Et nous déambulons depuis, égarés. Les noms pullulent partout autour de nous. Nous devenons leurs colporteurs, mais ce que nous proférons ne tient pas vraiment la route. Vraiment pas.
Blog 2025 de Lorenzo Soccavo | Fictionaute | Chercheur en Littérature, Prospective et Mythanalyse de la Lecture | Conférencier. Auteur. Enseignant et Formateur sur les futurs des dispositifs et des pratiques de lecture...
mercredi 21 mai 2025
Réflexions sur le langage [2]
Et nous déambulons depuis, égarés. Les noms pullulent partout autour de nous. Nous devenons leurs colporteurs, mais ce que nous proférons ne tient pas vraiment la route. Vraiment pas.
mercredi 14 mai 2025
Réflexions sur le langage
Le langage nous déloge de la forêt. Il nous tient ensuite un discours qui nous illusionne. La moindre petite chose doit maintenant supporter plusieurs noms. Une simple épingle a une tête, une tige et une pointe.
Sortant ainsi du bois le texte est devenu ambulant. Depuis nous parlons comme nous trafiquerions le long de côtes inconnues. Mais le langage ne tient pas ses promesses.
vendredi 4 avril 2025
Bibliocène Bibliocène Bibliocène
Ce serait un concept forgé pour nous libérer de l'imaginaire apocalyptique et du flux des récits dystopiques.
Le Bibliocène est pour moi, depuis quelques années maintenant, une proposition pour interroger et repenser en commun la double métaphore du monde comme livre (à lire, à interpréter, à écrire aussi...), et, des livres comme mondes possibles (à imaginer, à anticiper, à construire ensemble...)
Le Bibliocène se veut ainsi un espace virtuel d'échanges et de rencontres pour débattre tous ensemble de la liberté d'esprit et de l'émancipation des lectrices et des lecteurs.
Au-delà la question importante des nouveaux droits des lectrices et des lecteurs face à la nouvelle donne de l'édition numérique et des intelligences artificielles, c'est la possibilité d'un autre point de vue sur notre rapport au futur.
Un point de vue de lectrices et de lecteurs habitués, par la pratique de leurs lectures de fictions littéraires, à voyager virtuellement dans d'autres mondes, à entraîner leur fictionaute à expérimenter autrement son rapport au réel.
Au sein de notre espèce animale il y a une transmission génétique, mais il y a également une transmission sémiotique, c'est-à-dire qui relève des signes et de leurs significations, et qui passe par le langage, lequel est la matrice de notre perception du monde, à la fois ce par quoi nous communiquons entre nous, et ce avec quoi nous pensons, et par le truchement duquel nous avons deux modalités d’expression : l’oral et l’écrit, et deux points de vue pour en rendre compte : le récit évolutionniste, et, le récit créationniste.
Mais quelles lectures en faisons-nous ?
Ce sont là les principales raisons pour lesquelles l'idée d'un Bibliocène est toujours présente dans chacune de mes conférences et autres interventions.

lundi 15 janvier 2024
Bientôt des Terres de Fiction...
Le 08 février 2024 paraîtra aux éditions belges Bozon2X mon premier essai sur mes recherches en littérature comparée et lecture de fictions littéraires. Titré : Terres de fiction, et sous-titré : De quel côté du miroir sommes-nous? il devrait être le premier volume d'une trilogie.
L'entretien que j'ai donné pour son lancement vous éclairera sur ces points (Six questions à Lorenzo Soccavo...)
A partir de sa parution le blog Lire et Dé-lire sera son blog-compagnon.
Ci-après le dossier de presse :
A bientôt alors ? Je suis à votre écoute...

samedi 28 octobre 2023
Une mystique du langage...
Les Noms, Don DeLillo
L’on commence à Athènes pour finalement mourir où ? Apparemment pour être mis à mort en un lieu auquel nous serions liés par un lien alphabétique discret.
Ce premier titre qui a pour nom : Les Noms, a fait émerger une drôle de question dans mon esprit : au terme du Procès de Kafka connaîtrions-nous l’initiale du lieu où K est tué : « "Comme un chien !" dit-il, et c’était comme si la honte dût lui survivre. » ? Et bien oui.
