mercredi 14 avril 2010

Lettre ouverte au Collectif Livres de Papier

La situation se tend. Il fallait s’y attendre. Faute de dialoguer. Faute de réfléchir. Faute d’informer véritablement (la pléthore de blogs francophones se contente le plus souvent de relayer les blogs anglo-saxons, etc.).
Il y a quelques jours, à la Fnac Forum Les Halles (Paris 1er) les nouveaux dispositifs de lecture exposés par les sociétés Sony et Bookeen étaient “sabotés”. Recouverts chacun d’une page imprimée (arrachée à un livre ;-( collée sur le papiel.
Indépendamment (N.B. : je ne relie nullement les deux événements, j’en propose seulement une lecture), indépendamment donc, le récent Salon du livre de Paris a connu la manifestation publique du Collectif Livres de Papier. Au programme : affichage sauvage (voir photos) et distribution d’un journal gratuit de 12 pages surtitré : E-BOOK / E-MONDE / E-GNOBLE.

Des craintes légitimes

La plupart des craintes exprimées dans ce journal sont, à la fois, légitimes et bien fondées. Le tocsin certainement justifié face à ces : « géants de l’électronique et multinationales du web qui s’emparent de ce marché [celui du livre] ». Les rappels « que la technique n’est jamais neutre ». Le risque que les nouveaux dispositifs de lecture brisent la textualité du livre, qu’une lecture zapping, qu’une « désorientation cognitive », qu’une « culture de l’immédiateté » se développent sous le contrôle « d’organisations extérieures au commerce du livre », dont les intérêts économiques seront de promouvoir des lectures distrayantes et commerciales, publicités incluses, pour de nouvelles générations de lecteurs avec : « Une bibliothèque dans la poche… Et rien dans la tête ». Pas faux.
Beaucoup, durant ce Salon du livre de Paris, ont pris à la légère ce journal sous-titré : « Journal des réfractaires à l’ordre numérique ». Il est pourtant incontestable que, comme il y est écrit : « La matérialité est sans doute ce qui importe le plus dans l’objet livre. Elle implique un rapport au texte et une présence à l’autre… ».
Je cite un extrait parmi les plus pertinents à mon avis : « Si, dans un premier temps, le modèle de l’édition traditionnelle peut être singé, le monde numérique modifiera profondément le statut des acteurs intermédiaires (librairies, éditeurs, bibliothèques) bien au-delà de la seule question des droits de propriété qui a récemment mené à un bras de fer entre les éditeurs et Google. A chaque révolution technologique, on commence par recréer ce que l’on faisait avant, sans avoir conscience des potentialités du nouveau système […] si l’on rapporte la question à la situation des librairies et des bibliothèques, on voit mal pourquoi de tels lieux seraient toujours nécessaires si tous les services qu’ils rendent (emprunt et achat de livres) sont délocalisés sur le Net… ».
Certes. Qui va chez son disquaire télécharger ses fichiers MP3 ?
En fin de compte mon billet précédent : Marché du Livre : les 4 Cercles de l’Enfer ? exprime les mêmes craintes ! Elles sont légitimes et je les partage. Cela dit…

Trois choses désagréables

Cela dit, trois choses me sont très désagréables dans ce journal :
Premièrement : L’anonymat des auteurs ! Si ces derniers citent nombre de personnes, critiquent ouvertement François Gèze et François Bon, entre autres, aucun article de ce journal n’est signé. Aucun nom d’un rédacteur en chef ou de membres d’un comité de rédaction. L’anonymat total. Cela n’est pas convenable. A ma connaissance, pour ne parler que d’eux, François Gèze et François Bon signent et assument leurs écrits et leurs prises de position.
Deuxièmement : La dichotomisation et une diabolisation. Tout le propos de ce journal oppose radicalement deux camps : ceux de l’imprimé, et, ceux du numérique. Pour ma part je considère que rien de bon ne pourrait sortir d’une telle opposition et j’appelle depuis de longs mois, d’une part, à un dialogue critique et constructif, à davantage de coopérations et de mutualisations au sein de l’interprofession du livre, et, également, à une intermédiation franche entre ceux du papier et ceux du papiel.
Troisièmement : L’absence de toute proposition constructive, de toute voie alternative.
Ce collectif, apparemment bien organisé, nombreux, créé d’après ses déclarations en 2009, et rassemblant, je cite : « des lecteurs et des lectrices, des bibliothécaires, des libraires, des éditeurs, des traducteurs, des graphistes, des correcteurs, etc. », tout ce petit monde ne formule aucune proposition. Rien. Ses membres penseraient-ils donc qu’il serait possible de geler l’édition française et son marché du livre en l’état, tandis que le reste du monde sombrerait de son côté dans un morne abrutissement numérique ? Im-po-ssi-ble ! Et ils le savent. Alors ? Oh ! Alors ?
En conclusion, contrairement aux personnes avec lesquelles je me suis plus ou moins entretenu des actions menées par ce Collectif à l’occasion du Salon du livre de Paris, je ne suis ni moqueur, ni méprisant, mais, cependant, une question se pose pour moi. Et je la pose clairement :
Au-delà de leurs critiques, les membres du Collectif Livres de Papier ont-ils quelque chose à proposer ? Des idées, des projets pour l’évolution du livre et de son marché au 21e siècle ? Des suggestions à faire dont nous pourrions débattre ensemble de manière constructive ?

