Le soir du 16 janvier 2013 courant j'ai eu le plaisir d'intervenir pour la première fois sur le thème suivant : Le livre et la lecture dans le web 3D de demain, et de réaliser cette conférence en duplex, à la fois dans les locaux de La Cantine numérique rennaise, à Rennes donc comme son nom l'indique, et, dans l'auditorium de MétaLectures sur la plateforme de web 3D immersive Francogrid.
Au total pratiquement 80 personnes à Rennes et une trentaine sur MétaLectures.
La photographie ci-dessus de Jean-Baptiste Le Clec'h montre bien la mise en abîme du dispositif et la mise en relation des deux plans, physique et numérique.
Comme prévu ma conférence a été suivie d'échanges en direct depuis Francogrid avec quelques-uns des professionnels qui travaillent comme moi au déploiement des ressources culturelles et éducatives de ce type d'environnement numérique (en l'occurrence l'artiste Anne Astier ; Jenny Bihouise -consultante en ingénierie de formation et des mondes immersifs ; Caroline Brousse -bibliothécaire et cofondatrice de Bibliossimo ; Sylviane Diop du collectif d'artistes GawLab de Dakkar, et Yann Minh qui nous a fait visiter quelques espaces du futur FestivalSF, avec des réalisations de l'artiste Cherry Manga et une sonification topologique de la sound designeuse Christine Webster).
Ces échanges ont (je l'espère) contribué à faire prendre conscience à mon auditoire rennais de la réalité et des potentialités de ces territoires numériques, de la qualité de celles et ceux qui y oeuvrent déjà.
Ces échanges ont (je l'espère) contribué à faire prendre conscience à mon auditoire rennais de la réalité et des potentialités de ces territoires numériques, de la qualité de celles et ceux qui y oeuvrent déjà.
L'obsolescence du web
En 2007 j'avais donné sur Second Life, grâce à l'équipe de la Bibliothèque francophone du métavers, la première conférence en français (en voice chat) à l'occasion de la sortie de mon livre Gutenberg 2.0, le futur du livre.
Aujourd'hui la 3D s'impose de plus en plus. Parallèlement les internautes deviennent des mobinautes, et avec l'internet des objets et la réalité augmentée la porosité entre monde physique et monde numérique est de plus en plus importante. Qu'on le veuille ou non les deux sont de plus en plus interconnectés.
Aujourd'hui la 3D s'impose de plus en plus. Parallèlement les internautes deviennent des mobinautes, et avec l'internet des objets et la réalité augmentée la porosité entre monde physique et monde numérique est de plus en plus importante. Qu'on le veuille ou non les deux sont de plus en plus interconnectés.
Le message que j'ai voulu faire passer le 16 janvier 2013 est le suivant : le web 2.0 véhicule de l'information mais il ne reproduit aucunement notre environnement naturel, lequel est en trois dimensions et, surtout, nous met les uns les autres en contact que nous le voulions ou non.
Même avec le développement des réseaux sociaux et l'utilisation de webcams, le web nous propose généralement des expériences solitaires face à l'univers plat des écrans.
C'est du Minitel augmenté, mais sans plus.
Le co-browsing, la navigation interactive à plusieurs sur un même site web, n'a pas encore été rendu possible.
La technologie OpenSimulator (open source) que je cherche à promouvoir et que je teste depuis un an sur l'incubateur MétaLectures permet de transférer sur un territoire numérique une grande partie des activités de notre vie quotidienne.
Quand nous nous connectons au site web d'une bibliothèque, quand nous nous connectons au site web d'une librairie, qu'elle vende du livre imprimé ou du livre numérisé en téléchargement, l'expérience que nous avons est extrêmement pauvre par rapport à celle que nous vivons lorsque nous entrons effectivement dans une bibliothèque ou dans une librairie. Qui oserait me dire le contraire ?
Comparée à la 3D immersive sur et avec laquelle nous travaillons sur MétaLectures, la 3D subjective est un trompe-l'oeil, genre pictural qui plonge ses racines dans l'art pariétal.
La visite virtuelle proposée par la BPI Pompidou de Paris sur son site web, par exemple, ne rend compte en rien de la "réalité-vraie" du lieu et de sa vitalité. Plus grave, elle renvoie une image aseptisée et déshumanisée d'un lieu de vie et d'échanges autour des livres et de la multiplicité des pratiques culturelles.
Les recherches sur la datavisualisation des données et le design d'information ne sont pour moi que des symptômes d'un besoin d'humanisation des technologies de l'information et de la communication, et la ludification une simple recherche d'ersatz.
Une nouvelle dimension pour le marché du livre
Le web 2D ne permet pas de donner une visibilité aux catalogues numérisés des bibliothèques ni à l'offre "en ligne" (sic) des librairies.
Il nous faut réinventer la façon de représenter et de présenter le livre dans le monde numérique, et cela pour y renouveler le "phénomène livre", tout en prenant en compte les nouvelles pratiques de lecture et les mutations de ses interfaces.
Il ne s'agit pas tant de lire dans ces territoires numériques que de les explorer et d'y inventer de nouvelles formes de médiation autour du livre en exploitant les possibilités que la 3D immersive peut apporter par rapport au traditionnel et obsolète web 2D.
Il s'agit de renouveler la sociabilité autour des enjeux du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique.
Depuis les cavernes notre sociabilité repose sur le partage physique d'un même territoire.
