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mardi 15 août 2017

Extension du domaine du livre et de la lecture

Le périmètre du champ d'influence des livres et de la lecture, ou dit autrement des dispositifs et des pratiques de lectures, ne cesse de s'étendre.
Que ce soit comme sources d'informations ou comme supports de diffusion, mon attention se porte de plus en plus entre autres vers les recherches universitaires et vers les arts numériques au sens large.
Pour ce qui est du versant public de mon travail permanent de veille, en plus de mon intense activité sur Facebook, Twitter, Google+, Linkedin, Viadeo..., réseaux sur lesquels je relaie des contenus souvent différents en fonction de leurs spécificités, j'ai récemment élargi ma zone de publication à deux autres plateformes :
- Framasphère (réseau social de Framasoft, mouvement d'éducation populaire du logiciel libre, créé à partir du réseau social libre Diaspora*), et,
- Digitalarti (réseau digital art & innovation, pour lequel : "L'art numérique est au carrefour de l'art, de la science, de la technologie et des émotions."). 
N'hésitez pas à venir m'y retrouver !
Si vous avez besoin pour vos projets de développement d'une veille stratégique dédiée et confidentielle, contactez-moi alors en privé. Les prestations que je propose sur ce domaine d'intervention sont hautement personnalisées (aucun recours à des logiciels de veille automatisée) et reposent avant tout sur mon approche et mes connaissances transversales des devenirs du livre et de la lecture, le renseignement humain, la détection de signaux faibles et l'intermédiation.

http://media.digitalarti.com/fr/blog/lorenzo_soccavo

samedi 4 mars 2017

Edition Numérique - Etat des Lieux

Pour la première actualisation 2017 de la liste des éditeurs numériques francophones (à consulter librement en suivant ce lien) s'est imposé le besoin de faire un point critique sur l'édition numérique francophone

Force est de constater, en effet, que depuis la création de cette liste en avril 2011, et même depuis la parution en 2007 de mon livre Gutenberg 2.0 le futur du livre, l'édition numérique stagne
On me le fait souvent remarquer avec un sourire moqueur, certains confondant avec un plaisir niais "prospective" avec "numérique", voire avec "informatique" ;-( 

Quelques constats...

- Depuis le lancement de cette liste, 24 éditeurs ont "mis la clef sous la porte", comme l'on dit familièrement. Mais, régulièrement, de nouveaux se lancent. Ils étaient une trentaine au départ, ils sont aujourd'hui presque 180, et cette liste n'est sans doute pas exhaustive.
- De plus en plus parmi eux proposent l'impression à la demande, souvent en partenariat avec... Hachette ;-)
- Le lectorat traditionnel suit peu. Ou alors il emprunte des voies détournées (?), soit, en téléchargeant gratuitement des titres du domaine public - plusieurs sites permettant en toute légalité d'accéder à de très nombreux classiques de la littérature, soit, en devenant parfois pirate.
- Par ailleurs, il est encore trop tôt pour que de nouvelles générations de lecteurs, natives du numérique, et ayant fait leur apprentissage de la lecture en partie au moins sur des supports numériques, soient en mesure d'influer sur le marché du livre.
- L'édition numérique jeunesse reste toujours le secteur le plus créatif et elle joue certainement un rôle important qui ne se révélera qu'à moyen terme, lorsque ses jeunes lecteurs seront devenus grands ;-)

Pourquoi cette stagnation


samedi 4 février 2017

Du marché du livre comme un échiquier

Du marché du livre considéré comme un échiquier, en trois points :
 
1 - L'interprofession du livre est depuis des années impactée par l'informatique, puis par le numérique, c'est-à-dire non seulement au niveau de la conception et de la fabrication au sens large, mais aussi de la diffusion et de la médiation.
Les auteurs s'émancipent de plus en plus de la traditionnelle chaine du livre. Les prescripteurs changent (médias sociaux, booktubeurs...). Les lecteurs explorent d'autres voies, d'autres contenus, voire piratent. De nouveaux entrants ouvrent de nouveaux champs narratifs venus des jeux vidéos, des arts numériques, de la recherche universitaire...
Pour maintenir son activité il est devenu vital de pouvoir accompagner l'émergence des nouvelles pratiques de lecture et de consommation de l'information pratique et lexicale (dictionnaires...), et de pouvoir anticiper sur les impacts des effets générationnels.

2 - La prospective est une discipline éminemment pratique.
Par des méthodes de veille et de simulations (scénarios envisageant les différentes évolutions possibles) elle aide à la prise de décisions.
La prospective peut également influer sur l'avenir en orientant des décisions stratégiques à plus ou moins long terme vers l'accomplissement d'un futur jugé comme plus souhaitable que d'autres, et/ou en détectant suffisamment tôt des signaux faibles porteurs de potentielles ruptures.

3 - Bien comprise, la prospective des dispositifs et des pratiques de lecture, au-delà de ses dimensions théoriques, recouvre en réalité des aspects très concrets et opérationnels à court et moyen termes, notamment par l'apport d'une veille stratégique et technologique concurrentielle, d'intermédiations avec les acteurs d'autres horizons, et d'aides à l'innovation et à la prise de décisions.

Si vous n'avez pas de stratégie, c'est que vous faites partie de la stratégie de quelqu'un d'autre.” Alvin Toffler
Qu'on se le dise à toutes fins utiles, n'est-ce pas ?

jeudi 12 janvier 2017

Introduction table ronde Transmédia et Narration

Le 09 janvier 2017 avait lieu à l'Ecole Estienne (école supérieure des arts et industries graphiques de la Ville de Paris) une table ronde sur le thème : Le transmédia va-t-il réinventer le livre ?

