vendredi 18 novembre 2011

Visions sur le futur du livre à Rennes

J'ai eu le plaisir avant-hier soir, 16 novembre 2011, d'animer comme prévu la table ronde : De l'imprimé au numérique une nouvelle génération d'éditeurs, dans le cadre agréable et fonctionnel de la Cantine numérique rennaise.
Avec moi, pour représenter cette nouvelle génération d'éditeurs : Françoise Prêtre des éditions La Souris qui raconte (laquelle nous livre sur son blog son écho de cette soirée au cours de laquelle elle a évoqué son déplacement à la Foire du livre de Beijing et nous a présenté quelques-unes de ses histoires inédites pour enfants), Stephen Belfond d'i-Gutenberg (qui est revenu lui sur son expérience professionnelle et a insisté sur le caractère irrépressible du numérique, la nécessité pour l'édition de voir plus grand et de ne pas se limiter au périmètre français...), Jean-Charles Fitoussi de SmartNovel (lequel nous a présenté sa maison et ses partenariats dans le cadre de Move&Read avec Veolia Transports et les Hôtels B&B, avant d'évoquer sa collection Clic ! Je lis, pour les 6-10 ans), et David Queffélec des éditions Angle Mort (qui nous a présenté le modèle freemium sur lequel fonctionne cette revue électronique de littératures de genre (science-fiction, fantasy, fantastique...), et nous a dit quelques mots sur le projet de coopérative d'édition 100% numérique à laquelle il travaille avec Yal Ayerdhal, Thierry Crouzet et Jean-Claude Dunyach).
Un public nombreux et intéressé, constitué notamment d'étudiantes en gestion et médiation des ressources documentaires (Rennes 2) a participé aux échanges. A noter aussi dans l'assistance la présence d'Anne-Laure Radas, directrice administrative des éditions pure-players Chemins de Traverse.


© Photos : La Cantine numérique rennaise - Source

dimanche 13 novembre 2011

Trois Chantiers pour la Prospective du Livre

Dans le cadre de mes recherches en prospective du livre et de l'édition il y a plusieurs pistes sur lesquelles j'avance. Mais il y en a trois, trois perspectives qui m'apparaissent essentielles, prometteuses d'horizons nouveaux, et sur lesquelles j'ai besoin d'expertises extérieures pour progresser.
Ces trois axes de recherche, que je définis ci-après, sont, je pense, des pistes qu'il nous faut explorer, plus exactement sur lesquelles nous devons nous lancer en éclaireurs pour entrevoir et orienter le destin du livre au cours de ce 21e siècle.
Qui veut faire partie d'une de ces expéditions ? Qui veut m'accompagner dans ces voyages à la découverte du futur, du futur du livre, du futur de la lecture et des lecteurs, des lecteurs du futur dans un monde qui ne sera plus le notre et dans lequel, pour la plupart d'entre nous, nous ne serons plus (raison de plus pour s'y projeter de notre vivant).
Trois pistes. Trois chantiers. Trois chantiers avec des pierres éparses et des plans du passé pour une construction de l'avenir. Qui veut apporter sa pierre, remuer ses méninges avec les miennes ;-)

 
Chantier 1 : les mots et les définitions
  
Dans les différentes histoires du livre et de la lecture nous trouvons aisément quelques informations sur comment les générations passées nommaient leurs dispositifs de lecture et l'exercice même de lire. Nous avons quelques lumières sur le pourquoi et le comment : sur comment le choix des noms qui désignaient les dispositifs, sur comment le choix des mots pour qualifier différentes pratiques de lecture(s), influèrent sur ces pratiques mêmes et, souvent, sur l'histoire et l'évolution des sociétés.
J'ai lu et étudié beaucoup de ces ouvrages, mais, nonobstant, il demeure essentiel à mes yeux de pouvoir synthétiser et mettre en perspective ces enseignements, et surtout de pouvoir en utiliser les lumières pour éclairer les mutations actuelles des dispositifs et des pratiques de lecture.
  
Les définitions du passé peuvent emprisonner notre réflexion. Mais nous devons les connaître et les comprendre pour les dépasser et pour pouvoir oser re-définir (la lecture, par exemple), pour définir les nouveaux dispositifs qui envahissent notre quotidien (les "tablettes" et autres "liseuses").
J'ai, à plusieurs reprises, déjà eu l'occasion d'exprimer ma méfiance vis-à-vis de ce terme de "liseuse".
Aujourd'hui, ne pas disposer des mots pour exprimer la révolution du livre et de la lecture que nous vivons et qui nous traverse, ne pas avoir les termes pour désigner les différentes pratiques de lectures, appeler un dispositif de lecture "un Kindle" ou "un iPad", croire peut-être ainsi, s'en persuader même, qu'il s'agirait bien de dispositifs de lecture, porte atteinte à notre liberté d'esprit et est, j'en suis intimement persuadé, nocif.
Notre vocabulaire n'est plus adapté et cette inadaptation est comme une trappe ouverte sous nos pieds.
Linguistes, étymologistes, lexicologues, se penchent-ils sur ces questions ?
  
