dimanche 3 février 2019

Etres Virtuels - Quels impacts possibles sur la fiction ?

Je pense que nous devons éviter d'envisager l'évolution des pratiques de lecture avec un imaginaire emprunté à la science-fiction, avec toute une imagerie spectaculaire véhiculée par la littérature et le cinéma fantastiques.

L'illustration que j'ai choisie pour ce post exprime l'urgence de résister à cet emballement et de "remettre les choses à plat" dans la perspective de la double métaphore du monde comme livre, et, du livre comme monde.
 

Notre imaginaire est régulièrement sollicité par des projections dystopiques. 
Le plus souvent les scénarios du futur qui nous sont proposés engendrent un sentiment diffus de crainte, une peur latente que des stratégies narratives éprouvées rendent addictive. 
  
Je pense que nous devons, au contraire, être attentifs dans notre environnement technologique actuel à la récurrence de signaux de moins en moins faibles et qui pourraient potentiellement être détournés de leurs cadres et contextes initiaux d'expérimentation si seulement nous le souhaitions vraiment.
En complément à mon post passé du 7 novembre 2018, Personnages de fictions et extraterrestres, dans lequel j'évoquais notamment les développements de plusieurs phénomènes concomitants : l'avatarisation, les agents conversationnels, les créatures biodigitales, nous devons je pense être également vigilants aux manifestations suivantes :
- d'incarnation virtuelle : s'incarner dans un corps virtuel peut paraitre relever d'un oxymore, mais ce pourrait devenir un jour l'expression naturelle d'une extension de nos corps, qui ne sont ni matière, ni esprit, mais, matière ET esprit.  (A titre d'exemple un article récent sur ce sujet : S'incarner dans un corps virtuel - Les inédits du CNRS) ;
- d'êtres virtuels : enrichis en intelligence artificielle différents types d'avatars pourraient figurer un jour l'avènement dans la réalité perceptible de créatures imaginaires. (A titre d'exemple un article récent sur ce sujet : Les êtres virtuels remplaceront-ils la VR ?).

La convergence des recherches sommairement présentées dans les articles en liens ci-dessus pourrait engendrer une sorte de cristallisation. 
Si nous les orientons dans ce sens, ces "êtres virtuels" pourraient se former en exosquelettes, soit de personnages de fictions littéraires qui pourraient alors migrer vers notre monde physique, soit de notre fictionaute (la part subjective de soi que nous projetons dans ce que nous lisons) qui pourrait s'autonomiser et explorer des mondes fictionnels. 

Aujourd'hui le design éditorial et les projets en édition dite numérique ne peuvent pas, ne devraient pas pouvoir, faire l'économie d'une veille stratégique dédiée et d'une véritable réflexion théorique et prospective sur les possibles mutations des pratiques de lecture de textes de fiction, ni sur les enjeux d'une véritable autonomisation des lectrices et des lecteurs de fictions littéraires.

Si jamais il y avait un jour une volonté autre que celle de nous maintenir dans la domestication et la peur du lendemain, alors les portes d'un nouveau monde pourraient s'ouvrir à nous.
Je suis à votre écoute...

samedi 26 janvier 2019

Grande Consultation sur le Futur des Bibliothèques

Nous lançons une grande consultation sur le futur des bibliothèques vu par les bibliothécaires...


Cette enquête est réservée aux bibliothécaires (médiathécaires, documentalistes) en activité (ou en formation, ou retraite), salarié-e-s ou bénévoles.


L'analyse des réponses et les éventuelles suites données (tables rondes, débats, conférences publiques, etc.) seront annoncées sur ce blog. Vous pouvez indiquer votre mail si vous souhaitez être personnellement informé. Vous pouvez également réagir en commentaires ici même...

vendredi 18 janvier 2019

Attention Apparitions possibles de Nouveaux Récits !

Lire c voyager
De plus en plus, avec les séries télévisées et le transmédia, certains mondes fictionnels deviennent de plus en plus denses. 
Et de plus en plus, avec le perfectionnement constant de nouvelles interfaces de diffusion de masse, un autre rapport de force va s'instaurer, qui n'aura de cesse de réinterroger notre rapport au réel et à l'actualité.

"Lire c'est voyager, voyager c'est lire." écrivait Victor Hugo dans Choses vues. Une juste mais encore bien rapide interprétation de la double métaphore du monde comme livre et du livre comme monde, mais qui nous donne cependant déjà à réfléchir sur les rapports du monde des livres, dans toutes ses acceptions, au monde-monde, et vice-versa.
Et Friedrich von Schiller : "Va devant toi et si le monde que tu cherches n'existe pas, il jaillira tout exprès de l'onde pour justifier ton audace".  
C'est ainsi, dans un tel élan, que pourraient émerger de nouvelles formes de récits comme, par exemple, des fictions auto-réalisatrices.  
 
