mercredi 27 juin 2012

Importante actualisation de l'annuaire des éditeurs pure-players

Ce jour une actualisation (nouvelles adresses web des inscrits et quelques nouveaux inscrits, notamment dans la rubrique des prestataires de services) : à consulter ici...
A signaler également une distinction plus claire entre, les éditeurs pure-players francophones, d'une part, et, les prestataires de services (développements d'applications dédiées, ePub3, etc.) à l'édition numérique.

L'ouverture de deux nouvelles rubriques est à l'étude :
- une concernant les prestataires proposant des offres d'auto-publications,
- une autre concernant les services de crowdfunding (financement participatif),
qu'en pensez-vous ? Avez-vous des propositions ?
  
N'hésitez pas à faire part de vos remarques et surtout de vos attentes en commentaires ou en me contactant directement : quels types de services souhaiteriez-vous par rapport à une telle recension des acteurs pure-players de l'édition francophones ?

dimanche 24 juin 2012

Semaine 25/52 : Je préfèrerai ne pas…

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 25/52.
  
J’ai relu cette semaine Bartleby, d’Herman Melville, dans la nouvelle traduction que nous apporte François Bon (voir ici). J’aime bien ce personnage de Bartleby, entre autres pour ce que son fameux « Je préfèrerai ne pas » porte en germe : un nouveau paradigme de la désobéissance civile face aux diktats des marques et des majors du divertissement.

La désobéissance intellectuelle
Dans la grande transhumance de l’édition imprimée à l’édition numérique nous ne sommes pas les bergers, nous sommes les moutons. Et il peut être utile pour des moutons de savoir un minimum de choses, par exemple : qui sont les bergers et qui sont les loups ?
A considérer comme sont aujourd’hui manipulés les lecteurs, les auteurs, les éditeurs et les libraires indépendants par ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent (SNE, lobby papetier, Google, Amazon…) on ne peut, en effet, que rétorquer : « Je préfèrerai ne pas. ».
Je l’évoquais la semaine passée : des agents actifs opèrent, jouent sur les clivages, les tensions catégorielles, et ils misent sur une désolidarisation des acteurs du livre pour contrôler les prétendants à une édition du 21e siècle. Ils œuvrent, et plutôt assez efficacement il me faut malheureusement le reconnaître, pour maintenir les innovations (pas tant technologiques, mais au niveau surtout des modèles économiques) et l’expression des revendications, dans le cadre strict du tapis de jeu du siècle précédent ; et ainsi de faire en sorte que la partie continue à se jouer avec les règles écrites par ceux qui au final la gagneront.
 
Cette semaine, deux points de vue m’ont conforté dans cette analyse. D’abord, celui de la dessinatrice et réalisatrice américaine Nina Paley. Cette véritable activiste de la Culture Libre défend « la “désobéissance intellectuelle” (intellectual desobediance) qu’elle définit comme une version de la désobéissance civile appliquée à la propriété intellectuelle. » (Lire ici : “Droit d’auteur : Nina Paley appelle à la “désobéissance intellectuelle” [Eclats de S.I.Lex]”).
Ensuite, plus mesuré, l’auteur français Thierry Crouzet avec un titre provocateur : Les auteurs sont-ils fainéants ? met les points sur les i : « Vous ne pouvez pas, écrit-il, d’un côté critiquer le monde qui vous entoure, vous insurger contre nos adversaires, et d’un autre côté ne rien faire, sinon pleurer, ou pire attendre que ces adversaires se moralisent et viennent vous câliner. Si les auteurs avaient saisi le train du numérique à son démarrage, ils n’auraient pas besoin aujourd’hui de tenter d’y embarquer alors qu’il est lancé à pleine vitesse. Ce train qui n’est pas qu’un nouveau canal de diffusion, qu’un nouveau moyen de gagner de l’argent, c’est avant tout un espace de création et de vie. Vous ne pouvez pas exiger de bénéficier de ce monde tout en refusant d’y embarquer, vraiment. ».
Il émet en quelque sorte des propositions qui apparaissent de l’ordre du possible et qui questionnent les comportements et les choix de chacun, y compris de moi-même.
« Alors battez-vous sur le nouveau terrain de bataille, est sa conclusion. Ne tirez plus vos missiles d’au-delà de la frontière. Ils n’ont aucune chance d’atteindre leurs cibles. Passez les fils barbelés. Escaladez la montagne. Vous découvrirez le monde sous une nouvelle perspective. Et vous éclaterez de rire chaque fois que le SNE, la SGDL et d’autres se livreront à leur pantomime. Dorénavant, nous avons le pouvoir. Ne l’oubliez pas. Ne perdez plus de temps à discuter avec ceux qui ne l’ont plus (et qui vous font croire qu’ils l’ont encore). ». CQFD.