Chantier 2 : les postures et les gestes
   
Nous serions tous bien embarrassés si nous devions lire sur un rouleau de papyrus !
Et sommes-nous tous si à l'aise que cela avec nos smartphones et tablettes internet tactiles ? Pas certain.
Nos postures d'écriture et de lecture changent, pratiquement à notre insu. Rien ne dit que ces changements sont ou resteront sans influences dans nos rapports à la chose écrite, et même à la bibliographie naturelle dont je prévois un regain dans les territoires digitaux.
Dans son étude de 1934, Les techniques du corps, l'ethnologue et anthropologue Marcel Mauss illustre par de nombreux exemples comment l'usage du corps est modelé par l'époque, les cultures et les générations. "J'entends, écrit-il, par ce mot les façons dont les hommes, société par société, d'une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps.".
En résumé : "La thèse principale de Mauss, c’est qu’il n’existe jamais une façon « naturelle » de se servir de son corps. Mauss entend par "les techniques du corps" « les façons dont les hommes, société par société, d’une façon traditionnelle, savent se servir de leur corps ». Il illustre cette idée en partant des actes quotidiens : la marche, la course et la nage [entre autres]. Dans ces exemples, il démontre qu’il s’agit des différentes techniques de l’usage du corps à travers les cultures et à travers les générations." (Source)
J'y pense souvent quand dans les transports en commun parisiens je vois des jeunes écrire à toute allure sur des écrans minuscules et avec l'aide de leur seul pouce !
L'Ensci (Ecole nationale supérieure de création industrielle) a abordé un peu la question durant l'année 2010-2011, via un "cours d'initiation aux méthodes ethnographiques pour designers", mais il s'agit surtout d'une étude sur la mobilité, et sans mise en perspective historique (Source).
  
Chantier 3 : le genre et ses lectures
  
J'ai l'intuition qu'à chaque dispositif de lecture un genre littéraire serait prédestiné. Par exemple, nombre de genres poétiques parmi les plus anciens auraient découlé de la forme/support du volumen (qui imposait une lecture séquentielle). Puis le développement des genres narratifs aurait été lié à l'émergence de la forme codex (lecture linéaire). Cette hypothèse, à ma connaissance, n'est pas suffisamment étayée.
Elle pose surtout deux questions cruciales pour moi :
1 - le roman et les genres narratifs que nous connaissons pourraient-ils s'éteindre avec l'extinction des livres imprimés ?
2 - quel(s) nouveaux genres littéraires, pour quelles lectures et pour quels lecteurs, pourraient alors émerger des nouveaux dispositifs et des nouvelles pratiques de lectures, fragmentaires, multimédias, partagées et connectées ?
Je me demande si nous pourrions déjà aujourd'hui entrevoir un nouveau genre littéraire dans les expérimentations transmédias de lectures immersives, ou bien, s'il s'agira radicalement d'autre chose que de lecture... A moins... A moins que...
 
A moins que...
  
A moins que le monde de la singularité technologique soit celui de la bibliosphère ?
Qui veut alors m'accompagner à la découverte de cette bibliosphère, du futur du livre, du futur de la lecture et des lecteurs. Qui veut apporter sa pierre, remuer ses méninges avec les miennes ;-)
  

samedi 12 novembre 2011

Entretien sur le développement de l'édition numérique

Dans le cadre de la préparation de la table ronde "De l'imprimé au numérique : une nouvelle génération d'éditeurs", que je présenterai et animerai le 16 novembre 2011 à La Cantine numérique rennaise, j'ai eu le plaisir de répondre à une brève interview réalisée par Anthony Chénais.
Extraits
  