Kafka (lui-même d’initiale K) ne le dit pas explicitement à la fin de son plus célèbre roman, mais il précise bien que son personnage de K est exécuté dans : « Une petite carrière déserte et abandonnée », en allemand : une karriere, avec un K initial donc.
Langage et monde sont en corrélation et peuvent avoir ainsi partie liée dans notre destin. C’est cette vérité oubliée que des mystiques du langage, organisés en secte criminelle, font revivre dans ce roman énigmatique de Don DeLillo.
La Langue maternelle, Vassilis Alexakis
Dès son titre s’impose là une expression que je me garde quant à moi, me sauvegarde généralement d’employer, parlant plutôt en ce qui donc me concerne de langue natale, la langue maternelle étant pour moi celle de la maltraitance et de la disparition.
Mais justement il est bien question dans ce roman de Vassilis Alexakis d’une disparition, celle de la lettre E. Comme chez Georges Perec, oui.
On se souvient de La Disparition, tout un roman sans e, puis de W ou le Souvenir d’enfance dédicacé " pour E ".
Dans son film de 1992 : En remontant la rue Vilin, Robert Bober nous donne à voir, d’une part, la disparition du E comme étant prémonitoirement inscrite dans la transcription hébraïque du nom même de Perec, et, d’autre part, le fait étonnant que sur place, sur ce qui est aujourd’hui à Paris le Parc de Belleville, le tracé de la rue d’enfance de Perec, lui mort en 1982, elle, la rue, disparue en 1988 pour cause de réhabilitation urbaine, ce tracé dessine la lettre E en yiddish. Comme si le visible n’était que la manifestation de l’invisible.
Aussi dans le roman enquête de Vassilis Alexakis, tant la raison de la présence que celle de la disparition de l’epsilon – le E de l’alphabet grec, désignant étrangement par convention tacite une quantité négligeable précisément vouée à la disparition –, du fronton du temple d’Apollon à Delphes, là où la Pythie siégeait, tant sa présence que sa disparition demeure tout au long un mystère qu’avec le narrateur nous approchons sans toutefois parvenir à le déchiffrer.
Une étrange question se pose alors à moi : pourquoi à la fin de son roman Quatrevingt-treize (dans la graphie hugolienne), au moment de la disparition des héros de son livre, Victor Hugo apporte-t-il cette précision : « Les quatre mille hommes de la petite armée expéditionnaire étaient rangés en ordre de combat sur le plateau. Ils entouraient la guillotine de trois côtés, de façon à tracer autour d’elle, en plan géométral, la figure d’un E ; la batterie placée au centre de la plus grande ligne faisait le cran de l’E. », hasard ?
Épépé, Ferenc Karinthy
Celles et ceux qui ont lu ce kafkaïen roman de 1970 du hongrois Ferenc Karinthy, Épépé, y voient souvent un lien avec Un soir, un train, film d'André Delvaux de 1968, d'après la nouvelle du Flamand Johan Daisne, dont la traduction du titre original néerlandais serait Le train de l’inertie (ou de la lenteur).
Dans la nouvelle, insensiblement l’on franchit la limite entre la vie et la mort. La persistance des dernières pensées y engendre un temps d’une certaine durée dans un espace familier, mais dont nous ne comprenons plus la langue.
Dans le film, le réalisme magique opère par la grâce de l’image. L’incommunicabilité intergénérationnelle, intrafamiliale et au sein même du couple, la tension conflictuelle en Belgique où l’action se déroule, entre communautés française, flamande, et germanophone expriment savamment l’opacité foncière qui au quotidien nous met tous à l’épreuve, et qu’à son tour pour chacun l’épreuve de la mort questionne.
Dans le roman de Ferenc Karinthy nous nous retrouvons identifié à un homme qui par la suite d’une improbable erreur d’avion se retrouve lui à devoir vivre puis survivre dans une mégapole d’un aspect on ne peut plus banal, mondialisé, mais dont il ne comprend pas la langue et où personne ne le comprend, ni ne comprend aucune des langues, pourtant nombreuses, qu’il connaît.
