L’engagement prospectif au cœur du contemporain unit la prospection, la recherche, l'exploration, au tracé de perspectives, de droites, c’est une démarche qui trace ses propres voies et doit pouvoir se retourner lorsqu’elle fait fausse route.
Les prospectivistes ont cependant des portulans et des compas. Ces outils de navigation ne doivent pas être utilisés par eux pour suivre les voies tracées, ni celles indiquées par les boussoles. Demain est terra incognita.
Pour s’orienter il leur faut repérer dans les cartes les signaux faibles, les tendances, les phénomènes, et surtout les distinguer les uns des autres.
Les signaux faibles sont des informations indécises mais significatives, fragmentaires ou éphémères, voire simplement déduites, supputées par le navigateur, car répétées ou bien convergentes avec d’autres, comme, par exemple, le glissement de sens d'un mot. Quand un mot glisse cela est rarement sans incidence.
Les signaux faibles peuvent parfois se transformer en mirages. (Je pense que la fusion livre-site web est peut-être un mirage, surtout si on la considère par rapport aux évolutions prévisibles du web…)
Les tendances sont, elles, clairement avérées. Elles ont une certaine probabilité de poursuivre leur développement et de s'imposer à plus ou moins court terme, comme, par exemple, un nouveau modèle économique qui pourrait pour un certain temps réguler le marché et faire l’affaire de ses principaux acteurs.
Les phénomènes conjoncturels sont eux massifs comme des icebergs, imposants, mais ils fondent comme neige au soleil. Ils ne sont liés qu’à des effets de mode passagers, à des stratégies industrielles ou marketing, au travail des lobbies et de l’ingénierie sociale. Ils sont souvent renforcés par des "prophéties autoréalisatrices" véhiculées par les médias de masse.
Dans l’univers de l’écriture et de la lecture un prospectiviste aventureux peut découvrir de nouveaux territoires à explorer à condition, je pense, d’introduire dans la géométrie de sa recherche deux dimensions supplémentaires : l’une transhistorique, l’autre intuitive.
Pour ma part voici les signaux faibles, les tendances et les phénomènes conjoncturels que je distingue, à ce jour du 13 octobre de l’an 2013 de l’ère commune, sur mon portulan :
Signaux faibles
— La formation d'un lectorat conscient de lui-même en tant que corps social et générant en son sein des stratégies d’accès et d’usages à ce qu’il souhaite lire et aux conditions de ces lectures…
— Le développement de nouvelles formes littéraires à la croisée des narrations participatives transmédias et des littératures numériques…
— Le développement des neurosciences de l'esthétique qui pourrait doper le développement de recherches sur les processus de lecture…
— L’évolution technologique du papier et des encres qui pourrait conduire au développement de nouvelles interfaces de lecture…
— Versant marché du livre : un retour de la publicité dans les livres par des chemins détournés…
Tendances émergentes
— La multiplication de nouvelles structures éditoriales (je dénombrais 30 éditeurs “pure-players” francophones en avril 2011, j’en dénombre 152 en octobre 2013), et l’émergence du design éditorial, bien qu’il s’agisse peut-être là d’un mirage (il s’agit peut-être d’un effet “d’e-incunabilité”, l’expression d’un effort d’adaptation pour accommoder les recettes typographiques de l’imprimé aux “liseuses”, mais qui disparaitra avec la disparition de ces dispositifs de lecture et l’émergence de nouvelles formes d’œuvres littéraires)…
— La disparition de librairies (depuis un an pas une semaine sans que j’apprenne la fermeture de librairies !)…
— Des formes d’hybridation papier/numérique (on en observe de plus en plus utilisant les QR Codes, la “réalité augmentée”, la 3D)…
— Versant marché du livre : un développement des modèles basés sur le streaming (lecture connectée sans téléchargement)…
Phénomènes conjoncturels
— Les "liseuses" et tablettes dont l’imperfection marque le caractère transitoire…
— Les livres applicatifs (applications), auxquels je prédis le destin des livres sur Cdroms…
Si vous appliquez vos portulans sur le mien, qu’est-ce que cela donne, dites-moi ?
Merci Lorenzo! Passionnant. Je t'appelle à mon retour du Togo.
RépondreSupprimerChristian