mercredi 16 septembre 2009

Lire aux derniers siècles du Moyen Age

Tel est le titre de la cinquième partie d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental, sujet traité par Paul Saenger de la Newberry Library de Chicago.
La séparation des mots, inaugurée dans les îles britanniques dès le 7e siècle, ne se serait généralisée en France qu’au 11e. Chez Frédéric Barbier (de mémoire) ce serait des moines émigrés en Irlande qui auraient les premiers rompu la scriptio continua.
(Mon “(de mémoire)” est symptomatique : de tous ces livres sur l’histoire du livre et de la lecture, que je lis depuis plusieurs mois, pour approfondir la dimension transhistorique de mes réflexions et activités de prospectiviste, seul, à ma connaissance, le célèbre L’apparition du livre, de Febvre et Martin est disponible en version numérique [PDF téléchargeable ici…]. Les autres sources : non. Or, comme beaucoup, je me suis habitué au confort des fonctionnalités du Web 2.0. Et devoir rechercher un terme ou un passage, dans une dizaine d’ouvrages papier de plusieurs centaines de pages chacun et avec des index incomplets, bah c’est galère ! Il me faudrait presque une roue à livres comme au 16e siècle en 2009 !)
Mais revenons à nos mots. Leur séparation donc s’accompagna de nouvelles règles d’ordonnancement dans les phrases, du développement de la ponctuation (je ferai à l’occasion des propositions dans ce sens ;-) et donc d’une pratique facilitée de la lecture silencieuse.
Ces progrès dans la lecture, note l’auteur, dépendaient : « de la promptitude à reconnaître visuellement la forme des mots et à percevoir les principales organisations spatiales du texte : la proposition, la phrase, le paragraphe. ».
L’emploi de lettres initiales colorées en début de paragraphes fut également adopté et contribua à ces progrès [voir illustration]. L’usage que je m’amuse à en faire ici, dans ce présent post, est-il à votre avis pertinent sur un blog ? (Dans mon post critique sur le récent dossier en ligne du magazine Science & Vie je stigmatisais justement au fond l’illisibilité des textes en ligne.)
Si nous nous efforcions d’être attentifs nous aussi, à notre activité de lecture, nous autres lecteurs du 21e siècle, nous nous rendrions compte que nous lisons de plus en plus vite, que nous survolons les textes, tandis que, pour les lecteurs du Moyen Age, la lecture silencieuse, par l’attention soutenue qu’elle réclamait, était gage d’une compréhension approfondie et d’une véritable méditation sur le sens profond des textes ainsi lus.
Aujourd’hui, pour ma part en tout cas, c’est de me forcer à lire à voix haute un texte, lentement, de façon claire et bien articulée, qui me permet d’en bien saisir le sens dans toutes ses dimensions.
De fait, en 2009, nous écoutons des flux de musique et regardons des flots d’images animées, mais comment lisons-nous ? Plusieurs éléments se bousculent alors : l’échec commercial des livres audio, la fonction “Text-To-Speech” du reader Kindle d’Amazon, ce qu’écrivait Albert Robida en 1892 (j’y reviendrai bientôt dans un post dédié), et le théâtrophone (« invention de Clément Ader consistant en un réseau téléphonique relié à l’Opéra de Paris et qui permettait d’écouter l’opéra en restant chez soi [et qui] fut exploité à Paris de 1881 à 1932.» Source Wikipédia) et qu’affectionnait notamment Proust.
Alors allons-nous, à l’époque des dispositifs e-paper, revenir à des lectures orales ? Non certes. Mais… Nonobstant de nouvelles stratégies de lecture vont devoir s’inventer si nous voulons continuer à mémoriser (au moins un minimum) et à comprendre (au moins un minimum ;-) ce que nous lisons (notamment en ligne) parmi la masse de textes plus ou moins structurés et qui se multiplient plus vite que les lapins !
A suivre...

mardi 15 septembre 2009

Intéressante matinée à l'Ecole Normale Supérieure...

