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samedi 17 mai 2014

Edition numérique francophone indépendante : un soufflé qui retombe ?


J'ai actualisé une nouvelle fois la liste des éditeurs numériques francophones.
Une trentaine en avril 2011, cent soixante référencés à ce jour de mai 2014 et, ce que je constate à mon niveau : un fort ralentissement dans le nombre de nouveaux entrants.
 

Au moins quatre causes à cela :
  
- Le peu d'aide au lancement et au développement de telles structures innovantes dans un secteur culturel dont la préoccupation principale est de prolonger le présent le plus longtemps possible...
- Des nouveaux dispositifs de lecture mal conçus en termes de pensée design et d'ergonomie...
- La puissance commerciale et financière léonine des industries culturelles qui accaparent et orientent le marché grand public à leur bénéfice et au détriment des acteurs indépendants...
- Le recours massif des auteurs putatifs à des prestataires de services et le développement du nombre d'auteurs-éditeurs qui ne recourent plus à l'édition qu'elle soit imprimée ou numérique...
Il faut y ajouter au moins je pense la somme des incertitudes actuelles sur ce qui sortira à terme comme nouvelle(s) forme(s) de narration du creuset des nouveaux dispositifs et des nouvelles pratiques de lecture.
L'avenir s'annonce donc passionnant !

samedi 20 avril 2013

Automatiser la production d'ebooks pour sortir de la période des e-incunables ?

Alors que j'ai actualisé hier ma liste de 127 professionnels francophones de l'édition numérique (à consulter en suivant ce lien...) je repense au keynote d'Archicol auquel j'avais assisté la veille au soir dans le cadre du Labo de l'Edition de la Ville de Paris.
Archicol est une start-up développant des solutions logicielles commerciales automatisées à destination de l'édition numérique.
Ses deux principaux services sont : Lines2ePub, pour la réalisation de fichiers ePubs cross-platerformes à partir de fichiers sources XML, et, Paper2ePub pour la réalisation de fichiers ePubs cross-plateformes à partir de fichiers sources PDF ou de documents imprimés.
Pour ma part je retiendrais surtout l'effort exprimé par leur solution baptisée A2F (Archicol Fix Flux) pour intégrer dans un standard ePub des mises en pages originales ou complexes de type multicolonnes, avec, par exemple, de nombreux encarts ou graphiques… A2F permet aux lecteurs de passer en un clic d’un mode "feuilletage" de la mise en page imprimée initiale, à un mode de "lecture écran", mieux adapté aux nouveaux dispositifs de lecture (illustration ci-dessous).
   
Photo presse Archicol
  
L'on voit bien, dans le passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, le besoin de préserver la lisibilité en reprenant ou en adaptant les codes typographiques. 
Pour information, Archicol a été créé et est animé par Serge Morisseau et Emilie Barreau (deux anciens d'Edilivre et d'i-Kiosque) et par David Dauvergne (ancien de La poule ou l'oeuf, logiciel libre d'édition numérique à partir d'une application web). Des professionnels au départ étrangers par leurs formations au monde du livre.
L'augmentation du nombre de start-up dans l'édition doit nous interroger.
 
Dans un post récent sur son blog, Frédéric Kaplan, qui occupe la chaire de Digital humanities et dirige le DHLAB (Digital Humanities Lab) à l'EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) montre les origines médiévales de l'hyperlien, des pointeurs et des smileys (à lire en suivant ce lien...).
Je prépare moi-même une démonstration inédite dans les semaines à venir sur mon incubateur web 3D immersive dédié à l'exploration de nouvelles formes de médiations autour du livre et de la lecture (MétaLectures) qui mettra elle  aussi en évidence le lien de continuité dans l'histoire du livre.
De telles réflexions peuvent nous permettre je pense de remettre en perspective les véritables enjeux et de questionner les pratiques de lecture afin d'utiliser au mieux les outils logiciels qui peuvent être mis à notre disposition par une nouvelle génération d'entreprises à l'image d'Archicol.
 

vendredi 9 novembre 2012

Le livre au coeur du colloque du 08 novembre !

Pas de surprise en somme, une confirmation plutôt : le livre, même s'il ne représente pas et loin s'en faut la plus grosse part de marché pour l'industrie papetière, le livre reste symboliquement porteur de valeurs culturelles et humanistes puissantes.
Aussi fut-il beaucoup question du livre et de livres à ce deuxième colloque de
Culture Papier, baptisé : "Cultures papier, cultures d'avenir", et auquel j'ai eu le plaisir d'assister hier 08 novembre 2012.
 
Les actes seront prochainement accessibles et il ne m'appartient pas, ni de faire une synthèse des trois tables rondes ("Papier et numérique : quelles nouvelles complémentarités ?", "Les jeunes et la culture papier : réalités et perspectives", "Le papier support d'avenir : quelles évolutions de la fabrication au recyclage ?") , ni de jouer ici au journaliste bénévole.
Mais il est certain que c'est là qu'il fallait être le matin du 08 novembre.
 
Cinq points auxquels je pense...
 
Notre attention devrait se porter je pense sur ces trois axes de développement que j'indique ci-après :
- 1 - Le développement d'encres "intelligentes" (entre autres des encres électroconductives réagissant au toucher comme des écrans tactiles capacitifs...).
- 2 - La reconsidération du papier, non plus comme un simple support d'affichage statique, mais, comme une interface connectable évolutive (voir les évolutions du e-paper (papiel), les possibles complémentarités papier/écrans (QR Codes, Touchcode, réalité augmentée, reconnaissance d'objets...), la fonctionnalisation des fibres cellulosiques de pâtes à papier, permettant par exemple l'adjonction de capteurs d'interactivité...).
- 3 - Le développement de l'impression à la demande, véritable opportunité de rebond et possibilité de convergence des marchés du numérique et de l'imprimé.
Ces trois points en sous-entendent un quatrième, primordial :
- 4 - Le développement d'une politique volontariste et éclairée de R&D, avec une veille stratégique (dont sur l'évolution des usages) et technologique, et cette dernière, pas seulement sur le poste des supports, mais, également, sur celui du stockage (voir, par exemple, les recherches d'Hitachi et de l'université de Tokyo sur le quartz, ou celles de la Harvard Medical School sur de l'ADN de synthèse...).
Un cinquième point découle naturellement de tout cela je pense :
- 5 - Le développement de think-tanks (laboratoires d'idées) gigognes, sectoriels et transversaux par filières, visibles et identifiables par tous les acteurs.
 
