lundi 14 mars 2011

La lecture va se développer dans des directions multiples

Sur MyBoox
J'ai le plaisir, via une interview réalisée par Chahine Benabadji de l'agence Relaxnews (agence d'information sur les loisirs) de faire un petit point sur les livres et la lecture numériques, à quelques jours de l'ouverture du Salon du livre de Paris ;-)

Extraits

" Relaxnews : On parle beaucoup de livre numérique depuis quelques années, mais le marché tarde à décoller. Pourquoi la révolution annoncée a-t-elle du mal à se mettre en marche ?

Lorenzo Soccavo : Les causes sont multiples. Tout d'abord, les nouveaux dispositifs de lecture proposés sur le marché ne sont pas encore assez performants et restent chers. Ensuite, l'ensemble du marché du livre, avec son organisation, la législation qui s'y applique, et sa chaîne de valeurs, est structuré pour un marché physique du livre imprimé. Les récentes perquisitions par les services de la concurrence de la Commission européenne [...]

- Quels sont les obstacles majeurs à franchir pour réaliser la mutation livre imprimé vers livre numérique ? Le rapport particulier du lecteur à l'objet livre papier est-il justement un frein au développement de ce marché ?

Les lecteurs ne sont pas des freins car nous observons tous qu'avec le Web les pratiques de lecture ont déjà changé. Nous voyons s'installer une lecture plus fragmentaire, sociale, avec une forte implication des lecteurs, et connectée. Il est vrai cependant qu'il y a un certain asynchronisme naturel entre l'évolution des nouvelles technologies et les pratiques des usagers. Mais les freins viennent surtout de l'interprofession du livre à mon avis. Il lui faudrait développer une analyse stratégique de la situation de crise que nous traversons, le passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, et de ses perspectives, qui ne soit pas exclusivement financière. [...]

- Face à l'offre - quelque peu confuse - de tablettes, de liseuses, de formats, et de kiosques numériques disponibles en France, comment le lecteur s'y retrouve-t-il ?

Je pense qu'il ne s'y retrouve pas. Il attend. S'il est plus technophile, il se renseigne et se documente sur le Web. Mais le manque d'information dans les grands médias et l'absence d'un véritable média professionnel sur ce passage de l'édition imprimée à l'édition numérique et à ses enjeux est vraiment préjudiciable je pense. [...]

 
- Faut-il craindre en France l'arrivée et la percée de géants américains, comme Amazon, Apple et Google, dans le circuit de distribution des livres numériques ?

N'est-il pas déjà trop tard ? [...] S'il reste un espoir, pour que l'édition française ne tombe pas entre les mains des majors anglo-saxonnes du divertissement de masse, il est je pense dans le vivier de jeunes maisons d'édition nativement et 100% numériques. Je pense naturellement à Numeriklivres et à Publie.net, mais ces nouveaux éditeurs qui cherchent à construire l'édition du XXIe siècle sont en fait de plus en plus nombreux.

- En achetant aujourd'hui une liseuse, le lecteur semble lié au catalogue constitué par le fabricant en partenariat avec les éditeurs. Sera-t-il un jour possible, avec le même terminal, d'accéder à toutes les ressources littéraires disponibles en ligne ?

[...] Nous pouvons l'espérer mais il ne faut pas rêver. Ce ne sera pas pour tout de suite. Pour l'heure la tendance est de chercher à reproduire pour le marché du livre numérique les mêmes canaux de rentabilité que pour le livre imprimé. Un risque est que les livres finissent comme des produits à moindre coûts dans des offres multi-play d'opérateurs téléphoniques et de fournisseurs d'accès à internet. Google dit vouloir proposer un autre modèle plus ouvert, mais quelle visibilité avons-nous sur les ambitions et les objectifs de Google ?

- Le marché du livre numérique est-il plus mature aux Etats-Unis ?
[...]

- Quelle est votre vision du lecteur du futur ?

