jeudi 20 février 2020

Nos Fictionautes sont des Anges

Notre fictionaute, cette part de nous-mêmes que nous projetons spontanément dans les mondes fictionnels de nos lectures, pourrait-il vraiment être assimilé à un ange ?
 
L'angéologie semble être une chasse gardée des religions et des courants spiritualistes.
Pourtant quels que soient nos choix métaphysiques les mots, invisibles lorsqu'ils sont prononcés, nous deviennent à tous visibles une fois écrits, et leur lecture engendre en nous une représentation, une visualisation mentale. 
Ce passage de l'invisible au visible questionne notre rapport au monde, à l'image et à l'idée que nous nous en construisons par le biais précisément du langage. 
  
Lorenzo Soccavo au Festival VideoFormes C'est l'analyse d'un tableau peu connu du quinzième siècle, une Annonciation peinte par Antonello de Messine (que je présente dans la photo ci-contre lors d'une table ronde au Festival VIDEOFORMES de Clermont-Ferrand), qui m'a mis sur la voie d'un possible rapprochement entre ce que nous projetons de nous dans une lecture et les créatures spirituelles que nous appelons généralement des anges. 
Cette toile est la seule représentation de l'annonce faite à Marie dans laquelle justement ne figure pas l'ange annonciateur, Gabriel. On y voit Marie plongée dans la lecture d'un livre. 
Par convention, compte tenu qu'il n'y avait pas de tels ouvrages à l'époque où elle aurait existé, il s'agit de la Bible, et probablement, vu le titre du tableau, du passage de l'évangile de Luc (1, 26-38, Annonce de la naissance de Jésus). 
Or, d'une part, Gabriel est donc absent, mais, d'autre part, Marie semble elle aussi comme absente, ici mais ailleurs en même temps, comme plongée dans sa lecture. Elle voit, elle vit probablement mentalement la scène qu'elle est en train de lire et dans laquelle elle se projette en esprit. Cette scène que le texte de Luc décrit et qu'en général les autres peintres représentent benoitement.

A cela il nous faut aussi prendre en considération de curieuses images de l'Annonciation, toujours au 15e siècle, dans lesquelles Gabriel apparait en Actéon poursuivant une licorne qui s'élance, corne en avant, vers une Marie paisiblement assise au milieu d'un jardin. 
En résumé, dans cette histoire, Gabriel est le fictionaute de Marie, or, Gabriel, c'est bien connu, est un ange.
 
Mon enquête plonge aussi dans la mise en abyme du célébrissime roman Don Quichotte de la Manche, dans une peinture de William Blake de 1678, Christian lisant son livre, illustrant Le Voyage du pèlerin d'un prédicateur baptiste, puis la fameuse gravure de Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable de 1513, et enfin un film de Wim Wenders : Les Ailes du désir bien sûr... 

De tout cela il ressort que si notre perception du monde est tissée de langage, ce que nous projetons d’humain dans les mondes possibles des fictions littéraires, cette part voyageuse de notre esprit, pourrait correspondre à une catégorie d'anges, et l'accepter pourrait faciliter notre prise de conscience des effets du langage et de la lecture, préserver notre autonomie de penser face aux mises en récit du réel.
Contactez-moi si ce sujet vous intéresse pour un article détaillé ou une conférence...
 

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