Tous les espoirs sont permis !
 
Guillaume Decitre (PDG du Groupe Decitre) a clairement parlé de : "Deux mondes parallèles", ceux qu'un autre intervenant avait appelés auparavant : "le monde de l'écrit et le monde de l'écran" ; celui de l'imprimé et celui du numérique en somme. Dans pratiquement toutes les interventions ce clivage revenait.
Ces deux mondes, certes, ont une certaine existence, voire une existence certaine. La question pour moi est, selon les contextes, de déterminer s'ils sont en "apposition" ou en opposition. Je ne pense qu'ils puissent à terme rester, soit parallèles, soit en conflit. Un troisième terme, un trait d'union, devrait se dessiner des contingences économiques et des réflexes corporatistes. Nous pouvons en discerner de premiers signaux, faibles encore, qui peuvent nous renseigner sur l'évolution du degré de perméabilité de ces deux mondes et sur leurs capacités d'assimilation et d'accommodation. Tous les espoirs sont permis.
 
D’un côté, l’avenir du livre ne peut pas être son passé, mais, d’un autre côté, nous avons besoin de cette mémoire du livre pour construire son avenir.
 
La période d'e-incunables, que nous découvrons en la traversant, n'est sans doute à l'échelle de l'évolution humaine qu'un épiphénomène : fondamentalement, papiers ou écrans, il s'agit de l'inscription de la langue dans le monde, dans l'espèce, il s'agit d'incarnations de la parole mise en scène.
C'est certes là prendre de la hauteur.
Mais peut-on vraiment prendre trop de hauteur ?
Un point de vue plus ambitieux et plus humaniste à la fois, s'inscrivant au-delà de l'économie conjoncturelle, dans la perspective du développement de la société, puis de l'humanité en général, nous ferait gagner à tous beaucoup de temps ;-)
 

dimanche 9 septembre 2012

Semaine 36/52 : “Appel des 451”, mais combien sont-ils à freiner dans le virage ?

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 36/52.
 
Cette semaine a été lancé dans le journal Le Monde : l’Appel des 451. Cet appel est révélateur du climat de tension qui règne maintenant sur tout l’écosystème du livre et de l’approche de la grande catastrophe, le jour où des acteurs comme Amazon, Google ou Apple en prendraient le contrôle (j’emploie encore le conditionnel).
Dans ce sens, cet appel et ses signataires méritent le respect.
Cet appel s’inscrit dans un mouvement de fond bien plus vaste et véhicule des idées qui s’expriment dans la rue, que j’entends régulièrement de la bouche d’auteurs, de lecteurs, de bibliothécaires ou d’enseignants qui n’ont pas accès aux médias comme tribune et qui ne cherchent pas significativement à s’exprimer sur cette question sur le web.
 
Un néo-luddisme qui ne dit pas son nom !
 
 
Umberto Eco, Jean-Claude Carrière, Erik Orsenna, Frédéric Beigbeder, Jonathan Franzen, pour les écrivains, Jean-Marc Roberts, pour les éditeurs, tous, entre autres, se sont déjà distingués par des prises de positions similaires et parfois plus violentes encore. Il y a à peine quelques mois les propos excessifs de Yann Moix dans la revue de Bernard-Henri Lévy, La Règle du jeu, y ont eu davantage d’écho que les réponses constructives que j’avais voulu y apporter à Sophie Dubec et Raphaël Denys (Vers une mort programmée du livre ?) dans un entretien qui trouva lui un écho au-delà les Pyrénées, dans la revue madrilène Trama y texturas.
 
Si nous jouons leur jeu primitif de nous regrouper en deux camps opposés, pour grogner des injures et nous jeter des pierres, qu’aurions-nous alors dans cette répartition fratricide des camps en présence ?
Dun côté, ce groupe des 451, donc (en référence à Fahrenheit 451 de Bradbury, mais combien sont-ils en réalité ?). Aussi le Collectif livres de papier, issu de la mouvance libertaire néo-luddite (je remarque d’ailleurs un de leurs sympathisants dans les signataires de cet Appel, Dominique Mazuet de la librairie parisienne Tropiques et auteur du récent : Correspondance avec la classe dirigeante sur la destruction du livre et de ses métiers, aux éditions Delga).
En 2008, la création par l’éditeur Philippe Zawieja de l’APE, Association des professionnels de l’édition, était aussi dans cette veine, avant de trouver un second souffle avec quelques jeunes professionnels qui ont bien compris que l’avenir de leurs métiers n’était pas dans le passé.
Nous avons également l'Association Culture papier, créée en janvier 2010 et présidée par Laurent de Gaulle, structurée et agissant en véritable groupe de pression fédérant plusieurs dizaines d’associations professionnelles de l’industrie graphique.
De l’autre côté, sur le web et les réseaux sociaux, les adeptes de l’édition numérique, qui se lisent surtout entre eux, ont vite fait de crier à la ringardise et de stigmatiser les défenseurs du papier comme de vieux conservateurs réactionnaires, et, eux aussi, comme des adversaires. Leurs commentateurs ne les suivent pas toujours et cela devrait les questionner davantage je pense.
 
