La mécanique du texte - Thierry Crouzet |
J'ai lu d'une foulée La mécanique du texte de Thierry Crouzet et j'en recommande la lecture.
Cet essai, à mon humble avis, est intéressant, bien documenté et rigoureusement argumenté, même si au final il peut donner l'impression de reprendre simplement la vieille antienne rimbaldienne du "il faut être absolument moderne".
Car en effet, même s'il est fort probable qu' « avec chaque nouvelle technologie, de nouvelles possibilités rendent envisageables des œuvres autrement impensables », et qu'il est incontestablement pertinent d'avoir, comme il l'a fait, étayé son argumentation à partir de la formule de Nietzsche dans une de ses correspondances : « Notre outil d'écriture participe de nos pensées.», il me semble que nous restons là, à la fois, dans l'expérience personnelle (celle de Thierry Crouzet, même s'il l'illustre habilement de maintes références), et, justement, dans les sentiers tracés par des auteurs du passé.
Et cela, l'air de rien, engendre un subtil décalage. Par exemple si, en ce qui me concerne, je suis réservé sur les "liseuses" et autres nouveaux dispositifs de lecture, c'est parce qu'ils sont encore très imparfaits, qu'ils contraignent voire contrôlent nos lectures, et s'apparentent souvent à une forme d'arnaque commerciale. Thierry Crouzet, lui, et contrairement à moi, aime bien les appareils électroniques, et sa réserve du coup se porte plus globalement sur les ebooks, qu'il présente comme : « une façon de contenir la modernité naissante ». Jolie expression qui fleure bon son 19e siècle ;-)
Deux points de vue
Cet essai, à mon humble avis, est intéressant, bien documenté et rigoureusement argumenté, même si au final il peut donner l'impression de reprendre simplement la vieille antienne rimbaldienne du "il faut être absolument moderne".
Car en effet, même s'il est fort probable qu' « avec chaque nouvelle technologie, de nouvelles possibilités rendent envisageables des œuvres autrement impensables », et qu'il est incontestablement pertinent d'avoir, comme il l'a fait, étayé son argumentation à partir de la formule de Nietzsche dans une de ses correspondances : « Notre outil d'écriture participe de nos pensées.», il me semble que nous restons là, à la fois, dans l'expérience personnelle (celle de Thierry Crouzet, même s'il l'illustre habilement de maintes références), et, justement, dans les sentiers tracés par des auteurs du passé.
Et cela, l'air de rien, engendre un subtil décalage. Par exemple si, en ce qui me concerne, je suis réservé sur les "liseuses" et autres nouveaux dispositifs de lecture, c'est parce qu'ils sont encore très imparfaits, qu'ils contraignent voire contrôlent nos lectures, et s'apparentent souvent à une forme d'arnaque commerciale. Thierry Crouzet, lui, et contrairement à moi, aime bien les appareils électroniques, et sa réserve du coup se porte plus globalement sur les ebooks, qu'il présente comme : « une façon de contenir la modernité naissante ». Jolie expression qui fleure bon son 19e siècle ;-)
Deux points de vue
En octobre 2014 j'ai publié : Les Mutations du Livre et de la Lecture. Dans ce travail spontané j'ai cherché à attirer l'attention sur le fait que le numérique et ses codes actifs sont aussi du langage, et que ce que j'observais pourrait peut-être bien s'apparenter alors à une véritable évolution de notre ordre conceptuel et, par là, s'inscrire dans l'épopée de l'espèce humaine, au même titre que le langage et que l'écriture.
En désignant des marqueurs d'e-incunabilité, les arguments que je me suis efforcé d'avancer allaient, selon moi, dans le sens d'une reconfiguration du système rhétorique de notre espèce et d'une éventuelle entrée dans un nouvel âge, que je proposais de baptiser : le Bibliocène.
En désignant des marqueurs d'e-incunabilité, les arguments que je me suis efforcé d'avancer allaient, selon moi, dans le sens d'une reconfiguration du système rhétorique de notre espèce et d'une éventuelle entrée dans un nouvel âge, que je proposais de baptiser : le Bibliocène.
En fait, là où Thierry Crouzet voit une possible "révolution esthétique", je vois moi une "mutation cognitive".
Ni lui, ni moi, ne pouvons sans doute nous départager objectivement. C'est à d'autres je pense qu'il reviendrait de le faire, de faire la part des choses, de nos accords et de nos divergences, de là où peut-être nous nous complétons, et en quoi sinon nos discordances pourraient être profitables pour éclairer la période que nous traversons ?
A la lecture de l'essai de Thierry Crouzet j'ai été sensible à sa perception affective de la démarche d'auteur face à l'extrême contemporain. A un moment, au sujet du Web, de sa réalité de bibliothèque universelle, cette expression, par exemple, d' "extension mémorielle ad infinitum de l'homme connecté".
Mais j'ai bien l'impression que cela reste dans un rapport presque magique aux machines, à la modernité, à la technique, à la science aujourd'hui figurée par l'informatique. Et l'humain ? Et la dimension spirituelle de l'humain, en particulier, et du vivant en général ?