Une nouvelle fois le dé-langage de l’extrême solitude auquel le protagoniste d’Épépé se confronte marque de fait, en-deça du mystère de la mort, je veux dire qu’il marque dans notre monde même de vivants, l’incommunicabilité foncière qui est notre lot commun, par défaut d’unité et d’abord d’unité avec soi-même.
Dans ces trois livres les héros malheureux sont des spécialistes des langues et du langage.
Les langues sont des inventions humaines. Le langage non.
J’ai l’impression que tout (la vie) (se) passe en fait comme si le langage en lui-même était la marque insistante du deuil d’un état antérieur : celui d’une humanité sans langage et que, dans nos langues, nous n’avons pas de mots pour exprimer sinon, peut-être, en inventant chacun pour soi sa propre mystique du langage.
dimanche 20 août 2023
Des Textes Gratuits qui interrogent la Lecture et les Fictions
D'abord, Dieu Chat et Souris... (sur les mystères du langage et de l'âme comme "espace narratif"...), dans le cadre du blog Lire et Dé-lire qui m'est ouvert depuis 2019 sur le site des éditions BOZON2X.
Puis, Corps de pixels et corps de lettres (sur le "corps lecteur" et le fantasme d’une fusion entre réalité et imaginaire...) dans le magazine de prospective FuturHebdo, texte de réflexions que j'avais écrit pour la saison 2 du Festival des Mondes Anticipés organisé à la Cité des Sciences et de l'Industrie de Paris en novembre 2022.
Je suis à l'écoute de toutes et de tous pour débattre de ces sujets.
Vous pouvez accéder librement en suivant ce lien à une présentation de quelques exemples de mes conférences... Merci à vous...

mardi 20 juin 2023
Fiction du réel et réalités des fictions...
Mon texte récent : Nous n’aurons pas connu le réel..., publié sur le site des éditions belges Bozon2X explore ces formes de "magie-cités" qui pourraient faire enclaves dans le réel, notamment par les biais de Michelangelo Antonioni, Julio Cortázar et Jean Baudrillard. Qu'en pensez-vous ?
mercredi 24 mai 2023
La réalité sur le fil...
D'abord, Impressions à la lecture de Pierre Michon sur ma lecture de Les deux Beune ("Je m’attendais à partir sur une terre de fiction. Pas une terre de fictions au pluriel, d’histoires, ni une terre fictionnelle, fictive. Non. Mais la réinvention linguistique d’un territoire. Ce fut le cas...") que je mets en lien avec Malaparte, puis, Céline, Krogold et Moravagine… sur les récentes éditions des inédits de Céline que je mets elles en lien avec Moravagine de Cendrars ("Probablement que l’un des phénomènes les plus puissants qui puissent arriver à un auteur ou à un lecteur est que l’invisible passage entre réalité et fiction lui devienne visible en laissant passer dans l’un de ces espaces ce qui est du domaine de l’autre...").
Ces deux textes sont des prolongements aux perspectives qui s'ouvrent actuellement dans mes recherches sur les rapports entre les mondes fictionnels et ce que nous appelons couramment et peut-être trop facilement "la réalité".
P.S. Le titre de ce post est inspiré de Le Monde sur le fil, téléfilm allemand réalisé par Rainer Werner Fassbinder et adapté du roman SF Simulacron 3 de Daniel F. Galouye.
jeudi 20 avril 2023
La Lecture et ses Futurs
Une rapide présentation synthétique de sept propositions de conférences en lien direct avec mes recherches. N’hésitez pas à me contacter directement si vous êtes intéressés...
dimanche 16 avril 2023
Démasquer (ce) qui lit en nous...
Ne prendre ni les mots ni les images pour des idées : lit concerne ici la lecture...
vendredi 7 avril 2023
Fictions littéraires et lecture immersive
Mes travaux portent sur ce déplacement, "aller habiter l'autre versant de la colline", ce que j’appelle : le voyage intérieur des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires. Ils interrogent le mirage linguistique formulé à la fin des années 1930 par Sapir et Whorf pour lesquels la façon dont nous percevons le monde dépendrait du langage que nous utilisons pour le décrire.
Wittgenstein l’avait formulé ainsi dans son Tractatus logico-philosophicus de 1921 : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. ».