En veux-tu ? En voilà !
En ce qui me concerne j’ai à plusieurs reprises ces dernières années formulé des propositions en franc-tireur. D’abord en janvier 2009 dans mon Livre blanc de la prospective du livre et de l’édition.
J’y définissais six orientations :
1 – Désincarcérer l'édition de l'industrie du print et désenchaîner les textes des livres.
2 – Penser réticulaire, désintermédiation et intermédiation.
3 – Expérimenter : optimiser le partage des ressources et la mutualisation.
4 – Reconfigurer la distribution (accès, abonnements...) et adapter le marketing et les relations presse aux nouveaux médias.
5 – Mettre auteurs et lecteurs au cœur des projets éditoriaux dans une logique 2.0.
6 – Inventer et tester de nouveaux modèles économiques (intégrant, entre autres, la gratuité ou de nouvelles formules de fixation des prix), et repenser et faire évoluer la législation et le CPI (Code de la propriété intellectuelle).
  
En guise de conclusion j’émettais à l’époque huit propositions qui étaient facilement réalisables :
1 – La création de Commissions de la prospective, au sein du CNL (Centre national du livre), du SNE (Syndicat national de l’édition), du SLF (Syndicat de la librairie française) et de la SGDL (Société des gens de lettres), ainsi que des différentes instances régionales au service du livre et de sa diffusion.
2 – La désignation d’une “Madame ou d’un Monsieur Prospective” au sein des maisons d’édition.
3 – La prise en considération des spécificités de la prospective du livre et de la prospective de l'édition, notamment dans leur dimension transhistorique, par les structures possédant déjà un département R&D.
4 – L'enseignement de la prospective du livre et de la prospective de l'édition dans les formations aux différents métiers du livre et de l'édition, dans les établissements privés de communication, et dans les cursus de formation continue.
5 – L'organisation et la mise en œuvre systématique de méthodes d'observation, d'analyse et d'accompagnement de l'évolution des pratiques de lecture chez les jeunes lectorats natifs du numérique (manuels scolaires numériques, e-learning, serious games...).
6 – La valorisation des réseaux francophones consacrés à l'édition, aux livres et à la lecture, existants déjà sur le Web.
7 – Le traitement journalistique suivi et faisant appel à des experts, des questions et des enjeux de l'avenir du livre et de l'édition, dans les médias grand public (la presse écrite [imprimée], autrement que par le biais d'informations ponctuelles “à sensations”, mais par des chroniques spécialisées ; la radio et la télévision, notamment du service public).
8 – La constitution d'un Think Tank (groupe de réflexion), institution privée et publique, à la fois observatoire et comité d'éthique, regroupant les “insiders” de l'édition, de la prospective et de l'économie de la connaissance, et se saisissant de cette question essentielle en cette première moitié du 21e siècle : « Où va la civilisation du livre ? ».

Par la force des choses quelques lentes avancées sur tel ou tel point ont bien eu lieu, mais si peu ! La force d’inertie en face est terrible, terrifiante. Les initiatives sont vite entravées.
 
Plus récemment dans ces chroniques j’ai émis quatre nouvelles propositions, celles-là plus idéalistes j’en conviens :
1 Inscrire au patrimoine universel de l’humanité (Unesco) les classiques de la littérature mondiale, lesquels ne devraient plus être l’objet d’aucune forme de transactions commerciales et être librement et gratuitement accessibles à toutes celles et ceux qui souhaiteraient les lire et/ou en posséder un exemplaire numérique (seul un coût minimum resterait appliqué pour les versions imprimées et les nouvelles traductions).
2 Abolition de la TVA pour le livre imprimé, numérisé et numérique.
3 Extension, harmonisation internationale et sanctuarisation du domaine public, garanties par l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) avec gratuité des œuvres du domaine public en édition numérique (seul un coût minimum resterait appliqué pour les nouvelles traductions).
4 Sanctuarisation des bibliothèques en zones franches bénéficiant d'avantages tels que l'exonération de charges fiscales et de règlementations sociales adaptées et privilégiées...
 
