jeudi 1 septembre 2011

Retour à une lecture hallucinatoire ?

Le 21e siècle serait-il celui d'un retour à la lecture hallucinatoire des temps archaïques ?
Je m'explique...

Il m'a semblé intéressant de mettre en parallèle les deux vidéos ci-dessous ;-)
La première présente le récent système de Booktrack pour ajouter des bandes sons aux ebooks et fait ces jours-ci débat sur la Toile...
La seconde présente une gravure ancienne qui suit en l'illustrant le célèbre poème symphonique de Smetana : "La Moldau", du nom du grand fleuve tchèque (Vltava).
Cette gravure représente en l'illustrant ce que le poème symphonique évoque. Elle part des sources du fleuve, dont elle suit le cours jusqu'à Prague et sa forteresse, en passant par les différentes scènes du poème symphonique : passage d'une chasse à courre, noce villageoise, ondines dans le courant au clair de lune...
Ici musique, gravure et partition sont liées. La gravure porte de petites représentations des différents groupes d'instruments de l'orchestre aux moments où ils jouent. Des nombres indiquent les mesures sur la partition et des inscriptions en italien précisent les nuances et les indications de tempo.
Une source d'inspiration pour des éditeurs pure-players ?
Je me souviens qu'Alberto Manguel rappellait dans son "Une histoire de la lecture" (N.B. l'extrait proposé à ce lien est pertinent par rapport au sujet qui nous occupe ici ;-) que le psychologue américain Julian Jaynes a émis l’hypothèse que : « Lire pendant le troisième millénaire avant notre ère revenait […] à entendre les cunéiformes, c’est-à-dire à imaginer le discours de façon hallucinatoire en regardant les signes qui le symbolisent, plutôt qu’à reconnaître visuellement les syllabes de la façon qui est la nôtre. ». A méditer !





lundi 22 août 2011

Figurer la prospective du livre

Serait-il possible de figurer la prospective du livre de manière humaniste, et non pas par un schéma aride ou une infographie spectaculaire ?
En même temps que je me posais cette question la nuit dernière, en relisant quelques pages des Petits traités I de Pascal Quignard, une réponse s'est imposée à moi.
Ce tableau de 1538 du Titien : La Vénus d'Urbin, dont une vue tronquée fait office de couverture à l'édition au format poche des petits traités I, et qui a certainement sa justification dans ce volume où il est beaucoup question de la chose écrite, est d'évidence une magnifique proposition de réponse.
 
La source au premier plan : l'exposition du corps, la peau nue, l'érotisation et la dimension masturbatoire de l'écriture, puis une paroi noire, opaque, difficilement explicable dans la composition du tableau qu'il coupe en deux parties égales (voir ci-dessous le tableau dans son ensemble). Au second plan deux servantes, dont l'une fouille dans un coffre. A la recherche de quoi ? Au loin, enfin, dans un crépuscule incertain, l'avenir du lendemain qui déjà se prépare.
 
La prospective du livre, dans le sens où la lecture n'est pas qu'un simple reflet du monde, mais qu'elle rend possible d'autres perceptions, d'autres visions du monde, et où je pense qu'aujourd'hui il nous faudrait collectivement faire montre d'une ambition réfléchie qui dépasserait le court terme, dans ce sens, oui, la prospective du livre s'inscrit bien dans la perspective de ce tableau : de la lecture de la nudité, dans toutes ses acceptions, à l'horizon d'un crépuscule annonciateur d'une nouvelle aurore, en passant par la recherche des effets manquants dans un grand coffre ;-)
Du présent, nous plongeons dans le passé, pour nous projeter dans l'avenir (voir illustration sous le tableau).
 
L'interprétation peut certes sembler tirée par les cheveux, mais elle est plus parlante je pense, et plus juste en tout cas, que le serait tout jargon de consultant ordinaire.
Oui, dans l'esprit des travaux que j'ai en cours, ce tableau du Titien figure parfaitement la prospective du livre... J'espère pouvoir vous en écrire plus dans les mois qui viennent...


vendredi 22 juillet 2011

Emergence de nouveaux genres littéraires

Jean d'Ormesson déclarait au dernier Salon du livre de Paris : "Un jour, le roman va disparaître, comme l'ode ou les tragédies ont disparu. On sent d'ailleurs un essoufflement du roman, il est en train de passer la main..." (Source). Mais à quoi, dis-je ? ;-)
Chaque support génère ses pratiques d'écriture, qui engendrent à leur tour des genres, induisent des lectures, auxquelles sont prédestinés certains lectorats.
Il serait intéressant d'avoir un éclairage historique sur cette question de l'influence des supports sur les genres littéraires, l'émergence, la promotion, ou le déclin d'un genre. (Si des historiens me lisent ?)


