lundi 29 avril 2019

BD Lecture et transmédia au service de la Paix

Le mixage d’expériences narratives pourrait-il nous aider à questionner le réel, réinterroger le passé, envisager nos possibles futurs, et, dans le présent, à développer notre liberté d’esprit ? 

C'est la question que je me suis posé en marge du projet Historyboards afin de lui manifester ainsi modestement mon soutien.

Mes réflexions, énigmatiquement titrées Les Mondes Dessinés peuvent se lire sur leur site et être ainsi l'occasion de découvrir cette belle initiative d'une "bande dessinée papier, numérique et [d'] un dispositif transmedia autour de la question de la résistance aux extrémismes" (De plomb et de sang), projet développé avec le soutien du programme Europe Creative, en coproduction avec Aix-Marseille Université, La Boate à Marseille, la Fondation du Camp des Milles, Apollonia éditions de Tunis, et la Scuola Italiana di comix à Naples.
 
" Historyboards est un projet de création transmédia destiné à délivrer un nouveau récit du radicalisme en Europe et faire réfléchir les jeunes sur les sociétés d’hier et d’aujourd’hui et la montée des intolérances de tout bord. Notre intention est de figurer, par la voie de la fiction, comment un jeune d’aujourd’hui interpréterait et mobiliserait sa culture, ses valeurs, ses réseaux et les technologies au service d’une vision pacifiée du monde. 
Ce projet est  soutenu par le programme Europe Créative qui accompagne les secteurs audiovisuel, culturel et créatif en Europe..."
Plus d'infos sur Historyboards... et sur Facebook...

vendredi 26 avril 2019

Appel à publication Monde et Fictions 1er Juin 2019


Rappel : la date limite pour la soumission des résumés à l'appel à publication lancé par la revue internationale en sciences humaines et sociales M@GM@ sur le thème : Fictions littéraires et mondes de substitution est le 1er juin 2019.

mardi 23 avril 2019

Réponse à Philippe BENICHOU

Le 30 octobre 2018 est mis en ligne sur le site web de la revue La Règle du Jeu mon texte intitulé : Fictionaliser la République des Lettres pour la rendre réelle
Mon propos y était de remarquer le fait que des mondes issus de fictions littéraires ont acquis un certain poids dans notre imaginaire collectif et que cette forme particulière de réalité pourrait leur conférer une certaine influence positive sur nos conduites dans le monde réel, notamment en œuvrant dans le sens de la mission de l’UNESCO : «Construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes».
Le 5 novembre un dénommé Philippe Bénichou, lequel m'est totalement inconnu et ne semble pas désireux de débattre, publie le commentaire suivant :



" Le monde n’a pas besoin de fuite dans l’imaginaire mais d’action politique. Pendant que vous nous invitez à nous retrouver dans « l’imaginaire » collectif, dans le réel c’est la bête qui rode. La République des Lettres est une histoire mémorable de notre civilisation (cf. Le livre de Fumaroli) mais elle doit aujourd’hui comporter un versant d’action politique. Non à la fiction. "
Les commentaires sont alors fermés et mon étonnement reste sans réponse. Mais, décidément, face à ces mots je ne peux me résoudre à me taire. Alors voici donc ma réponse à ce monsieur...

Ma réponse à Philippe Bénichou

Non, il ne s'agit pas là d'une fuite dans l'imaginaire, mais, d'un recours à la fiction comme laboratoire du monde où la posture, en apparence plus "adulte", plus engagée, militante, que vous semblez prôner laisse depuis des siècles prospérer l'immonde. 
Bien en deçà d'une quelconque tradition littéraire, notre humanité se fonde sur le rapport fictif de son imaginaire au monde et aux phénomènes immondes qui y surgissent avec une sordide fréquence.
Nier la part de l'imagination et de la fiction dans la construction de notre destin collectif c'est nous condamner à rester les alliés de nos fossoyeurs. 
Voilà.
 

mercredi 17 avril 2019

Regardeur Lecteur face au fameux petit mur jaune


Mon rapport au Grand Œuvre* de Marcel Proust n'est ni celui d'un universitaire ni celui d'un proustien. 
Deux de mes textes précédents en témoignent : Marcel Proust du chaman au fictionaute (dans le cadre du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros), et, La crainte de devenir proustien (publié chez Mondes Francophones).
Concernant le fameux petit mur jaune (en fait une toiture) dans le tableau Vue de Delft du peintre néerlandais Johannes Vermeer, et qui suscita un tel émoi chez Proust, chez son personnage de Bergotte, puis chez des générations de lectrices et de lecteurs, mon interprétation personnelle est la suivante :
 
