vendredi 8 avril 2016

Une esthétique particulière de la lecture

Lorenzo Soccavo, Festival VidéoFormes 2016 (Photo D.R. Gabriel V. Soucheyre)
Comme en écho à mes récentes interventions au Festival VidéoFormes de Clermont-Ferrand et aux Racontars du numérique à Strasbourg j'ai, comme par hasard (mais le hasard existe-t-il ?) retrouvé dans des notes datant de quelques années, ces deux citations qui expriment bien ce que je ressentais et que je cherchais à formuler, notamment par rapport maintenant à mon "book in progress" Le Voyage Intérieur du Lecteur, sur la plate-forme Wattpad :
 
« La ligne de mots palpe ton propre cœur. Elle envahit les artères, elle entre dans le cœur avec la ruée du souffle ; elle étreint le rebord mobile d’épaisses valvules ; elle tâte ce muscle obscur aussi fort que des chevaux, cherchant une chose, qu’elle ignore. » (Annie Dillard, En vivant, en écrivant, traduit de l’américain par Brice Matthieussent).
 
« Lire, nous l’avons peut-être oublié, c’est se tenir à la limite d’un domaine dangereux, à une frontière d’où nous appelions et en même temps rejetions un autre à la ressemblance de celui que nous logions, un autre auquel il fallait bien faire appel pour justifier les incursions que nous risquions dans les territoires secrets que nous abritions. Cet autre de soi, cette ombre portée, cet autre foyer de l’ellipse qu’on peut poser comme une hypothèse nécessaire, ou un artifice de calcul, quand nous lisons, à travers nos émotions ou les profits d’un savoir, ne faisons-nous peut-être qu’en convoquer la présence, que créer les conditions de son observation. » (Jean-Louis Baudry, “Un autre temps“, Nouvelle revue de psychanalyse, 1988, “La lecture”).

lundi 4 avril 2016

Liber Numericus - RDV Stereolux Nantes en juin

J'aurai prochainement le plaisir de donner la conférence inaugurale de l'exposition Liber Numericus, sur le sujet : Les imaginaires du livre dans la culture contemporaine - Du monde du livre au Livre Monde, à la plateforme intermédia de STEREOLUX à Nantes, le 09 juin 2016. 
 
Présentation : "Le 21e siècle bouleverse nos rapports à la culture et donc aux livres et à la lecture. Nous pourrions qualifier d'e-incunable la période historique que nous traversons, qui voit se multiplier de nouveaux dispositifs et de nouvelles pratiques d'écriture et de lecture. Aujourd'hui, se représenter et penser le livre à l'heure du numérique et du "tout écran" demande de pouvoir comprendre et expliciter comment les imaginaires du livre traversent les siècles, et comment, sous de nouvelles formes, ils expriment le même besoin humain de s'immerger dans la fiction. C'est là le parcours que proposera cette conférence : comment le numérique incorpore-t-il la symbolique du livre, et comment en retour le livre assimile-t-il la culture numérique ?".
Plus d'informations sur le site web de Stéréolux...

dimanche 3 avril 2016

Vers un espace intérieur avec Le Voyage Intérieur du Lecteur Chapitre Quinze

Le quinzième chapitre de l'essai Le Voyage Intérieur du Lecteur est en ligne ici, consultable gratuitement avec la possibilité de laisser vos commentaires, critiques et suggestions. Une simple petite histoire et un témoignage nous y mettent face à nos responsabilités de lecteurs de fictions. Vous sentez-vous impliqués ?

vendredi 1 avril 2016

Narrations métaleptiques aux Racontars du Numérique Strasbourg 2016

J'ai eu le plaisir de participer hier soir à la table ronde inaugurale du festival Les Racontars du Numérique, à la médiathèque André Malraux de Strasbourg (voir ici le programme des activités pour les prochains jours). L'occasion pour moi d'annoncer l'arrivée des... narrations métaleptiques ! dont je parle dans mon book in progress "Le Voyage intérieur du Lecteur" sur Wattpad (n'hésitez pas à me contacter pour en savoir plus, ou si vous souhaitez que je vienne en parler chez vous aussi !).
 
