dimanche 20 septembre 2009

Les éditeurs sont des pragmatiques ;-)

Au cours d'un déjeuner avec un éditeur, la semaine dernière, lui végétarien, moi face à un steak tartare ;-) j'en étais venu à évoquer ce que les spécialistes de la Grèce archaïque nomment : "les objets parlants". Il me rappela alors judicieusement quelques extraits du chef-d'oeuvre de Gabriel Garcia Marquez : Cent ans de solitude, que j'ai évidemment lu il y a une vingtaine d'années, mais dont j'avais forcément oublié quelques épisodes.
Du coup je l'ai racheté hier (ne l'ayant pas dans ma bibliothèque, une amie me l'avait prêté à l'époque) et en ai lu dans les jardins du Luxembourg, la présentation signée Albert Bensoussan (dans la collection Points Poche éd. du Seuil). En effet, dans ce "monde qui est constamment à réinventer [...] des petits papiers rappellent aux hommes oublieux le nom des choses - "table, chaise, horloge, porte, mur, lit, casserole" -" ; et aussi, et surtout : "Là, tout sera à créer et l'on vivra le déchiffrement des premiers jours du monde, car "beaucoup de choses n'avaient pas encore de nom et pour les mentionner, il fallait les montrer du doigt". Et voilà l'humaine condition installée dans l'Histoire, dans la contingence, dans le devenir et le cyclique..."
Je devrais citer l'intégralité de cette présentation qui rend magnifiquement compte, tant du chef-d'oeuvre qu'elle présente, que, bien au-delà, des vastes et magnifiques enjeux que véhiculent les livres, et de cette opération, au fond quelque part magique, qu'est la lecture.
Or, les pratiques de lecture mutent en ce début de 3e millénaire, et peut-être même (j'y repensais dernièrement en regardant une petite vidéo de Nokia sur un projet de laboratoire de lunettes détectant les mouvements de l'oeil et permettant de consulter (de lire donc) des informations...), peut-être même allais-je donc dire, irions-nous vers une lecture immersive, totale, renouant avec la magie des commencements :-) 


Quel rapport vous demandez-vous avec le titre de ce post ?
Un ami, qui a une longue expérience de l'édition, m'écrivait récemment : "Les éditeurs sont des pragmatiques de terrain. Tout ce qui ne peut pas se traduire ici et maintenant en objet ne les intéresse pas. En un mot comment ferions-nous demain matin du chiffre d'affaire à partir du numérique...".
Il a certainement raison et c'est bien dans cette optique que je travaille.
Nonobstant, aujourd'hui, les éditeurs changent d'attitude face à  leurs contenus. Papier ou numérique ? Ou les deux ? Comment enrichir ces contenus (audio, vidéo, actualisation, participativité, jeux, ...) ?
Le lancement à l'américaine de The Lost Symbol de Dan Brown (e-book version Kindle d'Amazon, audiobook, jeu vidéo..., et version papier) ne fait que prouver que l'édtion anglo-saxonne se pose certainement moins de questions que l'interprofession francophone du livre, mais qu'elle relève pragmatiquement le challenge de "faire du chiffre d'affaire à partir du numérique".
Qu'attendons-nous ?

samedi 19 septembre 2009

Un réseau social de lecteurs francophones dope l'édition numérique du 21e siècle ?

Oui, cela aurait pu être. Cela était possible. Avec zazieweb.
zazieweb qui s'arrête faute de soutien, tant des pouvoirs publics français, que des principaux acteurs de l'interprofession du livre.

zazieweb.fr c'était depuis 13 ans grâce au travail permanent d'Isabelle Aveline :
1 500 000 pages vues mensuelles
250 000 visiteurs uniques / mois
21 917 membres/lecteurs inscrits (à ce jour)
19 950 inscrits à la newsletter (à ce jour)
1912 petits éditeurs in Guide petite édition
Le public : les lecteurs amateurs, les bibliothécaires, les libraires indépendants, les éditeurs, les prescripteurs du livre...

