samedi 29 août 2020

Digital Lives 2030 | Digital liVRes 2030

Horizon 2030
  
- Les recherches sur la lecture et les fictions littéraires passent de la recherche théorique fondamentale à une véritabl
e recherche expérimentale appliquée. 

 - De multiples communautés lectorales autonomes forcent le storytelling à évoluer vers une véritable ingénierie de la narration.

  
Historique : d'Adam aux Bots  

Depuis l'aube de l'humanité et l'apparition du langage les récits imaginaires sont constitutifs de l'épopée de notre espèce animale. Puis l'écriture s'est vite imposée comme un véritable outil de pouvoir à l'autorité aujourd'hui impactée par le numérique et ses moyens de diffusion de masse.  

   📌  Au cours des dix années écoulées (2010-2020) les dispositifs de lecture ont lentement entamé une nouvelle mue. Les eReaders (e-ink et epaper) ont véritablement commencé leur lente diffusion auprès des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires, mais surtout les dispositifs de lecture se sont multipliés (écrans divers, d'ordinateurs, de tablettes tactiles, de smartphones, consoles de jeux vidéo, potentiellement lunettes de réalité augmentée et casques de réalité virtuelle...) tandis que se développait en parallèle un vaste mouvement vers la gratuité (des livres du domaine public pour les e-books et pour les ouvrages imprimés les boites à livres, etc.).

Si le dispositif prédominant pour la lecture de romans reste l'interface du codex papier imprimé relié, c'est en partie par inertie au changement et à cause également des enjeux économiques importants liés à la filière graphique du papier et de l'imprimerie, mais force est de constater que l'attraction pour les territoires narratifs incite de plus en plus lectrices et lecteurs à expérimenter d'autres canaux de lecture.

Prospective : Adam-Eve Fictionautes   

Le langage que nous manipulons nous manipule, mais, bien utilisées, des technologies encore émergentes comme celles de réalités virtuelles et d'intelligence artificielle pourraient nous permettre un jour de mieux contrôler la puissance démiurgique du langage.
Progressivement des parentés apparaitraient entre cyberespace et espace intérieur des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires.
Les métalepses narratives - "
procédé par lequel un ou des éléments d'un récit franchissent le seuil qui les sépare d'un autre qu'il contient ou qui le contient..." Wikipédia -, fréquentes à l'intérieur des mondes imaginaires pourraient être aux sources du langage et nous permettre un jour l'exploration de territoires hors du champ de nos sens physiques. 

Question : les outils de réalité virtuelle et d'intelligence artificielle,
entre autres, pourraient-ils un jour donner à des fictions issues de l'imagination humaine suffisamment de densité pour qu'elles puissent nous devenir sensoriellement perceptibles ?  

   📌  Au cours des dix prochaines années (2020-2030) des synergies se renforceront entre des explorateurs des mondes fictionnels (Cf. mon concept de fictionaute, potentiellement profondément impactant pour nos vies numériques) et, sur le modèle des Grandes découvertes des 15e et 16e siècles, des expéditions ("expéditions immobiles") seront lancées vers des territoires imaginaires.
Leur objectif sera d'explorer ces terres virtuelles et d'entrer en relation avec des formes d'intelligences (trans)fictionnelles, comme nous entrerions en relation avec des intelligences extraterrestres. Peut-être même ces contacts remplaceront-ils (se substitueront-ils) dans l'histoire de notre espèce animale à ceux que nous n'aurons probablement pas avec des extraterrestres.  
Les premières étapes passent par la forge d'outils cognitifs adaptés et par la mise au point de protocoles rigoureux d'expériences en pensée.  Les étapes préalables sont :
- Une analyse critique approfondie du lexique des études de littérature comparée,
- Une redéfinition des termes des champs de recherche et des objectifs à atteindre,
- La constitution de véritables commandos d'exploratrices
et d'explorateurs avec des ordres de missions précis. 
 
N.B. Ce texte est une contribution au programme [Nos vies numériques en 2030] - Appel à "fragments de futurs" du LINC - Laboratoire d'Innovation Numérique de la CNIL. 

Qu'en pensez-vous ? N'hésitez pas à intervenir en commentaires... 


dimanche 23 août 2020

Quand lire c'est jardiner, ou se promener...