Toutes ces agitations, d’un côté comme de l’autre, participent d’une fabrication de l’ennemi, et recouvrent en fait l’immobilisme et l’impuissance d’une interprofession, d’une chaine livre du livre qui n’a jamais véritablement existé comme solidaire, tant les corporatismes ont toujours prévalu en son sein.
Opposer, même implicitement, littérature et outils informatiques, opposer lecture et nouveaux dispositifs de lecture est vain et puéril. Car le point sensible, l’enjeu, n’est pas dans la relégation matérielle d’objets au profit d’autres objets, mais, au niveau de la perte ou du gain de valeurs qui peut s’opérer dans la substitution.
 
Nous ne devrions ni geindre ni nous opposer les uns aux autres, mais aller de l’avant et innover : travailler ensemble à l’avenir du livre  sous toutes ses formes, et de la lecture  dans toutes ses pratiques, pour assurer à la société du 21e siècle des outils, non d’asservissement collectif, mais de libération individuelle.
 
Freiner dans le virage, comme le fait la France, est le meilleur moyen pour se retrouver dans le fossé.
Sans avoir pour autant raison, ces personnes des 451 n’ont pas tort au fond dans leurs constats. La scandaleuse précarisation des professionnels du livre, l’évanouissement de la culture dans la distraction, je les sens au quotidien peser sur moi. Mais elles ont, je crains, un train de retard.
En 2012 leur appel résonne comme un cri de détresse. Le spectre qu’il dresse devant nous se matérialise comme l’ectoplasme d’une résurgence luddite qui n’ose pas dire son nom, ni s’exprimer comme telle pour dialoguer avec nous.
 
Il faut répondre à cet Appel !
 
Dans le numéro 170 de la revue des éditions Gallimard, Le débat, Pierre Assouline dresse avec son article : La métamorphose du lecteur, un panorama qui m’apparaît assez juste. « N’ayez pas peur ! Voilà le message que l’on voudrait faire passer à tous ceux que l’empire d’Internet sur le livre effraie », écrit-il, avant d’ajouter quelques pages plus loin : « Le plus grand effort exigé des sceptiques, réticents et récalcitrants est une révolution intérieure, un changement de paradigme qui remette en question un héritage vieux de plusieurs siècles : il ne s’agit de rien de moins que de leur apprendre à dissocier le livre du texte qu’il contient, les organes de la peau. Alors seulement ils pourront envisager que le nouveau support n’assassine pas le message ni la lecture, et que la diffusion de la littérature, des idées et de la culture a tout à gagner à ce second souffle. ».
Mais parce qu’externaliser certaines de ses fonction mentales à des algorithmes demande en effet de dépasser sa peur, et parce que, si nous avons “tout à gagner” il n’est pas dit pour autant que nous gagnerons effectivement, pour ces raisons j’ai presque été tenté de signer cet Appel des 451. Je l’ai été.
Il faut en tous cas répondre à cet appel. Que répondent le SNE (Syndicat national de l’édition), la SGDL (Société des gens de lettres de France), le SLF (Syndicat de la librairie française) ? Le ministère de la culture ? Qu’ont-ils à répondre ?
Des réponses ont déjà été faites certes, dont certaines pertinentes, mais dans une logique de confrontation. Elles tournent sur le web et elles n’auront probablement pas, comme cet Appel, les honneurs ni du Monde ni de Livres Hebdo. Cela est symptomatique. Elles réagissent “en ligne” d’un sursaut épidermique aux critiques et refusent la discussion, le débat. Cela aussi est symptomatique.
 
Car, oui, il y a danger. Les industries qui veulent structurer et monopoliser au profit de leurs actionnaires un marché du livre organisé sur de nouvelles règles commerciales monopolistiques sont logiquement exactement le contraire d’organismes culturels internationaux à but non lucratif. Ces nouveaux industriels sont plus dangereux certainement que ceux de l’imprimé, car ils bénéficient d’une puissance décuplée par la dématérialisation. Ils sont exclusivement de culture anglo-saxonne et anglophones (alors que toutes les langues, et le Français comme les autres, sont porteuses et véhicules de vertus et de valeurs culturelles spécifiques) ; et ils profitent en outre d’une légèreté fiscale (soit en bénéficiant depuis 1998 aux États-Unis de l’Internet Tax Freedom Act, interdisant l’imposition de taxes sur les services d’Internet, soit, en domiciliant leurs sièges sociaux au Luxembourg), ils profitent d’une légèreté fiscale donc à laquelle nous autres Gaulois, comme dirait Jean-Michel Billaut, n’osons même pas rêver ! Et alors ?
Écrire, dire, crier ou hurler : « NON ! », à quoi cela servirait-il ?
S’enfouir la tête dans le sable, cela fait déjà plusieurs décennies que l’interprofession du livre et que les pouvoirs publics français le font, à quoi cela sert-il ?
A part du côté de chez François Bon et de sa maison Publie.net, il faut vraiment avoir l’esprit large pour trouver une démarche d’éditeur numérique qui ne soit pas dans l’allégeance et la copie de modèles d’outre-Atlantique.
 
L’édition francophone du 21e siècle, qu’elle soit numérique ou n’importe quoi d’autre, ne peut s’imaginer, s’inventer et se construire, que dans le dépassement du clivage les anciens vs les modernes et le renoncement au “modèle américain”.
 
L’éditrice Chantal Vieuille a je pense raison dans son constat : « Ce qui est certain c'est que la pensée dominante dans l'édition numérique est américaine. Ce qui est certain c'est que la culture des livres circule aujourd'hui selon des formatages mis au point par des développeurs. Le libraire en ligne, pour le moment, est loin de jouer le rôle de conseiller ou de passeur de livres, comme le libraire peut l'être dans son magasin. A feuilleter les pages d'une librairie en ligne, on éprouve rapidement un certain ennui, né de la ressemblance, du mimétisme, du déjà vu... Forcément, tout cela va finir par disparaître ! Ce qui apparaît, poursuit Chantal Vieuille, c'est qu'il n'existe pas d'éditeurs français porteurs d'un véritable projet éditorial, dans l'édition numérique, si l'on admet qu'un éditeur, au sens classique du terme, est "un passeur de textes". Mais au fur et à mesure, à travers le monde, sans doute pas en France qui vieillit et prend du retard, des initiatives vont émerger pour rendre visibles des textes, sous un format dématérialisé. Des textes témoins de notre monde, de notre curiosité intellectuelle. ». (Extrait de : Les livres numériques pour la rentrée 2012).
 