Il faudrait ajouter à ces trois listes des points concernant le respect et la défense des droits des auteurs, ce que j’ai évoqué à plusieurs reprises déjà les semaines précédentes, notamment à partir des réflexions de Richard Stallman. Il faudrait en particulier réglementer l’usage des prescriptions algorithmiques, le profilage et le blacklistage éventuels de lecteurs.
  
Voilà. Il y a de quoi faire. Non ? Au lieu de quoi l’actualité bruisse de ce que les tristes hérauts des princes du business buzzent sur la Toile ; toile dans laquelle nous sommes bel et bien pris, elle et ses fameux réseaux sociaux.
 
J’entends parler sans cesse d’Apple, d’Amazon et tutti quanti, mais aujourd’hui en ce domaine comme dans les autres, les grandes marques c’est bien ce qu’il y a de moins fiable ! D’abord, elles ne décident qu’en fonction de leurs intérêts financiers et non de l’intérêt collectif, de valeurs humaniste ou culturelle. Ensuite, ce que nous leur payons ce n’est pas la qualité des produits (obsolescence programmée…) ou des services (profilage, marchandisation de nos données personnelles, tracking publicitaire…), mais le droit de nous aliéner en les exhibant.
Le grand truc des entreprises à l’heure du 2.0 c’est de faire réaliser une partie de leur travail par les acheteurs. Nous sommes tous devenus des VRP (voyageur, représentant et placier) multicartes bénévoles, et même moins que cela : nous payons pour. Des esclaves 2.0 !
Il nous faut maintenant la volonté et la force, individuelles et collectives, de nous extraire de cette fosse et de nous remettre en marche.
Certes, nous passons de l’imprimé au numérique, mais bien plus, mais bien au-delà ! Car la révolution est très loin de se résumer au monde du livre. Elle l’entraîne avec elle, elle emporte avec elle le monde du livre, certes, et même, je vous le dis, peut-être celui de l’écrit.
Ce qu’il se joue serait de l’ordre du passage des civilisations de l’oral aux civilisations de l’écrit. Peut-être le passage de la civilisation “terrestre” à la civilisation “augmentée” ?
En tous cas les véritables enjeux dépassent de très loin le cadre policé de Saint-Germain-des-Prés, de quelques salons parisiens et de leurs annexes provinciales.
Et s’ils empêchaient notre printemps, alors ce serait un long, un très long hiver.
Nous devons nous battre pour désincarcérer le livre et la lecture des carcans industriels qui les étouffent.

samedi 23 juin 2012

La place du livre dans le web à venir


Depuis quelques mois déjà le groupe "Prospective du livre et de l'édition" que j'anime sur le réseau social Facebook est sous les couleurs de MétaLectures.
Depuis cette semaine une nouvelle application (Cloud Party) apporte à Facebook une extension web 3D, directement et facilement utilisable depuis Facebook et le navigateur web de l'utilisateur.
Les plus de 440 membres de ce groupe "Prospective du livre et de l'édition" et les plus de 3200 acteurs de l'interprofession du livre qui comptent parmi mes contacts Facebook, peuvent maintenant, s'ils le souhaitent, tous me retrouver au sein de ce nouvel espace web (Cloud Party), pour que nous y travaillions de concert au devenir du livre et de la lecture.
 
Avec mes partenaires, je suis à la disposition de tous les acteurs de l'interprofession du livre (imprimé et numérique) pour les accompagner sur ces nouveaux territoires digitaux, que des solutions de réalité augmentée vont rendre de plus en plus interactifs et mêlés à notre réalité quotidienne, et ce notamment pour des applications nouvelles de commerce connecté, ainsi que pour de nouvelles médiations sociales (autour du livre et de la lecture, de la formation et de l'enseignement, par exemple...).
Le web 3D sera dans les mois à venir plus facilement accessible à partir de simples navigateurs web, ainsi que depuis les tablettes internet et smartphones, notamment sous Androïd.
Quelques liens, pour mieux comprendre ce dont il s'agit et les enjeux pour la francophonie et les professionnels du livre :
Y découvrir MétaLectures, le premier environnement web 3D immersif pour présenter, expérimenter et développer des solutions innovantes dans l'univers du livre et de la lecture francophones.
 

lundi 18 juin 2012

dimanche 17 juin 2012

Semaine 24/52 : Ma bibliothèque m’appartient-elle ?

