mercredi 17 février 2010

Soirée GfK à la Salle Gaveau

J’ai eu le plaisir hier soir, 16 février 2010, d’assister comme tous les ans à la soirée GfK, et à la présentation de son étude 2009 : Les Français et les biens culturels.
GfK est l’institut d’études référent sur les marchés des biens culturels sur 110 pays, dont 10 européens pour le marché du livre. Cette étude sur l’année 2009 a été réalisée auprès de 2 000 internautes de plus de 15 ans et représentatifs de la population française sur les critères sociodémographiques habituels. Elle comporte un tronc commun pour les quatre marchés des biens culturels (musique, vidéo, livre et jeu vidéo), et aborde notamment de manière spécifique le marché émergent du livre et de la presse numériques (intérêt des consommateurs, supports, prix, distributeurs…).
D’emblée les responsables de GfK ont souligné en introduction de la conférence le nouveau paradigme de distribution qui se met en place sur le marché des biens culturels : le Web (téléchargements) s’y impose de plus en plus comme un nouveau canal de distribution, notamment avec le streaming pour la musique et le succès des nombreuses applications pour les smartphones, en particulier l’iPhone bien sûr. Les futures “tablettes de lecture” sont évoquées comme un défi majeur.
Il ressort globalement que, de tous les produits culturels, le livre est le seul qui soit en progression (plus de 03% en 2009) et occupe les 5 premières places des meilleures ventes. Plusieurs explications à cela : d’une part, il s’agit du produit culturel dont le prix moyen est le plus bas et reste donc plus abordable en temps de crise, d’autre part, il est davantage sujet aux achats d’impulsion. Il peut également surfer sur l’actualité avec, par exemple, des livres sur la crise ;-)
Les conclusions de la soirée ont été consacrées à la dématérialisation, présentée comme “un risque pour les marchés”. Il est clairement acté que l’usage du téléchargement est entré dans les mœurs des consommateurs français. Fin 2009, plus de 40% des français pratiquent le téléchargement, légal ou pas, avec une augmentation du phénomène sur smartphones, entre autres pour la lecture de la presse.
Les experts de GfK recommandent aux acteurs de l’entertainment de se rapprocher de ces nouveaux usages et de proposer des contenus adaptés au téléchargement, notamment en jouant sur les effets réseaux du monde numérique (par exemple, pour faciliter le passage de produits d’appel gratuits à des abonnements à des services optionnels payants, etc.).

Le marché du livre dématérialisé décolle, mais à quels prix ?

Entre introduction et conclusions j’ai, bien évidemment, été plus particulièrement attentif à l’intéressante présentation de Céline Fédou, responsable de l’équipe GfK Livres.
En résumé, le marché français du livre aura progressé en 2009 de 3,4% en volume et de 3,9% en chiffre d’affaires. Le secteur jeunesse y est moteur (il représente 46% du marché et 17% du chiffre d’affaire).
La part de la distribution sur Internet aura elle progressé de plus 24% et représente ainsi 07% des ventes de livres en 2009.
Mais cette soirée m’aura surtout étonné par les deux informations suivantes :
- Plus de 80% des consommateurs ignorent tout de la loi sur le prix unique du livre et sont persuadés que les livres sont bien plus chers en librairies !
- Si 2 français sur 3 se disent intéressés pour acquérir et lire des livres numériques, 50% déclarent préférer la lecture sur PC, plutôt que sur smartphones ou que sur des tablettes e-paper ( ?)
Enfin, si le marché du livre numérique progresse et apparaît comme étant sollicité par les consommateurs, c’est que le prix attendu des ebooks est nettement plus bas que celui des livres imprimés. Les consommateurs attendent des baisses de prix importantes. Pour un livre physique à 18 euros, les consommateurs déclarent attendre un prix de l’ebook (du même ouvrage) à 07 euros.

dimanche 14 février 2010

Saint Valentin du Livre :-)

Dans ce ciel nuageux, P.L.E. Consulting - Lorenzo Soccavo, souhaite une belle Saint Valentin, à toutes les actrices et à tous les acteurs de l'interprofession du livre, imprimé et numérique ;-)

samedi 13 février 2010

2e édition du Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l'Edition de P.L.E. Consulting

Nous travaillons à une seconde édition du Livre Blanc sur la Prospective du Livre et de l'Edition, à paraître courant 2010.

