jeudi 16 mars 2023

Des Allégories de la Lecture...

Des livres, dans le sens de "des lectures", peuvent être des allégories de... la lecture, de ce qui est en jeu lors de notre lecture d'une fiction littéraire.

Cette espèce de métonymie, cette espèce d'espace de la métonymie (dire "des livres" pour dire "des lectures") peut, doit nous interroger, car elle a "à voir" avec notre espace intérieur de lecteur ou de lectrice. Elle nous donne à voir aussi car il y a un réel qui se donne dans les mots.

J'ai eu récemment le plaisir d'intervenir sur ce thème pour une conférence publique à l'invitation de la bibliothèque Mohammed Arkoun de la Ville de Paris.
Mais de nombreuses voies sont possibles pour partir à la découverte des mystères et des bienfaits de la lecture, et pour progresser dans notre compréhension des rapports subtils entre fiction et réalité.
 
Ces réflexions sur la lecture immersive, le sentiment de "traversée du miroir" par les lectrices et les lecteurs de romans, peuvent s'entreprendre, par exemple, à partir de l'oeuvre et de la vie de Stendhal, ou bien, à partir de la dimension chamanique de Marcel Proust et de sa Recherche (j'ai plusieurs fois eu le bonheur d'intervenir dans cette perspective...).
Le roman posthume et inachevé Le Mont analogue de René Daumal peut être lu, et donc présenté à un public, comme une allégorie de la lecture. Probablement aussi Mardi de Herman Melville. Tout comme Le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse. D'autres encore...
Au 15e siècle, par exemple, des représentations (donc des lectures) de l'Annonciation prirent la forme étrange de chasses mystiques à la licorne, ou bien d'une Annonciation sans annonciateur visible.
Elles aussi étaient en vérité des allégories de la lecture et peuvent donner lieu à des présentations richement illustrées.
 
Cette multiplicité d'approches possibles pour élucider notre nécessaire travail d'interprétation des textes et de ce que nous projetons de nous dans leurs mondes fictionnels permet une grande variété et une grande souplesse d'approches, d'une vulgarisation au grand public à des auditoires plus avertis des enjeux de la narration et des effets de la mise en récits du monde.

Mais vous vous demandez peut-être encore pourquoi travailler ainsi à une meilleure prise de conscience de nos lectures ? 
 
Au moins pour deux raisons :
- La première, parce que les environnements et les situations dans lesquels nous nous immergeons quand nous sommes plongés dans la lecture d'un roman peuvent agir comme des "bacs à sable", des "bancs d'essai", des modélisations, des laboratoires... Nos lectures peuvent nous aider, dans le sens où la littérature nous ouvre à la possibilité d'un dialogue avec d'autres instances psychiques que nos habituels interlocuteurs humains (anthropomorphes les personnages de fictions sont autres pourtant...).
- Ensuite et corollairement, parce que la fiction peut nous donner accès à d'autres déclinaisons du réel.
 
N'hésitez pas à me contacter si ces questions autour de la lecture et de ses enjeux vous intéressent...


lundi 6 mars 2023

La Lecture est un voyage

Chercheur en littérature à Paris, rattaché au séminaire "Ethiques et Mythes de la Création" auprès de l'institut Charles Cros, je travaille depuis des années sur la lecture immersive, le sentiment de "traversée du miroir" par les lecteurs et les lectrices de romans.
Pour ce faire j'ai inventé le concept opérationnel de "fictionaute", que je définis comme : ce que nous projetons de nous dans le monde de la fiction et de ses personnages quand nous lisons un roman.
J'expérimente ce concept dans des expériences de pensée.
L’expression "expériences de pensée" désigne des expérimentations qui ne peuvent pas se dérouler dans l’univers physique parce qu'il est impossible de les réaliser dans le monde matériel. Soit parce qu’elles visent à l’observation ou à la modification d’un état intérieur, soit parce que leurs objets d’étude se situent dans un monde spéculatif. Ce peut être le cas, par exemple, en mathématiques, en physique, en philosophie... C’est le cas aussi en littérature pour ce qui relève de notre immersion dans des mondes fictionnels.
Je vous propose une rencontre conférence-débat gratuite pour échanger sur ce thème (je vous expliquerai certaines de mes expériences...) le vendredi 10 mars 2023 à 19H00 à la Bibliothèque Mohammed Arkoun de la Ville de Paris (infos pratiques dans la photo ci-dessous) :  

Pour Infos - Réservations gratuites suivre ce lien...

lundi 27 février 2023

La Lecture comme Laboratoire du Réel

Bonjour ! Retrouvez moi ce dimanche 5 mars 2023 à 16H00 pour une conférence en visio dans le métavers 2D GatherTown de François Vanhille, dans le cadre du Salon Numérique du Livre Auto-édité. Je ne vous y parlerai pas d'autoédition mais je partagerai avec vous une de mes expériences de pensée les plus intimes sur la lecture immersive, l'autre versant des fictions littéraires comme laboratoires du réel...
  