- Dans son face à face avec le tableau et sa ressemblance avec la réalité du monde le regardeur se trouve exposé à un double mouvement concomitant : à la fois celui de la plongée de son regard vers l'entrée de la ville et le fond du tableau, la ligne d'horizon, et, celui suggéré par lequel des nuages avancent vers lui, viennent à lui. Dès lors il suffit que son oeil s'accroche à ce petit pan jaune pour, de fait, ne plus voir d'emblée que lui.

Ce petit bout de toiture jaune est comme une poignée de porte à laquelle on se raccroche, à la fois pour éviter de perdre l'équilibre et, en même temps, pour se retenir d'ouvrir la porte. Un facteur (un vecteur) métaleptique (?).
Dans le texte de Proust, le tableau imaginé dans son entier, le tableau lu, jouerait-il comme ce petit espace jaune joue, lui, sur le tableau réel, le tableau vu ?
 
* Terme généralement employé dans le contexte de l'alchimie.

dimanche 7 avril 2019

La Lecture plus loin que la Lecture

Lever l'encre, laisser flotter le texte cassé par la réfraction de son propre reflet sur la page : voilà l'agonie du réel à la surface de sa propre image.
 

vendredi 5 avril 2019

371 Bibliothécaires face au futur...

Les 200 bibliothécaires qui avaient laissé leur adresse mail parmi les 371 à avoir répondu en début d'année à la consultation LE FUTUR DES BIBLIOTHEQUES VU PAR LES BIBLIOTHECAIRES ont reçu aujourd'hui le document de synthèse présentant les principaux résultats, dégageant les principales perspectives, et posant aussi les premières questions essentielles qui émergent de cette enquête indépendante menée en janvier et février 2019.

Resultats de la consultation Le Futur des Bibliotheques vu par les Bibliothecaires...

Si vous aussi souhaitez recevoir ce document à votre tour, merci de prendre contact avec moi et de me communiquer une adresse mail à laquelle je pourrais vous l'adresser (gratuitement).

samedi 30 mars 2019

Quelles métaphores kinesthésiques pour la lecture ?

Le récit de pèlerinage, dans le sens d'une marche qui dans son contexte naturel initial portait son narrateur d'un endroit à un autre dans l'espace physique du monde, pourrait-il opérer dans son envers (en-vers) comme une métaphore kinesthésique, et ainsi trans-porter le lecteur dans le monde du texte ? 
  
D'emblée nous pouvons percevoir la lecture en elle-même comme un déplacement dans, sur, un espace (celui d'une feuille ou d'un écran). 
De fait, le regard de la lectrice ou du lecteur avance de syllabes en syllabes, de mots à mots, comme des pas, de lignes en lignes comme des sillons suivis, et, comme dans la nature, comme dans un environnement d'où un danger pourrait à tout instant surgir il saute constamment d'un point à un autre. Si nous pouvions nous-mêmes les scruter attentivement durant la lecture nous verrions que nos yeux sautent sans cesse sur la page d'un endroit à un autre (l'oculométrie en atteste bel et bien). 
D'après les travaux en imagerie cérébrale du neuroscientifique psychologue cognitiviste Stanislas Dehaene, les zones cérébrales sollicitées par la lecture d'un texte sont les mêmes que celles qui s'activent pour les chasseurs. 
Un parallèle serait aussi intéressant à faire ici avec les travaux de l'anthropologue Tim Ingold et notamment dans son essai Une brève histoire des lignes, et avec ceux relatifs aux pistes chantées des aborigènes australiens (lire par exemple Le chant des pistes, de Bruce Chatwin, Grasset éd. 1988).
 
Quoi qu'il en soit, il s'avèrerait bien que marcher et lire seraient des activités jumelles. Et ce faisant, lectrices et lecteurs progressent dans leurs lectures, ils avancent, et, à chaque page tournée, ils s'enfoncent dans l'épaisseur du volume lu. 

