Il y a quelques années déjà j'avais relevé un premier cas chez Virginia Woolf : « Voici un poème où il est question d’une haie. Je vais flâner le long de cette haie, et cueillir des fleurs : de vertes belles-de-jour, et des aubépines couleur de clair de lune, des églantines, et de sinueuses branches de lierre. Je vais les tenir ferme entre mes mains, et les déposer sur la surface luisante du pupitre. » (Les Vagues, traduit de l'anglais par Marguerite Yourcenar) ; je viens d'en découvrir un autre dans un roman de 2010 de la romancière russe Olga Slavnikova : « Mais l’événement le plus curieux du mariage, ce fut que pépé Valéra vint y assister. Il apparut doucement en se matérialisant comme une tache sombre d’humidité sur un tissu, dans la bande de lumière pâle qui entrait par la fenêtre, et alla se placer en toute discrétion dans le dos des témoins. Cette fois-ci, il portait son costume à rayures, le plus beau de sa vie, et un bouquet herbeux de campanules sauvages, qu’il avait cueillies on ne sait où en cette fin d’automne. Plus tard, au restaurant où ils allèrent festoyer, ces fleurs flétries et humides, qui se fanaient à toute vitesse dans l’air brutal de la réalité, se retrouvèrent parmi les bouquets que Lucie avait posés sur le rebord de la fenêtre, mais elle ne parvint jamais à se rappeler qui les lui avait offertes. » (La Tête légère, traduit du russe par Raphaëlle Pache).
Plus proches de ce que nous pouvons vivre dans nos vies quotidiennes je trouve de tels exemples bien plus subtils pour nous sensibiliser aux zones subliminaires entre fictions et réalité que nombre d'ouvrages de SF.
Qu'en pensez-vous ? Avez-vous d'autres exemples que les deux que je cite ici ?
Je peux toujours, si vous le souhaitez, venir vous parler (conférences, séminaires, cours...) de l'exploration de ces zones (thème de mon essai Terres de fiction paru en 2024).