 

dimanche 26 février 2023

Intelligences Fictionnelles vs IA

Les personnages de fiction sont en-dehors du spectre sensoriel que nous pouvons percevoir en pleine conscience. Au cinéma nous dirions qu'ils sont hors-champs.
Mais la question se pose pour moi de déterminer si potentiellement certains de ces personnages pourraient cependant acquérir à la surface du psychisme de lectrices ou de lecteurs une densité telle qu’ils pourraient accéder à leur perception de la réalité ou bien l’altérer en partie par leur influence, même si leur présence restait invisible pour les yeux.
Ma réponse est : oui. 

  
Je postule l'existence d'intelligences fictionnelles en germe dans le langage.
Mais que faudrait-il débloquer "en nous" pour passer de l’énergie statique du texte écrit à l’énergie cinétique spontanément engendrée par le processus mental dynamique de la lecture d'une fiction littéraire ?
Je travaille sur cette question.
N'hésitez pas à me contacter si vous désirez une interview, un texte ou une conférence sur ce sujet des Intelligences Fictionnelles.

jeudi 26 janvier 2023

Mes Chroniques Martiennes...

Avec l'espoir fou de précipiter l'arrivée du printemps j'interviendrai au 1er Salon numérique du Livre auto-édité dans le Métavers Gather Town le 5 mars 2023 (16H00) pour une conférence-échanges sur le thème “Lecture et traversée du miroir”, puis à la Bibliothèque Mohammed Arkoun (Paris, 5e) pour une conférence-débat sur la lecture immersive le 10 mars 2023 (19H00). Plus de précisions courant février...

Lorenzo Soccavo Conference Lecture 2023
Sur Paris.fr...

dimanche 1 janvier 2023

2023 pour dé-lire, et à écrire...

2023 Bonne Chance !

2023...
Bonne Chance et Bon Courage à toutes et tous pour dé-lire et écrire notre à-venir !!!

Je serai là pour vous accompagner dans votre voyage intérieur de lectrices ou de lecteurs de fictions littéraires ... Promis !

vendredi 30 décembre 2022

Une expérience de Traversée du Miroir

Le texte ci-dessous de 2020, repris et complété en 2022, rapporte fidèlement une expérience personnelle autobiographique qui pour moi s'inscrit pleinement dans le cadre de mes recherches en littérature.


 " Je suis allé en 2020 m’attendre à la sortie de l’école primaire. Je n’ai pas vu sortir le petit garçon que j’étais tout comme lui il y a plusieurs décennies ne me voyait pas l’attendre. M’attendre. Le temps est ce qui nous empêche de nous voir pour que l’espace conserve une certaine cohérence à nos yeux. Ce faisant l’espace abolit presque la distance temporelle. Le temps nous rend seulement l’un à l’autre invisibles.
L’absence que nous sommes l’un à l’autre, et cela l’un comme l’autre l’avons toujours ressenti, nous le ressentons, n’est cependant que dans cette illusion temporelle, car, toujours, c’est ensemble que nous avons été, c’est un seul et même que nous sommes. Vouloir nous séparer serait illusoire.
Pour ce qui est de l’espace, notre pensée peut toujours récupérer les accrocs du temps dans la tapisserie. Si nous ne sommes pas trop regardants les espaces demeurent semblables à eux-mêmes. Une ressemblance, au pire une vraisemblance fera toujours l’affaire.
L’espace a une pesanteur à laquelle il doit son apparente stabilité de laquelle le temps, lui, s’échappe. Le temps fuite toujours.
 
Ces premières années "je" était encore dans la foulée de son moi de départ, premiers mois des premières années et premiers émois des premiers pas et des premiers mots, et les maux des pas ceci et pas cela, premiers inter-dits et problèmes de diction. Son articulation au monde se fait dans l’écho pas à pas de son propre passé.
Là-bas depuis seulement quelques années une orthophoniste siège à proximité de l'école primaire.