En 1865 le roman d'anticipation de Jules Verne, De la Terre à la Lune, ne préfigurait que fort lointainement la mission Apollo 11 de juillet 1969. Mais la parole écrite, dans une intention autre que purement divertissante, peut toujours renfermer un pouvoir d'accès au plan des réalités, pouvoir qui reste généralement étranger (et heureusement) à la littérature de science-fiction et à ses dystopies. 
Ce faisant les affabulations se réaffirment avec la "Cli Fi", fictions qui traitent spécifiquement "du" changement climatique, et les récits collapsologiques.
La double dimension esthétique et éthique du texte littéraire reste cependant, je pense, cruciale pour révéler le potentiel créateur des mots, et cette exigence, dans une certaine mesure, nous protège souvent de l'éventuelle réalisation de ces textes toxiques. 

Des Narrations à Fort Pouvoir de Réalisation ?

La plus performante des fictions auto-réalisatrices modernes fut probablement ainsi l'apparition de l'Ordre secret de la Rose-Croix. 
Un théologien allemand du 17e siècle dénommé Johann Valentin Andreæ serait en effet l'auteur des trois textes qui déclenchèrent en Europe ce vaste mouvement de pensée, et notamment du fameux récit d'alchimie spirituelle : Les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz, personnage imaginaire et prétendument fondateur d'un Ordre initiatique qui allait de fait émerger a posteriori de la communauté des lecteurs de son histoire.
Le processus métaleptique (de passage de la fiction à la réalité) qui est entré ici en action n'est sans doute pas unique dans l'histoire de notre espèce animale. Loin de là même ! Que font d'autre l'ensemble des mythes fondateurs et des grands textes religieux ?

Aujourd'hui la potentielle viralité des littératures numériques et hypermédiatiques pourrait cependant donner naissance depuis le cyberespace à des récits déclencheurs tout autant, voire autrement plus performatifs, et c'est la raison pour laquelle nous devrions y être particulièrement vigilants et nous préparer à en être des lectrices et des lecteurs autonomes, c'est-à-dire en capacité d'interpréter les mondes qu'ils proposeront et d'acquérir la faculté de passer d'un monde à un autre.

L'enjeu pour les prochaines années est de développer des récits qui, au lieu de nous inciter à fuir la réalité, nous proposeraient des reformulations de notre monde pouvant nous permettre, d'une part, d'acquérir une distance critique et d'expérimenter de nouveaux modèles, d'autre part, d'anticiper les différents devenirs possibles pour notre espèce animale fabulatrice.
La complexité narrative croissante que nous pouvons observer dans les productions contemporaines issues des technologies du numérique est à double tranchant. Elle peut demain, ou bien asservir la liberté de lecture, les possibilités d'interprétation du monde par les lectrices et les lecteurs, par ailleurs habitantes et habitants du monde réel, notamment en réutilisant à leur insu et à des fins de manipulation des contenus mythologiques, ou bien, déverrouiller trop brutalement leur liberté d'esprit, comme un prisonnier à l'isolement qui se verrait soudain sorti à la lumière du soleil. 
 
L'aventure numérique de la fabrique des récits nous oblige à réinterroger les capacités d'expansion des mondes fictionnels dans le monde réel, et vice-versa.  
LAmbient Literature en est un bon exemple en explorant les formes littéraires qui pourraient émerger de l’utilisation des données personnelles des lectrices et des lecteurs, notamment de leurs pratiques sociales et de leur géolocalisation, pour générer des fictions plus immersives et en interaction avec leurs environnements réels de lecture.
 
Le monde dans lequel nous vivons c'est le monde que nous lisons, et nous lirons demain le monde que nous aurons écrit aujourd'hui.

mardi 1 janvier 2019

2019 Lisons nous les un-e-s les autres avec amour !


2019
Lisons nous les un-e-s les autres
comme nous souhaiterions être lu-e-s


" Chaque être crie en silence pour être lu autrement "
Simone Weil (Philosophe)
 

lundi 3 décembre 2018

Un Fictionaute chez Marcel Proust !

La crainte que j'exprime dans ce texte publié dans Mondes Francophones n'est pas fictive. C'est une crainte bien réelle que je ressens pleinement et qui exprime ma prise de conscience de mon propre fictionaute, ce voyageur dans l'extraterritorialité des fictions. 
Avez-vous déjà ressenti cela ?

Lorenzo_Soccavo-dans-Mondes_Francophones
A lire librement dans son intégralité sur le site de Mondes Francophones...