Ci-après une retranscription de mon introduction à cette table ronde : 
 
" [...] Dans le cadre de mon travail permanent de veille stratégique sur les dispositifs et les pratiques de lecture je note deux points en rapport direct avec notre thème de ce soir :
 
1 - le transmédia et les nouvelles formes de narration confirment le besoin de notre espèce humaine en fictions ;
2 - mais les questions : Sous quelles formes ? Sur quels supports ? Avec quels dispositifs ? demeurent toujours. 
 
Voilà pourquoi j'ai souhaité que nous parlions ce soir à partir de faits concrets.
Aussi j'ai donc constitué le plateau de cette table ronde dans le souci de réunir des jeunes professionnels, qui ont déjà à leur actif des réalisations en édition numérique ou transmédia, et, qui ont également des projets actuellement en cours. 

Pour introduire les échanges qui seront ensuite animés par Olivia Phélip de Viabooks, j'ai juste relevé quelques informations sur ces derniers mois :
 
- A la mi-juin 2016 le premier groupe d'édition français, Hachette Livre, a fait l'acquisition au Royaume-Uni d'un studio de jeux vidéo. Interrogé à plusieurs reprises durant l'été par les médias le PDG de Hachette Livre, Arnaud Nourry, a clairement justifié ce choix stratégique par la stagnation du marché des e-books qui ne prendrait pas en France et serait en recul aux Etats-Unis et en Angleterre.
- En octobre 2016, Stéphane Roussel, directeur exécutif de Vivendi et président de GameLoft déclarait (Le Monde) : "Je crois beaucoup aux jeux vidéos scénarisés.".
- Fin octobre, pour la première fois, la réalité virtuelle et ses potentialités narratives étaient présentées au sein de la fameuse Foire du Livre de Francfort...
- En novembre, Serge Hascoët, directeur éditorial du pole créatif central d'Ubisoft déclarait (Le Monde) : "Dans les prochains jeux vidéo Ubisoft, il y aura de moins en moins de narration.". 
Patatras ! Là, celles et ceux qui s'imaginaient la route toute tracée vers le tout immersif, le tout narratif etc., ne savent plus que penser. Mais c'est que les choses ne sont pas si simples que cela. Ubisoft cherche à anticiper le "tourisme virtuel", l'émergence de territoires virtuels à explorer et où chaque "joueur", chaque "lecteur", comme dans la vraie vie, écrira librement sa propre histoire. Second Life préfigurait ce modèle, High Fidelity, autre Métavers, lui en cours d'élaboration sur le web 3D immersive, incluant l'usage de casques de réalité virtuelle, vont dans ce sens [...].
Enfin pour conclure, deux autres faits très récents :
- Il y a quelques jours, le 5 janvier 2017, l'ACBD (Association des critiques et journalistes de bandes dessinées) publiait son Rapport 2016. Elle y présente la BD numérique comme un échec. De fait, si l'offre est de plus en plus conséquente, il n'y a pas véritablement un lectorat et un marché. Lire une BD sur album est et reste une expérience différente de celle de visionner un dessin animé ou un film d'animation. 
Sur ce point les réalisations de nos invités nous montreront qu'il peut en être autrement... 
- Enfin, aujourd'hui même 9 janvier, Delphine Ernotte, présidente de France Télévision, présentait son plan de création qui vise à produire 50% de fictions de plus d'ici 2020.

Alors comment penser l'avenir face à ces informations qui peuvent sembler contradictoire ?
Depuis les peintures pariétales notre espèce animale est animée par un besoin de créer des simulacres de la réalité, aussi la question essentielle à mon avis est-elle ce soir : comment exprimer ce besoin aujourd'hui au niveau de l'interprofession du livre, et comment permettre aux futurs professionnels, tels ceux formés à l'Ecole Estienne, d'atteindre et de dépasser cet horizon que serait le transmédia ? [...] "

Pour celles et ceux qui n'ont pas pu assister à cette table ronde, à voir : 
- PHALLAINA http://phallaina.nouvelles-ecritures.francetv.fr/ (qui était présenté par notre invité Pierre Cattan de Small bang...),
- THE ENEMY http://theenemyishere.org/fr/ (qui était présenté par notre invitée Hélène Adamo de Camera Lucida...)
- A lire : Livre numérique : ce que nous avons raté, pourquoi nous l'avons raté, et comment nous allons changer les choses, par notre invité Julien Simon sur le blog de Walrus ebook studio.

Illustration : photo par Laurent d'AtmosFeel.  

vendredi 25 novembre 2016

Informer les futurs professionnels du livre

J'ai eu hier après-midi le plaisir d'intervenir auprès des étudiant(e)s des Masters Lettres parcours Métiers de l'écriture et de la création littéraire de l'université de Cergy-Pontoise pour une conférence de deux heures sur le thème : "Impacts et enjeux des mutations des dispositifs et des pratiques de lecture sur l'interprofession du livre".
Un auditoire attentif et concerné, cela fait plaisir ! :-)

vendredi 11 novembre 2016

Presque 200 start-ups du livre en 2016

La dernière actualisation 2016 de la liste des éditeurs numériques francophones (édition pure-player) vient d'être mise en ligne [ y accéder gratuitement ].
 
Au regard de l'évolution, tant de l'interprofession du livre que des usages, d'un côté du très lent développement de cette forme d'édition, et d'un autre de l'arrivée trompettes sonnantes de la réalité virtuelle et de ses casques, de la possible convergence jeux vidéos / réalité virtuelle / édition (?), et de l'emploi répété à outrance et parfois abusif de "narration", "récit"..., comme qualificatifs vendeurs, la question se pose de savoir s'il serait ou pas judicieux d'inclure dans cette liste une rubrique dédiée aux productions..., comment dire : de narrations assistées par ordinateurs ? ;-)

Quelles seront demain les limites de l'édition ? 
L'édition est-elle soluble dans le numérique ?  Dans le transmédia ?
Pourrait-elle à terme disparaitre comme disparurent les ateliers de copistes avec le développement de l'imprimerie ? 
Suffit-il que "ça" fasse récit pour que cela soit de l'édition ?
Là, notre attention doit se porter sur l'émergence de nouvelles écritures pour des médias interactifs numériques.
 

