vendredi 16 octobre 2009

Après l’hyperlivre un antilivre

Après Le sens des choses, se présentant comme le premier hyperlivre, signé Jacques Attali (avec la collaboration de Stéphanie Bonvicini) chez Robert Laffont, et dont il est certainement plus intéressant de considérer la campagne marketing que de s‘attarder à ses aspects “hyperlivresques”, lesquels ne présentent au fond rien de vraiment innovant et ont reçu un accueil plus que réservé sur les réseaux littéraires du Web, voici donc maintenant ce que je me permettrais de qualifier d’antilivre, sous la plume de Jean-Claude Carrière et Umberto Eco, chez Grasset : N’espérez pas vous débarrasser des livres.
Présenté sous la forme d’entretiens avec le journaliste Jean-Philippe de Tonnac et mené tambour battant avec esprit par les deux compères, l’ouvrage s’attache en fait, en puisant dans l’histoire du livre, à faire accroire aux lecteurs que le livre imprimé serait indépassable.
Quelques-uns y trouveront certainement leurs comptes, et notamment les industriels et les financiers qui ont intérêt à vendre du papier.
Nonobstant, de telles stratégies éditoriales de la part de maisons et d’auteurs reconnus sont, à mon sens, particulièrement perverses au moment où l’interprofession du livre se trouve confrontée à de profondes mutations, et où tous, professionnels du livre comme lectrices et lecteurs, ont besoin d’un accompagnement sur les processus en cours à tous les niveaux de la chaîne du livre.
Chercher à insinuer dans “l'esprit du grand public” (entre guillemets) que ceux qui travaillent aujourd'hui au futur du livre, à son avenir, voudraient en fait se débarrasser des livres, est ignoble.
Comment l’auteur de Lector in fabula, peut-il ne plus croire à l’évolution du livre, alors qu’elle se fonde sur une évolution des pratiques de lecture ? Mystère !
Comment les éditions Albin Michel, éditeur historique de L’apparition du livre, peuvent-elles traiter avec mépris ma proposition d’une suite baptisée L’évolution du livre, et dont l’ambition est d’explorer et d’éclairer les pistes nouvelles qui s’ouvrent à nous depuis que le livre a entrepris sa mutation numérique. Mystère !
Dans cet essai, en recontextualisant les bouleversements et les mutations que le monde du livre et de l’édition traverse actuellement avec le numérique, et en les inscrivant dans une perspective historique (références à l’ouvrage de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, L’apparition du livre), je voulais faire apparaître clairement, qu’au-delà des crises et des ruptures apparentes, c’est, bel et bien, l’histoire du livre qui se poursuit en ce début de 21e siècle. Il s’agissait de réfléchir les mutations du livre et de son marché, de l'édition et de son statut, mais aussi de la lecture et de ses usages, dans une perspective, à la fois, historique, mais également, dynamique, en un mot : prospectiviste.
Je pense que la question essentielle est aujourd’hui : Où va la civilisation du livre ?
Mais apparemment, pour entretenir vaille que vaille l’économie papier d’une édition du 20e siècle, il ne serait pas essentiel d’y répondre :-(
Qui vivra verra…

8 commentaires:

  1. En tant que prospectiviste, tu ne dois pas écarter cette idée là! :))
    Tu as lu le livre dans son intégralité?

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  2. tu m'emmerdes ;-) avec tes "pratiques de lectures",(j'ai passé une nuit aux urgences d'où ma véhémence)il existe des pratique d'écritures aussi, avant celles de la lecture. Ce sont elles qui vont connaître une profonde mutation et faire évoluer le livre et le lectorat. La lecture est servile technologiquement, mais pas socialement je te l'accorde.
    Je suis sûr que je vais regretter ce commentaire. Pardon.

