Les nouveaux lecteurs au XIXe siècle (Femmes, enfants, ouvriers) est le sujet abordé par Martyn Lyons (de l’Université de Nouvelle Galles du Sud, à Sydney) dans la pénultième partie d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental.
Le 19e siècle : « C’est l’ “âge d’or du livre” en Occident : la première génération à accéder à l’alphabétisation de masse aura été la dernière chez qui l’imprimé n’avait aucun rival comme moyen de communication, avant que la radio et les médias électroniques ne fassent leur apparition au XXe siècle. », et c’est alors seulement, à noter, que les éditeurs accèdent « au statut de professionnels spécialisés » d’une… vaste entreprise de séduction, (expression que j’emprunte avec plaisir à l’auteur, qualifiant ainsi le roman : « Le roman est, par lui-même, implicitement, une entreprise de séduction »), s’appuyant avant tout sur la féminisation massive du lectorat de romans, jusqu’à cette intéressante conclusion : « La lectrice [du 19e] est peut-être même quelque chose de plus : une pionnière des notions modernes de vie privée, d’intimité. ».
Martyn Lyons poursuit son essai avec le nouveau lectorat des enfants, scolarisés en France par les lois de Jules Ferry dans les années 1880, qui allaient, en créant le marché des manuels scolaires, assurer et développer les assises capitalistiques des éditeurs : « La naissance d’une prospère industrie de la littérature pour enfants, remarque Martyn Lyons, s’inscrivait dans ce que Philippe Ariès a appelé “l’invention de l’enfance” ; la définition de l’enfance et de l’adolescence comme deux phases particulières de la vie avec leurs difficultés et leurs besoins propres. ».
Quant aux lecteurs populaires des classes laborieuses, ils eurent les bibliothèques de prêt (dont certaines, en Allemagne tout au moins, bibliothèques d’usines : « Patrons et réformistes espéraient qu’en donnant aux ouvriers une littérature de bonne tenue et en encourageant la lecture, on pourrait atténuer les tensions sociales. »).
Pour nombre d’entre eux la lecture en autodidacte s’inscrivait alors pleinement dans une véritable « éthique du progrès individuel », alors que « dans la Russie tsariste, nous rappelle l’auteur, les affamés de littérature romanesque couraient le risque d’attirer l’attention de la police » ! A suivre…
(Illustration : La lecture abandonnée, par Félix Vallotton, 1924 ;-)
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