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 24/52.
 
Une nouvelle fois le trop-plein d’informations m’incite à prendre du recul.
Avec les (ex-nouvelles) technologies de la communication communiquons-nous encore ? Ou bien assénons-nous aux autres des informations, soit relayées, en provenance d’employeurs donneurs d’ordres ou de centres d’influence (lobbies, médias, marques…), soit directement issues du besoin d’affirmation, de reconnaissance et d’intégration sociales de nos propres égos ?
Une véritable réflexion sur un humanisme numérique ne pourrait je pense éviter cette question et se contenter de reprendre la tapisserie du passé, de tisser des liens avec la pensée humaniste. L’éclosion d’un humanisme numérique ne peut se fonder je crois que sur une critique radicale du monde dans lequel nous sommes contraints de vivre.
 
La voilà la génération perdue !
 
La fameuse génération perdue n’est au fond que l’expression légère d’un jeune mécanicien (relire Paris est une fête, d’Ernest Hemingway), à une époque où les mécaniciens avaient encore accès aux moteurs des automobiles et n’étaient pas comme aujourd’hui forcés d’entrer des codes informatiques dans des logiciels soumis à l’agrément chèrement acquis d’un constructeur. (Le numérique ferme autant qu’il ouvre.)
Car de fait ses représentants, à cette génération prétendument perdue : Ernest Hemingway, John Steinbeck, Dos Passos, F. Scott Fitzgerald, Ezra Pound, Sherwood Anderson, Waldo Peirce, Sylvia Beach, T.S. Eliot et Gertrude Stein, ont accédé à la reconnaissance et même à la notoriété post mortem.
 
La véritable génération perdue n’est-elle pas en train de se perdre en se fracassant contre les chasses gardées de la diffusion/distribution du livre, l’accès au marché, aux lecteurs ?
Quelle réelle audience, en effet, pour un auteur autoédité francophone en 2012 ?
Je veux entendre par “réelle audience” : un lectorat suffisant pour que l’auteur s’estime dignement et suffisamment payé en retour de son travail d’écriture (et de mise en forme, de promotion, etc., puisqu’il s’agit d’autoédition), et pas seulement payé en argent, mais aussi en reconnaissance et en notoriété, en accès aux médias, etc.
Combien d'auteurs restent inconnus, rejetés des éditeurs traditionnels, ou mal publiés et mal diffusés par des éditeurs indépendants (qui eux-mêmes se fracassent contre les chasses gardées de la diffusion/distribution du livre, l’accès au marché et aux médias), ou numériques (pure-players dont certains peuvent confondre promotion et spam, ou penser qu’être présent sur les sacro-saints réseaux sociaux solutionnerait tout comme par miracle), mais combien d'auteurs autoédités sont en vérité exploités par des prestataires de services malhonnêtes, ou tout simplement perdus dans le flux de leurs compagnons de mauvaise fortune, et où celui qui fait le plus de buzz n’est pas forcément le meilleur. Combien ?
 
Moi-même, face à cette situation déplorable, et bien que lisant généralement plusieurs livres par semaines : -1- je ne prends pratiquement jamais le risque de lire un auteur autoédité (même si je sais courir du coup le risque de passer à côté de véritables talents et de me limiter à une littérature de classiques ou formatée par la pensée dominante) ; -2- je ne conçois pas pour l’instant de m’autoéditer pour publier les textes que l’édition traditionnelle me refuse.
 
Et puis il y a la nature humaine…
 
L’intrusion d’outils numériques dans la chaîne de fabrication, de diffusion et de commercialisation des livres n’a pas que des avantages, loin de là ! Une face obscure se précise, de sa bouche ces mots sortent au grand jour : désappropriation, contrôle, profilage, restriction d’accès...
Il est incontestable, pour quiconque observe avec un peu d’attention et de suivi ces fameux “réseaux sociaux” qui feraient la pluie et le beau temps, que les tensions s’exacerbent entre les différents acteurs de l’interprofession du livre. Les auteurs notamment, exclus des accords commerciaux qui se partagent les revenus de leurs travaux, relégués, méprisés, commencent à gronder. Certains relancent le SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française). (Mais bien sûr les agents de l’ancien monde sont à l’œuvre et œuvrent assez efficacement pour maintenir l’expression des revendications sur le tapis de jeu et faire en sorte que la partie continue à se jouer avec les règles écrites par ceux qui au final gagneront.)
Cela dit, nous assistons à une désolidarisation que, pour ma part, je déplore.
 
