Peut-être
avons-nous donné des choses aux noms, pour les repaître, pour nous les concilier,
comme à des divinités auxquelles on ferait des offrandes ou des
sacrifices ; mais même si ce fut l’inverse qui se produisit et que nous
donnâmes bien un jour des noms aux choses, ce ne sont certainement pas alors là
leurs noms véritables, car comment connaitrions-nous, nous autres de l’espèce
humaine, les noms véritables du lion, de l’arbre, du nuage, de la table et de
la chaise et de toutes ces créatures et ces choses qui envahissent notre
monde : se nomment-elles, elles ? Si elles se nomment, elles ne se
nomment certainement pas comme nous autres les avons nommées. Nous avons
substitué un faux nom d’emprunt à leurs noms véritables, comme nous faisions
avec les esclaves.
Un jour viendra, où
les choses et les noms briseront leurs chaines, ces chaines que nous leur
imposons.
Une table ne
s’appellera plus table ni une chaise, chaise.
Dans quel monde
vivrons-nous alors ?
Si les choses et
les noms ont pitié de nous, nous pardonnent et nous laissent en vie ?
Illustration : Edwaert Collier, Vanitas
- Nature morte, 1665.
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