lundi 6 décembre 2010

Pourquoi lire vs le destin technologique de la lecture

Avec acuité et non sans humour, Charles Dantzig, déjà auteur, entre autres, d'un "Dictionnaire égoïste de la littérature française", vient de publier, une nouvelle fois chez Grasset, un opus titré : "Pourquoi lire ?"
L'ouvrage aborde parfois entre les lignes les questions qui nous préoccupent ici et maintenant, et plus particulièrement dans un chapitre de quelques pages intitulé : Lire sur autre chose que du papier en volumes (pp. 230-232).
S'il pointe juste en posant la question : "Le code d'Hammourabi était-il plus dur parce qu'il était en pierre ?",  Charles Dantzig ne peut cependant s'empêcher de finir l'ensemble de son essai sur une tonalité apocalyptique, voyant dans le destin technologique de la lecture un triomphe des écrans.
Cette fin me laisse songeur, me fait repenser à ce que j'écrivais moi-même il y a quelques jours à propos du roman d'anticipation d'Orwell (1984) : "Le roman d’anticipation 1984, ne s’appelle 1984 que parce qu’Orwell l’a écrit en 1948. Au regard des transformations que nous vivons, ou dont nous pouvons être les témoins directs ou indirects, je me demande très sérieusement si cette contre-utopie (dystopie) ne serait pas prémonitoire ( ?). De l’à-venir. En 2984 ? J’ai toujours lu "1984" de Georges Orwell en pensant à "Fahrenheit 451" (de 1953) de Ray Bradbury. (Et je compte relire "Le messager" d’Eric Bénier-Bürckel.)."

L'énigmatique final du livre de Dantzig

"Et quand l'objet en papier aura disparu, pour la satisfaction douloureuse des amers qui diront : je l'avais prédit, nous répondrons : et alors ? Nous ne lisons plus les rouleaux de Rome, seuls quelques érudits savent qu'ils ont existé, et la littérature romaine demeure, en partie. Plus noirs que ces amers, on dira que l'informatisation servira encore mieux les puissants, qui pourront ranger l'humanité dans des appartements toujours plus petits, puisque plus besoin de bibliothèques et tout dans iPad, et que, un jour, quand tout cela sera réduit à un tout petit point rouge, il clignotera fébrilement, puis, hoquetant de moins en moins,
il
s'éteindra."
[Je respecte la mise en page ;-)]
Et Dantzig de conclure :
"Ne lisant plus, l'humanité sera ramenée à l'état naturel, parmi les animaux. Le tyran universel, inculte, sympathique, doux, sourira sur l'écran en couleurs qui surplombera la terre."
En 2984 ?

3 commentaires:

  1. L'Humanité n'a pas toujours lu!
    Sans allé très loin il n y avait pas de livre chez moi quand enfant j'étais. Trop cher sans doute. Plus à voir avec l'argent qu'avec le support, avec la politique et la culture.
    L'apparition du livre gratuit n'est-elle pas liée à sa numérisation?
    Le tyran a donné naissance au "Prince", aux Lumières, ce monsieur se trompe, au regard de tes extraits, lourdement.
    Marre de ses lamenti sur un passé analysé partiellement pour servir l'air du temps.
    Guignols d'arrière garde, allez-vous en comme dirait Mélenchon ;-)

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  2. @ Marc-André : intéressante question que ce : "L'apparition du livre gratuit n'est-elle pas liée à sa numérisation?" (même si cette question de la gratuité n'est pas à l'ordre du jour dans le livre de Dantzig ni dans mon post ;-) A priori, je répondrais : Oui. Mais la chose demanderait à être validée par des historiens du livre.

    Pour le reste, nous voyons bien que nous ne pouvons débattre par posts et commentaires, revoyons-nous un de ces jours autour d'un verre au Rostand ;-)

    Je ne suis pas loin de penser sinon que l'humanité a toujours lu (et lira toujours). C'est-à-dire bien avant les livres et même bien avant l'écrit. En déchiffrant le monde. C'est, je crois savoir, ce que les spécialistes appellent : "la bibliographie naturelle". Je me demande si ce n'est pas cela qu'évoquait aussi en 1988 Bruce Chatwin dans "Le chant des pistes" qu'il faudrait que je relise ;-) Quelque chose de l'ordre des signes et des enseignements naturels et au fond duquel nous retrouverions les sources magiques des toutes premières écritures (?)

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  3. OK pour le Rostand, disons début de semaine prochaine.
    Désolé pour le hors sujet, c'est mon approche matérialiste.
    Belle notion que cette bibliographie naturelle.

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