Mes impressions de lecture au petit essai de Sonia Bressler paru fin 2015 (déjà !) et titré : Nouvelles Technologies - Nouveaux Publics, chez Jacques Flament éditions, sont certes un peu mitigées, car j'aurais aimé bien plus de développements sur nombre de questions abordées, mais cette réserve souligne aussi l'intérêt, malgré tout, de ce livre.
D'entrée de jeu Sonia Bressler rapporte LA question d'un étudiant et qui, en tant qu'enseignante et Docteur en philosophie et épistémologie, l'interpelle fortement : "Pourquoi apprendre si Google peut me donner la réponse en moins d'une seconde ?".
"Voilà qui en dit long, souligne-t-elle, sur notre écart de temps, de compréhension et de formulation du savoir. Pour moi, le savoir est avant tout recherche. La recherche, c'est une création de liens entre différents thèmes, c'est une analyse qui avance avec les trouvailles, les questions nouvelles qui naissent..." (p. 11).
Les lecteurs de demain
C'est clair, c'est cette focalisation sur les nouveaux publics et clairement affichée dans le titre même qui m'intéressait.
Quid, en effet, de la problématique des nouveaux lectorats ? Une question que je me pose souvent au fil de mes recherches et qui est centrale dans mes diverses activités de veille stratégique et technologique.
J'ai été là d'autant plus motivé que l'auteur l'effleure en affirmant en tête d'un paragraphe : "La littérature comme premier lieu d'expérimentation" (p. 75).
Dommage, une nouvelle fois, que cet aspect ne soit pas plus approfondi, mais de l'ensemble de cette approche nous pouvons retirer cependant quelques orientations intéressantes, par exemple que : "L'histoire des publics doit aujourd'hui prendre en compte celle de l'évolution des objets connectés, c'est-à-dire leur apparition depuis les années 2001-2003. Mais c'est aussi évoquer leur disparition. Peu à peu, les objets connectés vont se fondre à l'intérieur des corps. Les publics accéderont à l'information en clignant des yeux, où pourront déplacer des sommes d'informations en faisant des gestes dans l'espace, etc." (p. 71).
Les mutations des pratiques de lecture(s) sont au coeur de la prospective et de la futurologie des dispositifs de lecture et de leurs usages.
A côté du rythme naturel des changements de générations (qu'il convient d'estimer et de prendre en considération, que ce soit dans une optique pédagogique ou marketing), nous devons pouvoir détecter le plus en amont possible les signaux faibles qui annoncent parfois assez longtemps à l'avance, ou bien de manière fort discrète, une conversion du regard des utilisateurs, ou encore une technologie disruptive (notamment en ce qui nous concerne au niveau des interfaces et des supports d'écriture-lecture).
Il y a toujours, même dans les scénarios d'avenir les plus débridés, la nécessité d'une intention et d'une destination, qui peuvent être intellectuelles, esthétiques ou spirituelles, mais qui sont nécessaire pour faire lien et lieu, pour que la démarche du lecteur ou de la lectrice s'inscrive dans le monde, même si ce dernier est numérique ou virtuel, c'est-à-dire simulé.
Le futur, quel qu'il soit, doit pouvoir s'écrire dans le prolongement d'une histoire, la nôtre, celle de notre espèce animale, et doit pouvoir se raconter par anticipation. C'est ce récit dont nous avons besoin pour nous diriger, ce récit qui ferait carte, comme à l'époque des Grandes découvertes maritimes...
"Si nous privons les générations à venir des mots anciens, conclut Sonia Bressler, nous les privons de leur histoire, et de leur mémoire. [...] il faut repartir du début avec l'analyse du langage, de son environnement, du principe même de la communication : la relation. [...] Comprendre c'est apprendre à parler, à dire les mots, les siens, ceux des autres et donc dépasser les limites de la pensée analytique. C'est sortir de la superstition." (p. 102).
Un essai qui au final incite à la réflexion et à dépasser ses préjugés et dont la lecture, au regard de l'angle de vue adopté par son auteure, sera surtout profitable aux enseignants.
Merci pour cette lecture attentive. J'ai souhaité en effet que ce livre puisse être lu même par les nouvelles générations, donc j'ai fait un choix moins académique, plus en rapidité, en pierre de touche, en leviers potentiels. Bref en éveil. Une façon d'aussi de placer ces générations (la mienne comprise) face une autre question : celle de la responsabilité. Il est à mon sens impératif de redevenir responsable de nos vies, de nos choix... Au plaisir d'en discuter plus en avant une prochaine fois ;-)
RépondreSupprimerMerci pour ce commentaire et volontiers pour discuter en privé ou débattre en public à l'occasion sur les questions surtout des "nouveaux lectorats" et de "la littérature comme lieu d'expérimentation" ;-)
SupprimerOui je pense que la littérature est le lieu essentiel... Les mots se jouent, en lettres absentes, en rêverie de mots empruntés à d'autres langues... Elle s'efface, se code, se modifie, se transforme avec des écritures intuitives... Serions-nous plus proche encore de la poésie ? Une génération écrite et éphémère... pourtant car dans l'infini du web que se passe-t-il ? Où est-il le temps de l'écriture "en plein et en délié" ? Elle se vole en image.... se dérobe en commentaire, en like, des interstices d'échanges...
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