Exemplarité du Livre
 
A ce stade de notre réflexion nous pouvons nous demander en quoi une disparition des exemplaires, car, avec le numérique, ce ne sont pas fondamentalement les livres qui risquent de disparaitre (ils changent en apparence simplement de formes, le texte migre vers d'autres supports de lecture), mais, les exemplaires, en quoi leur disparition nous obligerait-elle à passer un nouveau cap dans le rapport de notre espèce au langage.
Cette disparition des exemplaires ne risquerait-elle pas d'entrainer la disparition d'une certaine exemplarité, c'est-à-dire de valeurs expérientielles qui seraient liées à la matérialité des livres imprimés et que les exemplaires, eux, renfermaient ? C'est une question.
 
Nous pouvons, raisonnablement je pense, postuler l'existence d'une instance du Livre dans l’inconscient, comme l'explicite le psychanalyste, psychiatre et écrivain Gérard Haddad. 
Une présence insistante du livre en nous du simple fait de notre appartenance à la famille de primates des hominidés.  
"Tout groupe humain, de quelque nature que ce soit, se fonde sur un texte, sur un livre. [...] Il est évidemment facile de soulever le problème des peuples primitifs ignorant l’écriture. En vérité, ces peuples possèdent aussi un Livre, sous la forme d’un corpus de mythes qui fonde chacun de ces groupes ethniques. [...] Quelle est donc, à partir de ces observations, la fonction essentielle du Livre ? C’est d’être l’opérateur qui effectue la fameuse coupure entre nature et culture, entre règne animal et humanité. Le Livre joue le rôle de ce que l’on appelle en psychanalyse la fonction du père symbolique, le transmetteur de la Loi qui nous fait humains. Le Livre incarne ce mystère d’animaux primates devenant humains..." (texte complet ici dans la revue Silène).

Marcher dans un texte...
 
Quelles lectures alors seraient les plus favorables à cette recherche d'une métaphore kinesthésique pour nous aider à conscientiser la part de nous qui se retrouverait comme embarquée dans les textes que nous lisons ? 
A chacune, à chacun, de trouver les siennes. 
D'après mon expérience personnelle de lecteur je recommanderais, par exemple, Le chemin des nuages blancs du Lama Anagarika Govinda
Mais l'exercice le plus abordable me semble être ce long poème de Charles Péguy : Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres.
Je vous en conseillerais une lecture lente et à voix basse.
La succession des quatrains, le rythme des alexandrins avec effet de rimes croisées, induisent une cadence et font de ce texte un véritable itinéraire lyrique de Paris à la Cathédrale de Chartres. 

 [...]

Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale.
De loin en loin surnage un chapelet de meules,
Rondes comme des tours, opulentes et seules
Comme un rang de châteaux sur la barque amirale. 

[...]

Vous nous voyez marcher sur cette route droite,
Tout poudreux, tout crottés, la pluie entre les dents.
Sur ce large éventail ouvert à tous les vents
La route nationale est notre porte étroite.

Nous allons devant nous, les mains le long des poches,
Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours,
D’un pas toujours égal, sans hâte ni recours,
Des champs les plus présents vers les champs les plus proches.

Vous nous voyez marcher, nous sommes la piétaille.
[...]

Le travelling de la lecture
 
J'ai l'impression, certes très subjective, que lorsque nous disons "d'hier à demain", l'on s'imagine hier à gauche et demain à droite. 
Cette sorte de sensation intérieure serait-elle liée au sens de notre écriture ? 
L'instance du livre dans notre inconscient serait-elle ici en jeu ?
Je me rappelle d'un documentaire dans lequel Agnès Varda disait que l'effet intérieur ressenti par les spectatrices et spectateurs à la projection de son film Sans toit ni loi, venait du fait que ses nombreux travellings se déroulaient de droite à gauche, c'est-à-dire dans le sens inverse de celui dans lequel nous sommes habitués à lire dans notre monde occidental. 
Et qu'est-ce lire, sinon aussi procéder à un long travelling transversal à la surface des pages, et ce au fil de notre avancée progressive dans l'épaisseur du volume?
Et ne serait-ce pas un mouvement de l'âme, généré par ce déplacement imaginaire, qui engendrerait notre sentiment d'immersion dans l'histoire lue ?
En prendre conscience pourrait-il contribuer à la conscientisation et à l'autonomisation de la part subjective de soi que lectrices et lecteurs projettent spontanément dans leurs lectures de fictions littéraires ? 
Qu'en pensez-vous ?