mercredi 1 octobre 2025

Soudain nous avons vu...

Dans des réflexions sur la lecture Marcel Proust écrivit ceci : « Tant que la lecture est pour nous l’initiatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-même la porte des demeures où nous n’aurions pas su pénétrer, son rôle dans notre vie est salutaire. » 
 

Les premiers scribes ont dû chercher leur chemin dans un réseau de signes qui avait le foisonnement d’une terre non cultivée. 
L’art des jardins et des paysages (je pense aux Affinités électives de Goethe) relève de la littérature et vice-versa. 
Dans l’imagier de tout texte, ce jardin-forêt ou cette forêt-jardin de l’Éden, dans lequel notre espèce animale allait apprendre à lire le monde comme dans un livre ouvert, aurait peut-être sa reliure dans la double métaphore du monde comme livre et du livre comme monde. Derrière nous le monde comme livre. Face à nous, les livres comme mondes. Mais en sortant du bois la lecture a fait entrer en nous sa forêt.


En passant par l’écrit la parole est devenue visible sur les rectangles des tablettes puis des pages. Soudain nous avons vu les voix tout comme, ou presque comme dans la forêt nous entendons l’invisible et, lorsque le silence absolu se fait (je pense au film de Werner Herzog, Aguirre, la colère de Dieu), alors le sens nous devient inaudible.

Avancer l’idée que la lecture est sortie du bois c’est comme toucher du bois, pour conjurer le sort réservé semble-t-il à notre espèce animale : le sortilège de marcher entre proclamation du bien et déclamation du mal, entre les bénédictions et les malédictions. 
La lecture c’est le taureau qui est entré dans la demeure. Il y a souvent un loup dans les textes, comme il y a souvent un renard dans les noms.
A Genèse 3-8 nous pouvons lire : « Ils entendirent le pas de Yahvé Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour ». Une présence donc, mais qui n’accède pas au visible. Des regards, les nôtres, qui n’accèdent pas à la présence, à sa lisibilité.
Ainsi, quand nous sommes dans un texte, dans sa lecture, qui parfois dans notre dos s’approche de nous à pas de loup ?

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