Une édition sans éditeurs ?


Wikipédia définit l'édition comme : "filière de l'industrie culturelle consacrée à la production et à la distribution de produits culturels et d'information." (page consultée le 10/11/2016 17:20).
Pouvons-nous y lire le périmètre d'une édition sans éditeurs ("L'éditeur ou l'éditrice est un métier dont l'activité consiste à examiner des manuscrits littéraires, scientifiques, techniques ou musicaux dans le but d'en imprimer et reproduire un certain nombre d'exemplaires et d'en assurer ensuite la diffusion auprès des libraires et autres points de vente." - Wikipédia, page consultée le 10/11/2016 17:30), comme en prolongement, par une voie détournée, à l'ouvrage éponyme d'André Schiffrin ?
 
La question se pose donc bel et bien de savoir si le plus important est que cette liste reste telle quelle sur la voie qui lui a été tracée lors de sa création, ou bien, qu'elle intègre plus largement d'autres genres de productions culturelles "narratives" / documentaires, ou encore, que de liste (de maisons) d'éditions elle devienne liste d'éditeurs (?)... A suivre...

samedi 5 novembre 2016

Transgresser le papier

Avec la récente traduction en français de son essai Post-Digital Print - La mutation de l'édition depuis 1894, Alessandro Ludovico, le fondateur et rédacteur en chef de la revue cyberpunk Neural [http://neural.it/] traceuse de passerelles entre les arts graphiques et numériques, met le pied dans la fourmilière.
Octets et caractères brisent leurs chaînes, bits et pixels s'agitent puis s'amalgament au fur et à mesure que le pied s'enfonce dans la chair des fausses certitudes, les nôtres, celles que nous nourrissons tous plus ou moins sur le livre et son histoire, sur celle des écritures et de la lecture comme si, comme s'il y en avait une seule de possible, de lecture.
Et bien non !
« Prédire l'avenir n'est jamais facile, mais tenter même simplement de l'imaginer sans effectuer d'abord une analyse correcte du passé est absolument vain. » (p. 15), dixit l'auteur au premier chapitre, et je partage pleinement cet avis.
Curieusement, l'idée de disparition du papier semble en effet avoir toujours été liée à celle de progrès, et, par ailleurs, dans sa recherche de dispositifs destinés à amplifier sa parole dans le monde, l'homme a toujours cherché à dépasser les contraintes inhérentes à ce support. Sa geste pamphlétaire s'est toujours dopée en détournant les voies tracées ou en adoptant en précurseur celles qui étaient en rupture (les débuts de l'imprimerie en témoignent).

Du Dieu de Parole aux divinités de papier

Or, le papier est toujours là et c'est sur lui que nous pouvons réellement éprouver aujourd'hui encore le plaisir de lire le fameux coup de dés mallarméen
Le papier est toujours là et le plus souvent les nouveaux dispositifs qui viennent s'ajouter n'ont pour principale fonction plus ou moins éphémère que de créer de toutes pièces de nouveaux marchés en suscitant de nouvelles demandes.
Le constat, de ce côté là, est clair lui aussi : « les types d'interaction que permet le papier demeurent impossibles avec les nouvelles technologies (l'inverse est d'ailleurs également vrai). Il n'existe encore aucun outil électronique qui reproduirait toutes les caractéristiques du papier : sa légèreté, le fait qu'il puisse se plier, se manipuler en fonction de diverses pratiques de lecture, se partager facilement au sein d'un petit groupe de personnes interagissant de manière simultanée en utilisant un seul médium, et qu'il puisse accueillir facilement des types de contenu très différents, tous générés instantanément par la main... » (pp. 28-29).
Ce constat fait, notre instinct demeure le même : détourner les médias pour nous faire entendre des divinités.

Le papier et l'écran, la chair et le métal

Les recherches de El Lissitzky dans les années 1920-1930 allaient bien dans ce sens. « El Lissitzky considérait le livre comme un objet dynamique, une "unité de systèmes acoustique et optique" exigeant la participation active du lecteur. » (p. 39).
Là où nous sacraliserions peut-être exagérément le numérique c'est en oubliant qu'il n'est qu'une utilisation plus poussée de l’électricité. D'autres ont précédé, d'autres suivront.
Mais pourquoi ce sous-titre : La mutation de l'édition depuis 1894 ? Parce que cette année-là dans la collection Contes pour bibliophiles, deux littérateurs en quête d'audience, Octave Uzanne et Albert Robida annoncèrent La fin des livres [http://www.gutenberg.org/ebooks/2820], qui allaient inévitablement disparaître avec… le téléphone.
Le papier c'est donc bien, mais n'empêche que les 327 notes de cet ouvrage, qui sont presque toutes des liens web, ne sont, de fait, pas cliquables.
Certes, la POD (impression à la demande) abordée (pp.78-93) pourrait nous illusionner sur une éventuelle complémentarité des supports, mais il faudrait voir plus loin et envisager la possible convergence du web 3D immersive et de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée et des hologrammes. Sans parler du rôle des intelligences artificielles, tant versant production de contenus, que versant médiation ou assistance aux lecteurs et aux chercheurs.
Alessandro Ludovico n'occulte pas complètement ce futur qu'il exprime magistralement dans cette formule qu'il qualifie de « métaphore cyberpunk » : « Le papier, c'est la chair, et l'écran le métal » (p. 134).

