoir le plaisir cette fin de semaine d’intervenir une matinée auprès des étudiants du Master Marketing Opérationnel International de l'Université Paris-Ouest Nanterre, sur le sujet : Digitalisation de l’édition, les transformations du marché du livre.

Présentation

« Avec le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique se profilent de nouveaux modes de consommation du livre. Par “modes de consommation” du livre, il faut entendre, tant les facteurs qui poussent à l’achat d’un livre, que les modalités de cette acquisition, que les pratiques de sa lecture puis de sa conservation.
Le marché du livre subit depuis le début des années 2000 des mutations à trois niveaux (pratiques de lecture, dispositifs de lecture, économie), modulées par des effets de continuités et de ruptures générationnelles, tant au niveau des lecteurs, que des acteurs de l’interprofession, et des entreprises.
Avec la digitalisation de l’édition le marché du livre se transforme en profondeur. Le principal risque serait peut-être, qu’au-delà de ces évolutions apparentes, il s’agisse en fait d’une révolution plus globale, laquelle, après les marchés de la musique, de la photo et de la vidéo, impacterait celui du livre, sans que ce dernier sauvegarde ce qui jusqu’au siècle dernier était son identité et sa force. En effet, historiquement les précédentes mutations du livre et de la lecture, telles celles du passage du rouleau au codex, ou bien, de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, ont à leurs époques profondément modifié la société, et ont eu des répercussions culturelles, mais aussi sociopolitiques, indéniables.
Aujourd’hui ce sont les réseaux sociaux qui engendrent de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine, et non plus, comme jadis, des réseaux épistolaires d’auteurs et de lecteurs. Aujourd’hui c’est la vidéo en ligne qui s’impose comme un accélérateur d’innovation, que nous pourrions comparer à celui que fut au 16e siècle l’imprimerie.
Alors : le marché du livre est-il soluble dans l’économie du numérique ? »
Plan

Digitalisation de l’édition, les transformations du marché du livre.
- Introduction générale
- 1 – Désintermédiation et nouveaux médiateurs
- 2 – Impacts des continuités et des ruptures générationnelles
- 3 – Des éditeurs pure-players en quête d’un nouveau paradigme
- Conclusion
. Enjeux et perspectives à court et moyen termes.
. Théorie des cinq cercles.

Former et informer les professionnels de demain !

Avec la digitalisation de l’édition le marché du livre se transforme en profondeur. Aussi est-il capital, non pas seulement de former, mais aussi d’informer, tant les professionnels en exercice aujourd’hui que les futurs professionnels du livre, mais, aussi, tous les acteurs qui vont ou pourraient prochainement jouer des rôles actifs dans le marché du livre, numérique ou pas, au cours des prochaines années.
C’est pour cela que cette première collaboration avec l’Université de Paris Ouest me donne une grande satisfaction et que je suis à l’écoute de tous les établissements d’enseignement ou de formation, conscients des enjeux des actuelles transformations du livre et de son marché.
Je vais d’ailleurs avoir aussi cette année le plaisir d’intervenir auprès des étudiants du Groupe EAC, qui rassemble des écoles spécialisées dans les métiers de la culture, des arts et du luxe. J’en reparlerai bientôt sur ce même blog ;-)

mercredi 10 novembre 2010

Critique d’Impressions numériques de Jean Sarzana et Alain Pierrot chez Publie.net

Je me suis précipité le jour de sa mise en ligne pour faire l’acquisition de cet ebook sur le site Publie.net de François Bon. Le thème abordé, les auteurs, l’éditeur, tout m’incitait à le télécharger.
Avant que je ne partage ici avec vous, amis lecteurs, mes propres impressions sur ces impressions, je me permettrais quelques remarques liminaires sur cet acte d’achat, ces réflexions, toutes personnelles et n’engageant que moi, ayant à voir avec ce passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, qui nous interpelle tous, voire nous inquiète pour certains.
Premier point : lorsque je vais acheter un livre chez un libraire ou même dans une grande surface, je ne suis aucunement obligé de décliner toute mon identité, de remplir "mon profil". Je comprends pertinemment l’obligation pour cette interface, comme pour les autres interfaces libraires, et notamment pour la sécurisation du paiement en ligne par carte bancaire, de pouvoir identifier les acheteurs. Nonobstant, nous savons tous, avec Amazon, Apple, Google, et cetera, qu’il est indéniable que nos comportements d’achats vont être de plus en plus fichés avec les pratiques liées ou dérivées du m-commerce (mobile commerce), appelé à se développer.
Deuxième point : le livre lui-même. Sur le livre en lui-même, deux éléments m’ont manqué d’emblée.
Le premier : la quatrième de couverture ! Je ne retracerai pas ici son histoire, nous savons bien tous qu’elle n’a pas toujours existé sous la forme à laquelle nous sommes aujourd’hui habitués. Il y aurait peut-être là matière à innover, simplement et intelligemment, par exemple, en plaçant un équivalent à cette quatrième sous forme d’un encadré en bas de couverture, ou en avant-couverture ( ?) des ebooks.
Le second : un sous-titre. Je pense qu’au-delà du trait d’esprit du titre, un sous-titre éloquent aurait été le bienvenu, même si, pour le microcosme cogitant en cet orbe, les noms des auteurs suffisent à se faire une idée, assez claire et engageante.
Enfin, la présence au début de pages blanches a attiré mon attention. Quel sens pour une publication destinée à être lue sur un écran ou une tablette de lecture ?
Et puis, évidemment, la dématérialisation joue ses tours. Sans perception visuelle du volume, difficile d’estimer a priori le nombre de pages et le temps moyen de lecture que j’allais y passer.
Pour le reste, je reconnais là un bon travail d’édition, sans plus de coquilles que dans la traditionnelle édition imprimée.
Mais venons-en à l’essentiel…

Continuité ou rupture ?