 
Animation Cécile Palusinski (Numered Conseil), avec Jean-Yves Fick et Léo Henry, Morgane Batoz-Herges, coordinatrice du Pilen (Bruxelles), Etienne Jaxel-Truer, et Stanislas Finzo.

dimanche 27 mars 2016

Se constituer fictionaute avec Le Voyage Intérieur du Lecteur Chapitre Quatorze

Le quatorzième chapitre de l'essai Le Voyage Intérieur du Lecteur est en ligne ici, consultable gratuitement avec la possibilité de laisser vos commentaires, critiques et suggestions.
Là, nous entrons dans le vif : comment se constituer fictionaute ?
Etes-vous prêts à suivre les 500 premiers lecteurs de cette aventure ?

mercredi 23 mars 2016

Des livres nourrissants au Livre nourricier

Dans un essai qui date de 1984, "Manger le Livre", le psychiatre et psychanalyste Gérard Haddad prend la route qui le mènera à cette réflexion de 2012 : "Quelle est l’origine de ce qu’on pourrait appeler, par exemple, le sentiment national ? La réponse fusa en moi : la littérature, en particulier la forme romanesque. C’est elle qui constitue le stade du miroir collectif d’une nation. Une des fonctions importantes de la littérature, à son insu, consiste à offrir à une nation un miroir, où les conflits violents qui l’agitent se jouent à l’intérieur d’une certaine unité ; que ces conflits, si violents soient-ils, ne mettent pas en question l’unité de la nation." (Extrait de L'Instance du Livre dans l'Inconscient).
N.B. :
Ma modeste contribution ci-après n'a en aucun cas la prétention d'être un apport constructif, mais simplement une retranscription de mes notes de lecture.
 
Des livres nourrissants au Livre nourricier
Notes de lecture
 
-- Dans la lente émergence d'une pensée liée au langage, ce retour réflexif du langage sur lui-même, sur sa propre puissance performative, les métamorphoses successives des supports et des dispositifs d'écriture-lecture, pour essentielles qu'elles soient dans le processus et son accomplissement, sont cependant anecdotiques par rapport au vaste mouvement d'ensemble, lequel, par ses discontinuités, fait récit précisément là.
 
-- En tant que futurologue du livre et de la lecture jusqu'où donc pourrais-je remonter, le plus loin possible dans le temps, afin d'avoir, à la fois, le plus de distance historique par rapport au(x) phénomène(s) étudié(s) et, le plus d'élan pour me, pour nous, projeter dans cet à-venir, peut-être déjà écrit, mais dans tous les cas qui s'inscrit au fur et à mesure que nous le déchiffrons, c'est-à-dire que nous le lisons.
 
-- Remontons, ou redescendons, jusqu'au repas totémique, cette légende qui exprime à mon sens - l'interprétation que je m'en donne, la prise de conscience d'un surplus, d'un trop-plein à raconter, qui trouverait sa postérité dans les rites alimentaires qui accompagnent nos manifestations de cohabitation avec le sacré.
 
-- Toute l'épopée de notre espèce, y comprises bien entendu toutes les histoires comme celle-ci, que nous nous racontons à son propos, est, était, condensée en germes, en bouillon de culture, en bouillie sonore qui nous remplissait la bouche, alors que nous voulions absolument raconter. (Pourquoi voulions-nous absolument raconter est une autre question. Et raconter quoi ?)
 
-- Bien intéressante trouvaille aussi, que celle de l'anthropologue des écritures Clarisse Herrenschmidt, lorsqu'elle invente - dans le sens de découvrir un trésor, les dispositifs d'écriture-lecture antérieurs aux tablettes d'argile, sous la forme de boules creuses, remodelant et projetant (expectorant) à l'extérieur du corps la cavité buccale pleine de ces petits cailloux - les calculis qui se heurtaient, s'entrechoquaient, comme des sons inarticulés, mais aussi, et aussi peut-être, le sable ou la terre qui venait probablement et naturellement remplir les crânes évidés des squelettes.
 
-- Même si (pré-)historiquement ces actes remontent approximativement à vers moins 3400 ans de l'ère commune et s'avèrent donc bien postérieurs à l'élaboration du langage articulé au sein de l'espèce humaine - et même si probablement ils ne témoignent aucunement d'une suprématie de l'homme qui ne fit qu'élaborer son propre système de communication, le fait d'être, même seulement à un moment donné et à un endroit donné, repassé par ce stade singulier lié au vécu du corps, ne fait qu'en souligner la portée symbolique.
 