Cependant que cet outillage invisible travaille à réguler notre liberté d’esprit de plus en plus hypothétique, la culture numérique rencontre elle une opposition féroce des empires économico-industriels du siècle passé et des nouveaux pouvoirs qui se structurent en cherchant à structurer le monde de demain. Mais elle inocule aussi dans la société de puissants antidotes.
Des notions essentielles à la vie en sociétés reviennent à la surface. Le rapport entre des droits légitimes de propriété et le libre accès aux biens communs. (Alors que ce 12 juin 2012 nous a quitté Elinor Ostrom, première femme à obtenir un Nobel d’économie en 2009 précisément pour ses travaux sur les biens communs. Lire le texte d’hommage de ce 14 juin d’Hervé Le Crosnier). La question aussi, particulièrement épineuse, de la juste rétribution du travail se pose, avec une acuité accrue et particulièrement dans les domaines artistiques et dans le cercle élargi des auteurs de l’écrit. 
 
Et puis il y a la nature humaine, lente à se dégrossir, à s’extirper de ses réflexes archaïques. Que voulons-nous en 2012 pour le livre ? Le beurre et l’argent du beurre et le sourire, voire plus si affinités, de la crémière !
Bien évidemment que nous sommes tous des gentils et que nous voulons que les auteurs soient dignement rémunérés et ce d’autant plus que nous avons certainement nous-mêmes plus ou moins la certitude d’en être, ou que nous devrions en être, de ces auteurs, mais quel prix sommes-nous prêts à payer un livre, quel différentiel nous semble juste entre sa version imprimée et sa version numérique, ne serait-il pas juste que les classiques de la littérature mondiale soient traduits dans toutes les langues et librement accessibles à tous au titre de patrimoine culturel universel de l’humanité ?

Je veux que ma bibliothèque m’appartienne, je refuse qu’un opérateur désincarné dans des algorithmes puisse me profiler à partir de mes lectures, m’en recommander certaines et me cacher l’existence de combien de livres qui m’apporteraient, dont la lecture seule m’enrichirait, tant pour me parfaire, que pour explorer et découvrir la variété des sentiments humains, m’exercer à développer et à fortifier ma liberté d’esprit, je ne veux pas que ces opérateurs non-humains aient accès à ma bibliothèque pour en effacer du contenu, mes livres ne sont pas que des contenus, des données, du data, pour plusieurs d’entre eux leur lecture et leurs relectures parfois ont fait dates pour le lecteur que je suis, je refuse d’être le pantin passif d’opérateurs numériques.
 
Mais je veux cependant que l’outil informatique me donne en permanence et pour presque rien accès à tous, j’écris bien tous, les livres que je souhaite lire ou seulement consulter, et ce dans l’instant, et avec des fonctionnalités fiables de recherches plein texte et de traductions notamment, et généralement je désire que tout cela soit gratuit, oui gratuit, tout en voulant, comme auteur, que mon travail me soit dignement rémunéré ! Faible nature humaine ! Pauvre de moi ! Dans un monde idéal cela serait peut-être possible. Je précise “peut-être” car rien ne prouve qu’un monde où cela serait effectivement possible, serait effectivement un monde idéal. La question se pose justement.
 
Un vrai humanisme numérique devrait je pense ré-enchanter notre monde désacralisé par la fausse communication et la consommation de masse. Il devrait refuser l’asservissement de l’homme par de nouvelles chaines (smartphones, iPad, Kindle, etc.).
Le livre, en tant que véhicule (sous sa forme actuelle) des valeurs humanistes depuis le premier siècle de notre ère, en tant qu’outil symbolique au service de l’élévation de l’homme, est aujourd’hui au cœur des enjeux.
Le livre est le lieu où se livre une bataille terrible, dont la rumeur commence à s’entendre à qui y prête l’oreille.
 
