samedi 12 janvier 2013

Les éditeurs numériques francophones en janvier 2013

Première actualisation de cette année 2013 de la liste des éditeurs numériques francophones et des prestataires de services pour l'édition numérique qui se font connaître.
Cette liste de presque 120 entreprises, et accessible gratuitement ici, est purement informative. Issue de mon travail de veille, elle ne vise qu'à mettre gracieusement à la connaissance de chacun une liste d'éditeurs "pure-players", mais, en aucun cas il ne s'agit d'une recommandation des entreprises listées, ni d'une liste destinée spécifiquement aux auteurs en recherche d'un éditeur.
 

samedi 5 janvier 2013

La lecture, ses plaisirs et ses mystères


 
Le mercredi 16 janvier 2013 j'aurai le plaisir de donner une conférence et d'inviter au voyage un auditoire que j'espère nombreux dans l'agréable espace coloré de la Cantine numérique rennaise.
 
Mais demain... c'est aujourd'hui, ou presque !
De quoi s'agit-il ?
 
Le vrai tiers lieu...
 
Alors que la lecture et le marché du livre passent de l'imprimé au numérique, que de plus en plus d'humains deviennent des internautes et de plus en plus d'internautes des mobinautes, alors que la (con)fusion entre espaces physique et numérique est de plus en plus perceptible dans un environnement hyperconnecté où les mégapoles vont s'imposer comme cinquième écran (après ceux de cinéma, de télévision, d'ordinateur, de smartphone), la question de l'obsolescence du web devrait aujourd'hui se poser avec force et clarté.
 
Les questions et les expérimentations qui se cristallisent dans le domaine du livre autour du concept de tiers lieux (ou "troisième place", "The third place") révèlent je pense l'incapacité aujourd'hui du web, de ses portails et de ses plateformes, de ses bibliothèques et librairies numériques, à renouveler le "phénomène livre", et, plus grave, à poursuivre au 21e siècle l'aventure des civilisations du Livre et à approfondir la lecture, ses plaisirs et ses mystères.
Les modalités de représentations du web 2.0 et 2D ne permettent pas de donner une visibilité aux catalogues numérisés des bibliothèques ni aux fonds d'ebooks des librairies "en ligne" (sic).
Il nous faut, il faut à l'interprofession du livre et aux nouveaux acteurs de l'édition numérique (pure-players) tester de nouvelles formes de médiations autour du livre et de ses nouvelles déclinaisons, en intégrant les changements actuels que nous pouvons d'ores et déjà observer au niveau des usages et des pratiques de lecture, et, dans la mesure du possible en anticipant les futures interfaces de lecture.
C'est l'un des objectifs de l'incubateur web 3D MétaLectures, que j'ai lancé il y a un an sur la plateforme open source francophone Francogrid, que de réfléchir à ces enjeux et d'accompagner dans cette aventure les professionnels du livre qui le souhaitent, et ce sera le thème général de la soirée du 16 janvier.    
 
Par expérience, je sais que l'espace numérique est un espace social, voire souvent, un espace public.
Le web 3D immersive, en ce qu'il est un espace au sein duquel plusieurs humains connectés peuvent échanger et partager entre eux, rend possible une duplication des relations auxquelles nous sommes habitués dans l'espace physique et de ce fait il est le véritable tiers lieu que beaucoup cherchent... ailleurs.
  
La soirée du 16 janvier se déroulera en trois étapes :
- Une conférence illustrée sur les problématiques et enjeux abordés ci-dessus et qui se déroulera en duplex entre la salle de la Cantine numérique rennaise et la plateforme web 3D immersive Francogrid, 
- Un temps d'échanges entre les auditoires de Rennes et de Francogrid et moi-même et, je l'espère, entre les personnes présentes à Rennes et celles connectées sur Francogrid,
- Une projection dans la salle de la Cantine numérique rennaise de l'espace web 3D Francogrid pour des échanges en direct avec plusieurs acteurs de cet environnement numérique, notamment : Jenny Bihouise, consultante en ingénierie de formation et des mondes immersifs (qui travaille avec moi sur MétaLectures à un projet de livres immersifs pour l'édition pure-player jeunesse), Caroline Brousse, co-fondatrice de l'association Bibliossimo et spécialiste de la culture numérique jeunesse en médiathèques, Yann Minh, qui présentera le futur Salon de littérature SF, ainsi que des membres du Collectif GawLab de Dakar (Sénégal) qui développe le projet "Metatrame" de relation entre monde immersif et pédagogie...
 