En envisageant comme je le fais les actuelles mutations des dispositifs et des pratiques d'écriture et de lecture au niveau d'une fusion du narratif et du biologique (comme je l'évoquais récemment dans Redécouvrir la magie des mots), je sors du champ du livre pour penser au niveau de la lecture et du comment, comme le langage, elle influence notre perception et conditionne notre rapport à ce que nous appelons "réalité". Pour moi, il y a longtemps que la lecture est sortie du bois !
Si on cherche ses clés dans le cercle de lumière au pied du lampadaire, avec de la chance, on peut les trouver, mais on ne peut guère trouver... autre chose.
Et si cela semblait peu aimable de ma part, que l'on sache bien que, dans ce rapprochement de nos deux visions, je me compare à l'allumeur de réverbères de la cinquième planète (Cf. Le Petit Prince de Saint-Exupéry).
J'ai vraiment trouvé intéressant de constater qu'à la toute fin de son essai, Thierry Crouzet approche, entre les lignes, des voies que j'explore, et qu'aujourd'hui je pourrais formuler ainsi : le livre de demain comme un miroir de l'autre côté duquel le lecteur pourra passer (voir, entre autres, ici...).
Avec La mécanique du texte, Thierry Crouzet adopte le point de vue d'un auteur (plutôt technophile). Avec Les mutations du Livre et de la Lecture, j'adopte celui d'un lecteur (plutôt pas technophile, et potentiellement d'un chercheur). Deux points de vue différents (mais probablement en partie complémentaires).
P.S. du 1er juillet 2015 : une autre facette de ma lecture de cet essai sur Viabooks : Thierry Crouzet, le texte influencé par la technique...
A la lecture de l'essai de Thierry Crouzet j'ai été sensible à sa perception affective de la démarche d'auteur face à l'extrême contemporain. A un moment, au sujet du Web, de sa réalité de bibliothèque universelle, cette expression, par exemple, d' "extension mémorielle ad infinitum de l'homme connecté".
Mais j'ai bien l'impression que cela reste dans un rapport presque magique aux machines, à la modernité, à la technique, à la science aujourd'hui figurée par l'informatique. Et l'humain ? Et la dimension spirituelle de l'humain, en particulier, et du vivant en général ?
En envisageant comme je le fais les actuelles mutations des dispositifs et des pratiques d'écriture et de lecture au niveau d'une fusion du narratif et du biologique (comme je l'évoquais récemment dans Redécouvrir la magie des mots), je sors du champ du livre pour penser au niveau de la lecture et du comment, comme le langage, elle influence notre perception et conditionne notre rapport à ce que nous appelons "réalité". Pour moi, il y a longtemps que la lecture est sortie du bois !
Si on cherche ses clés dans le cercle de lumière au pied du lampadaire, avec de la chance, on peut les trouver, mais on ne peut guère trouver... autre chose.
Et si cela semblait peu aimable de ma part, que l'on sache bien que, dans ce rapprochement de nos deux visions, je me compare à l'allumeur de réverbères de la cinquième planète (Cf. Le Petit Prince de Saint-Exupéry).
J'ai vraiment trouvé intéressant de constater qu'à la toute fin de son essai, Thierry Crouzet approche, entre les lignes, des voies que j'explore, et qu'aujourd'hui je pourrais formuler ainsi : le livre de demain comme un miroir de l'autre côté duquel le lecteur pourra passer (voir, entre autres, ici...).
P.S. du 1er juillet 2015 : une autre facette de ma lecture de cet essai sur Viabooks : Thierry Crouzet, le texte influencé par la technique...
Vous avez tendance à vous mettre un peu en avant dans votre commentaire sur ce texte de Thierry Crouzet, tendance qui s'accroît au fur et à mesure de votre article et finit par le desservir quelque peu. Cela étant dit, votre point de vue n'en demeure pas moins très intéressant : )
RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerJe vous remercie pour la franchise de votre commentaire.
Je pense que Thierry Crouzet m'a implicitement adressé son livre dans l'idée d'ouvrir le débat par rapport à mes propres réflexions et travaux sur le sujet (?).
Mais quoi qu'il en soit nous ne sommes ici que sur mon blog personnel de toutes façons, et aucunement sur le site d'un média, je ne suis ni critique ni journaliste, et, j'en appelle d'ailleurs dans mon texte, dont j'assume la subjectivité, à autrui, pour confronter nos points de vues respectifs...
Bien cordialement :-)
Oui, comme d'habitude, moi je, moi je. Envie de lire l'essai de Thierry Crouzet, mais pas grâce à vous...
RépondreSupprimerBah, lisez-le, ce sera déjà ça ;-) Si vous le souhaitez vous pouvez aussi lire ici même juste au-dessus ma réponse au précédent commentaire.
SupprimerQuant aux "moi je... moi je..." je serais bien curieux de savoir ce que vous direz après votre lecture de l'essai (par ailleurs vraiment intéressant, je le redis) de Thierry Crouzet ;-)
Bien cordialement
Pour information : ailleurs que sur ce blog personnel consacré à mes travaux, j'ai publié une Tribune exposant une autre facette de ma lecture de l'essai de Thierry Crouzet : http://www.viabooks.fr/article/pas-question-que-le-livre-disparaisse-49867
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