Ce que nous appelons couramment écriture et lecture sont conséquences directes du langage, or, depuis que notre espèce animale manipule le langage, elle est aussi manipulée par lui justement parce que le langage n'est pas de l'ordre du travail manuel, qu'il n'a pas sa source dans le monde extérieur des faits, mais bel et bien dans nos mondes intérieurs : imaginaires, reconnaissons-le clairement, psychiques, et non pas organiques, physiques. 
 
D'où, "main-tenant", l'impérieuse urgence de se forger de nouveaux outils cognitifs pour retrouver un humanisme de la lecture à l'époque du développement des neurosciences, des réalités virtuelles et de l'intelligence artificielle, autant de nouveaux moyens dont des communautés lectorales pourraient se saisir pour conscientiser leurs voyages au cours de lectures immersives de fictions littéraires.
 
Au fil des mois certains de mes textes récents poursuivent ces réflexions :  

samedi 22 août 2020

Les personnages rêvent aussi - Par Françoise Lavocat | Impressions de lecture

 
Je ne suis ni critique ni chroniqueur et il ne s'agit dans les lignes qui suivent que de retracer mes impressions à la lecture de l'essai publié par Françoise Lavocat (professeure de littérature comparée à l'Université de la Sorbonne Nouvelle et présidente de la SIRFF - Société internationale de recherches sur la fiction et la fictionnalité) aux éditions Hermann sous le titre : Les personnages rêvent aussi
Accessoirement j'évoquerai les synergies éventuelles avec mes propres recherches.
 
L'ouvrage nous invite à imaginer une planète Fiction sur laquelle vivraient absolument tous les personnages issus de la littérature. 
Texte d'une belle intelligence sur les coulisses de la fiction, ce livre est à la fois, sous couvert de fictionnalité, un véritable cours d'histoire de littérature comparée et une bibliothèque, ou plus précisément peut-être une bibliographie kaléidoscopique. Le plus intéressant, à mon sens, est qu'il est aussi une démonstration de la nécessité, au moins parfois, de passer par la fiction pour mieux rendre compte des réalités. 
Celles et ceux habitués à une lecture immersive des romans seront comme des niais émus des aventures, des émotions et de l'expression des sentiments des héros de cette histoire, moi-même je l'ai été : démonstration, si cela était encore nécessaire (je pense que cela l'était) de la puissance du langage à nous tromper et à se jouer facilement de notre sensibilité humaine.
Une substitution est souvent la marque d'un sacrifice (Genèse, Abraham...) et le langage serait en soi sacrificiel par rapport à la crudité objectivement et exhaustivement inénarrable des faits. L'on visualise mentalement ce que les mots font apparaitre, pas ce qu'ils invisibilisent. 
 
Le point sensible, qui recouvre l'enjeu d'une autonomisation des lectrices et des lecteurs (empowerment, capacitation), d'un exercice de leur liberté de pensée amorcé depuis, au moins, le passage à la lecture silencieuse puis par le développement de l'imprimerie et poursuivi depuis, entre autres pour les plus connus du public, par Roland Barthes et Umberto Eco, autonomisation des lectrices et des lecteurs aujourd'hui amplifiée par l'usage des outils et services numériques, le point sensible donc, est évidemment celui des métalepses. 
Dès la page 57 de son livre Françoise Lavocat (précédemment auteure entre autres de Fait et fiction - Pour une frontière, Editions du Seuil, 2016) est claire sur ce que pourrait apporter sur sa planète fictive le groupe des personnages métaleptiques : "Ils ont tous, en effet, allègrement franchi les barrières constituées par des écrans et des pages, mais toujours à l'intérieur de fictions." 
  
 
Si nous jouons le jeu intellectuel, spirituel, qui nous est proposé par Françoise Lavocat avec ce livre, plusieurs questions se posent alors : 
  • Quelle sera la réception de cet ouvrage à Shadavar, la ville principale de la planète Fiction dans laquelle se déroule l'action ?
  • Quel impact a-t-il peut-être déjà eu et en ressentirons-nous les effets ? 
  • Pourrait-il générer ses propres avatars métafictionnels et par exemple inspirer un serious game ?
  • En poussant le jeu à l'extrême nous pourrions même nous demander si ce livre n'aurait pas été dicté par des personnages de fiction à Françoise Lavocat qui aurait, soit à son insu soit volontairement, été la cible consentante d'une opération commando telle que celle présentée précisément dans son livre sous le nom de Mission Sororis avec pour finalité d'utiliser des "ondes lectorales" pour faire entrer en communication humains et personnages de fiction.
Il se pourrait aussi que ce livre soit prédictif et qu'apparaissent alors assez rapidement dans ce que nous percevons comme "la réalité" le jeu vidéo sur La Comédie humaine et la plateforme de rencontre entre public et personnages dont il est question à la page 153 : "Notre but, c'était de contacter des entreprises qui auraient pu être intéressées par nos projets, le jeu vidéo sur La Comédie humaine et la plateforme de rencontre, et d'entrer en relation avec des humains qui ont réussi à passer la frontière entre fait et fiction, avec l'objectif de nouer de possibles collaborations. Elaborer un projet de recherches, si vous voulez.". 
Il se pourrait enfin que la fiction proposée dans ce livre ne soit qu'un leurre masquant un simulacre d'opération Sororis, mais depuis la Terre, à l'encontre des metteurs en scène exagérément égocentriques (principalement ceux d'opéras) et des avatars littéraires jouables de jeux vidéo. Entre autres les pages 157 et 163 sont éloquentes sur ce point.
 