Les extrêmes du passé et du futur

« Ce à quoi nous avons affaire est un médium de transition, avec des propriétés hybrides en mutation permanente. Même lorsqu'ils se font concurrence, papier et pixel se complètent. » (p. 134).
Aujourd'hui les recherches les plus avancées, notamment celles sur les encres électro-conductrices et l’électronique imprimée, s'inscrivent à leur tour dans ce mouvement de l'histoire des techniques qu'Alessandro Ludovico évoque même s'il ne va pas aussi loin dans la prospective qui n'est pas son terrain. Le titre même de son essai cependant : Post-Digital Print, désigne clairement cet horizon d'une sublimation de l'imprimé plutôt que d'une bête disparition. Les recherches progressent bien vers une fusion du papier et de l'écran, mais elles seront peut-être rendues rapidement obsolètes par une génération de cyborgs.
Si l'auteur en revient judicieusement à Marshall McLuhan et sa logique : « Manifestement, emmagasiner, c'est déjà accélérer la diffusion, puisque ce qui est emmagasiné est plus accessible que ce qui doit être rassemblé. » (dans Comprendre les médias) (p. 152), qui justifierait finalement aujourd'hui le web tel qu'il est devenu et les politiques prédatrices des GAFAM, ce qui déborde toujours du métal c'est la chair : le primat des réseaux sur les supports.
Gageons en allant plus loin, qu'avec le transhumanisme, voire un post-humanisme, il ne s'agira pas de la chair du papier mais bien de la nôtre. La chair humaine. La chère humaine.
Evidemment, parvenu à ce stade où extrême passé et extrême futur entrent en collision, le mythe reparaît aussi radieux que jamais et nous pourrions peut-être plus facilement lire cet avenir que nous cherchons à deviner à la lecture de Post-digital print, dans celle de L'Iliade et de L'Odyssée : de la chair et du métal.
« Le réseau : ici commence l'avenir » (p. 173) remet l'ensemble de la réflexion initiale en perspective, tant il apparaît clair alors que le réseau de la culture humaine date de l’apparition de l'espèce humaine, et que de l'invention du papier à nos jours, ce support en fut un acteur majeur. Certes, une nouvelle fois, mais demain ?

L'imprimé comme réseau social ?

Demain, dans sa conclusion « Impression postnumérique : un scénario pour l'avenir » (p. 175), Alessandro Ludovico en ébauche une esquisse : « le véritable pouvoir de l'édition numérique, écrit-il, réside moins dans sa manière d'intégrer des media multiples que dans ses capacités supérieures de mise en réseau. » (p. 176), mais aussi en évoquant « l'éthique de l'édition imprimée DIY », en écho aux siècles de production et d'activisme imprimé qui s'écoulent aujourd'hui par d'autres chemins (p. 177).
Le numérique finalement pourrait bien s'imposer, pour les esprits autonomes, comme une simple boite à outils pour faciliter la diffusion de l'imprimé contestataire, versus une diffusion numérique propagandiste et commerciale de masse (?).
A la génération pratiquement spontanée de formes hybrides répond une « nouvelle génération d'éditeurs, capable d'exploiter divers média, anciens et nouveaux, sans ressentir le poids d'une quelconque affiliation idéologique vis-à-vis d'aucun d'entre eux, [et qui] sera donc sûrement en mesure de développer de nouvelles publications véritablement hybrides, en combinant de manière inventive les meilleurs formats et interface du numérique et de l'imprimé. » (p. 180).
 

Nous sommes après le numérique

La postface signée Florian Cramer nous rappelle enfin que nous sommes en réalité de fait dans un moment postnumérique.
« Les communautés du fanzine ou du livre d'artiste [et bien d'autres probablement] elles-mêmes sont connectées via les blogs et les forums Internet. [Mais] plus important encore peut-être, elles utilisent l'imprimé comme une forme de réseau social qui n'est pas contrôlé par Google, Twitter ou Facebook. Ainsi ces communautés constituent-elles une avant-garde de la nouvelle culture imprimée postnumérique – culture qui coupe court à la fausse dichotomie "imprimé" / "électronique" (qui nous hante depuis McLuhan). » (p. 186). CQFD.
 
Sommes-nous alors à l'aube d'une ère nouvelle où le papier ne sera pas remplacé par des gadgets technologiques, mais où il s'effacera naturellement de lui-même, comme excédé par la langue, les mots et les maux, et où, à la table de la grande conversation des médias, vieux et nouveaux, reviendra la parole. Dis, Babel, c'est encore pour longtemps ?

lundi 10 octobre 2016

Voyagez dans le présent et le futur du livre !

Nous avons rendez-vous à l'accélérateur international de startups NUMA-Paris le mardi 18 octobre, en collaboration avec les éditions AtmosFeel, pour une rencontre exceptionnelle avec... vous, auteurs et lecteurs :-) 

Toutes les infos sur :

lundi 26 septembre 2016

Imprimé et numérique : une alliance des frères ennemis sur ViaBooks

Ma lecture de l'essai d'Alessandro Ludovico "Post-Digital Print : La mutation de l'édition depuis 1894", paru le 24 septembre chez B42 éditions, à découvrir sur Viabooks : Imprimé et numérique : vers une alliance des frères ennemis ?

samedi 11 juin 2016

Les droits des lecteurs face au numérique

Pour vous quels devraient être les droits des lecteurs face aux nouvelles règles de médiation, de communication, de diffusion et de commercialisation des livres, et en particulier des livres numérisés et numériques ?
C'est une question, oui !
  
Le mercredi 22 juin à 19H00 au café culturel Le Vestibule à Paris dans le quartier de la Bastille, je vous propose de venir en discuter avec moi à l'invitation du Collectif-Lab Disruptive People.
 