Or les réseaux sociaux du web 2D sont incapables de restituer ce niveau d'expérience.
En représentant l'environnement d'une bibliothèque ou d'une librairie dans lesquels nous activerions les ressorts émotionnels, affectifs, qui nous permettent de vivre en société, nous réactiverions du même coup une part des impressions, des sentiments que nous éprouvons lorsque nous sommes physiquement dans de tels lieux. Balayer l'espace du regard, flâner entre les rayons, pouvoir découvrir d'autres livres que celui que nous venions chercher, se laisser aller à un achat d'impulsion... Mais surtout, j'y reviendrai en conclusion, pouvoir échanger avec de "vrais gens".
J'écris bien "en représentant l'environnement d'une bibliothèque ou d'une librairie", et non pas "en reproduisant".
La 3D de copie, telle que nous pouvons l'expérimenter avec Google Street View ou Google Earth par exemple, si elle peut avoir son utilité en réalité augmentée, génère je pense une certaine inquiétude engendrée justement par une ressemblance inquiétante avec la réalité. Nous sommes là encore dans le trompe-l'oeil.
Tandis que dans la 3D immersive, la représentation graphique crée la distance nécessaire à une appropriation du lieu. Nous ne sommes plus dans la ressemblance factice, mais, dans un sentiment de familiarité, une reconnaissance du lieu.
La 3D immersive rend ainsi possible un certain sentiment de la présence d'autrui avec ce que cela implique.
Bien sûr de grands groupes pensent déjà à exploiter ces ressources en termes de "shopping social". Je resterai discret sur ces initiatives n'ayant aucune raison de les promouvoir. Et bien sûr comme toujours l'interprofession du livre s'en contrefiche. Mais tant que les librairies et autres plateformes sur le web ne pourront pas reproduire les usages sociaux des lecteurs dans une véritable librairie, tant que les bibliothèques numériques ne pourront pas y créer de véritables tiers lieux (qu'elles recherchent pour l'heure en dénaturant la vocation de leurs sites), le livre restera un vieux parent pauvre de plus en plus relégué vers les siècles passés.
Enfin, je veux dire pour conclure la chose suivante : à savoir que des algorithmes ne peuvent pas (ne devraient pas pouvoir) remplacer des libraires et des bibliothécaires. C'est cependant le cas. De plus en plus souvent. C'est ce à quoi nous sommes contraints de nous habituer malgré nous. Et l'interprofession du livre s'y soumet. Pourquoi ?
Je revendique comme un droit inaliénable des lecteurs celui d'avoir droit à une médiation humaine.
Il s'agit de renouveler la sociabilité autour des enjeux du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique.
Depuis les cavernes notre sociabilité repose sur le partage physique d'un même territoire.
Or les réseaux sociaux du web 2D sont incapables de restituer ce niveau d'expérience.
En représentant l'environnement d'une bibliothèque ou d'une librairie dans lesquels nous activerions les ressorts émotionnels, affectifs, qui nous permettent de vivre en société, nous réactiverions du même coup une part des impressions, des sentiments que nous éprouvons lorsque nous sommes physiquement dans de tels lieux. Balayer l'espace du regard, flâner entre les rayons, pouvoir découvrir d'autres livres que celui que nous venions chercher, se laisser aller à un achat d'impulsion... Mais surtout, j'y reviendrai en conclusion, pouvoir échanger avec de "vrais gens".
J'écris bien "en représentant l'environnement d'une bibliothèque ou d'une librairie", et non pas "en reproduisant".
La 3D de copie, telle que nous pouvons l'expérimenter avec Google Street View ou Google Earth par exemple, si elle peut avoir son utilité en réalité augmentée, génère je pense une certaine inquiétude engendrée justement par une ressemblance inquiétante avec la réalité. Nous sommes là encore dans le trompe-l'oeil.
Tandis que dans la 3D immersive, la représentation graphique crée la distance nécessaire à une appropriation du lieu. Nous ne sommes plus dans la ressemblance factice, mais, dans un sentiment de familiarité, une reconnaissance du lieu.
La 3D immersive rend ainsi possible un certain sentiment de la présence d'autrui avec ce que cela implique.
Bien sûr de grands groupes pensent déjà à exploiter ces ressources en termes de "shopping social". Je resterai discret sur ces initiatives n'ayant aucune raison de les promouvoir. Et bien sûr comme toujours l'interprofession du livre s'en contrefiche. Mais tant que les librairies et autres plateformes sur le web ne pourront pas reproduire les usages sociaux des lecteurs dans une véritable librairie, tant que les bibliothèques numériques ne pourront pas y créer de véritables tiers lieux (qu'elles recherchent pour l'heure en dénaturant la vocation de leurs sites), le livre restera un vieux parent pauvre de plus en plus relégué vers les siècles passés.
Enfin, je veux dire pour conclure la chose suivante : à savoir que des algorithmes ne peuvent pas (ne devraient pas pouvoir) remplacer des libraires et des bibliothécaires. C'est cependant le cas. De plus en plus souvent. C'est ce à quoi nous sommes contraints de nous habituer malgré nous. Et l'interprofession du livre s'y soumet. Pourquoi ?
Je revendique comme un droit inaliénable des lecteurs celui d'avoir droit à une médiation humaine.
N.B. illustrations : photographie Rennes, D.R. La Cantine numérique rennaise, photogtaphies auditorium de MétaLectures par l'artiste Anne Astier et Jenny Bihouise.