Et puis : pourquoi n’avons-nous pas en France, en Europe, des Google, des Amazon, des Apple ? Et devons-nous le regretter ?
Pendant qu’ici nous jouons à la guerre tribale, s’opère effectivement de là-bas la dissolution de la lecture dans la culture mainstream et le basculement du marché du livre dans le cloud computing. Si c’est ce que nous voulons, alors continuons ainsi !
 

dimanche 24 juin 2012

Semaine 25/52 : Je préfèrerai ne pas…

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 25/52.
  
J’ai relu cette semaine Bartleby, d’Herman Melville, dans la nouvelle traduction que nous apporte François Bon (voir ici). J’aime bien ce personnage de Bartleby, entre autres pour ce que son fameux « Je préfèrerai ne pas » porte en germe : un nouveau paradigme de la désobéissance civile face aux diktats des marques et des majors du divertissement.

La désobéissance intellectuelle
Dans la grande transhumance de l’édition imprimée à l’édition numérique nous ne sommes pas les bergers, nous sommes les moutons. Et il peut être utile pour des moutons de savoir un minimum de choses, par exemple : qui sont les bergers et qui sont les loups ?
A considérer comme sont aujourd’hui manipulés les lecteurs, les auteurs, les éditeurs et les libraires indépendants par ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent (SNE, lobby papetier, Google, Amazon…) on ne peut, en effet, que rétorquer : « Je préfèrerai ne pas. ».
Je l’évoquais la semaine passée : des agents actifs opèrent, jouent sur les clivages, les tensions catégorielles, et ils misent sur une désolidarisation des acteurs du livre pour contrôler les prétendants à une édition du 21e siècle. Ils œuvrent, et plutôt assez efficacement il me faut malheureusement le reconnaître, pour maintenir les innovations (pas tant technologiques, mais au niveau surtout des modèles économiques) et l’expression des revendications, dans le cadre strict du tapis de jeu du siècle précédent ; et ainsi de faire en sorte que la partie continue à se jouer avec les règles écrites par ceux qui au final la gagneront.
 
Cette semaine, deux points de vue m’ont conforté dans cette analyse. D’abord, celui de la dessinatrice et réalisatrice américaine Nina Paley. Cette véritable activiste de la Culture Libre défend « la “désobéissance intellectuelle” (intellectual desobediance) qu’elle définit comme une version de la désobéissance civile appliquée à la propriété intellectuelle. » (Lire ici : “Droit d’auteur : Nina Paley appelle à la “désobéissance intellectuelle” [Eclats de S.I.Lex]”).
Ensuite, plus mesuré, l’auteur français Thierry Crouzet avec un titre provocateur : Les auteurs sont-ils fainéants ? met les points sur les i : « Vous ne pouvez pas, écrit-il, d’un côté critiquer le monde qui vous entoure, vous insurger contre nos adversaires, et d’un autre côté ne rien faire, sinon pleurer, ou pire attendre que ces adversaires se moralisent et viennent vous câliner. Si les auteurs avaient saisi le train du numérique à son démarrage, ils n’auraient pas besoin aujourd’hui de tenter d’y embarquer alors qu’il est lancé à pleine vitesse. Ce train qui n’est pas qu’un nouveau canal de diffusion, qu’un nouveau moyen de gagner de l’argent, c’est avant tout un espace de création et de vie. Vous ne pouvez pas exiger de bénéficier de ce monde tout en refusant d’y embarquer, vraiment. ».
Il émet en quelque sorte des propositions qui apparaissent de l’ordre du possible et qui questionnent les comportements et les choix de chacun, y compris de moi-même.
« Alors battez-vous sur le nouveau terrain de bataille, est sa conclusion. Ne tirez plus vos missiles d’au-delà de la frontière. Ils n’ont aucune chance d’atteindre leurs cibles. Passez les fils barbelés. Escaladez la montagne. Vous découvrirez le monde sous une nouvelle perspective. Et vous éclaterez de rire chaque fois que le SNE, la SGDL et d’autres se livreront à leur pantomime. Dorénavant, nous avons le pouvoir. Ne l’oubliez pas. Ne perdez plus de temps à discuter avec ceux qui ne l’ont plus (et qui vous font croire qu’ils l’ont encore). ». CQFD.

En veux-tu ? En voilà !
En ce qui me concerne j’ai à plusieurs reprises ces dernières années formulé des propositions en franc-tireur. D’abord en janvier 2009 dans mon Livre blanc de la prospective du livre et de l’édition.
J’y définissais six orientations :
1 – Désincarcérer l'édition de l'industrie du print et désenchaîner les textes des livres.
2 – Penser réticulaire, désintermédiation et intermédiation.
3 – Expérimenter : optimiser le partage des ressources et la mutualisation.
4 – Reconfigurer la distribution (accès, abonnements...) et adapter le marketing et les relations presse aux nouveaux médias.
5 – Mettre auteurs et lecteurs au cœur des projets éditoriaux dans une logique 2.0.
6 – Inventer et tester de nouveaux modèles économiques (intégrant, entre autres, la gratuité ou de nouvelles formules de fixation des prix), et repenser et faire évoluer la législation et le CPI (Code de la propriété intellectuelle).
  