" - Où en est l'édition numérique en France ?
L.S. : [...] Derrière ces chiffres il faut considérer que la situation évolue rapidement et que le réseau de distribution est en train de basculer en faveur du livre numérique. En France précisément, l’offre de nouveaux dispositifs de lecture se développe et à des prix de plus en plus attractifs. Pour Noël 2011 quinze « e-readers » sont proposés à moins de 150 euros, dont certains en grandes surfaces, comme le Kobo by Fnac, la nouvelle tablette de lecture proposée par la Fnac. Le catalogue de titres francophones disponibles est de plus en plus étendu et intègre les nouveautés. De plus, l’augmentation annoncée par le gouvernement le 07 novembre 2011 d’une augmentation de 5,5 à 7% de la TVA sur le livre imprimé, devrait être défavorable à ce dernier. Nous pouvons donc nous attendre à un développement accéléré de l’édition numérique, reste à savoir dans quelles conditions…

- Quelle est la plus-value de ce type d’édition ?
Je définis les éditeurs « pure-players » comme : des entrepreneurs qui publient des livres exclusivement dans des formats numériques à destination des nouveaux dispositifs de lecture. Cette forme d’édition s’inscrit pleinement dans le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique que nous vivons. Elle répond aux évolutions des pratiques et des usages des lecteurs. Notamment avec le web, nous nous sommes tous habitués ces dernières années à de nouvelles pratiques de lecture : une lecture plus fragmentaire et multimédia, sociale, et de plus en plus souvent connectée. Le seul fait que l’imprimé ne soit pas directement hypertextuel est devenu un handicap. Aujourd’hui, nous le voyons bien avec la presse écrite, l’imprimé ne peut plus suivre le rythme de nos usages, ne peut plus satisfaire les attentes des mobinautes de plus en plus nombreux.

- Est-il possible qu’il n’y ait bientôt plus que des éditeurs pure-players ?
Bientôt, non. Mais un jour, oui. Si nous osons un parallèle avec le passage de l’édition manuscrite à l’édition imprimée, la période des incunables a duré 51 ans. [...] Raisonnablement nous pouvons penser qu’édition imprimée et édition numérique vont coexister au moins durant la première moitié de ce 21e siècle."


jeudi 10 novembre 2011

Les 3 Marchés du Livre

J'ai eu le plaisir hier d'intervenir à l'Université Paris 13 auprès des étudiants de deuxième année du Master Commercialisation du Livre, sur le thème : Périmètre et prospective des trois marchés du livre [imprimé, numérisé, numérique].
Une occasion que j'espère avoir bien saisie pour tracer des perspectives et ouvrir des horizons à un moment où il apparait de plus en plus évident que les anciens modèles ne peuvent pas, ne peuvent plus, s'appliquer à un monde qui est en train de disparaitre sous nos yeux. 
 
Le plan de mon intervention
  
Périmètre et prospective des trois marchés du livre :
- Introduction
. La prospective au service du livre et de l'édition...
. La 4e révolution du livre, ses 4 niveaux de mutation...
- Partie 1 : Nouveau périmètre de l'interprofession
. Mutations de la chaine du livre...
. Nouveaux entrants et nouvelles chaines de valeur pour le livre...
. La librairie "Brick and mortar" face à la "dématérialisation"...
. Les éditeurs pure-players francophones...
- Partie 2 : Prospective : évolutions possibles du marché du livre à court et moyen termes
. Les signaux faibles (complémentarités print/digital, convergence des médias)...
. Convergence Internet des objets / réalité augmentée...
. Promotion du livre dans le Métavers...
- Conclusion
. Ressources pour une veille stratégique et technologique...
. Bibliographie.
  

lundi 31 octobre 2011

Actualisation de la Liste des Pure-Players

La liste des éditeurs pure-players francophones a été mise à jour (ils seraient 66).
Pour voir le post du 18 avril actualisé au 31 octobre 2011, 14H20 : cliquer ici ;-)
Ce post suscite de l'intérêt (42 commentaires et presque 5.000 visiteurs) mais n'hésitez pas à réagir, notamment à la définition que j'y propose d'un "éditeur pure-player".

Une table ronde sur ce thème : De l'imprimé au numérique, une nouvelle génération d'éditeurs, aura lieu le mercredi 16 novembre à 18H30 à La Cantine numérique rennaise. Informations et inscriptions en suivant ce lien...

dimanche 30 octobre 2011

Lecteur ou Voleur ?

Depuis le récent titre (L'enfant et la tablette) publié dans la collection Comprendre le Livre Numérique nous avons décidé, d'un commun accord avec l'éditeur, d'ajouter à nos livres numériques une page introductive en appelant à la responsabilité de nos lecteurs.
Je sais par des indiscrétions - eh oui ! que certains de nos titres ont circulé beaucoup, notamment en fichiers attachés à des courriels, à des centaines d'expéditeurs, notamment dans les communautés d'auteurs auto-édités et d'enseignants... :-(

Pour votre confort nous diffusons nos livres sans DRM.
Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont gratuits !