Considérer les personnages de fiction comme des créatures extraterrestres avec lesquelles nous pourrions potentiellement entrer en contact est le thème d'une des conférences que je propose. 
Le "mur du son" conceptuel qu'il nous faudrait passer relève de la possibilité pour des fictions issues de l'imagination humaine d'acquérir suffisamment de densité pour pouvoir nous être sensoriellement perceptibles. 
Je repense, dans un autre domaine, à un article récent titré : Il faudrait étendre la définition de la vie pour savoir s'il y en a sur Mars ("Les recherches suggèrent que la définition standard de la vie pourrait être trop restrictive pour les complexités de l'espace.") : ce sont des stratégies cognitives de ce type que nous devrions exploiter si nous voulons obtenir des résultats concrets. Espérons que les futurs travaux de la Red Team de l'Agence de l'Innovation de Défense du Ministère des Armées permettront des avancées dans ce sens.
Comme pour les formes de vie extraterrestres le caractère exclusivement anthropomorphe des personnages serait également à interroger. Je pense notamment au cas de Flatland d'Edwin Abbott Abbott dont les personnages, attachants, ne sont pourtant que des figures géométriques.
 
Mon point de vue est ici qu'il nous faudrait, sur les questions de métalepses et d'autonomisation des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires, passer de la recherche théorique fondamentale à une recherche expérimentale appliquée. Ne pas fantasmer que les personnages viendront un jour à nous, mais aller à eux comme jadis les navigateurs de la période des Grandes découvertes (voir mon concept de fictionaute). 
C'est cet esprit qu'il nous faudrait redécouvrir, c'est ce désir qui devrait nous animer.
C'est dans cette perspective que j'étais récemment intervenu à l'occasion du séminaire-marathon du 1er mai 2020, organisé dans le cadre des Rencontres Scénographies et Technologies S&T#3 par Franck Ancel (psychanalyste et explorateur de la numérisation et des créations post-scénographiques) : Voyager dans les livres.
En somme je crois que nous devrions prendre exemple sur les personnages de la planète Fiction et créer comme eux une société Démiurgis, centre de recherches sur les populations fictionnelles et leurs possibilités d'échanges avec les humains.
Cependant, davantage qu'un plaisant jeu intellectuel, Les personnages rêvent aussi est par rapport à ces questions une véritable réflexion argumentée et impeccablement fondée, comme en témoignent les sources indiquées en making-of à la fin du livre, et cette raison suffit amplement pour en rendre la lecture indispensable à quiconque se sent en affinités avec les mondes fictionnels. 
 
N.B. Cet essai est publié dans la collection Fictions Pensantes des éditions Hermann : "Le titre de cette collection est une invitation à considérer la littérature comme un espace de pensée, et les oeuvres comme des systèmes signifiants dont le fin mot n'appartient ni à l'auteur ni au lecteur [...] les essais publiés dans la collection Fictions pensantes ont en commun d'interroger la façon dont les textes littéraires pensent. Il s'agit non seulement de comprendre à quoi ils pensent, et dans quels buts, mais aussi comment ils pensent." (Extrait de la présentation de l'éditeur).
 

mardi 18 août 2020

Cycle de conférences sur la lecture...

Les sept conférences originales que je propose dans un catalogue gratuit au format PDF (lien de téléchargement libre sans aucune inscription ni information à fournir) peuvent être présentées soit séparément, soit sous la forme d'un cycle hebdomadaire ou mensuel... Je suis à votre écoute...    

Conferences sur la lecture par Lorenzo Soccavo