N.B. :
1- Pour être certain qu’ils reçoivent cet appel, appel à dialoguer et à débattre ensemble, je leur adresse un courriel au contact donné dans leur journal et avec le lien vers le présent billet.
2- Mon appel au dialogue et au débat s’adresse bien entendu également à l’Association Culture Papier “Pour le développement durable du papier et de l’imprimé” (laquelle, à ma connaissance, a opté pour des moyens d’action plus proches du lobbying traditionnel), et j’adresse donc également un courriel avec le lien vers le présent billet, à l’UNIC, Union Nationale de l’Imprimerie et de la Communication.
3- Enfin, les commentaires au présent billet sont bien entendu libres et ouverts.
Mais… Je signe et assume mes prises de position, alors merci d’assumer vos éventuelles réactions en signant vos commentaires ;-)

mercredi 7 avril 2010

Marché du Livre : les 4 Cercles de l’Enfer ?

Je suis d’une nature plutôt optimiste, dans le sens où je garde toujours l’espoir malgré l’adversité. Nonobstant, je suis actuellement davantage optimiste pour l’avenir de la lecture (le plus important, ouf ;-) que pour le devenir du marché du livre.
Ce dernier, je le crains, passe par plusieurs cercles infernaux (bien entendu, ce n’est là qu’une substitution analogique, sorte de métaphore pour essayer de traduire ce que, les deux pieds dedans, nous n’avons pas le recul suffisant pour voir). Donc :

o Premier Cercle : La société du spectacle [Si vous ne voyez pas de quoi il s’agit cliquez ici ;-) « Le concept de spectacle se réfère à un mode de reproduction de la société basé sur la reproduction des marchandises, toujours plus nombreuses et toujours plus semblables dans leur variété. »]

o Deuxième Cercle : La culture mainstream [Si vous ne voyez pas de quoi il s’agit cliquez ici ;-) « Mainstream raconte cette guerre globale des médias et de la culture. Et explique comment il faut faire pour plaire à tout le monde, partout dans le monde. »]

Où en sommes-nous ? Nous avons traversé le premier cercle et nous franchissons le deuxième. Pour le livre, cela pourrait se représenter comme suit :

Passage de la Chaîne du Livre à la Chaîne de la world littérature
Best-seller Blockbuster (Dan Brown, Stephenie Meyer, J.K. Rowling…) => Graphic novel, BD... => Film et ses déclinaisons => Jeu vidéo => produits dérivés (figurines, etc.) dont attractions pour parcs de loisirs ou lancement d’un parc à thème dédié.

Déjà le troisième cercle se profile à l’horizon (au salon Demain le Livre, les 09 et 10 mars 2010 à Paris, le thème de la conférence de Philippe Colombet de Google Livres était : “Content from the cloud : les nouveaux enjeux de l’édition numérique”.). Donc :

o Troisième Cercle : Le cloud computing [Si vous ne voyez pas de quoi il s’agit cliquez ici ;-) « Les applications et les données ne se trouvent plus sur l'ordinateur local, mais, métaphoriquement parlant, dans un nuage (cloud) composé d'un certain nombre de serveurs distants interconnectés au moyen d'une excellente bande passante indispensable à la fluidité du système. L'accès au service se fait par une application standard facilement disponible, la plupart du temps un navigateur Web. ».
Par exemple, à terme, applications de lecture et livres numériques ne seront plus stockés sur nos ordinateurs ou sur des tablettes de lecture, Kindle ou iPad, mais, sur les serveurs de Google, d’Amazon ou d’Apple.]