Chacun de nos titres, que vous prenez intérêt à lire, a demandé des semaines, voire des mois de travail à son auteur. L’éditeur, le directeur de collection (moi-même en l'occurrence), les personnes en charge de la correction et de la préparation des fichiers, y ont consacré des heures de travail.
  


[Texte :
PIRATER ! MOI ? JAMAIS

Vous avez sans doute remarqué que nous ne mettons pas de verrous numériques sur nos fichiers. Vous savez les fameux DRM dont tout le monde parle. Nous considérons que dès lors que vous décidez de télécharger un livre dans son format numérique, vous devez être libre de l’annoter, d’imprimer des passages et surtout de pouvoir le transférer d’un terminal de lecture à un autre terminal de lecture, et ce quelque soit sa marque et son environnement technologique.

Ce fichier est le vôtre, il vous appartient tout autant que lorsque vous achetiez un livre en papier. À nos yeux, vous n’êtes surtout pas des pirates en puissance mais de précieux lecteurs. Des lecteurs tout aussi respectueux du travail de l’auteur qui vous permet de passer un agréable moment de lecture numérique, respectueux de toute l’équipe qui a travaillé sur la couverture, la révision, la correction ou encore sur la fabrication des fichiers numériques. De plus, notre maison d’édition pratique une politique de prix que nous estimons être le juste prix pour des publications numériques.

Grâce à votre achat, nous pouvons rémunérer les personnes qui, comme vous, ont un métier qui les fait vivre et qui ont à coeur de vous offrir le meilleur d’eux-mêmes pour que votre expérience de lecture numérique soit la plus agréable possible. Aussi, sommes-nous convaincus qu’en contrepartie et parce que nous respectons vos droits de lecteurs, vous respecterez le droit des auteurs et des professionnels qui ont participé à la réalisation de l’ouvrage que vous venez de télécharger et qu’il ne vous viendra jamais à l’idée d’utiliser ce fichier autrement que dans un cadre privé.

Numériquement vôtre,

L’équipe de Numériklivres ]
   
La collection Comprendre le Livre Numérique vous propose à ce jour six titres que vous pouvez télécharger à partir du blog compagnon :
- L'enfant et la tablette - genèse du livre numérique jeunesse, par Laure Deschamps,
- Inventer ensemble la librairie de demain - la librairie face à la dématérialisation du livre par Vincent Demulière,
- La BD numérique - état des lieux, enjeux et perspectives, par Sébatien Naeco,
- Manuels scolaires et albums augmentés - enjeux et perspectives pour une pédagogie du 21e siècle, par Michèle Drechsler,
- Auto-édition tremplin ou impasse ? opportunités et arnaques à l'heure du numérique, par Paul Leroy-Beaulieu,
- De la Bibliothèque à la Bibliosphère - les impacts des livres numériques sur les bibliothèques et leur évolution, par Lorenzo Soccavo.


mercredi 26 octobre 2011

Sur la mutation numérique du livre à Rennes

J'ai eu le plaisir hier 25 octobre 2011 de donner une conférence d'01H15 sur le thème de "La Mutation Numérique du Livre" pour les enseignants-documentalistes, au sein de l'Espace Anne de Bretagne, à l'invitation du scérén CNDP-CRDP de l'académie de Rennes dans le cadre des 5e Rencontres Savoirs CDI.
   

Deux intéressantes journées (24 et 25 octobre) de rencontres et d'échanges sur le thème général : "Nouveaux supports, nouveaux espaces, nouvelles médiations", avec notamment (même si je n'ai malheureusement pas pu tous les rencontrer ne pouvant pas être présent toute la journée du lundi) : Hervé Le Crosnier, Alain Giffard,Guillaume Tesseire (de Babelio), Marine Bedel (directrice de la bibliothèque de Rennes métropole), ainsi que Pierrette Penin (de la direction de la recherche et du développement de l'innovation et de l'expérimentation au ministère de l'Education nationale) et Jean-Louis Durpaire (inspecteur général de l'Education nationale) que j'avais déjà eu le plaisir de croiser dans d'autres journées d'étude.

Merci à Anne Bilak (directrice du CRDP de l'académie de Rennes) et à Jean-Paul Thomas et son équipe pour leur accueil et la parfaite organisation de ces deux jours.

Illustration : Photo Sémhur, Anges en haut du toit côté ouest de la façade du Parlement de Bretagne, à Rennes, vus depuis la place du Parlement. Juillet 2008.