N'hésitez pas à nous faire remonter vos commentaires et critiques concernant la première édition de novembre 2009.

En attendant la première édition reste disponible sur demande.

vendredi 5 février 2010

Redéfinir des vecteurs de lecture

En vérité, à travers le prisme de notre interprétation des enjeux et de la perception de nos propres intérêts, c’est, le plus souvent, notre rapport profond (plus ou moins conscient, remontant, à la fois, à notre enfance, et, à notre pratique quotidienne d’aujourd’hui), c’est, pour chacun(e) d’entre nous, notre rapport intime aux livres et à la lecture, qui s’exprime en réalité à travers nos points de vue sur les actuelles mutations du livre et de la lecture.
Les réactions épidermiques priment souvent sur la réflexion (même dans les entreprises je pense ;-)
Je pense en ce moment à celles et ceux qui disent « Oui » au numérique, mais s’exclament qu’ils ne pourraient bien évidemment jamais lire un Grand Auteur (avec des majuscules qui s’entendent), disons, par exemple, Rimbaud ou Balzac, sur un nouveau dispositif de lecture. Ces personnes, de bonne foi et avec lesquelles je partage le plus souvent nombre de mes goûts littéraires et, dans tous les cas, le même amour pour les livres et la lecture, ces personnes me rappellent cependant celles qui disent  : « bien évidemment je ne suis pas sans ignorer que… », pensant ainsi dire qu’elle ne sont pas sans le savoir ;-) Comment, en effet, des auteurs de l’envergure de Victor Hugo ou de Thomas Mann (pour varier les exemples), perdraient-ils de leur génie, seulement en basculant leurs œuvres d’un support à un autre ? Plutôt que de les apprécier véritablement, n’est-ce pas là douter de leur grand art ?
Cela dit, il n’en reste pas moins vrai que les nouveaux dispositifs de lecture évolueraient vers du high-tech (l’iPad d’Apple en serait une preuve), alors que la lecture, telle que nous la pratiquons depuis plusieurs siècles, est une activité qui demande et demandera, je pense, du low-tech.
L'attention, les capacités d'apprentissage et de mémorisation ne sont pas les mêmes sur écran que sur papier. Quid d’une “hyper-lecture” multimédia, zappée et surfée sur la tablette iPad d’Apple ? Même si le logo est une petite pomme sympa, des questions cruciales se posent si nous ne voulons pas finir en compote ;-)
L'expérience de la lecture va se renouveler avec le numérique et ces nouveaux dispositifs, et la balle est dans le camp des auteurs et des éditeurs du siècle.
Mais encore faut-il qu’ils commencent par s’interroger sur les apports réels des nouvelles technologies pour l’écriture et la lecture de livres.

S’interroger sur les apports des nouvelles technologies

Premièrement, s’interroger sur la lisibilité, c’est-à-dire, à la fois, sur le confort de lecture, et, sur la mise en “page” typographique.
Pourquoi ? Parce que lire c’est d’abord regarder. (En 1913 dans une conférence sur le caractère visuel du vers libre, Gide rappelait cette possibilité de faire passer dans l’aspect même de la phrase quelque chose de l’acte qu’elle décrit. La constatation n’était pas nouvelle. Les premiers “vers figurés” du grec Simmias de Rhodes datent de trois siècles avant Jésus-Christ, et non des calligrammes, “idéogrammes lyriques” de 1914 d’Apollinaire.)
Deuxièmement, s’interroger sur le rôle du lecteur dans la lecture.
Pourquoi ? Parce que le texte littéraire doit garder une certaine réticence. Dans Lector in fabula, en 1979, Umberto Eco analysait clairement comment « Le texte postule la coopération du lecteur comme condition d’actualisation. ». L’hypertextualité et le multimédia aujourd’hui possibles sur une tablette comme l’iPad, réactualisent et questionnent autrement la conjugalité auteur/lecteur. Eco précisait dans son essai, qu’« un texte est un produit dont le sort interprétatif doit faire partie de son propre mécanisme génératif. Générer un texte signifie mettre en œuvre une stratégie dont font partie les prévisions des mouvements de l’autre ».