Depuis hier, 18 septembre 2009, nous pouvons lire en lieu et place de la page d'accueil de zazieweb.fr l'histoire de ce qui restera comme l'une des plus belles aventures du web littéraire francophone, et les raisons de cet arrêt scandaleux :

"Pourquoi s’arrêter ?
Après avoir beaucoup attendu notamment :
• des pouvoirs publics
• des institutions (une reprise a été à l’étude pendant deux ans, mais le projet n’a finalement pas été rendu possible)
• des services culturels
Parce que les moyens et la puissance pour créer un réseau social francophone de lecteurs, sur la base de ZazieWeb, n’ont pas été accordés.
Parce qu’il ne m’appartient pas de continuer à porter à bout de bras et en bénévolat une « communauté de e-lecteurs », avec une technologie chaque jour de plus en plus obsolète, parce que la version actuelle du site date de 2001, et qu’une refonte du site serait nécessaire. Parce que pour des raisons personnelles je souhaite travailler ET être rémunérée (sic).
Parce qu’il semble que les logiques de subvention se concentrent sur les projets de numérisation, les arts numériques, pas sur la médiation… alors qu’il me semble — et depuis longtemps — que c’est l’exercice de la médiation qui seule rendra le livre numérique pertinent, voire même qui créera désormais l’existence « réelle » du livre et du livre numérique.
Laissant la numérisation à d’autres, plus puissants, plus pertinents notamment dans les moteurs de recherche…
Alors que le pouvoir du livre n’est plus forcément le pouvoir des auteurs, des éditeurs, mais le pouvoir des lecteurs, des amateurs, en vrai, le pouvoir rendu à l’activité, l’exercice de la lecture…
Alors qu’il aurait été intéressant depuis longtemps de créer un Ircam du texte…
Comment ne pas s’étonner/se révolter de tout ceci ?
[...] Parce que les bons modèles sont les modèles des « pures players » et de surcroit le plus souvent anglo-saxons…"

L'arrêt de zazieweb n'est, malheureusement, qu'un signe de plus que nombres de décideurs (investisseurs) sont prêts à livrer l'édition et la littérature françaises pieds et poings liés aux majors anglo-saxonnes de l'entertainment !

vendredi 18 septembre 2009

La BD pourrait-elle devenir le fer de lance de l'édition numérique ?

C'est avec Sébastien Naeco, le rédacteur du blog le Comptoir de la BD (sélection du Monde.fr) que j'ai le plaisir d'inaugurer cette série d'interviews sur la prospective du livre et de l'édition (d'autres sont donc bien en préparation, sachez-le,  pour les semaines à venir :-)

Ancien journaliste, professionnel de la communication, et qui a travaillé tant dans l'édition, le jeu vidéo et le dessin animé, que dans la BD (il est encore actuellement scénariste bd), Sébastien Naeco suit de près les évolutions du livre.
Nous nous croisons souvent sur divers réseaux sociaux et avons parfois le plaisir de discuter et d'échanger des idées "in real life".
Suite à une de ces discussions récentes, à Saint-Germain-des-Prés comme il se doit ;-) j'ai eu l'idée de ce premier entretien pour le blog de P.L.E. Consulting.

Lorenzo Soccavo : Les fans de BD sont le plus souvent des jeunes, adeptes des jeux vidéos et accrocs aux téléphones portables. Idées reçues ou réalité ? Et si réalité, l'édition papier n'atteint-elle pas ses limites alors ?

Sébastien Naeco : Les lecteurs de BD représentent des tranches d'âge nettement plus étendues que l'idée que l'on peut s'en faire. La BD s'est très nettement affranchie du rapport présupposé BD égale adolescent. Les femmes lisent de la BD, comme les seniors ou les cadres supérieurs. La BD est tellement diversifiée qu'il est très difficile de ne pas trouver une histoire, un graphisme ou un niveau de narration à son goût, à moins bien sûr d'être complètement réfractaire à l'idée qu'une image peut donner sens.
Ce que sous-entend cette question, c'est que la BD c'est moderne. C'est on ne peut plus vrai. Elle est branchée aussi et est sans cesse parcourue, comme tout art, par des modes et des courants. La variété de formats, de styles, des origines, des thématiques en font un média inépuisable. Sa richesse est sans conteste sa force. En tant que secteur du marché de l'édition, la BD reste en pleine forme et demeure l'un des rares à poursuivre une croissance ininterrompue depuis plus d'une décennie. Près de 4500 titres paraissent chaque année, c'est énorme, mais c'est aussi le signe d'une formidable vitalité.
Autre point que sous-entend la question, c'est que la BD est connectée aux jeux vidéo et aux appareils de communication nomades. C'est vrai à plusieurs niveaux : d'abord, jeux vidéo et BD s'appuient pour l'essentiel sur les mêmes référents culturels, il y a un voisinage et une parenté indéniables. Ensuite, de plus en plus de personnes jouent sur téléphones ou consoles de jeux portables. La BD y arrive tout doucement, via des plateformes et des applications de lecture. Il existe dans ce sens deux directions en pleine construction : la gestion des catalogues, c'est à dire le portage d'une série publiée sur papier vers un lecteur numérique ; et la création pure, où des artistes compilent animation, bande-dessinée, cinématiques pour créer un nouvel art, numérique, appelé pour l'instant par défaut BD numérique. Cela signifie, d'une part, que l'édition BD sera prescripteur pour la BD numérique ; et que, d'autre part, des nouveaux métiers apparaissent, dérivés de la BD, mais, également, du jeu vidéo, ou de la production de dessin animé. Enfin, si je pense savoir comment ces deux directions vont se mettre en place, je ne suis pas devin, j'ignore si elles vont pouvoir vivre côte à côte, ou si l'une ne va pas prendre le pas sur l'autre. Ce que je souhaite, c'est qu'elles s'inspirent l'une l'autre.