En guise de conclusion j’émettais à l’époque huit propositions qui étaient facilement réalisables :
1 – La création de Commissions de la prospective, au sein du CNL (Centre national du livre), du SNE (Syndicat national de l’édition), du SLF (Syndicat de la librairie française) et de la SGDL (Société des gens de lettres), ainsi que des différentes instances régionales au service du livre et de sa diffusion.
2 – La désignation d’une “Madame ou d’un Monsieur Prospective” au sein des maisons d’édition.
3 – La prise en considération des spécificités de la prospective du livre et de la prospective de l'édition, notamment dans leur dimension transhistorique, par les structures possédant déjà un département R&D.
4 – L'enseignement de la prospective du livre et de la prospective de l'édition dans les formations aux différents métiers du livre et de l'édition, dans les établissements privés de communication, et dans les cursus de formation continue.
5 – L'organisation et la mise en œuvre systématique de méthodes d'observation, d'analyse et d'accompagnement de l'évolution des pratiques de lecture chez les jeunes lectorats natifs du numérique (manuels scolaires numériques, e-learning, serious games...).
6 – La valorisation des réseaux francophones consacrés à l'édition, aux livres et à la lecture, existants déjà sur le Web.
7 – Le traitement journalistique suivi et faisant appel à des experts, des questions et des enjeux de l'avenir du livre et de l'édition, dans les médias grand public (la presse écrite [imprimée], autrement que par le biais d'informations ponctuelles “à sensations”, mais par des chroniques spécialisées ; la radio et la télévision, notamment du service public).
8 – La constitution d'un Think Tank (groupe de réflexion), institution privée et publique, à la fois observatoire et comité d'éthique, regroupant les “insiders” de l'édition, de la prospective et de l'économie de la connaissance, et se saisissant de cette question essentielle en cette première moitié du 21e siècle : « Où va la civilisation du livre ? ».

Par la force des choses quelques lentes avancées sur tel ou tel point ont bien eu lieu, mais si peu ! La force d’inertie en face est terrible, terrifiante. Les initiatives sont vite entravées.
 
Plus récemment dans ces chroniques j’ai émis quatre nouvelles propositions, celles-là plus idéalistes j’en conviens :
1 Inscrire au patrimoine universel de l’humanité (Unesco) les classiques de la littérature mondiale, lesquels ne devraient plus être l’objet d’aucune forme de transactions commerciales et être librement et gratuitement accessibles à toutes celles et ceux qui souhaiteraient les lire et/ou en posséder un exemplaire numérique (seul un coût minimum resterait appliqué pour les versions imprimées et les nouvelles traductions).
2 Abolition de la TVA pour le livre imprimé, numérisé et numérique.
3 Extension, harmonisation internationale et sanctuarisation du domaine public, garanties par l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) avec gratuité des œuvres du domaine public en édition numérique (seul un coût minimum resterait appliqué pour les nouvelles traductions).
4 Sanctuarisation des bibliothèques en zones franches bénéficiant d'avantages tels que l'exonération de charges fiscales et de règlementations sociales adaptées et privilégiées...
 
Il faudrait ajouter à ces trois listes des points concernant le respect et la défense des droits des auteurs, ce que j’ai évoqué à plusieurs reprises déjà les semaines précédentes, notamment à partir des réflexions de Richard Stallman. Il faudrait en particulier réglementer l’usage des prescriptions algorithmiques, le profilage et le blacklistage éventuels de lecteurs.
  
Voilà. Il y a de quoi faire. Non ? Au lieu de quoi l’actualité bruisse de ce que les tristes hérauts des princes du business buzzent sur la Toile ; toile dans laquelle nous sommes bel et bien pris, elle et ses fameux réseaux sociaux.
 
J’entends parler sans cesse d’Apple, d’Amazon et tutti quanti, mais aujourd’hui en ce domaine comme dans les autres, les grandes marques c’est bien ce qu’il y a de moins fiable ! D’abord, elles ne décident qu’en fonction de leurs intérêts financiers et non de l’intérêt collectif, de valeurs humaniste ou culturelle. Ensuite, ce que nous leur payons ce n’est pas la qualité des produits (obsolescence programmée…) ou des services (profilage, marchandisation de nos données personnelles, tracking publicitaire…), mais le droit de nous aliéner en les exhibant.
Le grand truc des entreprises à l’heure du 2.0 c’est de faire réaliser une partie de leur travail par les acheteurs. Nous sommes tous devenus des VRP (voyageur, représentant et placier) multicartes bénévoles, et même moins que cela : nous payons pour. Des esclaves 2.0 !
Il nous faut maintenant la volonté et la force, individuelles et collectives, de nous extraire de cette fosse et de nous remettre en marche.
Certes, nous passons de l’imprimé au numérique, mais bien plus, mais bien au-delà ! Car la révolution est très loin de se résumer au monde du livre. Elle l’entraîne avec elle, elle emporte avec elle le monde du livre, certes, et même, je vous le dis, peut-être celui de l’écrit.
Ce qu’il se joue serait de l’ordre du passage des civilisations de l’oral aux civilisations de l’écrit. Peut-être le passage de la civilisation “terrestre” à la civilisation “augmentée” ?
En tous cas les véritables enjeux dépassent de très loin le cadre policé de Saint-Germain-des-Prés, de quelques salons parisiens et de leurs annexes provinciales.
Et s’ils empêchaient notre printemps, alors ce serait un long, un très long hiver.
Nous devons nous battre pour désincarcérer le livre et la lecture des carcans industriels qui les étouffent.

dimanche 6 mai 2012

Semaine 18/52 : Pas Occupy Saint-Germain-des-Prés

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 18/52.
   