Je m'interroge : serait-il alors possible de détourner contre le langage sa propre puissance démiurgique pour utiliser ses forces au service de notre émancipation intellectuelle ?
Les récents développements des générateurs textuels ChatGPT nous ouvrent de nouveaux horizons, à la fois sur ce qui relève de la malléabilité et de la programmation linguistiques.
Conférences, séminaires, débats et tables rondes sur ces questions sont à mon avis indispensables pour prendre le recul nécessaire avec une réflexion collective et émancipatrice.
Vous vous sentez concernés, motivés, impliqués ?
Je suis à votre écoute, je suis à votre service.

jeudi 16 mars 2023
Des Allégories de la Lecture...
Cette espèce de métonymie, cette espèce d'espace de la métonymie (dire "des livres" pour dire "des lectures") peut, doit nous interroger, car elle a "à voir" avec notre espace intérieur de lecteur ou de lectrice. Elle nous donne à voir aussi car il y a un réel qui se donne dans les mots.
J'ai eu récemment le plaisir d'intervenir sur ce thème pour une conférence publique à l'invitation de la bibliothèque Mohammed Arkoun de la Ville de Paris.
Mais de nombreuses voies sont possibles pour partir à la découverte des mystères et des bienfaits de la lecture, et pour progresser dans notre compréhension des rapports subtils entre fiction et réalité.
Ces réflexions sur la lecture immersive, le sentiment de "traversée du miroir" par les lectrices et les lecteurs de romans, peuvent s'entreprendre, par exemple, à partir de l'oeuvre et de la vie de Stendhal, ou bien, à partir de la dimension chamanique de Marcel Proust et de sa Recherche (j'ai plusieurs fois eu le bonheur d'intervenir dans cette perspective...).
Le roman posthume et inachevé Le Mont analogue de René Daumal peut être lu, et donc présenté à un public, comme une allégorie de la lecture. Probablement aussi Mardi de Herman Melville. Tout comme Le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse. D'autres encore...
Au 15e siècle, par exemple, des représentations (donc des lectures) de l'Annonciation prirent la forme étrange de chasses mystiques à la licorne, ou bien d'une Annonciation sans annonciateur visible.
Elles aussi étaient en vérité des allégories de la lecture et peuvent donner lieu à des présentations richement illustrées.
Cette multiplicité d'approches possibles pour élucider notre nécessaire travail d'interprétation des textes et de ce que nous projetons de nous dans leurs mondes fictionnels permet une grande variété et une grande souplesse d'approches, d'une vulgarisation au grand public à des auditoires plus avertis des enjeux de la narration et des effets de la mise en récits du monde.
Mais vous vous demandez peut-être encore pourquoi travailler ainsi à une meilleure prise de conscience de nos lectures ?
Au moins pour deux raisons :
- La première, parce que les environnements et les situations dans lesquels nous nous immergeons quand nous sommes plongés dans la lecture d'un roman peuvent agir comme des "bacs à sable", des "bancs d'essai", des modélisations, des laboratoires... Nos lectures peuvent nous aider, dans le sens où la littérature nous ouvre à la possibilité d'un dialogue avec d'autres instances psychiques que nos habituels interlocuteurs humains (anthropomorphes les personnages de fictions sont autres pourtant...).
- Ensuite et corollairement, parce que la fiction peut nous donner accès à d'autres déclinaisons du réel.
N'hésitez pas à me contacter si ces questions autour de la lecture et de ses enjeux vous intéressent...
dimanche 26 février 2023
Intelligences Fictionnelles vs IA
Mais la question se pose pour moi de déterminer si potentiellement certains de ces personnages pourraient cependant acquérir à la surface du psychisme de lectrices ou de lecteurs une densité telle qu’ils pourraient accéder à leur perception de la réalité ou bien l’altérer en partie par leur influence, même si leur présence restait invisible pour les yeux.
Ma réponse est : oui.
Je postule l'existence d'intelligences fictionnelles en germe dans le langage.
Mais que faudrait-il débloquer "en nous" pour passer de l’énergie statique du texte écrit à l’énergie cinétique spontanément engendrée par le processus mental dynamique de la lecture d'une fiction littéraire ?
Je travaille sur cette question.