Bien évidemment, moi qui prône une dimension transhistorique aux approches prospectives du livre et de l’édition, découvrir, dès l’Entrée en matière, une mise en scène qui place d’un côté, ceux qui voient dans l’édition numérique un « prolongement du passé », et, d’un autre, ceux qui y voient une « rupture décisive dans l’histoire du livre imprimé », m’a plutôt séduit. J’espérai des réponses.
Mais en refermant le livre (sic, car c’était un ebook !) quelques heures plus tard, je n’avais que des interrogations supplémentaires.
Nonobstant, force est de constater objectivement je pense, que ce petit essai, ligne après ligne, aligne des réflexions dont la pertinence et le style sont cependant indéniables.
Je ne puis d’ailleurs résister au désir, au plaisir, d’en livrer ici un petit florilège :
« On a souvent le sentiment qu’une muraille de Chine sépare éditeurs et bibliothécaires. Ils gagneraient à la changer pour un paravent japonais. »
« En même temps qu’il restreint le champ du livre, le numérique étend celui de l’œuvre. »
« […] pour un certain temps encore, le futur du livre numérique et des nouvelles formes éditoriales reste caché par le développement du livre numérisé et la contraction du livre papier. »
« Une seule certitude : la librairie sera la plus touchée par une mutation profonde, qu’elle ne peut pas maîtriser seule. »
« Jusqu’alors, on achetait avant de lire. Peut-être certains vont-ils lire avant d’acheter. »
« En tout état de cause, la copie homothétique nous apparaît comme un stade transitoire, sans doute nécessaire, mais certainement insuffisant, et qui ne mérite guère qu’on s’y attarde. »
Et enfin :
« Le numérique est créateur non dans la copie qu’il permet, mais dans la communication qu’il ouvre. ». CQFD.
Mais, s’il ne devait y avoir qu’une et une seule raison de lire cet essai, ce serait certainement pour sa pertinente et éclairante analyse rétrospective de la stratégie Google (sa première partie : "Google et le syndrome numérique", avec "Les quatre âges « littéraires » de Google" : L’âge primaire : Google Print ; L’âge secondaire : Google Book Search ; L’âge tertiaire : le projet d’accord global ; L’âge quaternaire : Google Editions).

Un livre qui porte bien son titre !

Donc, soyons clairs : tout cela m’est apparu comme une réflexion, intéressante certes, mais, par exemple, bien moins structurante que celle de Marin Dacos et Pierre Mounier dans leur ouvrage, "L’édition électronique" (La Découverte éd., Collection Repères, mars 2010).
L’on ressent bien, tout au long de cet essai de Jean Sarzana et Alain Pierrot, leur véritable souci, ce qui les préoccupe tous deux, et c’est là précisément ce qui, au fond, fait tout l’intérêt de cette lecture peut-être, et, le titre d’ailleurs de leur dernier chapitre : "La part du livre papier", et ce qu’ils expriment au final ainsi : « Dans quel état le livre imprimé émerge-t-il de cet agglomérat de problématiques ? ».
Un état des lieux, une photo fin 2010, de l’édition imprimée face à la numérisation et avec le schmilblick du livre numérique qui les nargue. Et cet espoir qui revient sans cesse, que le livre numérique pourrait être finalement, ne pourrait être qu’un complément, et non un remplaçant, au livre imprimé. Est-ce crédible ? Est-ce possible ? Alors que de nouveaux dispositifs de lecture s’installent dans les grandes surfaces entre les dentifrices et les livres et que la génération des 04-06 ans commence (chez eux, à la maison, et pour certains seulement il est vrai) à apprendre à lire sur iPhone et iPad ?
Personnellement, je le voudrais bien, mais, sincèrement, je n’y crois pas.

Un enterrement de première classe ?

Peut-être les auteurs n’auraient-ils pas dû rester les deux pieds et la pensée dans le présent. Faire un pas en arrière, dans l’histoire du livre, pour faire deux pas en avant, ce que laissait espérer pourtant leur Entrée en matière.
Car, ne s’agirait-il pas là, en somme, en l’état, d’un enterrement de première classe du livre imprimé ?
Je ne sais que penser de ces hésitations (à commencer par les miennes !), ni comment les comprendre. Je ne parviens pas à distinguer la voix d’Alain Pierrot (que j’ai épisodiquement le plaisir de fréquenter), de celle de Jean Sarzana (dont je n’ai croisé la route qu’une seule fois, alors que nous intervenions tous deux à une table ronde, à Poitiers je crois).
Je me demande également ce qu’en pense François Bon, penseur et acteur de cette (r)évolution numérique du livre, et maintenant éditeur de cet ouvrage précis, de cet ouvrage en particulier, de ce qui m’apparaît finalement comme de bien énigmatiques impressions.
Et d’ailleurs, que répondraient-ils tous trois à la question : « Cela est-il un livre ? ».
D’évidence oui, et cependant ni imprimé, ni numérisé, ni numérique dans le sens d’enrichi, d’augmenté, en réseau et que sais-je encore.
J’ai bien lu un livre, même si j’aurais préféré le lire imprimé et relié, plutôt que sur une de ces tablettes par certains aspects frustrantes.
En tous cas c’est là, je pense, soit un livre qui, rétrospectivement, fera date dans la période d’incertitudes que nous traversons, soit, qui passera simplement, telle une bulle de savon dans un rayon de soleil. Comme pour tout le reste : l’avenir le dira.

vendredi 5 novembre 2010

Que la TV ne gagne pas le livre numérique, questions réponses sur Livrelle

Content de signaler la mise en ligne du petit jeu de questions-réponses, avec Isabelle Crouzet et Sara Doke, sur Livrelle, projet qui a vu le jour à l'occasion de la 12e édition du Salon international du livre insulaire à Ouessant, en août dernier.

Six questions, auxquelles je ne donne ici que la sixième réponse (les autres à découvrir sur le site de Livrelle) :


Qu’attends-tu d’un livre ?  ...
Qu’est-ce que tu ne veux pas trouver dans un livre ? ...
Qu’est-ce que tu attends d’une île ? ...
Qu’est-ce que tu détestes dans une île ? ...
Qu’attends-tu d’un livre électronique ou d’une liseuse de livres électroniques ? ...
Qu’est-ce que tu ne veux pas trouver dans un livre électronique ?
L.S. : La télévision, pour moi assommoir du 20ème siècle.