L.S. : Nous évoquions l'autre soir à la brasserie Les Editeurs, tant les jeux de rôle massivement multi-joueurs en ligne (MMORPG) que les ARG (Alternate Reality Game) et le développement des serious games, et ainsi leur convergence possible avec la BD numérique. Soit. Mais comment définirais-tu alors la BD aujourd'hui, en 2009 ? Si elle était soluble dans les jeux vidéos ne risquerait-elle pas tout bonnement (ou tout malheureusement ;-( de disparaître en tant que 9e art ? De s'apparenter de plus en plus aux films d'animation ?

Sébastien Naeco : Non, je ne pense pas que la BD va se dissoudre par croisements successifs pour disparaître dans le jeu vidéo ou l'animation. La BD numérique de création, comme l'incarnent des artistes aussi différents que Lewis Trondheim, Balak, Boulet ou Pénélope Jolicoeur, se résume à une question : j'ai un nouveau support, un écran d'ordinateur, une page web ou un écran de téléphone portable – comment moi, dessinateur, scénariste, animateur ou producteur, je peux investir ce champ pour créer des oeuvres originales, porteuses de sens, inédites et, idéalement, commercialement viables ?
La BD numérique a aujourd'hui de multiples formes qui ne sont d'ailleurs pas toujours conciliables entre elles. En effet, quel point commun entre un strip en trois cases scanné et publié sur un blog et une séquence lisible par clics avant et arrière et à multiples entrées ? Il existe des gags en 50 vignettes, disposées les unes au dessus des autres, qui défilent en « scrolant » une page, qui jouent à fond la verticalité du web.
La bonne nouvelle, c'est que je ne pense pas que dans ces différents formats de BD numériques, l'un va l'emporter sur l'autre. Ce sera avant tout des usages et des canaux de diffusion différents, rapportant ou non de l'argent, mais coexistants dans un ensemble créatif qui n'aura de commun que le numérique de sa nature. Ce qui fait en réalité aujourd'hui défaut, ce sont des appellations distinctes en fonction des types de BD numériques.
Un des courants de la BD numérique tente de définir un format au croisement de la BD, du dessin animé, du jeu vidéo, qui ne soit pas les versions pauvres de chacun de ces trois modes mais une quatrième alternative. Je crois beaucoup dans cette démarche qui ouvre un champ inédit en terme de création éditoriale. Et je le redis : je ne crois absolument pas que la BD numérique supplantera la BD papier, pas plus que le livre numérique ne mangera le livre papier. Ce qui peut arriver, à plus ou moins long terme, c'est que les entreprises qui seront leaders sur le livre électronique (qui ne paraissent pas aujourd'hui être des maisons d'édition, il suffit de voir Amazon, Sony ou Google) rachèteront les maisons d'édition papier pour contrôler toute la chaîne de traitement d'un livre. Est-ce que ce sera mieux ? Moins bien ? Est-ce que ce sera abandonner, comme certains le croient, le talent d'un éditeur défricheur de talents et de textes pour celui d'un commercial marketeux, appliquant des recettes considérées comme potentiellement plus rentables, ce n'est pas impossible. Mais le cinéma, la musique et la littérature continuent de nous prouver que le talent ne se mesure pas à la valeur au box-office...