L’autre, le lecteur, dont « l’imagination, écrivait Milan Kundera, dans son célèbre : L’art du roman, complète automatiquement celle de l’auteur », et au sujet duquel Sartre, dans Qu’est-ce que la littérature ? précisait que : « l’imagination du spectateur n’a pas seulement une fonction régulatrice mais constitutive ; elle ne joue pas, elle est appelée à recomposer l’objet beau par-delà les traces laissées par l’artiste. ».
(Je ne parviens pas à remettre la main sur mes notes (manuscrites, couic ;-) de l’essai d’Edith Wharton, Les règles de la fiction, paru aux éditions Viviane Hamy en 2006, mais il me semble bien, de mémoire, qu’elles allaient aussi dans ce sens.)
Donc, le lecteur, appelé à « recomposer l’objet beau par-delà les traces laissées ». Mais : les i-traces ne seraient-elles pas trop directives ? Resterons-nous dans des univers romanesques à co-inventer (imaginer), ou bien circulerons-nous dans des œuvres hypermédiatiques aux routes tracées et aux panneaux indicateurs impératifs ?
Contextualiser demain une œuvre par des ajouts multimédias, au contraire d’être un enrichissement, cela ne risquerait-il pas d’appauvrir, de limiter, le génie naturel du lecteur ? De restreindre son imaginaire en l’orientant ?
Personnellement (et n’ayant aucunement la prétention d’être représentatif des lecteurs) : d’une part, quand je me suis plongé dans la lecture d’un roman qui m’a transporté, j’ai ensuite l’impression de l’avoir vu en film, alors qu’il n’en est rien, alors que je l’ai “simplement” lu. D’autre part, les adaptations cinématographiques ou télévisuelles de romans dont j’ai apprécié la lecture m’ont toujours déçu, m’apparaissant plus pauvres que les œuvres romanesques originales. Aussi je pose la question : dans quelles mesures un ajout rich-media peut-il être un enrichissement ?
Comme l’avançait l’auteur québécois Gary Gaignon lors d’un récent échange sur Facebook, il faudrait concevoir la contextualisation multimédiatique comme un enrichissement parallèle (et le mot parallèle est important je pense), c’est-à-dire, explicitait-t-il : « fournir les références et les explications de texte souvent nécessaires à la reconstitution imaginaire du commun des lecteurs qui n’a jamais mis les pieds par là. Exemple […] vous lisez Le Piéton de Paris de Léon-Paul Fargue. Cela ne vous enlèverait rien qu’il y ait tous les liens hypertextuels pour refaire son itinéraire d’origine tout le long d’une visite guidée par l’image et des commentaires historiques… ».
L’exemple est pertinent, mais je reste réservé dès lors qu’il s’agirait, pour moi en tous cas, de relire ainsi La montagne magique de Thomas Mann, ou Belle du seigneur d’Albert Cohen.

Le livre comme vecteur de lecture

Un livre n’est pas exclusivement du contenu ni uniquement un contenant, comme les batailles commerciales actuelles pourraient le laisser croire. C’est avant tout le vecteur d’une expérience de lecture, expérience à chaque fois unique, intime, et force motrice d’une transmission et d’une délégation de la mémoire depuis l’apparition des premiers alphabets.
En marge de ces réflexions il pourrait être éclairant de se rappeler que selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme : « 3 100 000 personnes, soit 9 % de la population âgée de 18 à 65 ans résidant en France métropolitaine et ayant été scolarisée en France, est en situation d’illettrisme. » (Rapport ANLCI 2008), et également que le nombre de “grands lecteurs” décroit, et enfin que, de l’avis des spécialistes, la “lecture industrielle” (lecture sur supports informatiques) demande davantage de compétences que la lecture sur papier.
Dans ce contexte, en prospective du livre et de l’édition, une question cruciale se pose : l’extrême contemporain est-il, de fait, exclusivement numérique ?
Des cellules de scénarisation permettraient-elles de répondre à cette interrogation ?
Aujourd’hui, redéfinir des vecteurs de lecture pourrait peut-être permettre de concevoir des livres 2.0, des livres numériques qui seraient autres choses que des livres numérisés ou des animations multimédias.