Sixième réponse, plus pertinente qu'il ne parait : les conversations germanopratines bruissent en effet parfois d'étranges rumeurs que je sais fondées. Par exemple, que certaines agences de productions audiovisuelles s'intéressent de plus en plus au livre numérique, au livre augmenté, etc.
Le livre numérique des années 2020-2030 aura sans doute si peu à voir avec ce que nous appelons aujourd'hui "un livre", qu'il se pourrait même, peut-être, que les deux formes, livre imprimé, et, livre numérique, coexistent dans le temps (?). Qui sait ?

Dernière réflexion que m'inspire cette modeste participation au petit jeu d'Isabelle et de Sara : sur le bandeau figure une photographie d'Nzo Babenco, mon avatar sur Second Life.
Second Life aujourd'hui semble s'épuiser. Des rumeurs de rachat par Microsoft reviennent régulièrement. Reste que cela a été et pourrait redevenir un laboratoire du futur web 3D pour les professionnels du livre et de son marché, alors que l'édition numérique s'impose chaque jour davantage.
Via Nzo je reste présent sur Second Life et à l'écoute des acteurs de l'interprofession du livre.

mercredi 3 novembre 2010

Penser l'économie du livre numérique, interview sur ULNmag

J'ai eu le plaisir d'être interviewé par Guillaume Dumoulin pour le site Univers du Livre Numérique, sur le thème : Penser l'économie du livre numérique.

Extraits :
"En tant que spécialiste de l'industrie de l'édition et fin observateur du développement du livre numérique, je souhaiterais connaître votre analyse de la mutation du modèle économique de l'édition face à l'arrivée des NTIC. Comment l'industrie traditionnelle du livre papier peut-elle profiter du développement de l'usage du numérique dans la transmission des savoirs et des oeuvres de l'esprit ?

L.S. : Je ne me définirais pas vraiment comme un "spécialiste de l'industrie de l'édition". Mon activité consiste d'abord à observer et à réfléchir les évolutions du livre et de la lecture. J'interviens alors comme auteur sur ces questions, ou comme conférencier. Ensuite, je peux également faire profiter concrètement les différents acteurs de l'interprofession du livre des fruits de ce travail. Il s'agit alors simplement d'appliquer, en les adaptant aux spécificités du secteur du livre et de son marché, des méthodes de prospective. L'objectif étant justement de pouvoir mettre en place de nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, de nouvelles chaines de valeur, afin de mettre en œuvre des stratégies de développement qui restent pertinentes à moyen terme, compte tenu de l'accélération que nous observons tous dans les technologies et dans les usages. [...]
 
Face à la multiplicité des offres de liseuses numériques, de formats pour les livres, de verrous numériques, comment un lecteur souhaitant découvrir la lecture numérique peut-il s'y retrouver? Et finalement quels gains peut-il en tirer ?
...  .... ...
 
Vous parliez de "mettre en place de nouvelles formes possibles d'organisations socio-économiques, de nouvelles chaines de valeur", quelles sont ces nouvelles formes d'organisations, ces nouvelles chaînes de valeur ? Quelle place pour les acteurs du livre papier, quelle place pour les "pure players" ?
... ... ...
 
Il s'agit donc d'innover, tant dans les formes éditoriales que dans le service proposé au lecteur. Quelles sont les propositions qui vous semblent le plus satisfaire à cette nécessité ? Avez-vous des exemples de mise en oeuvre en France et dans le Monde ?
... ... ...
 
La Fnac vient d'annoncer la sortie du FnacBook au mois de novembre, Orange lance avec Samsung et la GalaxyTab un service de ventes de périodiques et de livres numériques, Read&Go, pensez-vous que ces initiatives vont permettre de faire décoller un marché aujourd'hui encore très confidentiel ? La tendance de grands groupes a vouloir investir dans des offres globales vous paraît-elle servir la nouvelle chaîne du livre ou bien représente-t-elle une menace pour une économie culturelle en recherche d'un modèle adapté à la pluralité des acteurs ?
... ... ...
 
Le Sénat vient d'adopter la proposition de loi sur le prix uniqe du livre numérique, cette loi porte uniquement sur les livres dits homothétiques, pensez-vous que le législateur peut réellement intervenir sur un marché qui devient global ? Dans le marché du livre papier, les libraires indépendants ont pu rester concurrentiels grâce à la Loi Lang du prix unique du livre. A quoi cette loi peut-elle servir dans un contexte de marché naissant, qui cherche-t-on à protéger ? Ne pensez-vous pas qu'un travail législatif visant à harmoniser le taux de TVA réduite du livre papier au livre numérique serait plus profitable au secteur ?
... ... ...."
 

mardi 2 novembre 2010

IDBOOX Cinq questions sur le devenir du livre

Elizabeth Sutton m'a fait l'amitié de m'interviewer dans le cadre du lancement de son portail IDBOOX : "Le portail qui vous tient informé au plus près de l’actualité du livre numérique en France et à l’étranger".
J'ai, avec plaisir, joué le jeu des "trois principaux messages", "trois erreurs", etc., et j'espère avoir formulé quelques idées intéressantes sur IDBOOX ;-)

Extraits :

" E.S. : Vous vous positionnez depuis plusieurs années dans la Prospective concernant l’industrie du livre. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

L.S. : Je pense simplement que l’on peut mieux construire l’avenir en connaissant l’histoire. Comme je le dis souvent : C’est avec les lumières du passé qu’on se dirige dans l’avenir. Il s’agit concrètement d’utiliser pour le monde du livre, qui a une histoire ancienne et culturellement très prégnante, certains des outils de la prospective, notamment la veille stratégique, mais, en les utilisant dans une perspective transhistorique.
Je distingue la prospective du livre, et, la prospective de l’édition.
La prospective du livre est l’étude des évolutions et des mutations des livres, conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire comme des interfaces lecteurs/livres.
La prospective de l’édition est la discipline qui s’applique à expliciter et à représenter les transformations et les nouvelles formes possibles d’organisations socio-économiques dans le secteur du livre et de son marché, afin d’y mettre en œuvre des stratégies de développement. Au-delà la théorie, les applications pratiques sont nombreuses.