Selon comment se réalisera le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, le monde évoluera vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité, ou bien il repartira dans un cycle de tourments et de tourmentes.
 

samedi 16 juin 2012

Autres voies de lectures au CentQuatre

Poursuivant mes déambulations avec en tête toujours le devenir de la lecture (et plus accessoirement je l'avoue, des livres et de leur marché) alors que la culture numérique pourrait nous permettre d'accéder à un autre palier civilisationnel (et peut-être, souhaitons-le ardemment, éviter de justesse le mur et/ou le gouffre vers lequel la crise économico-financière nous jette), donc cela dit mes pas et ma curiosité m'ont mené aujourd'hui au Centquatre.
Qu'est-ce ? "Espace de programmation et de création, d’expériences et d’innovations, perméable aux vibrations du monde contemporain, le CENTQUATRE se doit d’être un véritable lieu de vie et de convivialité pour les artistes et les publics. Ouvert aux foisonnantes pratiques artistiques et culturelles d’aujourd’hui, ainsi qu’aux expressions spontanées, l'établissement accueille l’ensemble de ces propositions dans un vaste bâtiment composé de places publiques, d’ateliers de recherche et d’espaces de représentation."
Mon objectif premier était d'y suivre ce matin le Carrefour des Possibles "Création Innovation" organisé par la FING (association Fondation Internet Nouvelle Génération) et d'y participer cet après-midi à la performance de Lucile Haute [Conduit d'aération - Real Time Poetry Game] à laquelle a collaboré Karen Guillorel, qui est récemment intervenue sur mon incubateur MétaLectures (voir ici...).  
["Conduit d’Aération" est une implémentation du dispositif 'Real Time Poetry Game', réalisé dans le cadre d’un partenariat de l’EnsadLab/EN-ER (programme de recherche de l’Ecole nationale supérieure des Arts Décoratifs coordonné par François Garnier) avec la société Ubisoft. Le projet est soutenu par le Labex Art H2H et sera présenté le 16 juin au Centquatre, dans le cadre du Festival Futur en Seine 2012"].

Du public aux lecteurs ?


J'en suis ressorti plein d'idées et d'interrogations, titubant presque sans avoir bu d'alcool ;o)
De nombreuses réalisations en cours questionnent en effet, souvent sans le savoir, ce qu'est la lecture. C'est évident et volontaire pour un travail d'écriture, tel "Conduit d'aération", mais que penser de ce "dispositif transmédia responsable et citoyen" : La Koloc des productions Le vent  tourne, de La Borne, de "Les neuf cubes - logiciel d'écriture créative" proposé par les éditions Aux forges de Vulcain, le Collectif MxM (qui propose un dialogue entre les objets et les acteurs), ou bien de l'oeuvre "Bâtiment (re-création)" de Leandro Erlich, qui propose en fait une relecture des perspectives... ["Les créations de Leandro Erlich, quasi architecturales, jouent avec les miroirs, les doubles fonds et les effets de trompe-l’œil pour modifier les perceptions de la réalité et créer des espaces insolites. L’artiste argentin détourne ainsi les éléments banals du cadre urbain pour happer les passants et agir sur l’inconscient du public. La fascination pour l’infini qui naît de ses œuvres donne à celles-ci une dimension spectaculaire, tandis que les multiples possibilités de participation du spectateur les rendent ludiques. Il s’agit alors de véritables expériences collectives."].
Souvent le lien avec l'écriture et la lecture ne semble pas évident, mais je le ressens bien cependant, sous-jacent à ce qui couve dans la révolution numérique du livre et, au fond, qu'exprimera peut-être assez bien, voire plus, ou partiellement en tout cas, "l'Oeuf du savoir", création en cours d'installation de Bertrand Bossard et Damien Villiere. (cf. illustration).
 
En résumé donc :
- se trouvent remis en question les liens (et les possibles passerelles) entre théâtres, musées, et bibliothèques ;
- s'éclaire un chemin, un pont (une passerelle encore) entre auteurs et designers (forte présence des designers sur tous ces projets de... dispositifs narratifs en somme) ;
- se précisent des pistes pour faire de publics ou d'auditoires (voire de téléspectateurs) passifs, des lecteurs actifs...
Bien sûr tout cela demande à être approfondi, et ma réflexion plus claire et argumentée. Je sais...
 

vendredi 15 juin 2012

Introduction à la table ronde : Des entrepreneurs français écrivent l'édition du 21e siècle

Le 13 juin dernier j'ai eu le plaisir de co-organiser et animer une table ronde consacrée aux entrepreneurs français qui écrivent l'édition du 21e siècle, dans le cadre du Salon OnlIne 2012 (Parc des expositions, Paris).
Une réussite, avec une salle comble de 120 personnes intéressées et quatre intervenants (voir ci-après) intéressants et que nous remercions chaleureusement.
 