Tout dépend à quel horizon nous imaginons ce futur. Je pense qu'avant la fin de ce siècle, avec la conjonction de l'Internet des objets, de la réalité augmentée et de la 3D, ce que nous appelons aujourd'hui lecture va se développer, s'épanouir, dans des directions multiples. La porosité va être de plus en plus importante entre notre quotidien et les territoires digitaux. Il faut penser la lecture au-delà du livre, dans le contexte de computation du réel : comment allons-nous interagir avec un environnement intelligent au sein duquel nos fictions pourront prendre formes ? Historiquement, chaque évolution importante des techniques d'écriture et d'impression a eu des répercussions sur la lecture, et les changements dans les pratiques de lecture ont toujours engendré d'importants bouleversements dans les sociétés. Qui sait si demain un nouvel humanisme ne pourrait pas se fonder sur les pratiques partagées d'écritures-lectures transmédia que nous commençons juste à aborder ?

- Possédez-vous une tablette ou une liseuse ? Si oui, quelles sont vos impressions sur les fonctions et les usages de lecture ?
[...] ..."

Lire l'intégralité sur le site de MyBoox ou de Comment ça marche ? 

dimanche 13 mars 2011

La Prospective du Livre en terres rabelaisiennes

J'ai eu le plaisir de donner hier à Tours une conférence sur le thème : "Mutations du livre et de l'édition au cours du 21e siècle..." à l'Institut de Touraine, dans le cadre de la journée portes ouvertes de l'ESTEN, Ecole Supérieure des Techniques d'Edition Numérique, au sein de laquelle j'enseignerai prochainement ces bases de la Prospective du Livre et de l'Edition.


Illustration ESTEN

samedi 5 mars 2011

Les impacts des livres numériques interpellent les bibliothécaires

J'ai eu le plaisir d'intervenir hier pour une rapide présentation auprès des personnels des bibliothèques de Cergy (95) et de son agglomération.
Assistée par la société 3M, la ville de Cergy vient d'équiper ses bibliothèques en technologie RFID.
Avec Jérôme Dayre du réseau Libr'est, réseau de librairies de l'est parisien, notre petite table ronde, animée par Catherine Auzoux (Chef du pôle livre, lecture et arts visuels de la ville de Cergy) a été pour moi l'occasion de constater, une nouvelle fois, que les impacts des livres numériques interpellent, de plus en plus et avec raison, les bibliothécaires, et c'est tant mieux :-)

mardi 1 mars 2011

Quelle Bibliothèque pour Demain ?


J'ai eu ce week-end le plaisir de pouvoir m'exprimer sur L'Express .fr dans le cadre d'un entretien donné à Elodie Bousquet :
L'occasion de revenir sur mon récent essai "De la bibliothèque à la bibliosphère : les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution" aux éditions NumérikLivres (Collection Comprendre le Livre Numérique) et d'expliciter ce que j'y entendais précisément par cette notion de : bibliosphère.

Extraits

"Où en est-on avec le numérique dans les bibliothèques françaises aujourd'hui ?

L.S. : Des bibliothèques expérimentent... mais le plus souvent séparément, sans plan d'ensemble concerté. Certaines testent le prêt de liseuses. Je pense que cela est surtout pertinent pour familiariser les bibliothécaires eux-mêmes avec les nouveaux dispositifs de lecture. [...]

Et à l'étranger ?
Les deux premières bibliothèques sans livres ont ouvert leurs portes l'été dernier aux Etats-Unis. C'est une nouvelle façon de concevoir la mission des bibliothèques, au-delà de leur vocation patrimoniale. On peut se demander s'il est pertinent d'aller dans une bibliothèque pour être comme chez soi, face à son ordinateur portable. Pourtant, il suffit de fréquenter ces lieux pour constater [...]

Hormis ces bibliothèques sans livres, que peut-on envisager d'autre comme évolutions ?
Les dix prochaines années vont être très riches. L'iPad ne nous donne qu'un aperçu des livres numériques augmentés du 21e siècle. L'Internet des objets, la réalité augmentée, avec la 3D, et l'intelligence artificielle vont converger et seront autant de portes de communication entre ce qu'on nomme le réel et le virtuel, le matériel et l'immatériel. [...]