J’ai décidé cette semaine que je ne lancerai donc pas un appel pour occuper le carrefour de l’Odéon à Saint-Germain-des-Prés. Comme me le faisait remarquer une amie germanopratine : il n’y a personne derrière moi. Et c’est vrai : je me suis retourné pour vérifier. Elle avait raison. Et que revendiquer ? (Elle m’a posé la question et pris au dépourvu je n’ai pas su quoi lui répondre.)
« J’ai le sentiment que tu n’as plus de recul Lorenzo, ou trop et du coup tu sembles perdu. »
Perdu pour qui ? Pour quoi et pourquoi ? Perdu peut-être, mais je ne me sens pas égaré : de plus en plus s’éclaire la voie qui m’est tracée et je perçois mon devoir avec de plus en plus de discernement.
De fait j’ai entrepris ici même depuis janvier de cette année 2012 un travail de déconstruction, de "dé-lecture" de la prospective du livre telle que je l’avais à ce jour et depuis 2006 échafaudée. Je suis maintenant dans ce "délire" (dé-lire) de découvrir sous la gangue des échafaudages que j’envoie valdinguer ce qui constituerait l’édification d’une discipline qui me survivrait : la prospective du livre, conçue comme l’étude des mutations des livres conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire en les considérant comme des supports et des interfaces lecteurs/livres et en étudiant leurs effets sur les pratiques de lecture.
       
Le collectif Livres de Papier
  
Vendredi soir (le 04 mai 2012) je suis allé incognito à la rencontre organisée à la librairie Tropiques par le collectif Livres de Papier.
Y sont intervenus : Dominique Mazuet, (le libraire), Aurélie Del Piccolo (bibliothécaire), Guillaume Carnino (des Éditions L'échappée) et Guillaume Riquier, puis quelques-uns de la douzaine d’auditeurs qui comptaient parmi eux plusieurs éditeurs indépendants. 
  
Pour le collectif Livres de Papier créé en 2009 et qui « entend résister en mots et en actes aux menaces numériques qui pèsent aujourd'hui sur le monde de l'édition » : « qu'il s'agisse d'équiper les ouvrages de puces RFID, d'intégrer une plateforme de vente en ligne ou d'investir dans des liseuses, les thuriféraires de l'ordre numérique nous servent toujours le même refrain : il faut vous adapter si vous ne voulez pas disparaître ! Pourtant, l'irruption du numérique dans nos métiers n'a rien d'évident : c'est un choix politique, prolongation directe de plusieurs décennies de libéralisation et de précarisation, renforçant les phénomènes de concentration de l'édition et fragilisant encore un peu plus les librairies indépendantes. A l'heure où le PDG d'Amazon prédit la disparition de tous les intermédiaires du livre, quels espaces de lutte s'offrent aux libraires, éditeurs et bibliothécaires soucieux de défendre leurs savoir-faire et leur attachement au livre et à la lecture ? ».
Le raisonnement ne manque pas d’à-propos et j’ai moi-même souvent sonné le tocsin ou rappelé le point de vue pertinent de Richard Stallman sur les dangers du livre électronique. 
  
Mais faut-il pour autant refuser en bloc le passage à l’édition numérique ? Je ne le pense pas, mais certains en sont persuadés.
C’est ainsi que Dominique Mazuet a récemment adressé une longue lettre argumentée à Jean-François Colosimo, l’actuel président du Centre national du livre, pour dénoncer ce qu’il considère comme un détournement d’argent public : le fait que la contribution à la formation professionnelle serve à la formation des libraires pour faire face aux mutations induites par le numérique (voir par exemple ceci). Cela serait un cas de haute trahison. L’Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France (MOTif) et l’Association des librairies informatisées, utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) ne semblent pas très appréciés du côté de la rue Raymond Losserand.
Il serait intéressant je pense que le texte de cette longue lettre soit porté à la connaissance de tous pour élargir son audience et ouvrir un véritable débat.
Il y a une logique implacable dans la prose de ce monsieur, mais je ressens comme plus porteuse d’avenir pour la librairie indépendante une approche comme celle défendue par un autre libraire, Vincent Demulière, notamment sur son blog : La librairie est morte, vive la… ? (Je me trompe peut-être, je ne suis pas libraire et je ne l’ai jamais été, ce que je veux juste signaler c’est que tous les libraires ne pensent pas pareil et ne réagissent pas de la même manière.) 
  
Pour le reste je pourrais je pense synthétiser assez facilement le fil conducteur de cette soirée du 04 mai en disant que le véritable risque dépasse de loin le champ du livre et de son marché et qu’il s’agit en fait du risque de notre perte d’autonomie avec l’appareillage que l’on nous vend (nous achetons nos propres chaines). Un exemple, dans autre domaine que le livre, peut expliciter cela : en s’habituant au GPS on perd progressivement son sens inné de l’orientation (cela rejoint ce que j’écrivais récemment ici même sur le désapprentissage : avec les claviers j’ai pratiquement désappris l’écriture manuscrite !). 
   
Cela dit, je pense que la politisation extrême (Livres de Papier est ouvertement partie prenante des groupes de la gauche libertaire) marginalise ce collectif et empêche l’émergence d’un véritable mouvement de réflexion et d’action critiques pour (ré)orienter l’édition du 21e siècle.
Il faudrait que l’ensemble de l’interprofession du livre se saisisse de ces questions. Il faudrait que les personnels des grands groupes de l’édition s’organisent spontanément dans chaque entreprise en comités de réflexion et de vigilance.
  
Du loup blanc au mouton noir
   
En France aujourd’hui nous sommes au mauvais endroit au mauvais moment. Ce n’est pas vers les États-Unis d’Amérique mais c’est sur la Chine que nous devrions porter nos regards je pense pour entrevoir ce que seront demain les dispositifs de lecture et les nouveaux circuits de diffusion du livre.
  
Quoi qu’il en soit, agiter le chiffon rouge de la Liberté devant les datas-centers d’Amazon et de Google, comme don Quichotte plastronnant face aux moulins à vent, ne servira à rien sinon à grossir le rang des pleureuses pour un enterrement de première classe du livre et de la lecture. 
  
Je ne pense pas que ces personnes qui se donnaient du "Camarade !" à la librairie Tropiques me considèrent comme un "camarade", et pour ma part cette appellation est historiquement trop connotée pour que je l’utilise.
  