-- Cette pensée symbolique en marche, Gérard Haddad en suit "le fil d'Ariane du labyrinthe mythologique" en reliant ces "deux phénomènes - parole et écriture - de nature totalement hétérogène, l'un précédant l'autre de quelques millénaires" (Haddad, p. 110).
 
-- Nous pourrions peut-être discerner là, et entre les lignes à la lecture de l'essai en question de Gérard Haddad, pourquoi, à toutes les époques, le livre, en tant que dispositif de lecture, revêtirait une charge totémique, et pourquoi toucher à ses formes, le remodeler au lieu de simplement le tripoter, le tripatouiller s'apparenterait à enfreindre un tabou, à commettre un sacrilège.
 
-- Ces rites autour du corps constitué du livre semblent bien souvent véhiculer un amalgame, un bol alimentaire à délier, à dé-lire, un non-dit-là, de malédictions et de bénédictions, c'est-à-dire de dits, soit pour faire (engendrer, provoquer) le mal, ou, le bien, et qui donc s'exprimeraient toujours, encore, dans les interdits alimentaires. 
 
-- "manger de l'écriture en commun, moment fondateur du sentiment de groupe dans un acte cannibalique singulier, manifestant avec éclat cette passion, amour et haine confondus, de l'être humain pour le signifiant." (Haddad, p. 63), à relier au cérémonial passé des lectures à voix haute et aujourd'hui à la présence parlante des booktubeurs.
 
-- Au-delà de l'essai de Gérard Haddad, la lecture que je propose est de prolonger la ligne des livres nourrissants, ceux en surabondance qui nous remplissent et nous creusent, ces livres de grande consommation qui nous donnent aisément une fausse impression de satiété - à tout point de vue le rapport de similitude entre "chaîne du livre" et "industrie alimentaire" crie sa pertinence, prolonger la ligne donc de ces livres nourrissants au Livre nourricier, quel qu'il soit pour soi, c'est-à-dire nourricier pour soi, nutritif, Livre unique pour soi, car nous savons qu'il apporte lui, à la construction de notre Etre, les nutriments symboliques dont nous avons besoin.
Ce qui est bon à manger est ce qui est bon à penser et réciproquement.

 
-- Là, alors, l'idée de Livre-culte, la parole gelée que nous pouvons laisser fondre dans notre bouche à force de la relire, de la relier.
La cacheroute sonne en français comme une traversée parallèle aux songlines, et qui s'exprimerait par un tissage d'interdits alimentaires et de lectures.

 
-- Enfin, le jeu des métaphores entre cuisiner un plat et écrire un texte, lire et se nourrir, s'éclaire dans les chapitres suivant : "L'écriture et le feu" (Haddad, pp. 93-108) et "Le cru, le cuit... et le symbolique" (Haddad, pp. 109-135).
"Le bien, écrit-il, réside dans la définition précise des objets, dans le maintien des discontinuités et des différences, dans le "bien dire", le mal au collapsus des écarts différentiels" (Haddad, p. 82).


lundi 21 mars 2016

Vers des lecteurs mutants à Vidéoformes 2016

J'ai eu le plaisir de participer le samedi 19 mars 2016 dans le cadre du festival Vidéoformes 2016 de Clermont-Ferrand à la table ronde : TRANSITION NUMERIQUE - LES MUTANTS, animée par Elise Aspord, et en compagnie de Virginie Pringuet et Hortense Gauthier (détails en suivant ce lien).

 
La diapo ci-dessous synthétise le principal de l'aspect théorique de mon intervention, qui a surtout consisté à expliciter mon commentaire en vis-à-vis de la peinture d'Antonello de Messine, avant de présenter sommairement deux de mes travaux plus pratiques, avec mon "book in progress" sur la plateforme Wattpad : Le Voyage Intérieur du Lecteur, et mes prototypes de librairie, de bibliothèque universitaire et de "café littéraire" et expériences théâtrales (avec le Théâtre de l'Adret) sur la plate-forme web 3D immersive EVER (Environnement Virtuel pour l'Enseignement et la Recherche) de l'université de Strasbourg. Tout cela dans la perspective interrogative : Vers des lecteurs mutants ?
 
La lecture immersive est avant tout une expérience humaine
 
 N.B. : Photos Vidéoformes 2016 par Gabriel V. Soucheyre.