Est-ce en quelque sorte cela "la bibliosphère" ?
Oui, en effet. Dans mon livre ce que j'appelle "bibliosphère" est la bibliothèque unique qui tisse sa toile sur la planète entière. Cela peut rappeler Borges ou Neal Stephenson, mais aussi Google Livres.
Avec cette convergence, d'une part, de la dématérialisation des contenus et de la mise en réseau des bibliothèques, et d'autre part, de l'équipement des personnes avec de nouveaux dispositifs de lecture connectés, nous allons vers une extension du domaine des bibliothèques "en dur".
Je crois que celles-ci vont évoluer vers ce que nous pourrions appeler des "bibliothèques-hub" à trois niveaux: l'un physique, auquel nous sommes bien habitués, le second, numérique -sans être simplement un serveur de textes numérisés- qui servirait d'interface avec le troisième niveau ; celui de la bibliothèque virtuelle, telle que l'on commence à en tester dans le métavers.
Pour l'instant on pense à Second Life et on sourit. Mais un jour Google Earth pourrait bien en quelque sorte dupliquer le monde physique. Avec l'Internet des objets et le développement des solutions de réalité augmentée, la porosité va être de plus en plus importante entre ce que nous qualifions, trop facilement, de réalité et de virtualité."

mercredi 23 février 2011

Former et informer les futurs professionnels de l'édition numérique

Il est capital et urgent de former et informer les futurs professionnels de l'édition numérique.
C'est donc armé de cette certitude éprouvée que je signale et recommande ici la Journée Portes Ouvertes de l'Ecole ESTEN [Ecole Supérieure des Techniques de l'Edition Numérique], première école supérieure en France dédiée à l'édition numérique, et qui aura lieu le samedi 12 mars 2011 de 09H00 à 18H00, à l'Institut De Touraine, 1 rue Grandière à Tours.

Lien invitation sur Facebook...

Voir également sur un sujet proche mon post précédent : Former et informer sur le marché du livre numérique ...

lundi 21 février 2011

Après le Livre ?

En janvier dernier, François Bon a publié dans sa propre maison, Publie.net, un livre numérique ayant pour titre : APRES LE LIVRE, et accompagné dans sa présentation de la question : "qu'est-ce que l'écriture numérique change au destin du livre et aux enjeux de la littérature ?".

Tout cela est crucial, en effet, nous serions à un carrefour, peut-être, à moins que nous n'ayons tout simplement pas le choix ?
Ce que je cherche à dire ici c'est que, personnellement (je dis bien : personnellement, car je pense, et ceci m'apparait assez clairement à la lecture du livre dont il est question ici, que François Bon est plus familier et plus confiant que moi dans les outils de l'informatique qu'il fréquente depuis... : "Mon premier contact avec les ordinateurs remonte à l’Ensam, écrit-il, Bordeaux en 1972 : grosse installation avec cartes perforées et langage Fortran"), ce que je cherche à exprimer donc, c'est que, en ce qui me concerne, je ne souhaite pas tant que cela, pas particulièrement, ce passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, que nous vivons depuis au moins 1971 et le lancement du Projet Gutenberg par Michael Hart (François ferait lui remonter cela bien antérieurement je crois, et moi aussi parfois lorsque je me mets à réfléchir la lecture prise dans un vaste sentiment océanique de la langue : Babel plus que la Bibliothèque d'Alexandrie, les glossolalies, et cetera).
Ce passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, je ne le souhaite donc pas particulièrement en tant que lecteur individuel. (Ce qui a pu me valoir une certaine forme d'ostracisation d'une île bien éloignée de celles qu'aborda Ulysse... Retour d’Ouessant. Pandémie Apple. Démangeaisons de Tweets).
Je ne le souhaite pas particulièrement, mais il est certainement inévitable, simplement parce que le monde est en évolution constante et, surtout, que force est aujourd'hui, en 2011, de constater que les pratiques de lecture(s) changent elles aussi.