Distinguer tendances de fond et épiphénomènes...

Avec le passage de l'édition imprimée à l'édition numérique il se pourrait bien que nous assistions au cours du siècle, d'une part, à la disparition de certains genres (lesquels selon vous ?), et, d'autre part, à l'émergence de nouveaux genres (même question !).
Que pourrions-nous distinguer, pour l'instant, qui pourrait contenir en germes un ou des nouveaux genres ?
Les fan fictions ? (Lire "Le nouvel élan de la fan fiction")
Le work in progress ? (Lire "Avant ou après le roman, son « Journal ».")
Les expériences de lectures transmédia immersives ? (Lire "Après la lecture sociale la lecture immersive")
Quoi d'autre ?
L'univers des jeux vidéo (que je connais peu) serait-il un laboratoire de nouvelles formes de narrations ?
Qu'en pensez-vous ?

mardi 12 juillet 2011

Plus de 60 éditeurs entreprenants à découvrir

Découvrez la liste actualisée de plus de soixante éditeurs pure-players* francophones en cliquant ici...
* "Un éditeur pure-player est un entrepreneur qui publie des livres exclusivement dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture. (Par extension il peut s’agir d’une société fournissant des logiciels applicatifs dédiés à l’édition de livres numériques enrichis et/ou qui propose ses services à des éditeurs de livres imprimés.)"

mardi 5 juillet 2011

Après la lecture sociale la lecture immersive

Plus j'y pense et plus je braque mon attention sur les signaux faibles et plus j'en arrive à considérer que la "lecture sociale" ne serait peut-être qu'un artefact de l'introduction, via les nouveaux dispositifs de lecture, des technologies de la communication dans l'activité, aujourd'hui solitaire, intime et silencieuse, de la lecture.
Polysensorialité et transmedia convergeraient plutôt vers une lecture immersive dont Pottermore serait, peut-être, un premier pas significatif.
 
Ana Vasile, assistante à la communication et aux formations pour le Transmedia Lab vient d'écrire un article : Pottermore: une nouvelle brique de l’univers Harry Potter, qui va implicitement dans ce sens.
Nous pouvons, par exemple, y lire :

"Pottermore est un nouvel élément de l’univers d’Harry Potter. [...] un site web promettant une nouvelle expérience online dans l’univers livresque d’Harry Potter [...] Les livres se veulent multimedia, avec des illustrations et des éléments interactifs. Henry Jenkins écrivait dans son analyse que cette expérience pourrait être le projet transmedia le plus visible de nos jours [...] Il m’est difficile, conclut Ana Vasile, de déclarer dès maintenant que Pottermore représente l’élément qui manquait dans le dispositif transmedia de Harry Potter, mais il est certainement un élément d’interaction transmedia dont nous allons reparler dans les prochains mois..."


Lecture immersive et Projet MétaLectures

Alors que nous avançons dans le siècle et la période historique des e-incunables (1971-20??) et que des projets commerciaux, tel Pottermore, avancent en créativité et en innovation, certainement nous faudrait-il faire montre de davantage d'audace et considérer le transmédia dans une perspective transhistorique: mettre en parallèle la lecture immersive du monde et de ses signes multiples par nos plus lointains ancêtres bipèdes (il y a environ six millions d'années), avec les possibilités de lectures immersives que nous pourrions avoir d'ici quelques années dans le Métavers.
J'évoquais récemment ces pistes d'innovation dans mon post : Lire en 3D, et elles trouvent des développements dans mon projet MétaLectures ci-dessous présenté (url du PDF).
Je suis bien évidemment à l'écoute de tous ceux qui souhaiteraient y participer.

mardi 21 juin 2011

Imaginer et construire le livre de demain

Ils se sont efforcés d'imaginer les livres ou les bibliothèques du futur, de mettre en scène les impacts de ces mutations sur les hommes et les sociétés.
Aujourd'hui pour nous il ne s'agit pas de prédire ou de prévoir, d'imaginer ou de seulement anticiper, mais d'écrire l'à-venir du livre, de le préparer, de le construire ensemble.
  