N'hésitez pas à me contacter si vous désirez une interview, un texte ou une conférence sur ce sujet des Intelligences Fictionnelles.
vendredi 30 décembre 2022
Une expérience de Traversée du Miroir
" Je suis allé en 2020 m’attendre à la sortie de l’école primaire. Je n’ai pas vu sortir le petit garçon que j’étais tout comme lui il y a plusieurs décennies ne me voyait pas l’attendre. M’attendre. Le temps est ce qui nous empêche de nous voir pour que l’espace conserve une certaine cohérence à nos yeux. Ce faisant l’espace abolit presque la distance temporelle. Le temps nous rend seulement l’un à l’autre invisibles.
L’absence que nous sommes l’un à l’autre, et cela l’un comme l’autre l’avons toujours ressenti, nous le ressentons, n’est cependant que dans cette illusion temporelle, car, toujours, c’est ensemble que nous avons été, c’est un seul et même que nous sommes. Vouloir nous séparer serait illusoire.
Pour ce qui est de l’espace, notre pensée peut toujours récupérer les accrocs du temps dans la tapisserie. Si nous ne sommes pas trop regardants les espaces demeurent semblables à eux-mêmes. Une ressemblance, au pire une vraisemblance fera toujours l’affaire.
L’espace a une pesanteur à laquelle il doit son apparente stabilité de laquelle le temps, lui, s’échappe. Le temps fuite toujours.
Ces premières années "je" était encore dans la foulée de son moi de départ, premiers mois des premières années et premiers émois des premiers pas et des premiers mots, et les maux des pas ceci et pas cela, premiers inter-dits et problèmes de diction. Son articulation au monde se fait dans l’écho pas à pas de son propre passé.
Là-bas depuis seulement quelques années une orthophoniste siège à proximité de l'école primaire.
Chercher donc ma propre étymologie, il s'agit bien de cela, pour devenir ma propre métaphore, pour me délier de mon nom d’état-civil, encombrant, et le dé-lire en quête de mon nom véritable : celui qui traverserait les âges et s’échapperait par les deux extrémités du parcours de ma naissance et ma mort.
Le temps, lui, est l’affaire du récit, mais c’est en progressant dans l’espace ouvert par mes lectures, dans ce perpétuel dé-lire là, que je peux retourner au moment où le langage s’est saisi de moi au cours de la première moitié des années soixante, et de l’école. Retrouver le B-A-BA de la signifiance dans l’insignifiant des décennies écoulées depuis lors. Car dès lors en zootechnie la succession des apprentissages était déjà depuis belle lurette chose très bien réglée concernant l’éducation des jeunes enfants. La lecture est une question d’espace parce que le langage en catimini se cristallise en texte dès que, ou presque.
Mais c’est curieux cependant comme les espaces continuent à circuler en nous quand nous ne circulons plus en eux. De la place Pasteur me semble-t-il jusqu’à la rue Ampère où était durant toutes ces années la maison, devenue maison intérieure, "lamézon", je m’y rends encore souvent la nuit en rêve. Qu’est-ce que se rendre ?
A posteriori ce devait être là-bas un espace m'incitant à la lecture. Dans la partie du jardin devant la maison il y avait des lilas. Aujourd'hui j'y lis l'injonction : lis là, ou lis-la.
Au-delà étaient la plaine et les blés. Le lys et les épis déjà là.
Là, je suis venu à la lecture, ou la lecture est venue à moi, mais dans cet espace-là, et depuis lors le tissage du récit et de la narration, du réel et de la fiction, est incessant.
En 2022 je suis repassé à l'endroit. L'école primaire qui maintenant fait non-lieu pour moi. Ce serait un endroit d'où il n'y aurait donc pas lieu de donner suite à mes plaintes, à une action en justice pour demander réparation des blessures de l'enfance.
C'était une après-midi de printemps à l'heure d'une récréation. Je passais discrètement sans regarder. L'image en moi, à la lisière prenait forme par les sons seulement. Mais j'étais visible. Soudain la voix claire d'un jeune enfant m'apostropha :
- Monsieur ! Vous pouvez... Mon avion en papier s'il vous plait ?