Comme Gutenberg je ne suis pas leur camarade, même si je les comprends en partie. Gutenberg n’était pas imprimeur puisque l’imprimerie à son époque n’existait pas et qu’il en est le principal inventeur. Il était orfèvre. C’est-à-dire un corps étranger dans le monde du livre et des copistes. Maitrisant la ciselure et les alliages des métaux, il put apporter les caractères d'imprimerie, mobiles, résistants et reproductibles.
En partie (car la révolution numérique est bien plus globale que celle de la typographie) les informaticiens sont aujourd’hui à l’édition imprimée ce que furent jadis les orfèvres à l’édition manuscrite : des alchimistes.
  
Il ne s’agit pas de leur passer le relai.
De s’asseoir par terre et de regarder passer le grand barnum organisé par ceux qui les exploitent.
Mais il ne s’agit pas non plus de s’opposer avec l’espoir ou même avec la volonté ferme que rien ne change.
Il s’agit d’entrer dans la ronde, d’imposer notre rythme et de danser sur notre propre musique.
Je ne le répéterai jamais assez : le futur du livre ne peut pas être son passé ! 
  
Le Lorenzo Soccavo qui en 2003 commençait à agacer ces beaux messieurs de Saint-Germain-des-Prés en parlant un peu trop tôt et un peu trop fort de l’émergence de l’édition numérique, les agace aujourd’hui en pointant d’un doigt accusateur leurs démissions et leurs petits arrangements avec les industriels américains du divertissement de masse.
   
De toutes parts on tire sur moi à boulets rouges (rassurez-vous je m’en amuse et c’est avec plaisir que j’exagère ici la portée de ces boulets !), et je me rappelle avec amusement ces vers de Mallarmé que je déclamais à Bordeaux dans les années 1980 :
  
Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d’hivers ;
 
Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut [et là je me lève]
  
Solitude, récif, étoile
A n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.
[A la place de Mallarmé moi j’aurais fini par un point d’exclamation !]
 
Le loup blanc que je fus mangera-t-il le mouton noir que je serais devenu ? La suite au prochain épisode !
 

mercredi 11 avril 2012

y aura-t-il encore des librairies en 2042 ?

Je me suis demandé cette nuit ce que j'aurais écrit il y a quelques jours si le texte que l'on m'avait demandé avait été, non pas : La bibliothèque en 2042, mais : La librairie en 2042.
Y aura-t-il encore des librairies en 2042 ?
Malheureusement je crains que non.
  
Et je ne comprends pas pourquoi les libraires se laissent conduire à l'abattoir comme des moutons.
A croire que, comme pour les autres secteurs économiques, les instances dites représentatives, syndicats et autres, n'ont pour fonction principale que de canaliser le mécontentement pour éviter qu'il se retourne contre les responsables.
 
Que se passe-t-il en fait ?
D'abord, qui est réellement à la cause des difficultés que connaissent depuis plusieurs années les libraires ? Est-ce vraiment le secteur du numérique ?
Ensuite, ce qui est cependant aujourd'hui indéniable, c'est bien le fait que des acteurs de l'industrie numérique des loisirs détournent le passage de l'édition manuscrite à l'édition numérique à leur profit, pour transformer les lectorats en audience, c'est-à-dire en un public passif.
Et pourquoi ?
Pour lui diffuser de la publicité tout simplement.
Ces acteurs ramènent le web à un nouveau média de masse encore plus puissant que la télévision qu'ils vont bientôt engloutir (avec la "télé connectée").

Il faudrait aujourd'hui (re)concevoir la lecture (et donc en partie le marché du livre, tant imprimé que numérisé, voire numérique) comme un acte de résistance, l'exercice revendiqué d'un libre choix désincarcéré de l'industrie des loisirs.

Que font les libraires ?

Pourquoi, par exemple, ne pas organiser une journée librairies closes avec une protestation vive et un sit-in carrefour de l'Odéon ?
Comment se fait-il que le texte de Richard Stallman : Les e-books et leurs dangers, ne soit pas déjà placardé dans toutes les librairies de France ?

"... Des technologies qui devraient nous conférer davantage de liberté sont au contraire utilisées pour nous entraver.
Le livre imprimé :
  • On peut l’acheter en espèces, de façon anonyme.
  • Après l’achat, il vous appartient.
  • On ne vous oblige pas à signer une licence qui limite vos droits d’utilisation.
  • Son format est connu, aucune technologie privatrice n’est nécessaire pour le lire.
  • On a le droit de donner, prêter ou revendre ce livre.
  • Il est possible, concrètement, de le scanner et de le photocopier, pratiques parfois légales sous le régime du copyright.
  • Nul n’a le pouvoir de détruire votre exemplaire.
  •  
Comparez ces éléments avec les livres électroniques d’Amazon (plus ou moins la norme) :
  • Amazon exige de l’utilisateur qu’il s’identifie afin d’acquérir un e-book.
  • Dans certains pays, et c’est le cas aux USA, Amazon déclare que l’utilisateur ne peut être propriétaire de son exemplaire.
  • Amazon demande à l’utilisateur d’accepter une licence qui restreint l’utilisation du livre.
  • Le format est secret, et seuls des logiciels privateurs restreignant les libertés de l’utilisateur permettent de le lire.
  • Un succédané de « prêt » est autorisé pour certains titres, et ce pour une période limitée, mais à la condition de désigner nominalement un autre utilisateur du même système. Don et revente sont interdits.
  • Un système de verrou numérique (DRM) empêche de copier l’ouvrage. La copie est en outre prohibée par la licence, pratique plus restrictive que le régime du copyright.
  • Amazon a le pouvoir d’effacer le livre à distance en utilisant une porte dérobée (back-door). En 2009, Amazon a fait usage de cette porte dérobée pour effacer des milliers d’exemplaires du 1984 de George Orwell.
Un seul de ces abus fait des livres électroniques une régression par rapport aux livres imprimés. Nous devons rejeter les e-books qui portent atteinte à nos libertés." (Extraits).