o Quatrième Cercle : Fahrenheit 451 [Si vous ne voyez pas de quoi il s’agit cliquez ici ;-( « Fahrenheit 451 tient son origine de la température en Fahrenheit à laquelle le papier s’enflamme et se consume, soit environ 232,7°C. Le titre évoque ainsi deux façons de brûler un livre : les autodafés organisés par les pompiers et la lecture rendue impossible par l’atrophie de tout intérêt pour la chose littéraire. »]

En conclusion : Socrate (enfin Platon…) avait peut-être raison, quand dans Phèdre il soulignait la menace qu’allait représenter l’écrit pour la mémorisation et la transmission de la culture.
La lecture à voix haute, nous le savons notamment grâce aux historiens du livre, a longtemps prédominé et n’a jamais entièrement disparu.
A la fin du roman de Ray Douglas Bradbury, Fahrenheit 451, le héros « parvient à s'échapper de la ville et se laisse porter le long du fleuve pour rencontrer les membres d'une communauté itinérante, composée de vieux diplômés de Harvard, qui habite sur les routes, le long de vieux chemins de fer rouillant. Ils ont chacun appris un livre par cœur afin de le sauver de l'oubli auquel il était promis. Finalement, la guerre éclate et voit la ville détruite, donnant une chance à un nouveau départ. »
Au pire, au cours du millénaire, un petit cercle de lecteur émergera, comme une bulle de savon, de ces quatre cercles, et alors… l’histoire recommencera :-) Vous voyez, quand je dis que je suis optimiste ;-)

lundi 5 avril 2010

Les 5 piliers de l’édition électronique

J’ai oublié dans mon post précédent, recommandant la lecture de l’ouvrage : L’édition électronique de Marin Dacos et Pierre Mounier, aux éditions La Découverte, précisément pour leur effort d’élucidation et de proposition d’« une typologie structurante pour le champ », d’indiquer les cinq piliers de l’édition électronique qu’ils détaillent en conclusion de leur guide :
- 1. Structuration de l’information
- 2. Documentation de l’information
- 3. Optimisation des conditions de lecture
- 4. Appropriation par les lecteurs
- 5. Développement des interopérabilités.

samedi 3 avril 2010

Le livre produit de première nécessité

P.L.E. Consulting – Lorenzo Soccavo est solidaire de l’appel lancé depuis plusieurs mois par les Librairies Coquillettes de Lyon, en faveur d’une TVA à 2,1 % pour le livre papier et a signé la pétition en ligne : « Tandis que les sandwicheries et les restaurants bénéficient d'une TVA applicable à 5,5 % depuis juillet 2009, nous demandons à ce que le livre soit enfin considéré comme "produit de première nécessité" accessible à tous, et militons pour que ce dernier bénéficie enfin d'une TVA à 2,1 %. »
(Le jour où la TVA des livres numériques passerait de 19,6% à 5,5%, cette baisse de 5,5% à 2,1% pour les livres papier permettrait de maintenir un différentiel en faveur du livre papier pour aplanir en partie les pertes engendrées par l'accroissement des ventes d'ebooks.)

vendredi 2 avril 2010

L’édition électronique de Marin Dacos et Pierre Mounier aux éditions La Découverte