(Sur l'instant j'ai eu la certitude que je n'oublierai jamais les mots précis avec lesquels il m'avait demandé et depuis lors il m'est impossible de m'en souvenir.)
A quelques mètres un avion en papier plié gisait sur le trottoir et de l'autre côté du portail fermé de l'école un petit garçon qui n'était pas moi ni aucun des condisciples que j'avais pu avoir dans les années soixante tendait vers moi son visage et sa main.
Je lui ai rendu son avion en papier, il m'a dit merci, je suis aussitôt reparti et quand quelques pas plus tard je me suis retourné il avait déjà comme disparu, anonyme dans la cour de récréation ou s'envolaient pour aussitôt retomber parmi des dizaines d'enfants des dizaines d'avions en papier.
Ce qui est impossible à exprimer avec des mots c'est mon impression alors d'être passé l'espace d'un instant sur l'envers de l'endroit. Aussitôt j'ai été en résonance avec la scène bien connue du Petit Prince de Saint-Exupéry. "S'il vous plaît... dessine-moi un mouton !". Je n'étais plus dans la réalité. L'espace d'un instant seulement.
Possiblement des territoires de l'enfance deviendraient ainsi des terres de fiction et des espaces réels pour les uns glisseraient d'un coup en espaces littéraires pour d'autres. La question première, celle de mes recherches en littérature, demeurant celle des conditions d'apparition de et à ces espaces-là.
Des territoires de l'enfance deviennent des terres de fiction, en partie parce qu'ils l'étaient à l'origine, parce que le petit train électrique qui tournait en rond sur le plancher de ma chambre devenait si réel dès lors que toutes lumières éteintes dans la pièce aux volets fermés et aux doubles rideaux tirés, une joue contre le sol, le regard à hauteur de miniature, il devenait un instant aussi vrai que ceux que je pouvais depuis mon lit entendre passer au loin certains soirs où un tissage particulier de l’air, la distribution du silence et du vent, la qualité soudaine de mon écoute semblaient rendre possible l’impossible, voyager depuis là ; en partie aussi parce que les faux retours à l'école et à "lamézon" devant lesquelles je ne fais que passer, marquent et masquent à la fois des moments qui, dans une certaine mesure, s'apparenteraient à des traversées du miroir. "
© Lorenzo Soccavo 2020-2022.
lundi 22 novembre 2021
Le vent souffle il faut tenter de lire !
Les idées d'un ou d'autres mondes, celles de traversées, de passages et de passeurs structurent en effet les mythes et les norias de fictions qui irriguent notre imaginaire, et s'expriment tant dans les fantasmes qui furent jadis liés aux Grandes Découvertes des 15e et 16e siècles, qu'à ceux qui aujourd'hui motivent la conquête spatiale ou le développement du cyberespace.
Dans le corpus issu de ma veille permanente en futurologie et en mythanalyse
de la lecture et de ses pratiques j'ai été amené à mettre en perspective plusieurs contenus reliant à la fois l'actualité récente (comme par exemple ceci : Pour trouver une forme extraterrestre, il faut revoir notre définition de la vie et l'idée que : "Nous ne pourrons pas faire de découverte décisive tant que nous ne changerons pas notre manière de chercher..."), à des fictions inspirantes (comme, par exemple, les Chroniques martiennes de Ray Bradbury, ou bien encore Stalker, pique-nique au bord du chemin des frères Arcadi et Boris Strougatski et de leur propre adaptation pour le scénario du film de Tarkovski), avec la célèbre hypothèse de Sapir-Whorf qui postule que la langue que nous utilisons façonne nos représentations mentales du monde. J'enrichis ces apports de stratégies narratives issues des travaux de la tibétologue Alexandra David-Néel, de l'idée du "folkloric relay system" (une transmission d'informations par le truchement des mythes) proposée par le sémioticien américain Thomas Sebeok, et de récits d'inspiration hassidique. C'est ici que prospective et fictions littéraires se rejoignent.