... de Cachan, pour la journée de Go!Doc, le Réseau de professionnels de l'information scientifique et technique en région Ile-de-France.
Présentée par Françoise Tchang du comité de pilotage Go!Doc et modérée par Catherine Vassilieff, cette matinée avait pour thème : Quel contenu pour quel support ? Le paysage du e-book en panorama.
J'ai eu le plaisir d'être précédé en première partie de matinée par Stéphane Pillorget, directeur du projet Gallica de la Bibliothèque nationale de France (site Gallica), lequel nous a annoncé que l'expérience de Gallica avec des éditeurs pour la présentation d'oeuvres contemporaines était perçue positivement et allait donc perdurer. Une bonne nouvelle à mon avis. Nous avions déjà eu l'occasion d'intervenir ensemble dans le cadre du Congrès i-expo/KM Forum 2.0, de Paris le 29 mai 2008.
Mon intervention de ce matin portait sur le thème : Le livre électronique au service des professionnels de l'information scientifique. Etat des lieux et perspectives.
J'ai pu insister sur les nécessités d'optimisation des nouveaux dispositifs de lecture et sur les besoins pour les documentalistes d'optimiser le partage des ressources. 
J'ai également profité de la présence de Stéphane Pillorget pour signaler que les bibliothèques numériques étaient, à moyen terme, appelées à devenir les interfaces numériques entre, d'une part, les bibliothèques physiques "brick and mortar", et,  d'autre part, les bibliothèques "pure player" sur le futur Web 3D ;-)

lundi 14 septembre 2009

Ecritures et Résistances à Ganges. D'autres civilisations possibles...

J'aurai le plaisir de participer à ces journées des 1er, 2 et 3 octobre 2009 à la Médiathèque Lucie AUBRAC de la ville de GANGES (Hérault) sur le thème alléchant : D'autres civilisations possibles.
Alors, oui, comment liront-elles ? Sur quels dispositifs et interfaces de lecture ? Passionnant !
j'interviendrai plus précisément dans le cadre de la "Rencontre Investir" du vendredi 02 octobre à 17H30, sur le thème : Révolution numérique et création : "le texte numérisé, l'ère du livre numérique et la transformation de notre rapport à l'écrit. Les créateurs investissent ces domaines et ouvrent leurs oeuvres à de nouvelles formes de récit." (extrait programme).
N'hésitez pas à me faire signe si vous y passez :-)

dimanche 13 septembre 2009

Message de service ;-)

Le flux de P.L.E. Consulting est maintenant réglé pour diffuser les posts dans leur intégralité ;-)
Vous pouvez également vous abonner au blog via le service Google Friend Connect (en bas de colonne à droite).
Et vous pouvez toujours partager la partie publique de ma veille sur les mutations de l'édition, du livre et de la lecture via Google Reader.
Alors... @ bientôt :-)

samedi 12 septembre 2009

"Les textes sont désormais trop nombreux pour être tous lus."

Jacqueline Hamesse, de l'Académia belgica (Rome) signe dans Histoire de la lecture dans le monde occidental, la quatrième partie : Le modèle scolastique de la lecture.
Avec le passage des monastères aux universités, on y voit la lecture devenir un exercice intellectuel destiné à acquérir du savoir.
"L'effervescence littéraire à laquelle on assiste dès le XIIe siècle, écrit-elle, a rendu l'accès aux livres plus complexe. Les textes sont désormais trop nombreux pour être tous lus."
Remercions au passage les cisterciens de l'époque qui pensèrent aux documentalistes à venir ;-) Car c'est dès lors l'apparition plus raisonnée que par le passé, des tables des matières, index, des sommaires et des résumés, c'est la publication de glossaires, lexiques, recueils, sommes et encyclopédies...
Mais "Tous les avantages que présentaient ces instruments de travail, nous précise Jacqueline Hamesse, expliquent pour quelle raison la lecture personnelle des oeuvres a eu tendance à disparaître et comment elle fut remplacée, dans de très nombreux cas, par la consultation exclusive d'extraits." Des parallèles avec aujourd'hui ? ;-)
L'histoire de la lecture s'apparente au cycle de l'eau. Du plus profond d'une nappe souterraine sourd en surface un mince filet d'eau. C'est une source. C'est un ruissseau, un torrent, une rivière, c'est un fleuve qui forme delta et se jette dans l'océan.
La lecture en 2009 ne peut se comparer exactement à aucune période du passé, pas plus que les actuelles mutations du livre et de son marché ne peuvent se calquer exactement, ni sur le passage du rouleau au codex, ni sur celui des manuscrits aux imprimés.
Nous ne pouvons lire l'avenir de la lecture dans les lignes de son histoire.
Mais peut-être pouvons-nous y déchiffrer un peu du génome des lectrices et des lecteurs, car, c'est de leurs pratiques nouvelles que seront tissés les textes et les livres de demain...
A suivre...

vendredi 11 septembre 2009

Des idées pour le blog P.L.E. ?