Les marques des majors de l’édition (ou les groupes auxquels elles appartiennent), les éditeurs indépendants, ont-ils la marge (sic) suffisante pour dépasser l’horizon des contrôleurs de gestion et envisager sous cet angle leur à-venir à moyen terme ? C’est-à-dire tout simplement sous l’angle de l'innovation de produit, de la création par les auteurs et les éditeurs de nouveaux produits éditoriaux. La réponse est oui (pensons aux livres objets, à l’arrivée des codes 2D dans des livres et BD imprimés, aux premiers essais d’introduire la réalité augmentée dans des encyclopédies…), mais un oui encore timide au regard des enjeux et des compétiteurs extérieurs.

Peut-on éditer dans l’extrême contemporain ?

Le piège serait certainement aujourd’hui de s’enfermer dans une logique d’opposition imprimé vs numérique ou vice versa, ou dans un extrémisme du “tout numérique le plus vite possible”.

Aujourd’hui le sentiment de contemporanéité s’effondre avec l’accélération des progrès technologiques, accélération qui, il faut bien l’avouer, rend de plus en plus crédible la théorie de la Singularité ! (« La Singularité technologique est un concept, selon lequel, à partir d'un point hypothétique de son évolution technologique, la civilisation humaine sera dépassée par les machines – au-delà de ce point, le progrès n’est plus l’œuvre que d'intelligences artificielles, elles-mêmes en constante progression. Il induit des changements tels sur l'environnement que l’Homme d’avant la Singularité ne peut ni les appréhender ni les prédire de manière fiable. » Définition Wikipédia).
Comme je l’écrivais ici même en introduction de mon précédent billet : les époques à mutations rapides génèrent des sociétés “fragmentées”, au sein desquelles les changements se diffusent de façon asynchrone.
Ceux qui jadis ont écrit l’histoire du livre et de ses métiers, ou, plus exactement, ceux que l’histoire a retenus et avec lesquels nous écrivons aujourd’hui notre histoire du livre et de ses métiers, ceux-là étaient-ils habités de leur vivant par des sentiments d’innovation, ou n’étaient-ils seulement motivés que par des préoccupations d’ordre économique ? Se vivaient-ils comme des novateurs, comme des précurseurs ? Sans doute pour certains, mais quels étaient alors leurs statuts (à une époque où les médias sociaux n’existaient guère ;-) vis-à-vis de leurs contemporains ?

Nous savons avec certitude, par exemple, que lorsqu’ils ont coexisté à Paris durant l’automne 1871, Rimbaud et Théodore de Banville n’étaient pas pour autant des poètes contemporains l’un de l’autre.
Les tablettes de lecture entrent maintenant dans le contemporain, dans le champ des pratiques, des usages, elles deviennent actuelles. Si ces nouveaux dispositifs de lecture coexistent aujourd’hui avec les livres-codex, comment ne pas s’interroger sur cette coexistence, sur son sens et son destin ?
Faisons une nouvelle fois un détour via la poésie, simplement pour nous aider à saisir l’essentiel. Pour l’essayiste sur la poésie, Jude Stéfan, l’actuel en littérature désigne simplement ce qui s’écrit aujourd’hui, « la littérature usuelle », courante (ce qui pourrait vouloir dire aussi : qui ne se fixe pas, qui ne laissera pas de traces, et se rapprocher d’une production textuelle soumise aux flux numériques. (Quid de la destinée, par exemple, de ce présent texte sur ce présent blog ? L’un de mes passés blogs sur les romans japonais a ainsi, par ma propre volonté il est vrai, disparu à jamais.)
Face aux catégories de la modernité et de la postmodernité, Jude Stéfan définit les avant-gardes comme des « éclaireurs de la littérature » (l’éclaireur, à la fois celui qui éclaire, et celui qui va devant, le précurseur…), et il désigne un extrême contemporain, en paraphrasant ce que Baudelaire jadis écrivait sur le moderne : « la part d’éternel qui affleure dans le passage ».