Quels sont les 3 principaux messages que vous voudriez faire passer aux acteurs de la chaine du livre ?
… … …
Quelles sont les 3 erreurs à ne pas commettre quand un éditeur décide de passer au livre numérique ?
… … …
Concernant les auteurs, les éditeurs, les libraires, quel est l’enjeu majeur d’ici à 3 ans concernant le livre numérique ?
… … …

E.S. : Vous êtes l’auteur de Gutenberg 2.0 : Le futur du livre, avez-vous d’autres projets d’ouvrages en préparation ?

L.S.: Oui, plusieurs. Gutenberg 2.0, réédité en 2008, est aujourd’hui en partie obsolète. Il est consultable sur Google Books. J’ai publié aussi en 2009 un Livre blanc sur la Prospective du Livre et de l’Edition, qui est téléchargeable gratuitement à la bibliothèque numérique de l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib).
Avec les mutations que traverse actuellement l’interprofession, des auteurs aux lecteurs, tous auraient besoin d’informations et d’analyses claires. Mais il semble malheureusement que l’édition rechigne à éditer des livres dont elle serait l’objet ! J’ai également des projets d’émissions radio et de documentaires pour la télévision. Il est important d’informer sur le devenir du livre et de la lecture ! "

mercredi 20 octobre 2010

Editeurs pure players

Le billet "Un annuaire de l'édition numérique et innovante francophone" du 08 juillet 2010, a été amendé et actualisé.
Pour le consulter et le commenter cliquer ici...

mardi 19 octobre 2010

Le potentiel pédagogique des Nouveaux Dispositifs de Lecture au Cned-Eifad

J’ai eu le plaisir d’intervenir hier, 18 octobre 2010, pour la Direction de l’innovation du Centre national de l’éducation à distance, dans les locaux de l’Ecole d’ingénierie de la formation à distance, pour une conférence sur le thème : Le potentiel pédagogique des nouveaux dispositifs de lecture, dans le cadre des séminaires de Cned-Éifad.
J’ai pu y développer le sommaire suivant, illustré d’une vidéo et de photos, devant un auditoire attentif :
I . . . . . . . Introduction
-Technologies d’affichage des nouveaux dispositifs de lecture.
- Nouveaux dispositifs de lecture et d'apprentissage.
II . . . . . . . Panorama
- Des premiers livres-applications pour l’acquisition de la lecture, ou pour faciliter l'autonomisation des jeunes lecteurs, et des premiers livres numériques adaptés aux enfants dyslexiques, malentendants, ou en difficulté de lecture.
- Des premiers livres augmentés et du potentiel de l’e-learning.
- Des manuels scolaires numériques et de leur potentiel pour l’enseignement à distance.
III . . . . . . . Conclusions et recommandations

Dans mes conclusions, j’ai insisté sur la convergence entre, d’une part, les nouveaux dispositifs de lecture et d’apprentissage dont il avait été question durant ma présentation, et, d’autre part, les nouvelles pratiques de lecture issues du Web 2.0, et, les nouveaux usages des lecteurs et des apprenants, nouveaux usages fondés sur la connectivité, les téléchargements et la mobilité.
Dans mes recommandations, j’ai principalement insisté sur la nécessité de concevoir et de créer de nouveaux contenus augmentés, dans une logique nouvelle de diffusion multicanal multisupport, renouvelant le rapport enseignant/apprenant et intégrant l'évolution des pratiques d'apprentissage (interactives, collaboratives, mobiles...).
J’ai lancé un appel à l’innovation, car de leurs côtés les entreprises privées et les entreprises étrangères innovent et développent des solutions d'enseignement à distance qui répondent aux attentes nouvelles des apprenants du 21e siècle. J’espère avoir été entendu.

jeudi 16 septembre 2010

La plasticité du numérique au service de la poésie

Nous sommes loin de pouvoir cerner, fin 2010, les conséquences qu’auront les nouveaux outils d’écriture assistée par ordinateurs, sur la littérature et ses expressions diverses et variées, notamment le roman et la fiction au sens large, le théâtre et l’écriture scénaristique (avec les machinima, et aussi les scénarios de jeux vidéos qui renouvelleraient en partie les schémas narratifs), la poésie aussi, par essence expérience d’écriture en appelant à la polysensorialité, comme en écho souvent au vers de Baudelaire : "Les parfums, les couleurs et les sons se répondent." (Les Fleurs du Mal, 1857, Correspondances), un décloisonnement de l'écriture et de la lecture, tant souhaité par Marc-André Fournier.
Même si l’iPad ne rentre pas dans le cadre d’un dispositif de lecture, tel que nous pouvons le concevoir à la lumière des siècles précédents, de premières adaptations, de contes pour enfants par exemple, laissent entrevoir certaines promesses. Mais seront-elles tenues ?
Le fait est que nous prenons encore le plus souvent (trop souvent, mais aussi, logiquement, il faut l’admettre également) le livre imprimé, comme modèle référentiel.
Essayons donc ici un nouveau pas de côté (après celui, récent, ouessantin, mal ou sur interprété, volontairement ou involontairement, par certains).

Un système fini face à une demande infinie

Ce détournement que je propose, d’une réflexion de Michel Foucault (Dits et écrits, tome IV, 1980-1988, NRF, Gallimard) : Que peut « un système fini [le codex], face à une demande infinie [les internautes] » ? pose assez bien je trouve le contexte dans lequel, nous et le texte, nous nous retrouvons en 2010.
Evoquer la plasticité du numérique c’est, à mon sens, évoquer (invoquer) cette polysensorialité (vers des possibilités de lecture immersive ?), la liberté que peuvent apporter les outils informatiques aux créateurs, par rapport aux voies qui leurs sont tracées, par les styles et les canons, l’époque et les modes, les contingences économiques et cetera, avec les atouts qu’apporte une telle liberté, mais aussi le prix à payer, les risques, mais, aussi, les droits également, de se perdre, de s’égarer, de faire fausse route, mais y-a-t-il de fausses routes ?
C’est, en partie, aller au-delà, dans une phase créatrice, par rapport à ce qui est défini plus sobrement ainsi : « Le concept de plasticité désigne, en informatique et particulièrement dans le domaine des interfaces homme-machines, "la capacité d'une interface à s'adapter aux contraintes matérielles et environnementales dans le respect de son utilisabilité"… » (Source).