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  3. Quelle idée ? Celle de la disparition du livre ? Fi donc ! cela fait longtemps que je suis clair sur cette question il me semble pour celles et ceux justement qui n'écartent pas eux mon travail et ne considèrent pas d'emblée que j'espère me débarrasser des livres, pour reprendre le titre du livre en question :-(
    Je n'ai jamais prophétisé la disparition du livre que diable !
    Sinon, pour te répondre, honnêtement, je n'ai pas lu ce livre édité par Grasset dans son intégralité. Je l'ai longuement feuilleté et les entretiens multiples accordés aux médias, notamment par Umberto Eco, en disent assez long sur le point de vue qui doit s'y exprimer.
    Il y a très certainement des choses intéressantes dans ce qu'ils écrivent. Je le sais très bien et ne mets pas cela en doute. Comment pourrait-il en être autrement avec le vrai talent qu'ont incontestablement ces deux auteurs ?
    Ce qui me choque -et c'est pourquoi je ne limite pas mon billet à ce seul cas- c'est la stratégie insidieuse à l'oeuvre sous l'influence, au moins indirecte, de certains groupes de pression liés aux industries graphiques, cet esprit conservateur rampant derrière les différents cas que mon billet évoque.
    Certains aiment tellement mieux et plus les livres que moi qu'ils sont prêts à le sacrifier et à sacrifier son avenir sur l'autel de majors anglo-saxonnes simplement pour préserver leurs dividendes !
    Relis mon billet, ce n'est pas le contenu du livre que j'attaque ;-)
    Amicalement,
    Lorenzo

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  4. @ MAF : merci de rester poli s'il te plait ;-) Pour le reste tu n'as pas tort, seulement, avec ton engagement d'auteur avec tes guides hypermédias tu abordes les questions par le versant écriture, tandis que moi, écoutant davantage ma sensibilité de lecteur, je les envisage versant lecture.
    Que les pratiques d'écriture vont connaître une mutation qui fera évoluer livres et lecture, est sans doute exact. Même si les signes avant coureurs n'en sont pas encore clairement percepibles dans le tohu-bohu actuel.
    (P.S. Bon courage sinon pour les problèmes que tu sembles avoir :-)

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  5. Merci de ta compréhension. Justement n'est-ce pas ce versant écriture que personne n'aborde avec curiosité qui plairait au lecteur. L'écriture WEB que l'on retrouvera sur les supports via les journaux par exemple (je pense au NYT) sont des signes fichtrement intéressants à étudier dont les auteurs devront tenir compte. Il y forcément d'autres pistes qui sont explorées que les miennes notamment aux US. Je pense que ta sensilité est au moins égale à ton intelligence, laisse peut-être la première de côté.

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  6. @ MAF : Oui... c'est certain en tout cas que je serai de plus en plus attentif aux signaux que je pourrais percevoir de ce côté là.
    Je repensais en dinant à notre petit échange, et moi qui, à tort ou à raison, appuie ma réflexion de prospectiviste sur l'histoire, je me disais que je n'avais encore vu de livres traitant de l'histoire de l'écriture (je veux dire qu'il y a des livres sur l'histoire des évolutions graphiques de l'écriture, ou bien sur les genres littéraires, mais apparemment pas sur l'écriture comme influençant l'édition et la lecture ? Alors que des histoires de la lecture bah y en a ;-) Si des lecteurs de ce blog ont des pistes ? je les suivrais volontiers ;-)

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  7. C'est une piste qui sonne bien à mes oreilles,j'y réfléchi mais ça na peut-être jamais été écrit.

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  8. @ Lorenzo

    "il ne serait pas essentiel d’y répondre :-("

    Bonjour Lorenzo ! Eh bien je viens d'apporter une modeste contribution à ce post que je découvre APRES avoir publié ici http://bit.ly/1HxIv8 mon sentiment sur la chose.

    Je suis, tu le sais, très sensible, comme nous tous à l'avenir du livre, qu'il soit papier, octects, peu importe : seul lire importe.

    Cependant, comme cité entre guillement en intro à mon commentaire (et c'est là que nos réactions se synchronisent) les éditeurs jouent à un jeu pervers. Il n'est qu'à analyser ce qui se trame aux US et la guerre "atomisante" qu'a engagé Amazon/Wal-Mart hier.

    Parce qu'il est bien question dans le papier du NYT du livre papier.

    Bon, à ce rythme là, restera plus que l'auteur à récupérer quelques pépettes parce qu'il faudra toujours un AUTEUR pour propager des idées, raconter une histoire, ...

    Et c'est certainement ce à quoi s'ingénient à faire nos éditeurs et libraires, dans la tradition japonaise, c'est SEPUKU : disparaître avec tous les honneurs... A vaincre sans péril....

    A suivre... sans aucun doute ???
    jean-lou bourgeon (avec le soleil de la Bretagne inclus...)

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