
Ce post est donc le 17/52.
Cette semaine j’ai été insulté à mots couverts, mais vraiment
insulté malgré tout (vous allez voir, et puis profitez bien de ce 17e opus car
je ne sais pas s‘il y en aura un 18e !), insulté donc par un éditeur (un
directeur de collection en fait, à la place de l’éditeur d’ailleurs je
m’interrogerais sur l’image que véhicule de ma maison un tel monsieur donneur
de leçon !), insulté donc pour avoir osé prétendre à un à-valoir d’un
montant équivalent à ceux que j’ai pu percevoir au début des années 2000, et ce
s’agissant d’un essai de vulgarisation grand public sur les mutations du livre
et de la lecture, c’est-à-dire d’un sujet complexe, en pleine évolution et sur
lequel on ne pourrait en aucun cas prétendre qu’il s’agirait simplement et stupidement,
pour reprendre les termes de ce monsieur : “d’accumuler et de trier des
matériaux”.
Un baromètre trop optimiste
Il est vrai que pour ce monsieur un tel ouvrage doit pouvoir
s’écrire en deux semaines « à raison
de 4 ou 5 heures par jours ». Il me suffirait en somme de suivre ses
conseils : de me lever tous les matins, sept jours sur sept à cinq heures,
d’écrire jusqu’à neuf heures, « ainsi
il s'agit d'écrire 5 pages par jour ce qui n'est pas la mer à boire »
me dit ce brave homme, puis après… : « d’aller au boulot pour gagner [ma] croute ».
Le
travail d’analyse et de réflexion n’a aucune valeur pour ce monsieur. Il s’agit
juste d’épicerie, de fournir rapidement un produit juste bon pour des lecteurs
a priori considérés comme des cochons de consommateurs-acheteurs de livres. Et
le voilà donc d’inciter l’auteur à se servir ensuite de ce livre forcément mal
torché pour, je cite : « construire
du chiffre d'affaire en conférences, séminaires, consultances, etc. ».
Mais l’auteur ne doit surtout pas s’attendre à gagner de l’argent avec son
travail « qui est un investissement ».
Que je veuille prendre le temps d’un travail de qualité et que
je veuille juste survivre modestement pendant ce temps et la conclusion de ce
monsieur est alors simple : je suis chercheur et consultant indépendant,
donc je suis sans emploi et donc je cherche à escroquer un pauvre et brave
éditeur de quelques mois de salaires. CQFD. Pauvre abruti va ! (Je note au
passage les références au sacro-saint salariat. On n’aime pas le marronnage
surtout quand il porte un nom pas très français comme Soccavo !).
La réaction, les propos et les allusions méprisantes de ce
monsieur, qui n’a apparemment aucune idée des dispositions légales d’un contrat
d’édition (alors qu’il s’agit d’un petit groupe éditorial et d’une maison
fondée dans les années 1920), mais aussi des témoignages et des confidences que
je recueille depuis des années, les échanges au sein du Collectif Le droit du serf sur Facebook,
m’enlèvent toute illusion : le Baromètre des relations auteurs/éditeurs de la Scam (Société civile des auteurs multimédia)
est bien trop optimiste. Il ne reflète pas la réalité. Il ne prend en compte
que les déclarations d’un nombre relativement peu élevé d’auteurs et, surtout,
ne considère pas les relations en amont de la signature du contrat d’édition :
les rebuffades et les humiliations que les auteurs doivent subir ne sont pas
prises en considération, seuls les aspects financiers contractuels sont
raisonnablement pris en compte.
Cling ding bing bing…
(C’est le bruit des petits sous !)
Mais je vous le dis moi : en vérité il n’y a pas de
respect au cœur de l’interprofession, et c’est grave.
Deux autres points aussi :
- Avec
la bascule d’une partie au moins du marché du livre de l’édition imprimée à
l’édition numérique il va y avoir une période de flottement et de
dérégularisation propice à toutes les dérives : mon imagination est
peut-être ici prise en défaut mais je ne vois que l’instauration d’agents
littéraires pour éviter… pour éviter quoi en somme ?
- Il
faudrait également que les sociétés de gestion de droits et les organisations
censées représenter et défendre les droits des auteurs soient moins
complaisantes vis-à-vis de ceux qui font tourner les manèges de l’édition.
(La relève est peut-être du côté de collectifs plus
informels comme Le droit du serf ?)
Pourquoi me laisserais-je insulter par un directeur
de collection ?
J’en appelle à la dignité des auteurs ! Ne vous laissez
pas mépriser ! Restez dignes ! Ne soyez pas prêt(e)s à tout pour être
publié ! Refusez que votre travail soit votre unique rémunération !
Dans mon dernier mail, celui où je réponds aux propos que
j’ai sommairement rapportés ici, je remets ce monsieur à sa place, à savoir une
place à laquelle je ne veux pas être : « En conséquence de quoi je refuse catégoriquement de publier cet ouvrage
dans votre collection et ce quelles que soient les conditions que vous pourriez
maintenant me proposer. Je regrette vivement de m’être adressé à votre maison
et vous assure que je m’en préserverai bien à l’avenir, tant comme auteur que
comme lecteur.
Dans ces conditions je
préfèrerais également que nous en restions là. Je ne vois pas l’utilité de nous
faire perdre réciproquement notre temps et d’échanger ensemble des propos
discourtois. »
C’est moi qui refuse d’être édité dans une telle maison et
pas leurs gens qui refusent de m’éditer. Vous comprenez ?
A partir du moment où je demandais un à-valoir j’étais un
voleur ! En discuter entre personnes honnêtes ? Négocier le montant ?
Chercher un commun accord ? Que nenni ! Mon outrecuidance à oser
refuser les : « huit cents
euros mais pas plus ! » m’a déjà valu un camouflet par mail (on
n’arrête pas le progrès décidément !).
Ces gens-là font la couche d’Amazon.
En ne pensant qu’à se faire du fric, ces gens là commencent
à se faire du fric sur le dos des auteurs, avant de s’en faire sur celui des
libraires et des lecteurs.
« Faut vous dire
Monsieur / Que chez ces gens-là / On ne cause pas Monsieur / On ne cause pas on
compte ! » (Jacques Brel, 1966).