Le livre d'un pionnier chercheur d'or

Les pratiques de lecture changent et mon propos n'est pas ici de faire une critique académique de cet essai (à la vérité agrégation de "posts", de billets, "36 incises"...) de François Bon, mais seulement de souligner deux points :
- Premier point : je suis choqué par le peu d'échos, tant en on line qu'en off line, de ce livre, paru il y a déjà un mois,
- Second point : j'en recommande la lecture de toute urgence, tant je suis pour ma part persuadé qu'il est aussi important aujourd'hui de lire Après le livre, de François Bon, que de lire Apologie du livre, de Robert Darnton.

Cela dit...  
Les nouveaux territoires digitaux ne sont certainement pas un Eldorado. Je n'y crois pas. L'histoire nous a appris ce que ces contrées mythiques supposées regorger d'or avaient charrié comme flots de désillusions et de sang.
Mais ce sont peut-être un nouvel ouest, un nouveau Far-West, à l'heure où nos sociétés matérialistes déclinent.
Mais, à nouveau Far-West, nouveau western, comme j'écrivais récemment à destination des bibliothécaires dans "De la bibliothèque à la bibliosphère".
La collection de noms de domaines comme autant de concessions (dans le sens d'étendues de terre cédées à des colons pour les exploiter) en témoigne. (François n'est pas le seul à s'y adonner, loin de là!) Il y a là, dans cet appétit gargantuesque, quelque chose de vorace, on se retrouve à la grande curée qui traverse de part en part "Pétrole!" d'Upton Sinclair (éditions Gutenberg 2008).
Certes, comme François Bon l'écrit : "nous considérons que même l’expression « livre enrichi » est superfétatoire, et que c’est l’expérience de lire qu’il nous faut remplacer par un univers neuf.".
Mais ne nous faudrait-il pas d'abord tous travailler, mieux et davantage, et tous ensemble, à cet univers neuf ?
Des lecteurs peuvent-ils travailler à un univers neuf de la lecture ?

Un flux laisse moins de sédiments
 
Nous tous là, écrivons-nous vraiment l'avenir du livre, de la lecture, ou bien le lisons-nous simplement, le déchiffrons-nous, le découvrons-nous au fur et à mesure qu'il s'écrit, orienté qu'il est déjà, dicté en grande partie, par les lobbies et les industries culturelles internationales.
Il me reste moins, de tous ces textes qui s'écrivent sur le web, ou sont ensuite agrégés dans des livres numériques qui pourraient être imprimés, bien moins que de mes lectures de romans, "La montagne magique" de Thomas Mann bien évidemment pour celles et ceux qui me connaissent, et, tout récemment : "2017", fabuleux roman de l'auteur russe Olga Slavnikova.

Les flux laissent moins de sédiments que les bons romans.
Le sentiment océanique de la langue va prochainement rattraper et submerger le flux numérique.
Ce n'est pas une question de supports, c'est une question de rapports.

Je ne pense pas que nous soyons après le livre.
Nous allons entrer dans Le Livre. (Un jour.)
(Relire L'espèce fabulatrice, de Nancy Huston.)

Nous sommes pour l'heure encore dans une illusion (entretenue par le numérique, peut-être davantage perceptible dans un précédent essai édité par François Bon déjà, chez Publie.net toujours : Impressions numériques, signé Jean Sarzana et Alain Pierrot, bien que j'ignore absolument si ses auteurs partagent mon point de vue, mes impressions plutôt...).

jeudi 17 février 2011

Vers une communauté de l'eBook

La redistribution des rôles sur les réseaux sociaux pourrait-elle contribuer à la formation d'un nouvel empire des lettres ? Voir à ce sujet le texte (de 2004) signé Jean-Michel Billaut : Emperors versus Barbarians.
Sujet de l'exercice : en quoi peut-il aujourd'hui s'appliquer au passage de l'édition imprimée à l'édition numérique ?
Des éléments de réponses ici...