De l’aube à l’aube

Empruntée aux paroles d’une chanson d’Alain Bashung, l’expression “de l’aube à l’aube” pourrait-elle symboliser l’écriture poétique au seuil d’un nouveau millénaire ?
L'aube aussi, rappelons-le, est une forme littéraire du moyen âge, poésie lyrique sur la séparation amoureuse au point du jour.
Deux vidéos pourraient, peut-être, contribuer à illustrer, et, cette plasticité du numérique au service de la poésie, et, ces aubes, dont il est question ici.


La première vidéo, ci-dessus, reprend quelques éléments d’une conférence et de deux performances de Jacques Donguy, auxquelles j’avais eu le plaisir d’assister le 14 juin 2009, au Cube (Centre de création numérique d’Issy-les-Moulinaux et sur Second Life).
Une « rétroprojection de fragments verbi-visuels fonctionnant sémantiquement comme des mots ». Un aspect expérimental, sans doute, dans l’approche, mais nonobstant une forte référence aux mots et à l’écrit.
Cette poésie numérique se concevrait comme le chant du cygne de la poésie visuelle dont la première note aurait été jetée par le coup de dé mallarméen.

La seconde vidéo, ci-dessous, présente le travail de Laure Morali, en résidence d'écriture au sémaphore de Créac'h sur l'île d'Ouessant. Il s’agit d'un carnet de bord sonore et visuel, réalisé en partenariat avec la société bookBeo.
Une approche apparemment plus traditionnelle du langage poétique, mais nonobstant un apparent effacement des mots et de l’écrit derrière les images. Il serait intéressant de voir ce que cette expérience d’écriture pourrait donner, si un accès au texte, aux mots écrits était donné aux lecteurs, par exemple, par le truchement d’une édition imprimée enrichie des codes 2D bookBeo.


En quoi, le rapprochement de ces deux aubes, la “donguyenne” et la “moralienne”, pourrait-il porter témoignage de la plasticité du numérique au service de la poésie, du besoin de dépassement du cadre limité de la page imprimée, face à la demande fantasmatique des voyeurs ? Car peut-on parler encore de lecteurs dans ces conditions ?
En quoi, la tentation déjà bien ancienne et l’effort soutenu, pour : “Arracher le poème de la page”, notamment exprimés par le poète sonore français, Bernard Heidsieck, pourraient-ils ouvrir des portes à la littérature numérique, voire participer d’une architecture novatrice pour l’édition numérique ?

mardi 14 septembre 2010

Lectures sur les livres et la lecture

La lecture, en l’espèce de livres imprimés, reste essentielle pour comprendre le monde et ses évolutions. En cette rentrée littéraire, faisant en partie fi de l’actualité, je me penche avec attention sur deux ouvrages qui m’avaient précédemment échappé, et qui se révèlent cependant essentiels pour mieux appréhender et pour moins redouter les mutations du livre et de son marché, de l’écriture et de la lecture, durant ce 21e siècle.

Histoire et pouvoirs de l’écrit

D’abord, Histoire et pouvoirs de l’écrit, par Henri-Jean Martin, aux éditions Albin Michel (Collection Bibliothèque de l’Evolution de l’Humanité). Pour mémoire, Henri-Jean Martin fut, dans cette même collection, avec Lucien Febvre, l’auteur de l’ouvrage de référence : L’apparition du livre.
Dans Histoire et pouvoirs de l’écrit (1988), il pose ces questions essentielles : « Qu’en sera-t-il demain de l’écrit ? Quel est l’avenir du livre et de la lecture ? ».
« Au lieu de prophétiser la fin de la galaxie Gutenberg, [Henri-Jean Martin] a préféré se faire l’historien du règne de la “raison graphique”. […] il analyse ici la lente maturation de la civilisation de l’écrit ainsi que les révolutions mentales et techniques qui l’ont rendue possible. Si la mise en perspective historique permet de comprendre l’interaction entre les avancées du savoir et les multiples pouvoirs de l’écriture, de même, elle éclaire la mutation de la circulation de l’information qui, s’accélère aujourd’hui, avec l’informatique et les nouveaux médias [des éclairages de 1996 de Bruno Delmas sur ces derniers aspects]… » (Extraits quatrième de couverture, c’est nous qui soulignons ;-)
Ma lecture est en cours, mais il m’apparaît déjà clairement que l’approche d’Henri-Jean Martin permet de relativiser les connaissances et les certitudes avec lesquelles nous pourrions facilement nous illusionner à bon compte. L’auteur n’occulte pas les problèmes qui se posent souvent aux historiens, quant à l’absence de sources fiables, ou bien aux incertitudes et aux influences des interprétations, forcément soumises à l’état des lieux des connaissances à un moment donné, d’une part, d’autre part, au point de vue forcément subjectif de l’époque et de la société de l’historien observateur du passé.