"Disruptive People opère comme un think tank citoyen et rassemble un collectif d'esprits libres convaincus de la nécessité de promouvoir l'esprit critique. Notre ambition est de concourir à la capacitation du citoyen au sein du vivre ensemble contemporain..."
C'est dans cette perspective que nous échangerons ce soir là. Après une rapide introduction pour bien définir le cadre de notre réflexion, notamment préciser les spécificités de l'édition numérique par rapport à l'édition imprimée, je proposerai à la discussion 14 droits des lecteurs sur lesquels nous pourrons débattre tous ensemble et voir comment les défendre à l'avenir.
Ce ne sera pas une conférence, ni une table ronde et encore moins un cours. Agrémenté par les petits plats de nos hôtesses, ce sera un temps d'échanges et de rencontres pour faire un point sur la lecture aux formats numériques... Venez donner votre avis !
 
Où ? Le Vestibule - Café culturel 40, rue Sedaine 75011 Paris (Plan d'accès
Quand ? Mercredi 22 juin 19H00-21H00
Evénement gratuit.
Boissons et petite restauration légère et saine sur place. Chaque participant, moi compris, paie ses consommations.
Inscription par mail à disruptivepeople@gmail.com (40 places maxi)  avec en objet : RDV22:06:2016
A bientôt !
 


vendredi 20 mai 2016

Edition numérique francophone - Etat des lieux

Cliquez ici pour accéder à la liste des éditeurs numériques
Un bilan d'étape, un état des lieux de l'édition numérique francophone, avec la récente actualisation et mise à jour complète de la liste des éditeurs numériques francophones que je propose depuis avril 2011.
 
Depuis l'actualisation de novembre 2014 sont également répertoriées séparément les sociétés précédemment inscrites mais ayant cessé leurs activités.
Cette liste est purement informative. Issue de mon travail de veille, elle ne vise qu'à mettre gracieusement à la connaissance de chacun une liste d'éditeurs "pure-players", mais, en aucun cas, il ne s'agit d'une recommandation des entreprises listées, ni d'une liste destinée spécifiquement aux auteurs en recherche d'un éditeur.
C'est un travail bénévole de recensement qui peut servir aux enseignants et aux étudiants, ou également à des organismes professionnels pour leurs études. Merci d'en citer la source en cas d'utilisation et de me contacter si vous souhaitez profiter de mon expertise.

samedi 22 août 2015

Comment suivre l'actu de la prospective du livre et de la lecture

En marge du Ray's Day 2015 voici comment suivre au plus près l'actualité de la prospective du livre, de la lecture et de l'édition.  
Tout d'abord dans la colonne de droite de ce blog vous pouvez accéder aux flux RSS des articles et des commentaires afin d'être aussitôt alerté des nouvelles publications.
Pour bénéficier sinon d'une partie de mon travail permanent de veille publique, je vous invite à me suivre sur Twitter :


L'actu de la prospective du livre sur Twitter = http://twitter.com/SoccavoL
 

Le Groupe de la prospective du livre et de l'édition sur Facebook
 

Pour toutes autres demandes, pour une veille professionnelle dédiée et confidentielle, ou pour des conférences sur le devenir et l'avenir de le lecture ou du livre et de son marché, merci de me contacter en message privé...


mardi 6 mai 2014

Projet de Manifeste pour un Ecosystème du Livre Equitable

 
En tant que lecteur et chercheur indépendant en prospective du livre, je suis contre les DRM et pour ce projet d'un Manifeste pour un écosystème du livre équitable, auquel j'ai réfléchi en compagnie d'Alexandre Girardot (éditeur chez Long Shu Publishing et auteur), Ayerdhal (auteur), Sara Doke (auteur et traductrice), Colette Vlérick (auteur, traductrice et directrice littéraire chez Long Shu Publishing) et Isabelle Marin (éditrice chez Les Netscripteurs).
Ce texte, que je vous invite à commenter et à soutenir, est en parfait accord avec les 14 nouveaux droits fondamentaux des lecteurs au 21e siècle sur lesquels je travaille depuis avril 2013.


dimanche 9 septembre 2012

Semaine 36/52 : “Appel des 451”, mais combien sont-ils à freiner dans le virage ?

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 36/52.
 
Cette semaine a été lancé dans le journal Le Monde : l’Appel des 451. Cet appel est révélateur du climat de tension qui règne maintenant sur tout l’écosystème du livre et de l’approche de la grande catastrophe, le jour où des acteurs comme Amazon, Google ou Apple en prendraient le contrôle (j’emploie encore le conditionnel).
Dans ce sens, cet appel et ses signataires méritent le respect.
Cet appel s’inscrit dans un mouvement de fond bien plus vaste et véhicule des idées qui s’expriment dans la rue, que j’entends régulièrement de la bouche d’auteurs, de lecteurs, de bibliothécaires ou d’enseignants qui n’ont pas accès aux médias comme tribune et qui ne cherchent pas significativement à s’exprimer sur cette question sur le web.
 
Un néo-luddisme qui ne dit pas son nom !
 
 
Umberto Eco, Jean-Claude Carrière, Erik Orsenna, Frédéric Beigbeder, Jonathan Franzen, pour les écrivains, Jean-Marc Roberts, pour les éditeurs, tous, entre autres, se sont déjà distingués par des prises de positions similaires et parfois plus violentes encore. Il y a à peine quelques mois les propos excessifs de Yann Moix dans la revue de Bernard-Henri Lévy, La Règle du jeu, y ont eu davantage d’écho que les réponses constructives que j’avais voulu y apporter à Sophie Dubec et Raphaël Denys (Vers une mort programmée du livre ?) dans un entretien qui trouva lui un écho au-delà les Pyrénées, dans la revue madrilène Trama y texturas.
 