Ci-après ma présentation d'introduction
(N.B. je publierai ici même prochainement les présentations des intervenants)
  
"Le livre en 2012 c’est toujours des pages imprimées reliées entre elles.
Mais son avenir c’est bien ce point d’interrogation blanc sur fond noir."
"En prospective du livre il m’arrive de remonter le fil jusqu’à l’acquisition de la bipédie, qui rendit possible le langage articulé, qui se fixa un jour dans les écritures, qui fut lu, qui fut copié, imprimé, qui est aujourd’hui numérisé… Il est facile de remonter le fil dans le passé. Beaucoup moins facile de le suivre dans l’avenir.
Et il est difficile de démêler le sac à nœuds dans lequel est aujourd’hui prise l’interprofession du livre." 
"Cette image représente bien la situation actuelle : le marché dominant reste celui d’un média imprimé qui apparaît obsolète, tandis que de nouveaux dispositifs de lecture, de nouvelles interfaces proposent des offres forcément disruptives, qui remettent en cause l’écosystème et ses leaders." 
"De tous temps, cette image d’une invention de mon ancêtre Agostino Ramelli, mathématicien et ingénieur militaire italien du 16e siècle, le prouve, livres et technologies ont été liés. Cette “Roue à livres” est l’ancêtre de l’hypertexte.
Toujours l'innovation a été motrice dans l'humanité pour la mise au point des écritures et le perfectionnement des dispositifs de lecture."
"Aujourd’hui nous sommes dans la dernière ligne droite de la période des e-incunables, initiée par Michael Hart en juillet 1971 avec la numérisation d’un premier texte : l’e-Text #1.
Dans cette dernière ligne droite d’une dizaine d’années (à supposer que la période des e-incunables dure 51 ans comme celle des incunables, premiers ouvrages imprimés entre 1450 et 1501) nous faisons la course avec les quatre cavaliers de l’apocalypse : le Web, Google, Amazon et Apple, qui cherchent à prendre le contrôle du marché de l’édition numérique.
Mais l’apocalypse n’est pas une fin, c’est un dévoilement…"
"Alors que va révéler le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique ? L’utopie qui se dessine pour le livre au 21e siècle semble être celle d’un contenu multimédia découplé de tout support, disponible en permanence, quels que soient l’heure et le lieu et le dispositif d’affichage, dont l’aspect soit personnalisable, et sur lequel le lecteur puisse échanger avec sa communauté. Est-ce souhaitable ? Que se passe-t-il dans la tête des lecteurs ?" 
"Ce n’est pas le lieu ici ce matin pour répondre à ces questions.
Notre mission aujourd’hui est de prouver qu’il n’y a pas que des mastodontes américains pour bâtir l’édition du 21e siècle, mais qu’il existe aussi des entrepreneurs français qui innovent et que nous devrions davantage soutenir.
Il y aurait  plus de 200 millions de francophones. C’est un marché considérable.
Je vais laisser la parole à Sophie Deniel de BookBéo pour qu’elle nous présente son concept de livres hybrides. Puis à Jean-Yves Hepp de QOOQ, qui je l’espère explicitera pour nous son choix d’avoir relocalisé en France la production de sa tablette tactile multimédia. Jean-Charles Fitoussi de SmartNovel va lui nous présenter sa solution de lecture en streaming, lancée à l’occasion du récent Festival du premier roman. Et enfin, Stéphane Leduc des éditions Leduc S., développera son point de vue et sa stratégie d’éditeur de livres imprimés par rapport au numérique et à ses attentes vis-à-vis des nouveaux dispositifs de lecture lesquels, loin de là, n’ont pas que des avantages !"
 
Contenus et complémentarité des supports
  
Cette table ronde, s'inscrivant dans le cadre des 5e Rencontres Presseedition.fr de la création de contenu et de la diffusion multicanal dans la presse, l'édition et la communication, était suivie de deux autres animées par Daniel Dussausaye :  "Presse et communication : 2012, année de tous les écrans, année de toutes les opportunités", et, "Les outils de la communication et du cross-média".
La conclusion de Pierre Barki (PDG de Barki Agency) à cette dernière table ronde aurait finalement pu conclure également les deux précédentes, dont celle consacrée à l'édition.
A savoir (je reformule et synthétise) : les contenus priment sur les supports, et, versant supports justement, l'avenir immédiat, voire à moyen terme, est dans la complémentarité des papiers et des écrans.