Chercher donc ma propre étymologie, il s'agit bien de cela, pour devenir ma propre métaphore, pour me délier de mon nom d’état-civil, encombrant, et le dé-lire en quête de mon nom véritable : celui qui traverserait les âges et s’échapperait par les deux extrémités du parcours de ma naissance et ma mort.

Le temps, lui, est l’affaire du récit, mais c’est en progressant dans l’espace ouvert par mes lectures, dans ce perpétuel dé-lire là, que je peux retourner au moment où le langage s’est saisi de moi au cours de la première moitié des années soixante, et de l’école. Retrouver le B-A-BA de la signifiance dans l’insignifiant des décennies écoulées depuis lors. Car dès lors en zootechnie la succession des apprentissages était déjà depuis belle lurette chose très bien réglée concernant l’éducation des jeunes enfants. La lecture est une question d’espace parce que le langage en catimini se cristallise en texte dès que, ou presque.
Mais c’est curieux cependant comme les espaces continuent à circuler en nous quand nous ne circulons plus en eux. De la place Pasteur me semble-t-il jusqu’à la rue Ampère où était durant toutes ces années la maison, devenue maison intérieure, "lamézon", je m’y rends encore souvent la nuit en rêve. Qu’est-ce que se rendre ?
A posteriori ce devait être là-bas un espace m'incitant à la lecture. Dans la partie du jardin devant la maison il y avait des lilas. Aujourd'hui j'y lis l'injonction : lis là, ou lis-la.
Au-delà étaient la plaine et les blés. Le lys et les épis déjà là.
Là, je suis venu à la lecture, ou la lecture est venue à moi, mais dans cet espace-là, et depuis lors le tissage du récit et de la narration, du réel et de la fiction, est incessant.

En 2022 je suis repassé à l'endroit. L'école primaire qui maintenant fait non-lieu pour moi. Ce serait un endroit d'où il n'y aurait donc pas lieu de donner suite à mes plaintes, à une action en justice pour demander réparation des blessures de l'enfance.
C'était une après-midi de printemps à l'heure d'une récréation. Je passais discrètement sans regarder. L'image en moi, à la lisière prenait forme par les sons seulement. Mais j'étais visible. Soudain la voix claire d'un jeune enfant m'apostropha :
- Monsieur ! Vous pouvez... Mon avion en papier s'il vous plait ?
(Sur l'instant j'ai eu la certitude que je n'oublierai jamais les mots précis avec lesquels il m'avait demandé et depuis lors il m'est impossible de m'en souvenir.)
A quelques mètres un avion en papier plié gisait sur le trottoir et de l'autre côté du portail fermé de l'école un petit garçon qui n'était pas moi ni aucun des condisciples que j'avais pu avoir dans les années soixante tendait vers moi son visage et sa main.
Je lui ai rendu son avion en papier, il m'a dit merci, je suis aussitôt reparti et quand quelques pas plus tard je me suis retourné il avait déjà comme disparu, anonyme dans la cour de récréation ou s'envolaient pour aussitôt retomber parmi des dizaines d'enfants des dizaines d'avions en papier.
Ce qui est impossible à exprimer avec des mots c'est mon impression alors d'être passé l'espace d'un instant sur l'envers de l'endroit. Aussitôt j'ai été en résonance avec la scène bien connue du Petit Prince de Saint-Exupéry. "S'il vous plaît... dessine-moi un mouton !". Je n'étais plus dans la réalité. L'espace d'un instant seulement.
 
Possiblement des territoires de l'enfance deviendraient ainsi des terres de fiction et des espaces réels pour les uns glisseraient d'un coup en espaces littéraires pour d'autres. La question première, celle de mes recherches en littérature, demeurant celle des conditions d'apparition de et à ces espaces-là.
Des territoires de l'enfance deviennent des terres de fiction, en partie parce qu'ils l'étaient à l'origine, parce que le petit train électrique qui tournait en rond sur le plancher de ma chambre devenait si réel dès lors que toutes lumières éteintes dans la pièce aux volets fermés et aux doubles rideaux tirés, une joue contre le sol, le regard à hauteur de miniature, il devenait un instant aussi vrai que ceux que je pouvais depuis mon lit entendre passer au loin certains soirs où un tissage particulier de l’air, la distribution du silence et du vent, la qualité soudaine de mon écoute semblaient rendre possible l’impossible, voyager depuis là ; en partie aussi parce que les faux retours à l'école et à "lamézon" devant lesquelles je ne fais que passer, marquent et masquent à la fois des moments qui, dans une certaine mesure, s'apparenteraient à des traversées du miroir. "
© Lorenzo Soccavo 2020-2022.