Depuis -385 av. J.-C.
 
-385 / -370 av. J.-C., Phèdre, Platon.
1786, L'an deux mille quatre cent-quarante : rêve s'il en fût jamais (Volume 1), Louis-Sébastien Mercier.
1846, Le monde tel qu'il sera, Émile Souvestre
1892, La vie électrique, Albert Robida
1894, La fin des livres, Octave Uzanne et Albert Robida
1902, L'agonie du papier, Alphonse Allais
1932, La Mort du Livre. Anticipations bibliophiliques, Maurice Escoffier (Revue Mensuelle de l’Association des Anciens Élèves de l'École des Hautes Études Commerciales, numéro spécial sur le livre de décembre 1932).
1943, Ravage, René Barjavel
1944, La bibliothèque de Babel, Jorge Luis Borges.
1946. Chroniques martiennes, Ray Bradbury.
1953 (USA), 1955 (France), Fahrenheit 451, Ray Bradbury.
1965, Dune I, Frank Herbert
1968, 2001 Odyssée de l’espace, Arthur C. Clarke
1975, Le livre de sable (dont, Le Congrès), Jorge Luis Borges.
1988, Prélude à Fondation, Isaac Asimov
1992, Le samouraï virtuel, Neal Stephenson
1995, L’âge de diamant, Neal Stephenson
2006, Rainbows End, Vernor Vinge
2008, Le Messager, Eric Bénier-Bürckel
  

samedi 18 juin 2011

LIRE EN 3D

En partie hérités de la compilation de tablettes reliées par des lanières, nos livres imprimés sont naturellement en trois dimensions. On parle d’ailleurs pour les nommer de volumes. Mais bientôt ce sera le contenu même de nos lectures qui nous apparaitra en 3D dans des propositions de plus en plus immersives.
 
Nous le constatons, les contenus 3D sans lunettes arrivent sur nos écrans de cinéma, de télévision, et sur nos consoles de jeux. De premiers appareils photos prennent des photographies en 3D. Et même l’impression 3D permettra bientôt de reproduire chez soi des objets en stéréolithographie.
Si cela nous séduit a priori c’est naturellement parce que le monde qui nous entoure est tridimensionnel.
La 3D, elle, ne l’est pas vraiment.
Le terme 3D désigne en fait un effet de relief rendu par des images stéréoscopiques, un procédé bien connu depuis les origines de la photographie. Une sorte d’illusion d’optique. La stéréoscopie est à la vision ce que la stéréophonie est à l’audition. Il s’agit de jouer légèrement sur le décalage de deux sources. Aujourd’hui il s’agit le plus souvent de représentations en images de synthèse numériques.
  
La 3D appliquée aux livres
 
Pour le livre, diverses techniques permettaient déjà d'imprimer des images donnant une illusion de profondeur. Notre perception visuelle peut être facilement trompée et le savoir-faire des artisans du livre a toujours été une source de créativité. Les livres animés, nous disons aujourd’hui pop-up, à l’aide de pliages et de superpositions, de tirettes, de volets et autres ingéniosités, remonteraient au moins à la fin du 15e siècle.
  
Aujourd’hui la persistance, naïve à mon sens, qu’ont parfois les acteurs de l’édition numérique à vouloir simuler une page qui tourne avec leurs "feuilletoirs", démontre visiblement, c’est le cas de le dire, que le caractère réinscriptible des nouveaux supports de lecture, de plus en plus plats et de moins en moins épais, pose problème par rapport à des millénaires de spatialisation des pratiques de lecture.
Déjà questionnée par la multiplicité des liens hypertextes et des parcours de lecture qu’ils ouvrent, l’évolution de nos usages face aux textes est de plus en plus déroutante. Nos usages sont de plus en plus impactés par le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique. L’examen de leur évolution réclamerait une véritable réflexion relevant de l’anthropologie de la lecture.
Une réflexion dans la foulée de celle de Marcel Mauss dans "LesTechniques du Corps" (1934), mais appliquée aux pratiques de lecture, mériterait bien ainsi d’être développée.
 