Si nous jouons leur jeu primitif de nous regrouper en deux camps opposés, pour grogner des injures et nous jeter des pierres, qu’aurions-nous alors dans cette répartition fratricide des camps en présence ?
Dun côté, ce groupe des 451, donc (en référence à Fahrenheit 451 de Bradbury, mais combien sont-ils en réalité ?). Aussi le Collectif livres de papier, issu de la mouvance libertaire néo-luddite (je remarque d’ailleurs un de leurs sympathisants dans les signataires de cet Appel, Dominique Mazuet de la librairie parisienne Tropiques et auteur du récent : Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers, aux éditions Delga).
En 2008, la création par l’éditeur Philippe Zawieja de l’APE, Association des professionnels de l’édition, était aussi dans cette veine, avant de trouver un second souffle avec quelques jeunes professionnels qui ont bien compris que l’avenir de leurs métiers n’était pas dans le passé.
Nous avons également l'Association Culture papier, créée en janvier 2010 et présidée par Laurent de Gaulle, structurée et agissant en véritable groupe de pression fédérant plusieurs dizaines d’associations professionnelles de l’industrie graphique.
De l’autre côté, sur le web et les réseaux sociaux, les adeptes de l’édition numérique, qui se lisent surtout entre eux, ont vite fait de crier à la ringardise et de stigmatiser les défenseurs du papier comme de vieux conservateurs réactionnaires, et, eux aussi, comme des adversaires. Leurs commentateurs ne les suivent pas toujours et cela devrait les questionner davantage je pense.
 
Toutes ces agitations, d’un côté comme de l’autre, participent d’une fabrication de l’ennemi, et recouvrent en fait l’immobilisme et l’impuissance d’une interprofession, d’une chaine livre du livre qui n’a jamais véritablement existé comme solidaire, tant les corporatismes ont toujours prévalu en son sein.
Opposer, même implicitement, littérature et outils informatiques, opposer lecture et nouveaux dispositifs de lecture est vain et puéril. Car le point sensible, l’enjeu, n’est pas dans la relégation matérielle d’objets au profit d’autres objets, mais, au niveau de la perte ou du gain de valeurs qui peut s’opérer dans la substitution.
 
Nous ne devrions ni geindre ni nous opposer les uns aux autres, mais aller de l’avant et innover : travailler ensemble à l’avenir du livre  sous toutes ses formes, et de la lecture  dans toutes ses pratiques, pour assurer à la société du 21e siècle des outils, non d’asservissement collectif, mais de libération individuelle.
 
Freiner dans le virage, comme le fait la France, est le meilleur moyen pour se retrouver dans le fossé.
Sans avoir pour autant raison, ces personnes des 451 n’ont pas tort au fond dans leurs constats. La scandaleuse précarisation des professionnels du livre, l’évanouissement de la culture dans la distraction, je les sens au quotidien peser sur moi. Mais elles ont, je crains, un train de retard.
En 2012 leur appel résonne comme un cri de détresse. Le spectre qu’il dresse devant nous se matérialise comme l’ectoplasme d’une résurgence luddite qui n’ose pas dire son nom, ni s’exprimer comme telle pour dialoguer avec nous.
 
Il faut répondre à cet Appel !
 
Dans le numéro 170 de la revue des éditions Gallimard, Le débat, Pierre Assouline dresse avec son article : La métamorphose du lecteur, un panorama qui m’apparaît assez juste. « N’ayez pas peur ! Voilà le message que l’on voudrait faire passer à tous ceux que l’empire d’Internet sur le livre effraie », écrit-il, avant d’ajouter quelques pages plus loin : « Le plus grand effort exigé des sceptiques, réticents et récalcitrants est une révolution intérieure, un changement de paradigme qui remette en question un héritage vieux de plusieurs siècles : il ne s’agit de rien de moins que de leur apprendre à dissocier le livre du texte qu’il contient, les organes de la peau. Alors seulement ils pourront envisager que le nouveau support n’assassine pas le message ni la lecture, et que la diffusion de la littérature, des idées et de la culture a tout à gagner à ce second souffle. ».
Mais parce qu’externaliser certaines de ses fonction mentales à des algorithmes demande en effet de dépasser sa peur, et parce que, si nous avons “tout à gagner” il n’est pas dit pour autant que nous gagnerons effectivement, pour ces raisons j’ai presque été tenté de signer cet Appel des 451. Je l’ai été.
Il faut en tous cas répondre à cet appel. Que répondent le SNE (Syndicat national de l’édition), la SGDL (Société des gens de lettres de France), le SLF (Syndicat de la librairie française) ? Le ministère de la culture ? Qu’ont-ils à répondre ?
Des réponses ont déjà été faites certes, dont certaines pertinentes, mais dans une logique de confrontation. Elles tournent sur le web et elles n’auront probablement pas, comme cet Appel, les honneurs ni du Monde ni de Livres Hebdo. Cela est symptomatique. Elles réagissent “en ligne” d’un sursaut épidermique aux critiques et refusent la discussion, le débat. Cela aussi est symptomatique.
 
Car, oui, il y a danger. Les industries qui veulent structurer et monopoliser au profit de leurs actionnaires un marché du livre organisé sur de nouvelles règles commerciales monopolistiques sont logiquement exactement le contraire d’organismes culturels internationaux à but non lucratif. Ces nouveaux industriels sont plus dangereux certainement que ceux de l’imprimé, car ils bénéficient d’une puissance décuplée par la dématérialisation. Ils sont exclusivement de culture anglo-saxonne et anglophones (alors que toutes les langues, et le Français comme les autres, sont porteuses et véhicules de vertus et de valeurs culturelles spécifiques) ; et ils profitent en outre d’une légèreté fiscale (soit en bénéficiant depuis 1998 aux États-Unis de l’Internet Tax Freedom Act, interdisant l’imposition de taxes sur les services d’Internet, soit, en domiciliant leurs sièges sociaux au Luxembourg), ils profitent d’une légèreté fiscale donc à laquelle nous autres Gaulois, comme dirait Jean-Michel Billaut, n’osons même pas rêver ! Et alors ?
Écrire, dire, crier ou hurler : « NON ! », à quoi cela servirait-il ?
S’enfouir la tête dans le sable, cela fait déjà plusieurs décennies que l’interprofession du livre et que les pouvoirs publics français le font, à quoi cela sert-il ?
A part du côté de chez François Bon et de sa maison Publie.net, il faut vraiment avoir l’esprit large pour trouver une démarche d’éditeur numérique qui ne soit pas dans l’allégeance et la copie de modèles d’outre-Atlantique.
 