L.S. : Pour toi, une bande dessinée, en 2050, ce sera comment ?

Sébastien Naeco : Je pense que la BD en 2050 sera accessible sur plusieurs supports encore et qu'elle sera encore plus connectée à d'autres médias, afin de renforcer et de prolonger l'immersion des lecteurs/joueurs/spectateurs dans les aventures de leurs héros préférés et dans leurs univers favoris.
D'un point de vue culturel, je pense que l'on verra l'émergence de nouveaux types de BD, mêlant et dévoilant des cultures, des civilisations, des histoires que nous ne soupçonnons pas aujourd'hui. La BD continuera d'être un vecteur d'imaginaire, porteur de valeurs, de sens. Des signes actuels (l'arrivée des japonais en Europe pour développer en direct la diffusion des manga ; la concentration dans les grands groupes d'édition européens et américains ; le lien alimentaire de plus en plus étroit entre Comics et cinéma hollywoodien ; la recherche d'un format international de BD, afin de décloisonner les créations ; les passerelles renforcées entre artistes par delà les continents ; l'inconnu de la BD numérique...) annoncent de grands bouleversements chez les acteurs de la BD et par conséquent dans la manière dont elle sera amenée aux lecteurs. Les modes de diffusion vont changer, les loisirs vont apparaître de plus en plus comme des packages (allez voir le film, lisez le roman, achetez le jeu vidéo, vous serez abonné au magazine, vous aurez une réduction sur la BD, le tout s'interpénétrant, afin que ce qu'apprend le lecteur dans la BD puisse lui servir dans le jeu et l'éclaire sur les interviews dans les magazines, etc.).

L.S. :  Les téléphones mobiles seraient-ils destinés à être inévitablement demain les nouveaux supports de la BD et quid des albums papier alors ?

Sébastien Naeco : L'une des grandes questions que posent aujourd'hui les readers/liseuses est de savoir si les gens seront prêts à avoir un lecteur électronique de plus dans leur sac. Autrement dit, en plus du téléphone portable (qui fait aussi GPS, appareil photo, agenda, console de jeux, etc.), du lecteur mp3, de la DS de Nintendo, du netbook, de l'appareil photo numérique bridge, voudrais-je avoir aussi le Kindle d'Amazon ou le PRS X de Sony ? Le succès de l''iPhone tend à faire penser qu'un appareil « tout-en-un », pour peu qu'il soit accessible et branché, peut réunir tous les suffrages. Après tout, on n'a que deux mains, deux oreilles et que deux yeux disponibles.
Où la BD trouve t-elle sa place sur tous ces supports ? Pas seulement sur les téléphones portables (et des annonces de Sony pour proposer des classiques des Comics Marvel sur sa console de jeu PSP vont dans ce sens), c'est un premier point. Mais la BD numérique va devoir lutter avec une rude concurrence : les épisodes de séries télé en streaming ou en VOD, les radios en ligne, les contenus numériques exclusifs (jeux, retransmissions de matchs sportifs, paris, informations...) et sans doute d'autres contenus encore. Sans une narration repensée, sans une démarche éditoriale propre, prenant en compte les usages, les pratiques, les envies de consommation, sans un environnement productif adapté, pensé pour la BD numérique avant tout, avec ses spécificités propres (métiers plus techniques, changement d'interlocuteurs pour la diffusion par rapport à un éditeur papier, internationalisation et localisation des contenus, gestion des droits des créateurs totalement repensée...), la BD numérique ne sortira pas du lot.
Elle a fort à faire, car en face les armes sont déjà bien aiguisées et affutées. La BD papier en comparaison, déjà bien en place, peut envisager un avenir radieux pour quelques années encore !

L.S. :  La question que je ne t'ai pas posée et à laquelle tu veux absolument répondre ;-)

Sébastien Naeco :  Oui ;-) Ce serait : "Que faut-il encore pour que la BD numérique ne reste pas dans le domaine du fantasme technophile mais devienne une réalité culturelle et sociétale ?"

L.S. : Et alors ? Que faudrait-il ?