Petits traités

Ensuite, les Petits traités I, par Pascal Quignard (en Folio, 1997). Mon attention sur ce livre, qui au simple survol m’apparaît essentiel, a été heureusement retenue par quelques propos discrets de François Bon.
Je trouverai certainement à sa lecture des lumières sur les notions de pages (Ve traité : Pagina), sur “Le Livre des lumières”, “La bibliothèque”, “Les premiers codex”, le “Liber”, etc., et enfin, “Sur les rapports que le texte et l’image n’entretiennent pas” (intéressant à l’heure des premières œuvres portées sur iPad ;-)
L’actualité cependant s’impose à la lecture, lorsque Pascal Quignard s’étonne avec justesse dans son XXIe traité : “Jésus baissé pour écrire”, que : « les Chrétiens n’ont pas cru qu’il serait judicieux de conserver ce que leur dieu avait écrit. »
Citons l’auteur : « Cette scène étrange, nous précise-t-il, est dans Jean, VIII (The Greek New Testament, London, 1966, page 414). Jésus est assis dans le Temple. Scribes et Pharisiens mènent auprès de lui une femme qui a été surprise en flagrant délit d’adultère. Les sages hébreux rappellent que la loi prescrit qu’elle soit lapidée. Ils lui demandent quelle est sa loi : “Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Et comme ils persistaient à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre. » Puis, s’étant baissé de nouveau, il écrivait sur la terre.”… »
Qu’écrivait-il ?

Je recommande quelques autres lectures, sur les livres et la lecture, dans la colonne de droite du présent blog. Des sources de réflexion et d’inspiration, à mon humble avis, plus pertinentes que la seule consultation des blogs américains, pour comprendre les enjeux universels de l’écriture et de la lecture.

jeudi 9 septembre 2010

Papier et numérique : laissons la porte ouverte aux complémentarités

J’ai le plaisir de participer modestement, via une interview, au premier numéro de la lettre (papier ;-) d’information, baptisée La Lettre, et lancée par l’association Culture Papier, présidée par Laurent de Gaulle qui en signe l’éditorial.
Cette première Lettre comprend également une présentation de l’association et de sa « volonté de projeter le papier dans un autre avenir plurimédia », avec une interview de Jean-Philippe Zappa, délégué général de l’association.

Extraits de mon interview :
« Comment vont évoluer, selon vous, le livre et l’édition dans les années qui viennent ?
Lorenzo Soccavo : Les principales tendances que nous observons depuis 2000 vont certainement aller en s’amplifiant. Nous allons vers une diffusion multicanal multisupport de livres numériques qui ne seront plus soumis aux mêmes contraintes que les livres papier. Le livre devient un média à part entière, et, comme nous avons tous aujourd’hui un téléphone portable, d’ici quelques années, nous aurons tous un dispositif nomade de lecture.
Nous assistons aussi à une véritable reconfiguration de la traditionnelle “chaîne du livre”, naguère linéaire et aujourd’hui, de plus en plus réticulaire, avec de nouveaux entrants issus d’autres cultures, en particulier celle du Web.
Quels sont les grands défis qui vont devoir être relevés ?
L.S. : Pour la première fois de son histoire, le livre est confronté à au moins trois mutations simultanées. D’abord, au niveau des pratiques de lecture et d’écriture, avec de nouveaux usages, de nouvelles générations de lecteurs natifs du numérique. Puis, au niveau des dispositifs de lecture, avec par exemple, parmi de nombreux autres, la tablette Kindle d’Amazon, l’iPhone et l’iPad d’Apple… Enfin, au niveau du marché du livre, avec l’émergence d’un marché du livre numérique. A court terme, les trois principaux défis à relever sont : l’évolution du droit d’auteur, l’adaptation du Code de la propriété intellectuelle aux nouveaux usages, et puis, l’invention de nouveaux modèles économiques adaptés à la nature immatérielle et duplicable des biens culturels numériques… »
Cette contribution va dans le sens de mes efforts pour rapprocher les professionnels de la filière papier et ceux du numérique et de la filière papiel émergente.

La Lettre Culture Papier (“Pour le développement durable du papier et de l’imprimé”) est disponible auprès de Culture Papier, 68 Boulevard Saint Marcel 75005 Paris – contact@culture-papier.org

mercredi 8 septembre 2010

Une rentrée optimiste : le potentiel éducatif des livres numériques augmentés

J’ai eu le plaisir pour cette rentrée de septembre 2010 de collaborer au site Planète Plus Intelligente (supplément partenaire de Le Monde.fr) avec un « papier » (sic ;-) sur le thème : Le livre numérique augmenté : un formidable potentiel éducatif.
Optimiste, en effet, si on songe à cette récente dépêche de l’AFP : « En France, l'illettrisme touche, selon l'Insee, 3,1 millions de personnes, soit 9% de la population âgée de 18 à 65 ans, qui ont été scolarisées en France ou dans un pays francophone et rencontrent des difficultés dans la vie quotidienne pour écrire une liste de course, faire des démarches administratives, trouver son chemin sur une carte... » (Source AFP-06/09/10).
Le Web 2.0 a potentiellement élargi le périmètre et la diversité des lectorats. L’édition numérique pourrait être un atout, si elle permettait de consolider et de développer ces lectorats, natifs du numérique ; ou bien, séduits par les possibilités nouvelles et les nouveaux services.
Les principaux challenges à relever sont au niveau des manuels scolaires numériques, dans l’accompagnement vers la lecture des publics qui lisent mal, pas ou peu, et, également, dans l’accompagnement des pays en voie de développement, tant pour l’aide à l’alphabétisation, qu’au niveau de la bibliodiversité et de la pérennité des langues nationales.
Cela ne fait aucun doute : le plus enthousiasmant reste à venir :-)

vendredi 3 septembre 2010

Evolution spéculaire du livre vs un pavé dans le miroir

Je me demande parfois s’il n’est pas un peu ridicule de comparer la prétendue révolution du livre, que nous traverserions toutes voiles au vent, certains, à celle du passage des rouleaux aux codices, d’autres, à celle du passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée. Ne serait-ce pas plus complexe ?
Vivons-nous seulement une nouvelle révolution du livre ?
Ou bien n’assisterions-nous pas, inconscients et impuissants, au naufrage de la lecture et du roman européen dans le storytelling et l’entertainment ?

Nous savons qu’historiquement les précédentes mutations du livre et de la lecture, telles celles, justement, du passage du rouleau au codex, ou bien, du passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, ont à leurs époques profondément modifié la société, et qu’elles ont eu des répercussions culturelles, mais aussi sociopolitiques, indéniables.
Mais nous savons également qu’aujourd’hui, il est courant et juste de constater que le numérique impacte le livre, après (je souligne) avoir reconfiguré les marchés du disque, de la photo et de la vidéo (pour ne parler que des biens culturels).

