La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit est à mon avis un très beau film d'animation et je le recommande chaleureusement. Mais si je veux l'évoquer ici, sur le blog de la prospective et de la futurologie des dispositifs et des pratiques de lecture, il y a évidemment une autre raison.
En fait, c'est tout simplement parce que ce film, au récit émouvant qui "emporte", qui "prend" son spectateur, est sans parole ni texte, tout en étant cependant, son affiche suffit à le montrer, bien autre chose qu'un film muet.
Sa singularité interroge ainsi discrètement l'utilité du langage verbal et de l'écriture alphabétique pour faire narration, et du coup cela rejoint directement le cœur de mes recherches en prospective du livre et de la lecture.
En fait, c'est tout simplement parce que ce film, au récit émouvant qui "emporte", qui "prend" son spectateur, est sans parole ni texte, tout en étant cependant, son affiche suffit à le montrer, bien autre chose qu'un film muet.
Sa singularité interroge ainsi discrètement l'utilité du langage verbal et de l'écriture alphabétique pour faire narration, et du coup cela rejoint directement le cœur de mes recherches en prospective du livre et de la lecture.
Mon idée n'est aucunement dans l'absolu d'accéder à un quelconque silence sinistre, mais simplement d'expérimenter ce que pourrait être pour des humains du 21e siècle et du 3e millénaire, la vie hors du langage verbal, (re)portant notre attention à la communication par les gestes et les regards, et redécouvrant aussi d'autres écritures, à lire, et cependant non-alphabétiques.
L'entrée dans Tamara, l'une des villes du recueil de nouvelles d'Italo Calvino, Les villes invisibles, exprime assez bien je pense ce mouvement du lecteur, auquel je réfléchis et auquel j'aspire à titre personnel : « L'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. Pour finir, le voyage conduit à la ville de Tamara. On y pénètre par des rues hérissées d'enseignes qui sortent des murs. L'œil ne voit pas des choses mais des figures de choses qui signifient d'autres choses. ».
L'entrée dans Tamara, l'une des villes du recueil de nouvelles d'Italo Calvino, Les villes invisibles, exprime assez bien je pense ce mouvement du lecteur, auquel je réfléchis et auquel j'aspire à titre personnel : « L'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. Pour finir, le voyage conduit à la ville de Tamara. On y pénètre par des rues hérissées d'enseignes qui sortent des murs. L'œil ne voit pas des choses mais des figures de choses qui signifient d'autres choses. ».
Sortir de Tamara
Il nous faudrait lire cette citation à l'envers, et nous imaginer sortir de Tamara : « Dans la ville de Tamara nous sommes dans des rues hérissées d'enseignes qui sortent des murs. L'œil ne voit pas des choses mais des figures de choses qui signifient d'autres choses. Pour finir, notre voyage nous conduit à l'extérieur. Là l'œil s'arrête rarement sur quelque chose, et seulement quand il y a reconnu le signe d'autre chose : une empreinte sur le sable indique le passage du tigre, un marais annonce une source, la fleur de la guimauve la fin de l'hiver. Tout le reste est devenu muet et interchangeable ; les arbres et les pierres ne sont que ce qu'ils sont. ».
Pour aller plus loin il nous faudrait maintenant une nouvelle version cinématographique de La tortue rouge, avec des acteurs humains dans un décor naturel. Puis une autre aussi, avec des acteurs humains dans un décor naturel, et, sans musique (malgré la beauté de celle du film d'animation actuel), avec seulement la bande son originale de la nature. Et il nous faudrait également des versions en réalité virtuelle, certaines subjectives, d'autres avec avatars.
En attendant, dans les mois à venir, je sais que je vais de plus en plus réfléchir aux multiples déclinaisons possibles des "livres audio", des différences entre "écouter lire", et, "lire", mais aussi, "lire à voix haute", et comment tout cela, comme la singularité de La tortue rouge, peut nous conduire à creuser un canal entre réalité(s) et imaginaire(s). A suivre...