Sébastien Naeco : Il est important de définir au plus vite un format standard afin que les créateurs puissent connaître les contraintes réelles auxquelles ils doivent faire face, à la manière d'un studio de développement de jeux vidéo qui doit connaître les moteurs des consoles de jeux pour pouvoir développer leurs prochains titres en conséquence. Aujourd'hui, on est encore clairement dans le flou.
Parallèlement, il faut avoir une réflexion éditoriale profonde sur, à la fois la gestion de catalogue existant, la gestion des licences (par exemple produire des BD numériques spin-off de séries existantes en papier), et la création pure. Il faut penser cross-media tout de suite et le présenter aux partenaires et investisseurs en ne se restreignant pas au seul secteur de l'édition, à un territoire, ni même à une langue.
Enfin, il est impératif d'intégrer les auteurs qui le souhaitent dans les processus décisionnels et dans la définition de leurs statuts d'auteur de BD numérique.

L.S. : Merci Sébastien :-)
N.B. D'autres entretiens en ligne dans les semaines à venir. A suivre...

jeudi 17 septembre 2009

Imaginer le livre de demain

C'est Bernard de Fréminville, à l'époque où il était encore Directeur Général de Dilicom, qui avait attiré mon attention sur ce qu'Albert Robida écrivait en 1892 dans La vie électrique : "Ce que je pense de la destinée des livres, mes chers amis ? Si par livres vous entendez parler de nos innombrables cahiers de papier imprimé, ployé, cousu, broché sous une couverture annonçant le titre de l’ouvrage, je vous avouerai franchement que je ne crois point, et que les progrès de l’électricité et de la mécanique moderne m’interdisent de croire, que l’invention de Gutenberg puisse ne pas tomber plus ou moins prochainement en désuétude..." (dans la collection "Le vingtième siècle", en ligne ici ;-)
Lecture à rapprocher, quelques années plus tard, de La Mort du Livre. Anticipations bibliophiliques, par Maurice Escoffier (dont je vous conseille cet "Extrait de la Revue Mensuelle de l’Association des Anciens Elèves de l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), numéro spécial sur “Le Livre”, décembre 1932, 250 exemplaires. L’auteur, Maurice ESCOFFIER, fut diplômé de HEC en 1899, devint libraire-éditeur et professeur à l’Ecole des Sciences Politiques, l’ancêtre de l’IEP (Sciences-Po). Le présent texte a été reproduit tel que repris en 1933 par la Maison du Bibliophile..." (A découvrir en ligne ici ;-)

mercredi 16 septembre 2009

Lire aux derniers siècles du Moyen Age

Tel est le titre de la cinquième partie d’une Histoire de la lecture dans le monde occidental, sujet traité par Paul Saenger de la Newberry Library de Chicago.
La séparation des mots, inaugurée dans les îles britanniques dès le 7e siècle, ne se serait généralisée en France qu’au 11e. Chez Frédéric Barbier (de mémoire) ce serait des moines émigrés en Irlande qui auraient les premiers rompu la scriptio continua.
(Mon “(de mémoire)” est symptomatique : de tous ces livres sur l’histoire du livre et de la lecture, que je lis depuis plusieurs mois, pour approfondir la dimension transhistorique de mes réflexions et activités de prospectiviste, seul, à ma connaissance, le célèbre L’apparition du livre, de Febvre et Martin est disponible en version numérique [PDF téléchargeable ici…]. Les autres sources : non. Or, comme beaucoup, je me suis habitué au confort des fonctionnalités du Web 2.0. Et devoir rechercher un terme ou un passage, dans une dizaine d’ouvrages papier de plusieurs centaines de pages chacun et avec des index incomplets, bah c’est galère ! Il me faudrait presque une roue à livres comme au 16e siècle en 2009 !)
Mais revenons à nos mots. Leur séparation donc s’accompagna de nouvelles règles d’ordonnancement dans les phrases, du développement de la ponctuation (je ferai à l’occasion des propositions dans ce sens ;-) et donc d’une pratique facilitée de la lecture silencieuse.
Ces progrès dans la lecture, note l’auteur, dépendaient : « de la promptitude à reconnaître visuellement la forme des mots et à percevoir les principales organisations spatiales du texte : la proposition, la phrase, le paragraphe. ».
L’emploi de lettres initiales colorées en début de paragraphes fut également adopté et contribua à ces progrès [voir illustration]. L’usage que je m’amuse à en faire ici, dans ce présent post, est-il à votre avis pertinent sur un blog ? (Dans mon post critique sur le récent dossier en ligne du magazine Science & Vie je stigmatisais justement au fond l’illisibilité des textes en ligne.)
Si nous nous efforcions d’être attentifs nous aussi, à notre activité de lecture, nous autres lecteurs du 21e siècle, nous nous rendrions compte que nous lisons de plus en plus vite, que nous survolons les textes, tandis que, pour les lecteurs du Moyen Age, la lecture silencieuse, par l’attention soutenue qu’elle réclamait, était gage d’une compréhension approfondie et d’une véritable méditation sur le sens profond des textes ainsi lus.
Aujourd’hui, pour ma part en tout cas, c’est de me forcer à lire à voix haute un texte, lentement, de façon claire et bien articulée, qui me permet d’en bien saisir le sens dans toutes ses dimensions.
De fait, en 2009, nous écoutons des flux de musique et regardons des flots d’images animées, mais comment lisons-nous ? Plusieurs éléments se bousculent alors : l’échec commercial des livres audio, la fonction “Text-To-Speech” du reader Kindle d’Amazon, ce qu’écrivait Albert Robida en 1892 (j’y reviendrai bientôt dans un post dédié), et le théâtrophone (« invention de Clément Ader consistant en un réseau téléphonique relié à l’Opéra de Paris et qui permettait d’écouter l’opéra en restant chez soi [et qui] fut exploité à Paris de 1881 à 1932.» Source Wikipédia) et qu’affectionnait notamment Proust.
Alors allons-nous, à l’époque des dispositifs e-paper, revenir à des lectures orales ? Non certes. Mais… Nonobstant de nouvelles stratégies de lecture vont devoir s’inventer si nous voulons continuer à mémoriser (au moins un minimum) et à comprendre (au moins un minimum ;-) ce que nous lisons (notamment en ligne) parmi la masse de textes plus ou moins structurés et qui se multiplient plus vite que les lapins !
A suivre...