Le point de localisation de l’extrême contemporain (intéressant à déterminer en prospective selon moi, et c’est bien et uniquement pour cette raison que j’en parle ici), le point de localisation de l’extrême contemporain donc, serait dans ce passage qu’évoque Baudelaire, et où le présent (l’instant et l’actuel) s’effondre, de part et d’autre, c’est-à-dire, tant derrière soi dans le passé, que face à soi dans l’à-venir. (C’est peut-être là ce qui s'appelle : “être sur la brèche” !)

L’interprofession du livre est aujourd’hui sur la brèche et la question qui se pose à elle au fond est la suivante : Peut-on éditer dans l’extrême contemporain ? (Étant entendu que nous n’y sommes pas encore mais que c’est pour bientôt ;-)

N.B. : Il ne s’agit ici que de quelques réflexions appelant le partage. Si vous aussi réfléchissez ou travaillez sur ces sujets, n’hésitez pas à me contacter. Il y aurait alors de grandes chances que vos travaux m’intéressent ;-)

lundi 25 janvier 2010

Ruptures et continuités générationnelles en prospective du livre et de l’édition

Les époques à mutations rapides, c’est connu, génèrent des sociétés “fragmentées”, au sein desquelles les changements se diffusent de façon asynchrone.

Sur ces années charnières du 20e/21e siècle, que nous traversons, les effets de l’essor technologique (notamment avec les (n)TIC), puis, de la financiarisation de l’économie (qui a impacté les maisons d’édition et la diffusion-distribution du livre), ces effets sont aujourd’hui indéniables.

Concernant le monde du livre et de l’édition, je distingue des mutations à plusieurs niveaux :
- Au niveau des pratiques de lecture (et d’écriture) et de leurs usages (qui ont évolué sous l’influence du Web 2.0 puis des smartphones, et ce, pas seulement pour les natifs du numérique…)
- Au niveau des dispositifs de lecture (avec une offre de plus en plus large de terminaux de lecture nomade, des tablettes e-ink/e-paper du type e-reader Kindle d'Amazon, à l'iPad d'Apple…)
- Au niveau du marché du livre (avec notamment la reconfiguration en cours des circuits de diffusion-distribution…)
- Au niveau de la langue (avec les impacts à venir du programme de numérisation de Google, le développement du e-commerce du livre avec Amazon et Apple, face à de jeunes générations de plus en plus anglophones…).

Je liste ces mutations dans leur ordre “d’entrée en scène”, entre guillemets, et, face à elles, je pense qu’il serait peut-être pertinent de prendre en considération certaines ruptures et continuités générationnelles.
Dans une première approche, qui reste à affiner, nous pourrions distinguer (et légitimement prévoir à moyen terme) :
- Un changement naturel des générations de lectrices et lecteurs directement influencées par les mutations ci-avant listées…
- Un changement naturel des générations d’étudiantes d’étudiants aux formations aux métiers du livre et de l’édition, puis, un renouvellement générationnel (plus lent) des enseignants.
- L’arrivée de nouveaux jeunes professionnels au sein des maisons d’édition notamment, et la création, face aux maisons entre guillemets “historiques”, de start-up d’édition “pure player“ (nous en voyons déjà quelques-unes depuis le débarquement du iPhone comme terminal de lecture…).