Il ne s'agit pas de refuser ou de s'opposer au passage de l'édition manuscrite à l'édition numérique, MAIS, de s'opposer à ce qu'il soit détourné au seul profit de quelques industries américaines.

jeudi 29 mars 2012

La route du papier et le déclin de l'imprimerie

J'ai eu l'occasion hier soir à l'invitation de Culture Papier d'entendre à l'École des Gobelins Erik Orsenna présenter son troisième "Petit précis de mondialisation" : Sur la route du papier.
    
La veille au soir j'avais achevé sa lecture, une lecture qui avait été agréable, le style aide beaucoup, l'élégance du ton fait passer bien des choses.
  

Nonobstant, en filigrane de ces pages, la question se pose malgré tout : ne s'agit-il pas là au fond d'un enterrement de première classe pour le papier dit "graphique" (imprimé), pour le papier comme support de lecture, par celui qui fut il n'y a pas si longtemps un pionnier français de la lecture sur support électronique (avec Cytale...).
  
Quoi qu'il en soit en réalité ce n'est pas là ce que je regrette pour ma part de ne pas avoir trouvé sur cette route du papier.
J'aurais aimé pouvoir y emprunter quelques sentiers, quelques chemins de traverse dans l'histoire du livre et de la lecture.
Le papyrus par exemple? Ce n'est pas véritablement du papier, mais par son processus de fabrication qu'explique clairement Erik Orsenna l'appartenance ou la non-appartenance à la lignée du/des papier(s) n'est pas si claire que cela. Si l'imbrication par martelage des fibres des tiges de papyrus abondamment humidifiées ne donne pas véritablement une pâte à papier, nous n'en sommes pas très éloignés et la parenté avec le papier me semble plus proche que celle du parchemin.
Et c'est sur le parchemin précisément, en tant qu'erreur industrielle qui aurait retardé de plusieurs siècles l'émergence de l'imprimerie en Europe, qu'il faudrait je pense s'interroger davantage aujourd'hui, notamment afin de déterminer dans quelle mesure, parallèlement à l'évolution des technologies d'affichage sur écrans (je pense par exemple aux tablettes tactiles multimédia), le papier dit électronique (e-paper ou papiel) ne serait pas, malgré la différence de process industriel, une voie adjacente au papier graphique pour accompagner les nouvelles pratiques de lecture ? 
L'appropriation du papiel par des artistes témoigne je pense de sa parenté, d'une certaine parenté, avec le papier (voir les illustrations ci-dessous).  
  
Le déclin de l'imprimerie
    
Il ressort incontestablement du livre d'Erik Orsenna que le papier, en tant que matière première, est encore dans sa phase de croissance. Je partage pleinement cet avis. Le papier va poursuivre sa route, et le livre la sienne.
Mais si je conseille la lecture de ce "Petit précis de mondialisation", je conseillerais de l'augmenter de quelques points de vue, tout aussi récents et parfois un peu moins policés, comme par exemple : Comment ralentir le déclin de l'imprimerie ? ("Chaque industrie connaît un modèle de cycle de vie qui commence par une phase d’émergence, suivie d’une phase de croissance puis de maturité avant de finir ou de « mourir » après une phase de déclin plus ou moins longue. L’industrie graphique n’échappe pas à ce modèle.") par Yves de Ternay, et, Le numérique tue les usines à papier (enfin) par François Bon ("Qui d’entre nous pour nier que les arbres repoussent, et non point les iPad ? Qui d’entre nous pour ne pas réfléchir en permanence à ce fait grave d’une consommation effrénée des ressources les plus précieuses, et ce qu’on en inclut dans nos micro-processeurs et nos écrans de plastique ?").
N'hésitez pas à signaler en commentaires les autres points de vue ou apports qui vous sembleraient (im)pertinents.
     
Illustrations de gauche à droite : oeuvres sur papiel des artistes Nora Boudjemaï et Gilles Guias.
  
Lire aussi sur ce sujet : Encre électronique à Drawing Now Paris ("Marie Denis, artiste plasticienne passionnée par le papier, ne s'y est pas trompée. Elle propose de visiter ce nouveau support étonnant, avec une œuvre expérimentale à base d'encre électronique, présentée pour la première fois à Drawing Now Paris par la Galerie Alberta Pane, du 29 mars au 1er avril au Carrousel du Louvre.").
  

jeudi 10 novembre 2011

Les 3 Marchés du Livre

J'ai eu le plaisir hier d'intervenir à l'Université Paris 13 auprès des étudiants de deuxième année du Master Commercialisation du Livre, sur le thème : Périmètre et prospective des trois marchés du livre [imprimé, numérisé, numérique].
Une occasion que j'espère avoir bien saisie pour tracer des perspectives et ouvrir des horizons à un moment où il apparait de plus en plus évident que les anciens modèles ne peuvent pas, ne peuvent plus, s'appliquer à un monde qui est en train de disparaitre sous nos yeux. 
 
Le plan de mon intervention
  
Périmètre et prospective des trois marchés du livre :
- Introduction
. La prospective au service du livre et de l'édition...
. La 4e révolution du livre, ses 4 niveaux de mutation...
- Partie 1 : Nouveau périmètre de l'interprofession
. Mutations de la chaine du livre...
. Nouveaux entrants et nouvelles chaines de valeur pour le livre...
. La librairie "Brick and mortar" face à la "dématérialisation"...
. Les éditeurs pure-players francophones...
- Partie 2 : Prospective : évolutions possibles du marché du livre à court et moyen termes
. Les signaux faibles (complémentarités print/digital, convergence des médias)...
. Convergence Internet des objets / réalité augmentée...
. Promotion du livre dans le Métavers...
- Conclusion
. Ressources pour une veille stratégique et technologique...
. Bibliographie.