mardi 15 septembre 2009

Intéressante matinée à l'Ecole Normale Supérieure...

... de Cachan, pour la journée de Go!Doc, le Réseau de professionnels de l'information scientifique et technique en région Ile-de-France.
Présentée par Françoise Tchang du comité de pilotage Go!Doc et modérée par Catherine Vassilieff, cette matinée avait pour thème : Quel contenu pour quel support ? Le paysage du e-book en panorama.
J'ai eu le plaisir d'être précédé en première partie de matinée par Stéphane Pillorget, directeur du projet Gallica de la Bibliothèque nationale de France (site Gallica), lequel nous a annoncé que l'expérience de Gallica avec des éditeurs pour la présentation d'oeuvres contemporaines était perçue positivement et allait donc perdurer. Une bonne nouvelle à mon avis. Nous avions déjà eu l'occasion d'intervenir ensemble dans le cadre du Congrès i-expo/KM Forum 2.0, de Paris le 29 mai 2008.
Mon intervention de ce matin portait sur le thème : Le livre électronique au service des professionnels de l'information scientifique. Etat des lieux et perspectives.
J'ai pu insister sur les nécessités d'optimisation des nouveaux dispositifs de lecture et sur les besoins pour les documentalistes d'optimiser le partage des ressources. 
J'ai également profité de la présence de Stéphane Pillorget pour signaler que les bibliothèques numériques étaient, à moyen terme, appelées à devenir les interfaces numériques entre, d'une part, les bibliothèques physiques "brick and mortar", et,  d'autre part, les bibliothèques "pure player" sur le futur Web 3D ;-)

lundi 14 septembre 2009

Ecritures et Résistances à Ganges. D'autres civilisations possibles...

J'aurai le plaisir de participer à ces journées des 1er, 2 et 3 octobre 2009 à la Médiathèque Lucie AUBRAC de la ville de GANGES (Hérault) sur le thème alléchant : D'autres civilisations possibles.
Alors, oui, comment liront-elles ? Sur quels dispositifs et interfaces de lecture ? Passionnant !
j'interviendrai plus précisément dans le cadre de la "Rencontre Investir" du vendredi 02 octobre à 17H30, sur le thème : Révolution numérique et création : "le texte numérisé, l'ère du livre numérique et la transformation de notre rapport à l'écrit. Les créateurs investissent ces domaines et ouvrent leurs oeuvres à de nouvelles formes de récit." (extrait programme).
N'hésitez pas à me faire signe si vous y passez :-)