Ces travaux s'inscrivent dans ma volonté de passer à une véritable recherche expérimentale appliquée. Je pense que dans la perspective exposée dans mon texte La lecture comme laboratoire du réel : "La forêt est un effet de réel du langage ; une illusion cognitive", il y aurait bel et bien des possibilités de déboucher concrètement sur des expérimentations sur les effets de réel et de pensée du langage et je suis à l'écoute de toutes et de tous pour, soit en présentiel soit en visioconférences, présenter le corpus sur lequel repose ces projets, d'une manière évidemment adaptée aux contextes et aux publics concernés.
jeudi 18 novembre 2021
Proust et la jeune Alice...
Entre ce "quelque chose" lu, et, cet "autre chose" vu mentalement, il y a donc une certaine distance, et, dans un premier temps, nous pourrions donc émettre l'hypothèse suivante que ce serait cette distance virtuelle qui serait celle mentalement parcourue par la lectrice ou le lecteur de fictions littéraires lorsqu'ils se retrouvent "immergés" dans le monde de ce qu'ils sont en train de lire, dans la posture de lecteur telle que l'évoque à plusieurs endroits de sa Recherche Marcel Proust, par exemple lorsqu'il se remémore dans Du côté de chez Swann : "l’espèce d’écran diapré d’états différents que, tandis que je lisais, déployait simultanément ma conscience", ou bien encore quand il parle de "cristal successif ".
Je propose donc une approche rationnelle, s'appliquant dans un premier temps à rapprocher différents extraits de fictions littéraires de cette définition : "Lire c'est voir quelque chose qui fait voir autre chose".
L'idée sous-jacente est d'imaginer d'éventuelles relations entre l'expérience d'un corps physique traversant un obstacle matériel et la possibilité de métaphores pour nous aider à concevoir le voyage
immobile que font les lectrices et les lecteurs.
Nous pouvons penser évidemment à la nouvelle fantastique de Marcel Aymé, Le Passe-muraille,
l'histoire de Monsieur Dutilleul, un petit employé qui découvre
incidemment qu'il peut passer
à travers les murs. Mais aussi à la jeune Alice de Lewis Carroll autour de laquelle se sont cristallisées plusieurs
facettes de mes recherches sur les métalepses.
Si poursuivre ces réflexions sur la lecture immersive vous intéresse je vous propose une rencontre pour une conférence-débat richement illustrée, et, vous le verrez, très documentée et rigoureusement argumentée. Qu'en pensez-vous ?
mardi 16 novembre 2021
Une machine pour voyager dans le temps ?
En février 2011 j'étais revenu sur cette expérience à la Maison des Métallos (établissement culturel de la Ville de Paris).
lundi 18 octobre 2021
Lecture & construction de futurs
mardi 6 juillet 2021
La lecture doit libérer pas ennuyer !

Les outils conceptuels et les expériences de pensée que je mets au point dans le cadre de mes recherches en prospective des dispositifs et des pratiques de lecture peuvent également être efficaces pour, à la fois étudier au plus près les pratiques de lecture d'une population déterminée et prévoir leurs évolutions possibles, mais également pour accompagner un public précis, par exemple "les jeunes", en les sensibilisant au potentiel émancipateur de la lecture de fictions.
A tous les niveaux les principaux contenus liés à la prospective appliquée aux dispositifs et aux pratiques de lecture peuvent facilement et efficacement s'adapter aux différentes tranches d'âges des élèves, à leurs environnements et aux programmes scolaires pour leur ouvrir de nouvelles perspectives.
- Sensibilisation à l'histoire des supports et des dispositifs d'écriture / lecture et design fiction (méthode d'écriture créative) pour imaginer et mettre en scène des appareils de lecture surprenants et novateurs dans des futurs plus ou moins lointains...
- Sensibilisation aux personnages de romans comme Intelligences Fictionnelles qui peuvent nous influencer et avec lesquelles nous pourrions un jour entrer en contact...
- Sensibilisation
aux métalepses narratives (le fameux procédé de "traversées du miroir" fréquent
dans la littérature jeunesse, la SF et les littératures de l'imaginaire)...
- Sensibilisation à l'immersion fictionnelle et aux rapports entre fiction et réalité, remue-méninges pour redéfinir "ce qui" séparerait l'une de l'autre...
- Sensibilisation à la découverte de son propre fictionaute (la part subjective de soi que nous projetons spontanément dans nos lectures de romans), expériences de pensée et écriture créative pour partir en voyages dans les livres...