L’édition francophone du 21e siècle, qu’elle soit numérique ou n’importe quoi d’autre, ne peut s’imaginer, s’inventer et se construire, que dans le dépassement du clivage les anciens vs les modernes et le renoncement au “modèle américain”.
 
L’éditrice Chantal Vieuille a je pense raison dans son constat : « Ce qui est certain c'est que la pensée dominante dans l'édition numérique est américaine. Ce qui est certain c'est que la culture des livres circule aujourd'hui selon des formatages mis au point par des développeurs. Le libraire en ligne, pour le moment, est loin de jouer le rôle de conseiller ou de passeur de livres, comme le libraire peut l'être dans son magasin. A feuilleter les pages d'une librairie en ligne, on éprouve rapidement un certain ennui, né de la ressemblance, du mimétisme, du déjà vu... Forcément, tout cela va finir par disparaître ! Ce qui apparaît, poursuit Chantal Vieuille, c'est qu'il n'existe pas d'éditeurs français porteurs d'un véritable projet éditorial, dans l'édition numérique, si l'on admet qu'un éditeur, au sens classique du terme, est "un passeur de textes". Mais au fur et à mesure, à travers le monde, sans doute pas en France qui vieillit et prend du retard, des initiatives vont émerger pour rendre visibles des textes, sous un format dématérialisé. Des textes témoins de notre monde, de notre curiosité intellectuelle. ». (Extrait de : Les livres numériques pour la rentrée 2012).
 
Et puis : pourquoi n’avons-nous pas en France, en Europe, des Google, des Amazon, des Apple ? Et devons-nous le regretter ?
Pendant qu’ici nous jouons à la guerre tribale, s’opère effectivement de là-bas la dissolution de la lecture dans la culture mainstream et le basculement du marché du livre dans le cloud computing. Si c’est ce que nous voulons, alors continuons ainsi !
 

samedi 30 juin 2012

Les enjeux de la normalisation pour l'édition numérique

J'ai assisté hier à la BnF à la 2e Journée d'étude de l'AFNOR (Association française de normalisation, membre de l'International Organization for Standardization - ISO) sur le thème : "Le livre numérique : quelles normes pour le produire, le diffuser, l'utiliser ?".
Cet écho personnel n'est en aucun cas une synthèse (les présentations slides des intervenants et une synthèse, entre guillemets, "officielle", devraient prochainement être mises en ligne par les organisateurs), mais ma réaction, forcément subjective, face à des discours plutôt consensuels et qui semblent davantage entretenir le statu quo actuel qu'assumer les changements inévitables liés au développement d'un marché de l'édition numérique.
 
Il ressort d'emblée de cette journée d'étude (présentations, trois tables rondes, et conclusion sympathique mais improvisée par Arnaud Beaufort, directeur des Services et réseaux BnF), que les enjeux de la normalisation sont considérables.
Pour les résumer en une formule lapidaire je dirais : la normalisation rend possible l'échange dont l'interopérabilité résulte.
La normalisation apparait indispensable à l'interopérabilité. 
 
L'introduction fut d'ailleurs franche - une déclaration telle que : "La normalisation rapporte", pouvant être comprise de multiples façons. Cela dit, il ressort à mon sens de cette journée que l'interprofession du livre tend surtout à développer des stratégies de ralentissement et à reproduire au marché du livre numérique les règles jusqu'à ce jour applicables au marché du livre imprimé. C'est aller droit dans le mur.
 
Une coque de noix sur l'océan...
  
Dans le nuage de questions soulevées par cette étrange conduite j'ai cependant relevé quelques rayons de soleil, quelques traits plus éclairants sur les véritables enjeux...
Virginie Clayssen (directrice de la stratégie numérique du groupe Editis) qui a recentré la problématique sur les lecteurs (ce que je ne peux qu'approuver) : "Je dois pouvoir acheter un livre où je veux, le lire avec le terminal de mon choix et conserver l'accès à mes livres numériques si je change de terminal de lecture et/ou de fournisseur."
Autre formule choc lancée par Virginie Clayssen: "Ne pas laisser les utilisateurs à Amazon !".
  
Alain Pierrot (Business development manager au sein d'I2S) que j'ai revu avec plaisir, précisa lui avec une vraie pertinence que, si on se rallie à un standard comme à un étendard, on se conforme à une norme (comprenne qui pourra).
A titre purement personnel, je n'ai jamais vraiment été dans les normes ;-) et je considère que dans le domaine du livre, qu'il soit imprimé, numérisé ou numérique, une norme n'est nécessaire que si elle rend possible l'accessibilité, non si elle la contrôle.

Hadrien Gardeur (co-directeur de la librairie numérique Feedbooks et animateur du groupe de travail qui développe la spécification OPDS) résuma bien le voeu pieux de beaucoup : "Créer un écosystème basé sur des standards ouverts, permettant à n'importe qui de constituer une collection, de naviguer dans celle-ci et d'acquérir des ressources associées, depuis n'importe quelle source, et dans n'importe quel environnement."
 
La présentation de Marc Jajah (doctorant à l'EHESS, auteur de Sobookonline, spécialisé dans le livre numérique et les pratiques d'annotation) m'a quant à elle surtout conforté dans mon a priori sur l'impossibilité à ce jour de pouvoir retrouver ses annotations, dès lors que l'on change de dispositif de lecture. Vouloir aujourd'hui retrouver des notes au sein de textes en évolution constante, parfois issus de pratiques d'écritures collaboratives, revient à vouloir géolocaliser une coque de noix sur les océans !
 