 
Deux possibilités pour participer à cette rencontre du 16 janvier, entrée libre sur inscription :
- A Rennes, à la Cantine numérique rennaise, 46 boulevard Magenta,
Inscription réservation gratuites en suivant ce lien...
- En direct sur le web en vous inscrivant gratuitement sur la plateforme Francogrid...
 
Illustrations : en haut, réalisation 3D sur la plateforme Francogrid par l'artiste Cherry Manga; en bas, aperçu de l'auditorium de MétaLectures à l'occasion de la conférence du 14 décembre 2012 de Florian Forestier sur le thème de l'écrit et de la spatialité : "L'élargissement de l'ordre des livres : l'urbanisme comme modèle".
 
 
 

mardi 1 janvier 2013

2013 année des lectrices et des lecteurs ?




 
Puisse cette année 2013 laisser s'inventer en nous, lecteurs, lectrices, les livres et les lectures d'un vingt-et-unième siècle et d'un troisième millénaire qui tardent à se manifester.
Puissions-nous, en marge des puissances de l'argent et de l'asservissement de l'homme par l'homme et les machines, puissions-nous ensemble, écrire et lire l'histoire de notre espèce dans le présent, et dans l'avenir aussi.

A toutes celles et à tous ceux qui suivent mon travail je souhaite chaleureusement une belle et bonne année 2013 !
 

Aux autres, à celles et ceux qui médisent de moi, je tire la langue et je fais un pied de nez. C'est puéril je sais, mais cela fait du bien. Et puis il faut bien quand même un peu de justice dans ce monde que je me dis ;-)

Bonne année 2013 !

 
" - Pas d'exhibitions, dit l'éléphant qui était devenu bibliophile."
 
Citation extraite des "Histoires prodigieuses et biographies exemplaires de quelques personnages modestes et anonymes" de Manuel Chaves Nogales (Quai Voltaire - La Table Ronde éd., 2012, traduction de Catherine Vasseur).
 

samedi 29 décembre 2012

Semaine 52/52 : Le rideau tombe !

Durant l’année 2012 j’avais décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon sentiment personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc l’ultime, le 52/52.
 
Je dois maintenant vous remercier pour votre lecture tout au long de ces cinquante deux semaines, lectrices, lecteurs inconnus.
Les statistiques de consultations du blog sur lequel cette chronique fut publiée tout au long de cette année passée révèlent que vous avez été plusieurs milliers à la lire. Mais comment savoir, même parmi celles et ceux qui l’ont relayée sur les réseaux sociaux, ont cliqué sur un “J’aime” ou un “+” combien la lisait vraiment ?
Très peu parmi vous se sont manifestés, seules quelques-unes, seuls quelques-uns, très rares, en commentaires, plus rarement encore par un courriel privé, quelques autres par un petit mot rapide au hasard d’une rencontre, me glissant presque subrepticement à l’oreille qu’ils lisaient ma chronique.
Que ces quelques-unes, que ces quelques-uns soient ici chaleureusement remerciés.
C’est grâce à vous, c’est pour vous, que j’ai tenu jusqu’au bout.
  
En lecteur subjugué
 
Mes plus lointains ancêtres italiens ont lu sur des stèles de marbre. Sur des rouleaux de papyrus, sur du parchemin. Sur des générations entières a soufflé l’esprit méditerranéen. Pour en arriver là. J’en suis l’un des derniers rejetons. Une branche sans fruit. Mais j’ai essayé. J’ai essayé d’exprimer ici. Durant cinquante deux semaines.
Si je ne suis pas parvenu à désigner je crois m’être plusieurs fois approché.
 