En lançant ce nouveau blog le 1er septembre dernier, alors que l'information off et on line, sur ces questions de l'actualité du livre et de son marché, de l'édition numérique et des nouveaux dispositifs de lecture, est de plus en plus abondante, je vous ai promis de faire de mon mieux pour apporter un autre éclairage.
Et, comme toujours, je tiens à tenir mes promesses.
Si ce blog répond avant tout, je vous l'avais annoncé dès le départ, à la double vocation de vous informer sur mon actualité (publications, conférences, tables rondes...), et d'expliciter mon expertise de prospectiviste du livre et de l'édition auprès des acteurs de l'interprofession, cela ne saurait suffire alors que nous vivons des années capitales pour l'avenir du livre et de la lecture.
Je vous invite donc aujourd'hui à me faire part de vos idées, suggestions, critiques, etc. !
De mon côté j'ai commencé par partager avec vous mes notes et impressions de lecture (pour l'instant de l'ouvrage collectif Histoire de la lecture dans le monde occidental). Je vais continuer.
Je vais aussi, prochainement, inaugurer une série d'entretiens avec des acteurs de l'interprofession du livre, pas des peoples, mais des gens intéressants avec lesquels j'ai parfois le plaisir de déjeuner ou de prendre un verre, et qui, je le sais, ont des choses intéressantes à dire, à nous dire.
Je vous rappelle enfin que nous pouvons également ici partager la partie publique de mon travail de veille : voir dans la colonne de droite les rubriques : "Veille R&D de Lorenzo", "Fil RSS e-books", [vous pouvez également me rejoindre sur Google Reader], le diaporama et les vidéos partagées de nouveaux dispositifs de lecture, les lectures conseillées et "Le Livre du Mois" (cliquez sur la photo de la couverture), et enfin, tout en bas de page, le "Fil Actus". (N.B. : fils RSS, actus et vidéos ne sont pas filtrés et ne reflètent en rien mes opinions personnelles sur les sujets qu'ils abordent.)
Je vous invite également à commenter et noter (peu intéressant / intéressant / passionnant) chaque post de ce blog, et à répondre au sondage : "Les éditeurs sont-ils encore des aventuriers du futur ?" (colonne de droite).
@ bientôt ;-)

jeudi 10 septembre 2009

Lecture extensive vs lecture intensive

Repensant à ma lecture d'hier, de la partie Lire, écrire, interpréter le texte (in Histoire de la lecture dans le monde occidental), je me suis souvenu que l'introduction de l'ouvrage, signée Guglielmo Cavallo et Roger Chartier, remettait en cause cette distinction : lecture extensive / lecture intensive.
Si je résume : il y aurait eu une lecture extensive dès l'antiquité romaine, puis, intensive, avec le développement de la chrétienté, puis, à nouveau extensive, à partir de la seconde moitié du 18e siècle.
Pour caricaturer nous pourrions dire que le lecteur intensif lit et relit la Bible et quelques rares textes religieux, et, le lecteur extensif, tel celui de "la rage de lire", mouvement allemand contemporain de Goethe, se jette lui sur tous les livres avec une curiosité insatiable, comme les romains contemporains d'Ovide.
Pour Cavallo et Chartier : "Discutable, la thèse a été discutée. Nombreux, en effet, sont les lecteurs "extensifs" au temps de la lecture "intensive". Songeons aux lettrés humanistes...".
Et les deux compères de nous rappeler malicieusement "Les deux objets emblématiques de leur [aux lecteurs humanistes] manière de lire [sont] la roue à livres [voir illustrations de ce post] [...] et le cahier de lieux communs, qui reçoit en ses diverses rubriques les citations, informations et observations recueillies par le lecteur."
En 2009 nous sommes certainement dans une période de lecture extensive, où chacun(e) reste libre de pratiques de lectures intensives (en ce qui me concerne La montagne magique, de Thomas Mann ;-)
L'hypertexte a remplacé les roues à livres, et les blogs, tel celui-ci, les cahiers de lieux communs ;-)