Deux autres points à retenir d'après moi :
- L'importance de la normalisation pour les problèmes d'accès aux livres numérisés et numériques par des lecteurs malvoyants (intervention hier de Fernando Pinto da Silva, coordinateur du CERTAM - Centre d'évaluation et de recherche sur les technologies pour les aveugles et les malvoyants). Les difficultés liées aux dyslexies et aux dyspraxies devraient aussi être prises en considération, au-delà des contingences commerciales. 
- L'importance d'une normalisation catégorielle et évolutive des métadonnées de gestion bibliographique, métadonnées de référencement et de description. De plus en plus le problème va en effet être de TROUVER.

Globalement les messages passés relevaient donc d'un registre de l'optimisme, à l'image de l'intitulé de la dernière table ronde du jour : "La normalisation, levier pour de nouveaux usages" et dont la présentation à laquelle je ne puis que souscrire précisait sommairement : "On ne fait pas rentrer les usages dans des normes, mais on normalise pour permettre le développement des usages : on a besoin de standards pour récupérer des livres et constituer des catalogues, ou pour partager sa lecture.". 
 
Le singe qui refuse de devenir un homme
  
Malgré ce bel optimisme affiché, quoique assez réservé, le difficile contexte des laborieuses réflexions de cette journée d'étude peut être je pense caractérisé par ces quelques points :
- la pression indéniable sur le marché et les usages des "standardisations de fait", imposées aux consommateurs (aux lecteurs) par des marques monopolistiques (Amazon, Apple...),
- le glissement de la valeur du contenu au service, le fait de ne plus acheter un livre, mais, un droit d'accès associé à certains types d'usages limités, 
- le glissement du lecteur de livres vers l'utilisateur d'un dispositif de lecture, avec ses contraintes techniques et la nécessité d'un service après-vente... 
 
Mais, et je l'ai vivement ressenti hier, complexifier de tels sujets permet surtout de ne pas leur apporter de réponses concrètes. Abondance d'acronymes, textes de référence abscons et en anglais, absence d'un vocabulaire commun à l'interprofession pour désigner de mêmes réalités relativement simples à apréhender, autant de stratégies plus ou moins conscientes, plus ou moins volontaires, mais qui participent à complexifier les choses.
Le refus entêté aussi de s'entendre autour d'une définition simple du livre numérique (refus qui se fait passer pour une impossibilité) est symptomatique je pense de cette stratégie du ralentissement et des intérêts en jeu. Et, de fait, ces tergiversations font le jeu, tant des lobbies des industries graphiques que de ceux des majors anglo-saxonnes du numérique.
J'abordais ces questions de la définition du livre numérique en janvier 2009 dans mon Livre blanc sur la prospective du livre et de l'édition, qui aurait pu à l'époque servir de plateforme à une réflexion collective.
 
En conclusion, si les enjeux de la normalisation semblent vitaux pour le développement de l'édition numérique ce n'est pas gagné. Je dirais même que la situation est préoccupante.
En général, je l'ai encore observé hier, tous ces défenseurs de l'interopérabilité sont les heureux possesseurs d'iPad et de Kindle. Leurs actes de consommateurs trahissent ainsi les discours que leurs positions professionnelles les obligent plus ou moins à tenir. Nous sommes peu de choses.
Et, comme souvent, comme toujours, il a manqué je pense parmi les intervenants un historien du livre capable de remettre les enjeux en perspectives et de nous entretenir, par exemple, des problématiques de la normalisation à l'époque des incunables.
 
Cela dit, je pense que bien au-delà de cette journée d'étude à la BnF, dans la vraie vie, l'univers mental des lecteurs s'élargit, et que tous développent plus ou moins des stratégies personnelles, petites ruses pour accéder aux livres qu'ils souhaitent vraiment lire, pour y prendre plaisir et pour les partager.
Rendez-vous est donc pris pour une nouvelle journée d'étude sur ce même sujet à la Saint Glinglin de l'an 2000 quelque chose. Mais serons-nous encore là pour débattre du sexe des anges ?
Car quel poids a l'AFNOR face à Google, Amazon, Apple ? (Par ailleurs je m'interroge s'il ne serait pas plus... normal justement, que ces problématiques de normalisations  internationales soient entre les mains de la puissance publique et que leurs données soient en accès libre pour tous les citoyens...).
Que pèse réellement, face à Google, Amazon, Apple (d'ailleurs, qui étaient leurs grandes oreilles hier à la BnF ? Ou était-ce à ce point négligeable qu'ils n'y envoyèrent personne dans l'auditoire ?), que pèse donc réellement la commission numérique du Syndicat national de l'édition et son groupe "Normes et standards" (même si ses efforts pédagogiques sont méritoires, voir ici par exemple...).
En vérité : qui décide ?
Y-a-t-il un pilote dans l'avion édition ?
Eh ben la réponse est : NON.
 
J'ai l'impression qu'en 2012 l'édition est comme un singe qui refuserait de devenir un homme !
Mais les lecteurs inaugurent des pratiques transversales et des auteurs se mettent à prendre leurs productions en mains en se saisissant des outils open source. Alors espérons en confiance et sérénité !
 
En savoir plus sur l'AFNOR : sur Wikipédia (et sur le Groupe AFNOR qui a également une branche éditions) et leur site officiel.
Le service concerné à l'AFNOR est le CG46 - Groupe de coordination "Information et documentation".
"Le Groupe de coordination (GC) 46 a pour objet de définir la politique et l'orientation des travaux de normalisation française dans le domaine de l'information et de la documentation et d'assurer la coordination des Commissions de normalisation (CN) et groupes d’experts (GE) placés sous sa responsabilité. Il a également pour rôle de constituer une force de proposition pour le Comité Technique ISO/TC 46 «Information et documentation». La présidence et le secrétariat sont confiés à AFNOR Normalisation depuis 2001."