Nous connaissons tous le proverbe chinois : « Quand le sage montre la Lune, l'imbécile regarde le doigt. ».
Quelques-uns, je le sais, s’agitent, ils dénigrent ma posture, font courir des bruits, ils disent des choses sur moi, des choses du genre : « Mais pour qui il se prend ! ».
Ils regardent mon doigt et ils refusent de voir ce que je désigne.
Ils se moquent je le sais. Au fond ils me méprisent et s’en cachent à peine. Juste un vernis de bonne éducation, une moisissure d’hypocrisie sur leurs faces.
 
Je me prends juste pour un lecteur viscéralement attaché à la lecture.
Rien d’autre. Rien de plus.
 
Une question demeure cependant intacte, même si j’avais vraiment fait ici la part de l’imprédictible et de l’intemporel, révélant mes stratégies d’évitement, essayant de nommer l’innommable, redéfinissant sans cesse et encore : y-a-t-il une part d’irréductible dans ce que depuis plusieurs siècle nous appelons tous : “livre” ? Et si oui, quoi ?
Et puis aussi, bien sûr, cette question formulée par Thomas Mann, dans La montagne magique : « Celui qui est subjugué peut-il affranchir ? ».
Le rideau tombe sur cette question.
Le rideau tombe sur cette chronique.
Et sur quoi d’autre encore ?
 
La probabilité que cette chronique soit un jour éditée est extrêmement faible.
Plusieurs de ses opus ont été l’objet d’une prépublication dans la revue en ligne belge de Willem Heremans, Numéritérature : successivement les numéros 18 à 21, sous le titre : “Réflexions sur la lecture en 2012 : mois de mai…”, puis 36 à 40, sous le titre : “Cinq semaines de doutes et de lutte…”, et enfin de 41 à 46, sous le titre : “Sans cesse on devient lecteur…”. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.
 
Ce n’est pas la première fois qu’un auteur français trouve en Belgique l’appui qu’il n’a pas en France.
Je ne me fais sinon plus aucune illusion.
Ou si peu.
Bonnes lectures.
Malgré tout.
 