Pour Marin Dacos et Pierre Mounier, l’édition de demain sera inévitablement électronique. Et je partage plutôt cet avis, si nous entendons par électronique que la Grande Bibliothécaire sera la Fée électricité. O combien cela aurait conforté l’ami Robida ! Mais restons sérieux ;-)
Ce petit livre de moins de 150 pages est grand par son mérite selon moi. Il permettra à beaucoup de mieux localiser l’édition électronique sur l’échiquier des industries culturelles, pour la simple raison qu’il présente avant tout l’avantage non négligeable de mettre un certain ordre dans le chaos et la confusion d’un vocabulaire qui n’est pas encore fixé (cela dit, excepté sur un point sur lequel je reviendrais en conclusion de mon propos ;-)
C’est ainsi que ses auteurs distinguent clairement, sans théorisations oiseuses, mais dans une approche pragmatique :
-1. L’édition électronique de base (relevant de la numérisation de productions imprimées)
-2. L’édition numérique (« L’édition numérique, expliquent les auteurs, correspond à un deuxième âge de l’édition électronique : celui où l’édition de texte est nativement numérique, mais n’est pas encore spécifiquement pensée pour les usages en réseaux »)
-3. L’édition en réseaux (« Les initiatives éditoriales nativement en réseau […] qui se nourrit des pratiques de communications réciproques et horizontales propres à Internet pour enrichir la lecture (pratiques de lecture partagée), mais aussi en allant jusqu’à la production même de contenus (pratiques d’écriture collective)… »).
Ainsi mises en perspective, les évolutions actuelles prennent un relief intéressant à considérer, ce qui m’avait, il y a quelques jours, inspiré une représentation graphique du “Paradigme de l’édition à la fin du siècle”, laquelle représentation, à mon sens et en toute modestie, ne rend pas trop mal je crois le contexte dans lequel Marin Dacos et Pierre Mounier développent leurs réflexions.
Je conseille donc vivement la lecture de cet ouvrage, lequel, comme le dit sans mentir sa quatrième de couverture, propose « une typologie structurante pour le champ et en faisant un effort de définition », que nous sommes, il est vrai, peu nombreux à tenter.

Liseuses vs NDL (Nouveaux Dispositifs de Lecture)

La seule réserve que je formulerais à l’encontre de ce livre, c’est qu’il cautionne l’usage du terme “liseuse”, en l’employant pour désigner les nouveaux dispositifs de lecture. Je me suis déjà expliqué sur mes réticences par rapport à ce terme [Comment nommer les machines à lire ?] qui me semble, d’une part, trop connoté en référence au codex, d’autre part, trop désuet pour exprimer le champ des nouvelles pratiques de lecture. En somme, un terme porteur d’une dimension passéiste, et en vérité peu en harmonie avec le nouveau paradigme de l’édition électronique.
Cette réserve exprimée je recommande à toutes et tous la lecture de L’édition électronique, de Marin Dacos et Pierre Mounier, qui n’est disponible que depuis quelques jours (La Découverte éditeur, Collection Repères) et que vous pourrez feuilleter et commander en ligne en cliquant sur ce lien ;-)

mercredi 31 mars 2010

Plan gouvernemental pour la lecture

Hier, 30 mars 2010, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, a présenté 14 propositions pour le développement de la lecture :
« Les 14 propositions pour le développement de la lecture.
1. Un nouveau projet pour la bibliothèque publique d'information (Bpi) pour en faire un établissement pilote et innovant en matière de lecture publique
2. Développer l’action de la Bibliothèque nationale de France en direction des populations éloignées de la lecture
3. Etendre les horaires d’ouverture pour les 50 bibliothèques municipales les plus importantes
4 à 7. Proposer aux collectivités territoriales un contrat numérique pour les bibliothèques décliné en 4 volets
8. Lutter contre les inégalités territoriales d'accès au livre et à la lecture par la création de « contrats Territoires-lecture »
9. Soutenir et accompagner les associations qui travaillent au développement de la lecture chez les jeunes et auprès des populations éloignées de la lecture
10. Une nouvelle fête du livre à l’impact populaire accru : A vous de lire !
11. Familiariser l’enfant avec la lecture dès le plus jeune âge : l’extension de l’opération « Premières Pages »
12. Développer et coordonner les services numériques des bibliothèques françaises dans le cadre d'un Schéma numérique des bibliothèques
13. Rénover les outils de connaissance de l'activité des bibliothèques publiques sur l’ensemble du territoire national pour une meilleure évaluation de leurs activités
14. Proposer aux collectivités territoriales un système d'information partagé pour l'observation des politiques du livre et de la lecture »
A noter la conclusion: « La dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français, publiée à l’automne 2009 par le Département Études Prospectives et Statistiques du Ministère, a confirmé la lente érosion de la lecture dans son mode traditionnel. Inversement, elle confirme la montée de nouveaux usages de l'écrit. Les 14-25 ans forment une “génération des écrans” qui pourrait retrouver le chemin de la lecture par l'intermédiaire des technologies numériques. »