Aussi ne serait-il pas légitime de se poser également la question en ces termes : cette prétendue évolution du livre fait-elle aujourd’hui réellement révolution, ou bien, ne serait-elle qu’une infime partie d’une révolution plus globale ?
Les mutations que nous ressentons dans la chaine du livre ne seraient-elles pas que les effets des coups de butoirs des industries de l’électronique et du divertissement, et non des facteurs agissants sur la société et engendrant de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine ? (Ce sont les réseaux sociaux qui engendrent aujourd’hui de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine, et non plus, comme jadis, des réseaux épistolaires d’auteurs et de lecteurs.)
Si cependant nous optons pour l’optimisme (ou l’inconscience ?) la révolution du livre que nous traverserions pourrait peut-être, de façon moins simpliste que d’illusoires parallèles historiques, se concevoir de manière, c’est le cas de le dire ;-) plus réfléchie, sous la forme d’une évolution dans un miroir.

L’illustration (encore imparfaite certes) ci-dessous tente de l’illustrer. En haut, les grandes mutations du passé, en bas, les mutations que nous observons actuellement, au centre, la flèche bleue du temps qui s’écoule et ferait miroir, et les liens, comme inversés chronologiquement, entre mutations passées et évolutions actuelles. Je ne sais si cela est pertinent ?

Evolution spéculaire du livre
Dans cette réflexion, la notion d’imprédictibilité, fort discrètement mais fort judicieusement introduite par François Bon, dans le cadre des 3e Rencontres numér’ile d’Ouessant : « Comment avancer dans l’imprédictible, sachant que cet imprédictible emporte avec lui […] une part radicale de ce qui nous définit comme culture, avec le rêve, l’imaginaire, la pensée réflexive ? » (Texte du 20 août 2010), la notion d’imprédictibilité trouverait peut-être son image.

Si, en fin de compte, cette prétendue évolution du livre n’était qu’une infime partie d’une révolution numérique globale, alors ce pavé, que serait cette révolution numérique globale, pourrait venir briser le miroir.
Que lirions-nous alors dans les bris et les éclats de verre ?
Qu’y ou qui, y-aura-t-il de l’autre côté ?
Passerions-nous, comme Alice, de l’autre côté du miroir ?
Quelques-uns parlent d’un ancien et d’un nouveau monde. Un nouveau monde dans lequel ces quelques-uns auraient déjà un pied.

Nous avons peine aujourd’hui à concevoir ce que sera l’édition à la fin du 21e siècle.
Raison de plus pour soutenir, accompagner et guider celles et ceux, équipages de l’édition imprimée et équipages de l’édition numérique, qui sont embarqués dans cette folle aventure.

lundi 30 août 2010

Retour d’Ouessant. Pandémie Apple. Démangeaisons de Tweets.

Dans le cadre des journées numér’ile 3, j’ai eu le plaisir de participer, modestement, comme simple animateur de deux échanges (d’abord, Ce qu’Internet change au récit du monde, le 20 août dernier, qui réunissait François Bon, Thierry Crouzet et Arash Derambarsh, puis, en off le 21, sur le thème : Edition numérique, mode d’emploi, avec diverses interventions spontanées) à la 12e édition du Salon international du livre insulaire à Ouessant.

Avant un petit débriefing tout personnel, je tiens à remercier tout particulièrement Isabelle Le Bal, présidente et organisatrice du Salon, et Jeanlou Bourgeon, organisateur et agitateur d’idées des 3e Rencontres numér’ile, nouveaux univers des médias et des éditions en réseaux.
Amicales pensées également pour : Lise Hascoët (dont un dessin illustre ce post), à Gwenn Cathala des éditions Numerik:)ivres, ainsi qu’à Sophie Le Douarin-Deniel de bookBéo, Clément Monjou et Alexis Jaillet du blog eBouquin.fr, et enfin, tout particulièrement, pour Isabelle et Thierry Crouzet, Sara MC Doke et Yal Ayerdhal, avec lesquels j’ai pu échanger plus longuement sur les problématiques de l’édition contemporaine et numérique.
Conclusion ? Je suis rentré satisfait, mais inquiet.
Inquiet pour le livre et pour la lecture.
François Bon (lequel à mon avis devrait donner en spectacles ses passionnantes et passionnées lectures de Rabelais), a, évidemment, apporté de bien intéressantes contributions (sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants), mais nous pouvons regretter cependant qu’il ait été le seul représentant d’une maison d’édition numérique francophone (Publie.net), alors qu’avec la BD numérique nous pouvons en dénombrer une petite trentaine. Numerik:)ivres n’a pas été présent en tant qu’éditeur et les éditions Leezam, inscrites au programme, absentes.
Je regrette aussi les passages bien trop rapides de Michèle Drechsler et de Bruno Rives que j’ai à peine eu le temps de saluer ; ainsi que d’Arash Derambarsh des éditions du Cherche-Midi, et du digiborigène David Queffélec qui nous ont fait l’amitié de participer à ces deux débats, que je n’avais au fond pas besoin d’animer, tant ils l’étaient spontanément, avec « Des égos parfois surdimensionnés [qui] s’entrechoquent, se frottent, se télescopent » (dixit avec justesse Thierry Crouzet), et tant et si bien que je me suis ainsi réellement retrouvé au fond dans ce rôle énigmatique de “Grand Témoin” auquel m’avait assigné l’organisation.

De quoi peut témoigner un grand témoin ?
En exergue de mes propos je souhaiterais ici cette déclaration d’Albert Camus, et je profiterais de l’occasion pour signaler que ce gros livre imprimé (Albert Camus, une vie, par Olivier Todd, Folio, 1999, 1190 pages, et à ma connaissance inexistant en version numérique) que l’on voit à côté d’une tablette Kindle sur la photographie prise par Alexis Jaillet, est le livre que je lisais alors. J’ai dit.