52 semaines...
Moutons et perroquets
Semaine 02/52 :
Le livre à l’école du futur
Au seuil d'un autre monde
Semaine 03/52 :
Vers le biolivre ou le plasmabook ?
Je deviens peut-être un peu fou
Les droits des lecteurs menacés
Les droits des auteurs toujours bafoués
La partie immergée de l’iceberg
Semaine 05/52 : D’une possible trans-littérature dans le récit transmédia
Un monde en développement…
Nous sommes le Livre
Semaine 06/52 : Le Livre Absolu
Avatars de chair et Livres de pierre
Du lecteur au personnage sur la scène du monde
Saint-Germain-des-Prés en état de siège ?
Pendant ce temps l’histoire s’écrit…
Et si le hasard n’existait pas ?
Semaine 08/52 : Je est une bibliothèque
Le volume, ce ferment…
Je suis un bipède, un (dé)lire sur pattes
Les grands cimetières sous les livres…
Semaine 09/52 : De la diffusion à l’infusion
Psychogéographie et ubiquité
Comment qualifier cette naissance à la noospshère ?
Un prodige agissant. Une seconde Renaissance ?
Semaine 10/52 : Primauté des articulations
Une semaine "sérendipitielle" de remise en questions
Des phrases qui articuleraient notre présence au monde
« O tempora, O mores » - « Ô temps, ô mœurs ! » (Cicéron)
Des robots indexeurs et prescripteurs
Au-delà de tous les livres LE Livre dont nous sommes les héros
J’aurais besoin que mes avatars m’aident
Semaine 12/52 : Le livre comme objectif
Danger si le livre nous devient étranger
Ne plus rien attendre des professionnels du livre
Semaine 13/52 : Troubles à l’ordre public Bd St-Germain
Quand le 19ème revient hanter mes nuits
Ceux qui font tourner les manèges
Semaine 14/52 : La Grande Pâque à Singe-des-Prés
Immobile près de la rue Grégoire-de-Tours
Mais je suis une grenouille !
Semaine 15/52 : L’obsolescence du livre
Transfiguration du lecteur
Craindre un évanouissement de la lecture
Semaine 16/52 : Une vraie ambition pour le livre et la lecture !
La peste ou le choléra ?
Mais que serions-nous en droit de revendiquer ?
Semaine 17/52 : Cette semaine je me suis fait insulter par un éditeur !
Un baromètre trop optimiste
Pourquoi me laisserais-je insulter par un directeur de collection ?
Semaine 18/52 : Pas Occupy Saint-Germain-des-Prés
Le collectif Livres de Papier
Du loup blanc au mouton noir
Semaine 19/52 : Le lecteur chimérique
La rétractation technologique
La rétine et la peau
Semaine 20/52 : Le livre devant soi
Et j’appris un jour à lire…
Semaine 21/52 : Le livre imprimé comme chrysalide
Être ou ne pas être héroïque ?
Semaine 22/52 : Lire, de la symbiose à l’osmose
Un humanisme numérique ?
Un horizon sonore ?
Semaine 23/52 : L’utopie qui se dessine pour le livre
Utopie ou dystopie ?
Semaine 24/52 : Ma bibliothèque m’appartient-elle ?
La voilà la génération perdue !
Et puis il y a la nature humaine…
Semaine 25/52 : Je préfèrerai ne pas…
La désobéissance intellectuelle
En veux-tu ? En voilà !
Semaine 26/52 : Le pouvoir hallucinogène de la lecture
Quand je lis…
Lire avec un casque !
Semaine 27/52 : Et si l’écriture disparaissait ?
Quand la réalité rattrape la lecture
Vers une civilisation post-alphabétique
Semaine 28/52 : Futurologie du livre
Je me souviens la troisième phrase
Semaine 29/52 : L’impressionnisme de la lecture
La voix de son maitre
Ce qui fait image
Semaine 30/52 : Pourquoi je m’interdis l’autoédition
Tous ont droit. Mais où est leur devoir ?
La mutation de l’espèce
Semaine 31/52 : Mangeur de livres
Bibliothérapie à marée basse
Extraction de la pierre de folie
Semaine 32/52 : L’obsession textuelle
Milan Kundera et Pascal Quignard
Le fascisme des marques
Semaine 33/52 : L’Annonce faite aux éditeurs
Bientôt la fin du spectacle ?
Vous avez souri en lisant Étienne de la Boétie
Semaine 34/52 : Le livre comme partition
Le rêve du livre métamorphosé
Semaine 35/52 : Pourquoi Danton ?
Une statue à Singe-des-Prés
Un monde impropre à toute aventure mythique..
Semaine 36/52 : “Appel des 451”, mais combien sont-ils à freiner dans le virage ?
Un néo-luddisme qui ne dit pas son nom !
Il faut répondre à cet Appel!
Semaine 37/52 : L’édition numérique n’existe peut-être pas !
Penser sur un autre rythme
Une trahison des historiens ?
Semaine 38/52 : Ce qui ferait roman (maintenant)
De l’auteur aux générateurs de romans
Entendre lire dans son cercueil
Semaine 39/52 : L’imprédictible et l’intemporel
Le sentiment que beaucoup abandonnent
Semaine 40/52 : Je porte mes mains sur le livre je le porte à mes yeux à mon nez…
Remonter aux sources du livre
Porter le livre à bout de bras
Semaine 41/52 : Les girafes et les éléphants…
Bloqués dans la monotonie du lexique
Semaine 42/52 : Le livre dépasse la fiction
Rendez-vous en 2440