Réalité augmentée et projections holographiques
  
Alors la 3D pourrait-elle redonner, dans une autre dimension, une illusion de matérialité aux livres ?
Les livres imprimés accompagnés de lunettes en carton avec un verre bleu et un verre rouge sont aujourd’hui largement dépassés par les applications de réalité augmentée.
Depuis 2009 des livres imprimés utilisent la réalité augmentée (par exemple via la technologie développée par la société française Totale immersion, voir la vidéo de Nouvo.ch).
Les éditions Nathan, une des marques du Groupe Editis-Planeta spécialisées dans l’éducation, commercialise avec Dokeo, la première collection en réalité augmentée.
  
 
Mais on peut s’interroger sur le devenir de telles solutions passant par l’impression, alors que la 3D envahit plus rapidement nos écrans.
De premières réalisations de livres applications jouant sur des effets 3D commencent à être commercialisées (voir ici) et un futur iPad 3D n’est pas à exclure (voir ici).
L’avenir de la lecture 3D est certainement à envisager aussi du côté des lunettes vidéo et des projections holographiques, dont des prototypes furent présentés au CES 2011 (Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier, voir le rapport d’Olivier Ezratty).
Pour que textes et lecture ne soient pas solubles dans la vidéo, la créativité des auteurs va devoir s’aiguiser sur la scénarisation multimédia et la diffusion plurimédia.
Certaines formes littéraires seraient liées à leurs supports de lecture (la question, par exemple, peut se poser de déterminer si le roman est lié au codex ?) et nous pouvons penser que de nouveaux genres naitront des nouveaux dispositifs de lecture (nous l’avons déjà un peu vu depuis 2010 avec la Twittérature).
 
Redéfinir le contrat de lecture dans les territoires digitaux
   
La R&D des jeux vidéo trace peut-être ainsi la voie à de nouvelles pratiques de lectures, immersives et participatives (collectives ?), liées à de nouvelles formes narratives et à une redéfinition du contrat de lecture.
La console Wii Nintendo et la Xbox 360 Kinect de Microsoft peuvent déjà potentiellement inspirer des fonctionnalités originales pour interagir de manière novatrice dans des environnements imaginaires. (Certains se sont déjà essayés à connecter une Kinect sur l’OpenSimulator pour interagir dans et avec des territoires virtuels.)
  
L’idée est en germe dans la collection BookSurfers lancée par Amazon : « Ces livres numériques ont été écrits par David Gartward dans le but d’encourager les enfants à lire. Chaque aventure est basée sur un livre classique comme par exemple « Le magicien d’Oz ». Le lecteur peut s’il le souhaite cliquer sur des liens dans l’histoire qui renvoient aux passages du livre original… » (Voir l’information sur IDBOOX) et elle a déjà connu dans le passé des tentatives de concrétisations dans Second Life.
  
Le 16 septembre 2007 je donnais une première conférence à la Bibliothèque Francophone du Métavers dans Second Life, pour la sortie de mon livre "Gutenberg 2.0, le futur du livre".
Depuis les choses ont peu progressé.
Mon projet MétaLectures n’a pas reçu de soutiens :-(
  
Le Métavers (« monde virtuel, créé artificiellement par un programme informatique ») a lui progressé. Il s’est étendu. Notamment avec l’OpenSimulator (« OpenSim, est un serveur open source utilisé pour héberger des monde virtuels » Wikipédia), que commencent à s’approprier, par exemple, des projets théâtraux (je pense notamment au Festival des scènes virtuelles et  à son monde virtuel sur www.bonjourmonde.fr ).
L’OpenSim héberge notamment de nouveaux mondes virtuels francophones, tels (malgré leurs noms anglophones) Francogrid ou NewWorld, sur lesquels je suis également présent, attentif à y détecter et à y promouvoir toutes initiatives en liens avec les livres et la lecture.
 
La redéfinition du contrat de lecture (contrat implicite entre les professionnels du livre et les lecteurs, et sur lequel se fonde le rapport singulier que nous entretenons tous, plus ou moins, avec les livres), redéfinition induite par le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, passe, je pense, par l’exploration de ces nouveaux territoires digitaux.
  
(Illustrations : une fresque de Pompéi, puis, mon avatar en exploration livresque dans le Métavers ;-)