samedi 25 février 2012

Synesthésies et lecture

Vincent Mignerot a présenté hier soir sur l'incubateur MétaLectures son Projet Synesthéorie. Il y présentera le vendredi 30 mars 2012 une conférence sur les rapports entre les synesthésies et la lecture.
Cette approche s'inscrit dans une suite logique à la direction que j'indiquais ici même dans mon post du 1er septembre 2011 : Retour à une lecture hallucinatoire ?
J'y rappelais notamment ce passage d'Une histoire de la lecture, d'Alberto Manguel, lorsqu'il signale à ses lecteurs que le psychologue américain Julian Jaynes a émis l’hypothèse que : « Lire pendant le troisième millénaire avant notre ère revenait […] à entendre les cunéiformes, c’est-à-dire à imaginer le discours de façon hallucinatoire en regardant les signes qui le symbolisent, plutôt qu’à reconnaître visuellement les syllabes de la façon qui est la nôtre. ».
   
Aujourd'hui, alors qu'en 2012 nous serions dans la dernière décennie de la période des e-incunables (si nous acceptons l'hypothèse 1971-2022) personne ne peut affirmer, face à l'évolution accélérée des technologies d'affichage, face à la volatilité des données numériques et à leurs fortes potentialités d'avatarisation, dans des objets (internet des objets) ou des projections d'internautes (sur le métavers notamment), face à la montée en puissance de la 3D et du transmédia, personne ne peut raisonnablement affirmer que la lecture va rester l'activité que nous appelons aujourd'hui "lecture".
Lire est plus vaste que lire du texte noir sur blanc, sur papier ou sur papier électronique ou sur écran. 
  
Pour suivre le développement de cette réflexion collective sur les rapports entre les synesthésies et la lecture, et voir la vidéo projetée hier soir dans l'auditorium MétaLectures / Francogrid (photo) :  Des possibles apports de la synesthésie pour comprendre la lecture...
 

vendredi 24 février 2012

Ouvrir les yeux sur le passage à l'édition numérique

J'ai eu le plaisir hier d'intervenir pour le compte du Conseil général et de la Bibliothèque départementale de l'Aisne à la médiathèque l'Oiseau Lire, à Tergnier, pour une journée de formation sur le thème : "Le livre électronique".
L'occasion, devant une salle pleine, attentive et participante, d'exposer dans leurs grandes lignes les caractéristiques et les enjeux de ces années 1971-2022 (?) d'e-incunables que nous traversons tant bien que mal, et de bien distinguer les dispositifs de lecture utilisant la technologie d'affichage de l'encre et du papier électroniques des autres gadgets technologiques.
 
L'occasion aussi de mettre en garde les bibliothécaires contre les arnaques des industries numériques du divertissement de masse, d'attirer leur attention sur "les dangers du livre électronique" justement pointés par Richard Stallman, de les avertir de ce à quoi ils s'engagent en achetant une tablette de type Kindle, par exemple, en résumé : de leur ouvrir aussi les yeux sur les aspects négatifs du passage de l'édition imprimée à l'édition numérique, où les atteintes à la liberté des lecteurs se multiplient et où les auteurs qui ne sont pas "bankables" ne sont pas davantage respectés.
 
Illustrations : D.R. "Picardie en ligne".

lundi 20 février 2012

Nouvelle initiative sur MétaLectures : présentation du Projet Synesthéorie...


La vidéo de la soirée d'inauguration du 10 février 2012,
"De la narration linéaire à la narration multidimensionnelle"
par Anne Astier




Introduction à la Prospective du Livre

J'ai eu samedi dernier, 18 février 2012, le plaisir de présenter une rapide "Introduction à la Prospective du Livre" à quelques parents, étudiants et futurs étudiants, et enseignants de l'école supérieure ESTEN, dans le cadre d'une des journées portes ouvertes.
  
J'ai débuté cette intervention en précisant que l'innovation avait toujours été motrice, tant pour l'invention des écritures, que pour le perfectionnement des dispositifs de lecture. Assertion que j'ai ensuite illustrée, avant d'expliquer en quoi et pourquoi nous pouvions nous considérer comme étant depuis juillet 1971 dans la période des e-incunables, et quels niveaux de mutations nous pouvions discerner.
J'ai en somme développé "l'équation" suivante : ["Digitalisation" [numérisation] du livre] = [Métamorphose des livres en tant que contenants] + [Volatilité du livre en tant que contenu] = X (vers lequel nous allons).
 
L'occasion aussi de redéfinir le prospective du livre :
"L'étude des évolutions et des mutations des livres conçus en tant que dispositifs de lecture dans une dimension transhistorique, c'est-à-dire en les considérant comme des interfaces lecteurs/livres."
De redéfinir la prospective de l'édition :
"La discipline qui s'attache à expliciter et à représenter les transformations et les nouvelles formes d'organisation socio-économiques dans le secteur du livre et de son marché, afin d'y appliquer des stratégies de développement adaptées et de concevoir de nouveaux processus de fabrication et de diffusion."

J'ai distingué trois marchés (du livre imprimé / du livre numérisé / du livre numérique) avant de conclure que, bon gré mal gré, aujourd'hui l'édition évolue et qu'elle doit expérimenter et innover pour conquérir et séduire de nouveaux lecteurs.

L'ESTEN Tours - Ecole Supérieure des Techniques de l'Edition Numérique, est l'un des très rares établissements à former les professionnels de l'édition numérique.
La prochaine journée portes ouvertes aura lieu le 17 mars (informations sur le site de l'école).
  

dimanche 19 février 2012

Semaine 07/52 : Darwinisme vs "germanopratisme"

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 07/52.
  