Ces changements sont naturels et, naturellement, ils sont actuellement en cours. Je le constate régulièrement à mon niveau avec les nombreuses étudiantes et les étudiants qui me contactent spontanément.
En la pondérant avec les différences au niveau de leurs objectifs et de leur ancienneté, une étude comparative des profils des membres de l’Association des professionnels de l’édition (APE), et, de ceux du Syndicat national de l’édition (SNE), serait également peut-être éclairante ( ?).
Au niveau des lectorats, nous pouvons penser que les lecteurs qui ont aujourd’hui une trentaine d’année, et qui ont fait leurs apprentissages et leurs débuts de lecteurs sur des livres papier imprimés, resteront, au moins en partie, attachés à cette interface de lecture durant leur vie (c’est-à-dire une cinquantaine d’années en moyenne si l’on fixe l’espérance de vie à 80 ans). Ce marché, cumulable (et/ou qui recoupe partiellement ou totalement ?) celui de l’impression à la demande, n’est pas à négliger pour les papetiers et les imprimeurs.
Les ruptures générationnelles que nous pourrions discerner a posteriori, et qui seraient la résultante des mutations combinées que j’ai précédemment listées, s’opèreront, je pense, dans le fil de la continuité générationnelle naturelle.

Les industries graphiques devraient aussi je pense, prendre davantage en compte dans leurs stratégies de développement, une nouvelle génération d’entreprises : Google (société fondée en septembre 1998), Amazon (fondée en juillet 1995), Apple (fondée en avril 1976), multinationales qui n’existaient pas il y a seulement une quarantaine d’années (et une quinzaine dans le cas de Google !), et qui sont toutes par ailleurs de culture et de langue anglo-saxonnes. (Comme le sont également la grande majorité des sociétés qui développent de nouveaux dispositifs de lecture.)
Bien évidemment les professionnels des industries graphiques n’ont pas attendu la publication de ces lignes pour connaître et se soucier de l’existence de ces nouvelles entreprises. Mais, si elles s’y intéressent en termes de marchés et de technologies, ont-elles introduit dans leurs réflexions stratégiques cette dimension prospective ?
Selon moi les ruptures et les continuités générationnelles sont à prendre en considération, dans le cadre de la prospective du livre et de l’édition, dans le sens où les principaux enjeux ne sont ni financiers ni technologiques, mais : humains et culturels. (Principale raison, peut-être, pour laquelle la prospective du livre et de l’édition serait snobée par les acteurs du marché du livre ?)

Les enjeux sont d'abord humains, car l’économie actuelle du livre est intégralement basée sur la matérialité physique du livre papier relié et imprimé, que c’est là un secteur capital de l'industrie et de l'économie culturelles de notre pays et que des milliers d'emplois sont en jeu. De ce point de vue, il est légitime que les syndicats et les organisations professionnelles fassent ce qui n’est au fond que leur devoir. Mais il serait surtout urgent d’adapter la formation continue des professionnels d’aujourd’hui, et les formations en cours de ceux de demain.
Les enjeux sont également culturels, car le découplage des contenus et des supports, le développement d'une diffusion multicanal multisupport, posent des questions multiples et complexes, comme celles de la conservation du patrimoine écrit, de la sauvegarde des données, de l’intégrité des œuvres littéraires, des facultés d’attention et de mémorisation des lecteurs, etc.
Au terme de quelques générations, la lecture pourrait muter, et engendrer des bouleversements dans la culture et la pensée occidentales, aussi conséquents que lors du passage de la lecture à haute voix à la lecture silencieuse.

Je pense que deux mouvements de fond devraient émerger plus distinctement, se rencontrer, puis s'épauler l'un l'autre.
- Premier mouvement = de nouveaux entrants extérieurs, étrangers au milieu du livre, vont venir bousculer les pratiques et le marché.
- Deuxième mouvement = au sein même des métiers traditionnels du livre, le renouvellement des générations va doper l'interprofession de l'intérieur.
Les crispations que nous commençons à ressentir dans le climat social de l’édition et du marché du livre, ne viennent pas seulement de la crise économique et du passage (partiel, total ?) de l’imprimé au numérique, mais viennent, en partie au moins, de l'asynchronisme de ces deux mouvements. Le premier est rapide, boosté par Google, Amazon… Le second est beaucoup plus lent, ralenti par de vieux réflexes corporatistes.
D’où l’utilité qu’il y aurait peut-être à prendre davantage en considération, dans le cadre d’une démarche prospective, les ruptures et les continuités générationnelles.