Et voici donc ces mots de Camus, en écho à nos quelques échanges avec Thierry Crouzet notamment : « Si l’homme veut être reconnu, il lui faut dire simplement qui il est. S’il se tait ou s’il ment, il meurt seul, et tout autour de lui est voué au malheur. S’il dit vrai au contraire, il mourra sans doute, mais après avoir aidé les autres et lui-même à vivre. » (Page 484).
Alors qu’ai-je à dire de vrai ici ?

De ces journées ouessantines, il ressort pour moi, mais peut-être ne serait-ce qu’une impression engendrée par une insularité énigmatique, que l’édition numérique relèverait davantage, dans les esprits de beaucoup,  du fantasme futuriste et communautaire, que des réalités économiques qui nous sont imposées par le marché et par les industries de l’électronique et du divertissemement.
Les effets mirages induits par le design d’une certaine marque notamment, et par les facilités que semblent apporter certaines nouvelles technologies, ou certains services qui leurs sont associés, leurrent, je pense, trompent, et nous font oublier les réalités humaines et socioéconomiques du passage de l’édition imprimée à une édition… numérique ?
Pour ma part l’édition numérique ne m’intéresse pas.
Ce qui m’intéresse c’est l’édition du 21e siècle, celle que nous laisserons en héritage à nos descendants du 22e siècle.

Débriefing : explication de titre
Ainsi, j’observe que progressivement, mais assez paradoxalement à la fois lentement et rapidement, selon les repères que l’on se propose, dans le décor de tous les jours s’installent, davantage que des outils nouveaux, de nouvelles pratiques de communication entre membres de la communauté humaine.
Et alors que je me faisais une joie de passer déconnecté ces quelques journées ouessantines, fort éloigné de mon ordinateur et de tous types d’écrans, j’ai, pratiquement en permanence, été encerclé d’iPhone, d’iPad et de Mac, le tout dans un bourdonnement de tweets incessant.

Mon objectif n’est pas ici de revenir d’autorité et après coup sur les échanges publics qui ont pu avoir lieu durant ces cinq jours, intéressants et enrichissants (intellectuellement j’entends) à plus d’un titre.
Les contributions pertinentes de François Bon, à la discussion du 20 août : “Ce qu’Internet change au récit du monde” (avec cette question essentielle qu'il pose : « Comment avancer dans l’imprédictible, sachant que cet imprédictible emporte avec lui […] une part radicale de ce qui nous définit comme culture, avec le rêve, l’imaginaire, la pensée réflexive ? »), et à celle du 22, “De l’auteur comme écosystème”, sont intégralement en ligne.
J’espère que sera mise également rapidement en ligne celle, toute aussi pertinente, du dimanche 22 août (sur le thème : Livre numérique et droits des auteurs), de Henry Le Bal.
Ces interventions ont pour moi le grand mérite de ne pas s’illusionner et de s’inscrire dans une transhistoricité qui, comme vous le savez peut-être, est une des perspectives essentielles de la prospective du livre et de l’édition (voir Le livre et la lecture au 21e siècle : des enjeux d’universalité).
N.B. : un site dédié à ces 3e Rencontres numér’ile et reprenant l’intégralité vidéo des échanges devrait être prochainement mis en ligne.

Dans quel état j’erre se dit le livre ;-)
L’empilement des versions (la troisième pour le Kindle d’Amazon) et des mises à jour informatiques, ne serait-il pas une version technolâtre des empilements de pierres, des empilements de tablettes, puis de pages, qui donnèrent naissance à l’interface des codices ?
Comme une auditrice des échanges d’Ouessant le rappelait, les réseaux épistolaires datent de plusieurs siècles.
Et à peine rentré de Bretagne je découvre que les SMS datent eux (au moins) du 19e siècle (Des SMS du XIXème siècle).

J’ai souvent souligné pour ma part que vers l’an 400, des moines avaient inventé… le Web 2.0, avec un système de “blogs” manuscrits qui permettaient à chacun d’écrire et de diffuser ses propres textes, commentés ensuite par des lecteurs, dont les commentaires pouvaient à leur tour être commentés.
Une pratique collaborative, à vocation universelle avec l’emploi du latin, qui permettait déjà d’amender, de modifier, de compléter, d’enrichir un texte tout en gardant traces des différentes versions et de l’exemplaire original (comme sur Wikipédia).
Ces moines ont été plus loin que les scribes fonctionnaires de l’Antiquité. Ils ont inauguré une gestion participative des textes, non plus dans la conversation ou le dialogue, mais, par écrit. Ils ont développé une gestion communautaire au fil de laquelle : l’auctor rédigeait ses propres idées, le compilator intervenait comme agrégateur (RSS), ajoutait au texte initial des compléments d’informations provenant d’autres sources, d’autres auteurs ; le commentator commentait, et certains commentaient les commentaires et commentaient les commentaires des commentaires et cetera, comme sur les blogs exactement ; tandis que le scriptor, jouait le rôle de Wikipédia en retranscrivant tout ceci : les différentes versions successives d’un texte original en perpétuelle construction. Le Web 2.0 sans informatique ni électricité ! En tous cas l’idée était là.
Comme l’idée de l’hypertexte était présente dans Le Diverse et artificiose machine, paru à Paris en 1588, ouvrage dans lequel l’ingénieur italien Agostino Ramelli représentait un astucieux système de deux grandes roues parallèles, reliées entre elles par une douzaine de lutrins, sur lesquels reposaient des livres ouverts : La Roue à Livres. Il suffisait qu’un lecteur s’asseye devant, lise et fasse tourner la roue, pour passer aisément d’un livre à l’autre.
Même ce sentiment d’infobésité (surinformation ou information overload) que nous ressentons parfois fut déjà décelé et explicité dès 1621 par le dénommé Robert Burton.

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication n’ont rien inventé d’essentiel.
Elles ont seulement facilité certaines choses (voir illustration).
Et la question doit se poser de ce que ces facilités apparentes et monnayables charrient en termes d’addiction et d’asservissement.
En quoi nous sont-elles réellement utiles et en quoi ne servent-elles que de cheval de Troie à des régies publicitaires ?