Semaine 43/52 : Fusionner avec le livre
L’Homo Lector
La lecture comme entrainement au monde de demain
Semaine 44/52 : Sans cesse on devient lecteur…
Des lecteurs dé-livrés ?
Semaine 45/52 : Lire l’innommable…
Le livre, théâtre ou miroir du réel ?
Sur la page, les mots substitués
Semaine 46/52 : Lire les yeux bandés
Un baromètre n’est pas une boussole
Revendiquer nos droits de lecteurs
Semaine 47/52 : Lire entre les lignes
Semaine 48/52 : Les arts numériques, ligne de fuite pour la littérature ?
La fin de l’ère “bibliolithique”
A travers nos émotions
Semaine 49/52 : L’abolition de l’espace (du livre puis du corps…)
Signaux faibles et tendances émergentes…
Peut-on utiliser le livre pour ce qu’il est en vérité ?
Semaine 50/52 : Le livre comme symbolon
Se délier de son odyssée ?
Semaine 51/52 : Pour une organologie du livre
Des bipèdes hypertextuels
Se relier à son odyssée ?
Semaine 52/52 : Le rideau tombe !
En lecteur subjugué. 

mardi 25 décembre 2012

Du nom des choses

Peut-être avons-nous donné des choses aux noms, pour les repaître, pour nous les concilier, comme à des divinités auxquelles on ferait des offrandes ou des sacrifices ; mais même si ce fut l’inverse qui se produisit et que nous donnâmes bien un jour des noms aux choses, ce ne sont certainement pas alors là leurs noms véritables, car comment connaitrions-nous, nous autres de l’espèce humaine, les noms véritables du lion, de l’arbre, du nuage, de la table et de la chaise et de toutes ces créatures et ces choses qui envahissent notre monde : se nomment-elles, elles ? Si elles se nomment, elles ne se nomment certainement pas comme nous autres les avons nommées. Nous avons substitué un faux nom d’emprunt à leurs noms véritables, comme nous faisions avec les esclaves.
Un jour viendra, où les choses et les noms briseront leurs chaines, ces chaines que nous leur imposons.
Une table ne s’appellera plus table ni une chaise, chaise.
Dans quel monde vivrons-nous alors ?
Si les choses et les noms ont pitié de nous, nous pardonnent et nous laissent en vie ?
Illustration : Edwaert Collier, Vanitas - Nature morte, 1665.
 

lundi 24 décembre 2012

Dernière actualisation de l'année 2012 de la liste des éditeurs numériques francophones


En ce 24 décembre nous mettons en ligne la dernière actualisation de cette année 2012 de notre liste des éditeurs numériques francophones :
111 entreprises concernées, dont 90 éditeurs de plusieurs pays francophones et 21 prestataires de services à l'édition.
Cette liste avec genres concernés, url et pays, reste librement accessible par ce lien...
Nous vous souhaitons d'heureuses fêtes de Noël :-)
 

dimanche 23 décembre 2012

Semaine 51/52 : Pour une organologie du livre

Durant cette année 2012 qui s’achève j’avais décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon sentiment personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Cet opus est donc le pénultième, le 51/52.
 
L’organologie, de par son étymologie, nous rappelle utilement que nos organes, naturels (comme le cœur ou l’estomac) ou artificiels (comme les livres et les téléphones portables) sont des instruments. Car l’organologie, suivant sa définition wikipédienne : « a pour objet l'étude des instruments de musique et leur histoire ». Analyses iconographiques (picturales, sculpturales et manuscrites), recherches musicologiques et ethnomusicologiques, historiques, archéologiques et technologiques en sont les principaux moyens.
Je pense qu’aujourd’hui une sorte “d’organologie des livres”, comme dispositifs de lecture, serait nécessaire.
 
Des bipèdes hypertextuels
 
A considérer de tous temps les efforts de l’espèce pour lire le monde, et depuis les débuts de l’écriture pour lire les livres (quelles que soient leurs formes temporaires), je me demande si le façonnage que nous avons appliqué, que nous appliquons à la nature, ne témoignerait pas simplement d’une forme d’extériorisation, de projection, de notre imaginaire, de nos imaginaires de lecteurs.
Que cherchons-nous en somme à (re)produire ?
 