N.B. : Il ne s’agit ici que d’une première approche sans prétention de ces questions, de quelques réflexions appelant le partage. Si vous réfléchissez ou travaillez sur ces sujets de sociologie de l’innovation, de ruptures et de continuités générationnelles par rapport à la lecture, au livre et à son marché, n’hésitez pas à me contacter. Il y aurait alors de grandes chances que vos travaux m’intéressent ;-)

[Illustration : “Internet est important pour se sentir intégré dans notre société” – Source : La diffusion des TIC dans la société française La Génération Y – Julien Pouget.]

vendredi 22 janvier 2010

Le spectre d’une troïka Amazon-Google-Apple ?

Dans un secteur économique en pleine mutation, avec, d’une part, des innovations technologiques disruptives, d’autre part, l’arrivée de nouveaux concurrents avec des cultures d’entreprises et des intérêts financiers différents qui tendent à une reconfiguration de la diffusion-distribution des livres, et avec, à l’horizon, le spectre d’une troïka Amazon-Google-Apple, les professionnels du livre et de l’édition, notamment francophones, ont intérêt à faire preuve d’intelligence… économique.

Un spectre n’a heureusement pas vocation à s’incarner dans la réalité. Mais la peur qu’il suscite peut déclencher des réactions inappropriées, une suractivité désordonnée, voire carrément de la panique, tout aussi bien qu’une totale paralysie.
Dans ce contexte, où les pouvoirs publics calment le jeu en promettant des subventions alimentées d’emprunts et de taxes nouvelles, voire de nouvelles lois et réglementations (comme quoi le qualificatif de “nouvelles” ne s’applique pas forcément à des nouveautés), et où, de plus, le lobbying devient la recette des arrière-cuisines, les professionnels du livre et de l’édition, notamment francophones, auraient intérêt, à défaut d'ouvrir leurs portes, d'ouvrir les fenêtres pour respirer un peu l’air frais du siècle.

« Tout va très bien madame la marquise »

Pour être assuré de posséder un avantage compétitif décisif, le décideur doit pouvoir bénéficier au bon moment de l’information stratégique qui répond précisément à ses besoins.

Aujourd’hui, même si tout Saint-Germain-des-Prés entonnait en chœur : « Tout va très bien madame la marquise », tout n’irait cependant pas mieux ;-)

Le simple suivi du flux continu d’informations, la consultation des sources ouvertes disponibles, une “veille maison” aux interprétations soumises aux variations climatiques internes (climat social de l’entreprise, tensions salariales…) ne peuvent suffire en situation de crise.
Le renseignement qui fait sens, qui favorise l’orientation et les indications précises, par rapport aux données brutes, est logiquement plus productif qu’un simple traitement automatisé de l’information ouverte, soumis ensuite à un brainstorming en interne. Ce renseignement, souvent directement ou indirectement de source humaine, n’est pertinent que s’il n’émane pas de sa mare ou de sa propre basse-cour, mais s’il vient de l’extérieur, d’une écoute attentive des échanges sur les réseaux, et s’il fait l’objet d’un traitement et d’un signalement à court terme.

La veille stratégique (technologique, concurrentielle, etc.) et la recherche documentaire dédiée (veille juridique, benchmark…) d’informations ouvertes, doivent ainsi s’armer d’une phase complémentaire d’investigation, qui se décompose en plusieurs étapes :
=> Détection et écoute
=> Traitement
=> Analyse
=> Interprétation
=> Synthèse des renseignements obtenus, le tout pour déboucher sur une reformulation opérationnelle en termes de :
- prises de décisions et de conduites de projets,
- anticipation et maîtrise des risques.

P.L.E. Consulting se met au service des acteurs de l’interprofession du livre, pour leur proposer de telles prestations dédiées, d’aides à la prise de décision et à la conduite de projets innovants, d’anticipation et de maîtrise des risques, adaptées au contexte et aux problématiques actuelles de leurs métiers.
Sur simple demande, et après un ou deux rendez-vous indispensables d’évaluation de vos besoins réels, P.L.E. Consulting vous adressera, gracieusement et sans aucun engagement de votre part, une proposition détaillée, argumentée et chiffrée.