Nous devrions bientôt, si nous suivons la voie indiquée par les transhumanistes, pouvoir mieux discerner les articulations entre fiction (mythes) et monde (réalités) et science-fiction.
 
Je vois en ville, je vois dans les transports en commun, de plus en plus de bipèdes de mon espèce vivant apparemment en mode hypertexte. Leurs connexions permanentes les rendent intrinsèquement hypertextuels. Contrairement à moi, ils ne sont plus dans la linéarité, plongés dans le contexte, mais dans une forme d’échappatoire à l’espace physique et urbain. Ils “s’ubiquitisent” dans une spatio-temporalité où l’architecture du web et celle de nos kystes urbains, de plus en plus, s’hybrident.
 
Durant des siècles nous avons configuré le livre, comme support, à notre format mental, et cherché à ramener l’univers entier dans cette boîte de Pandore qu’est aussi tout volume imprimé, en ce qu’il renferme du tragique de notre condition.
 
Aujourd’hui, la ville conçue comme cinquième écran (après celui de cinéma, de télévision, d’ordinateur, de smartphone) se réaffirme dans la lignée des cités antiques où l’écrit se donnait à lire sur les façades de ses volumes architecturés. Une ville était une bibliothèque, du moment que nombre de ses bâtiments y étaient des livres habitables et habités.
 
Considérer les livres, maintenant, comme des édifices de verre, qui laissent voir leurs contenus, leurs habitants et leurs vies, et qui laissent notre regard passer au-travers, au-delà ; considérer les livres comme des prismes rendant visibles le rayonnement des mots.
 
Se relier à son odyssée ?
 
Alors pourrait-on parler d’une reterritorialisation du livre ?
La lecture poursuit-elle dans nos concentrations technologiques la conversation des sociétés pastorales ?
Partout sur Terre, sans doute pas seulement en Australie, les pistes chantées des aborigènes ont créé le monde en même temps qu’elles le découvraient. Les pas en avant comme les pas de côté établissaient le chemin en le révélant pas à pas, en désignant puis en nommant son paysage.
Je crois avoir fait pareil en faisant mes premiers pas et en acquérant les premiers mots vers 1962 sur le boulevard Richard Lenoir.
 
La fiction comme laboratoire, le récit comme réservoir de la pensée, le livre comme territoire, devraient-être des intuitions à prendre davantage en considération par les chercheurs je pense.
Car ce qui s’opère aujourd’hui au 21e siècle se réalise dans la déstructuration du livre. Et nous devons bien en prendre acte. Et cela nous ramène à l’aventure. Face à de grands espaces de temps. Vers le passé. Vers le futur.
Nous n’avons pratiquement plus d’autres choix en ce 23 décembre 2012 que de renouveler notre expérience du livre.
 
Imaginer pour l’humanité des futurs inimaginables ne doit plus être laissé aux seuls auteurs de science-fiction. Outre que j’ai prétention à faire entendre ma voix en tant que prospectiviste du livre, je pense que nous devons oser forcer l’inimaginable-innommable à nous relier aux aborigènes des premières pistes, quel que puisse être le prix à payer ; au-delà les siècles, ceux de la pierre gravée et ceux de la tablette internet, d’avant même, et d’après aussi.
Décrypter ce passé. Anticiper ce futur.
Beaucoup de livres sont en fait de véritables grimoires.
 
Pensons à eux. Le sol semblait solide sous leurs pieds. Mais il ne fallait pas s’y fier. Ce n’était pas tant avec l’espace qu’ils avaient à faire, les premiers. Mais au temps. Dans les filets duquel nous sommes toujours pris.
Moi écrivant.
Vous me lisant.
Cela dit : joyeux Noël.
 
N.B. : illustration, Exterior photo of the Bibliotheca Alexandrina (library) in Alexandria, Egypt. Stone relief mural on library's stone facade. Credits Photo taken by Hajor, December 2002. Released under cc-by-sa and/or GFDL.