Cette semaine fut chaotique.
Le biotope du livre a été secoué, accès de fièvre, convulsions.
De quoi s’agit-il ? Principalement d’un projet de loi sur les œuvres indisponibles, mais qui ne sont pas pour autant dans le domaine public, et du fait que légaliser la commercialisation de ces écrits se ferait au bénéfice de "l’establishment" en place et, en partie tout au moins, au détriment des droits de leurs auteurs. Il s’agit aussi d’atteintes à la liberté et au respect des lecteurs, du fait, entre autres, que nos amis québécois puissent librement (gratuitement) et en toute légalité avoir accès à l’œuvre d’Albert Camus, alors que les lecteurs français doivent pour cela rétribuer des familles qui n’ont pas écrit une ligne de Camus. Il s’agit également du conflit qui a éclaté vendredi 17 février entre la maison Gallimard et l’éditeur numérique Publie.net (là aussi autour d’une question de droits d’exploitation).
   
Saint-Germain-des-Prés en état de siège ?
 
Les us et coutumes du marché du livre imprimé ne peuvent pas s’appliquer à des textes numérisés.

Comme je le dis toujours dans mes cours et lors de mes conférences, ce que nous constatons, durant cette période des e-incunables dans laquelle nous sommes entrés depuis juillet 1971 et que nous pouvons nommer "digitalisation" (ou numérisation) du livre, c’est que cette dernière s’exprime dans l’addition de deux phénomènes : d’une part, la métamorphose du livre en tant que contenant, d’autre part, la volatilité des livres en tant que contenu.

De plus, la mondialisation du commerce et la multiplication extraordinaire des liens interpersonnels par les outils de communication et les réseaux sociaux, rendent impossibles les barrières artificielles des frontières étatiques, administratives. Seules les langues peuvent rester des obstacles naturels (mais les logiciels de traduction instantanée s’améliorent de jour en jour et nous pouvons aussi nous attendre à l’émergence du développement et de la mise en ligne de traductions spontanées par des internautes avisés. François Bon a-t-il, là, ouvert une brèche avec sa traduction du Vieil homme et la mer, d’Hemingway ?).
 
L’Ancien Régime des héritiers de l’édition française entend le glas sonner au clocher de l’abbaye.

Les catalogues prestigieux des plus grandes maisons sont maintenant perçus comme un bien commun, que le vulgum pecus des lecteurs vient réclamer comme le peuple venait réclamer du pain à Versailles.

Je repense aux conférences de Jean-Michel Billaut : « comme par le passé, une nuée de barbares se ruent contre ces empires en utilisant les nouvelles technologies de l'Internet. Leur objectif est simple : devenir empereurs à leur tour. Comment ? En apportant à la demande (les consommateurs) [les lecteurs] une plus grande valeur ajoutée que celle permise par les empereurs traditionnels avec leurs "vieilles technologies". […] Nos empereurs traditionnels ne vont certes pas se laisser faire. Ils vont essayer de barrer la route à ces barbares, en essayant d'intégrer eux-mêmes ces nouvelles technologies. Mais ce n'est jamais simple de changer de mentalités (car ils sont organisé en silo, alors que l'Internet permet une grande transversalité), ce n'est jamais simple de mettre à la poubelle des investissements pas toujours amortis... Pour l'instant, nos empereurs ont réussi à contenir la première vague de barbares, qui est parti "en bulle"… » [le texte est de novembre 2004, la seconde vague déferle, les barbares ont levé des troupes, le peuple en partie - des lectrices, des lecteurs…, les ont rejoints (oui, relire ainsi de toute urgence pour comprendre ce qu’il s’est passé cette semaine dans l’édition française : Emperors versus Barbarians).]
Même si extérieurement rien n’est visible, Saint-Germain-des-Prés se barricade.
 
Pendant ce temps l’histoire s’écrit...
 
Ce même vendredi 17 février 2012, alors que la blogosphère francophone s’agitait et que la maison Gallimard réagissait par tweets (qui l’aurait imaginé il y a quelques années !) j’étais en discussion avec quelques artisans du monde et de la nouvelle civilisation qui émergent.
 
Nous discutions à un angle de rue, face à l’église, non pas de Saint-Germain-des-Prés, mais de Laroque, petite commune aux portes sud des Cévennes, sur les rives de l'Hérault.
Avec moi, Jenny Bihouise, psychosociologue praticienne des mondes "virtuels" 3D , l’artiste numérique Anne Astier, l’artiste multimédia et auteur de science-fiction Yann Minh, Olivier Nerot, de la galerie d’art digital H+ à Lyon.
Pendant que nous discutions ainsi, en fait sur l’espace parallèle de Francogrid au même endroit des gens, des automobilistes, passaient dans le Laroque physique.
Cela peut certes relever du domaine du "jeu sérieux" (serious game), seulement, deux jours avant j’avais appris, "comme par hasard", que Google prototyperait des lunettes à réalité augmentée. D’autres y travaillent eux aussi. Un jour, de telles lunettes nous équiperont, mais, également, elles nous permettront de nous voir et d’interagir entre monde physique et monde numérique. Le Laroque sur les rives de l’Hérault et le Laroque sur Francogrid ne feront qu’un.
  
Et si le hasard n’existait pas ?
 
Notre lecture du monde va changer.
Une nouvelle page de l’histoire de l’humanité s’écrit.
Le récit, dont nous sommes les personnages et dont nous sommes, dont nous pourrions être également les auteurs, se développe, se déploie.
Aujourd’hui le devenir de la lecture semble déterminé par l’industrie du divertissement de masse, mais des auteurs, des chercheurs, des pionniers et des aventuriers, des résistants, des révolutionnaires voient plus loin et préparent l’après…
De quoi nous entretenions-nous tous les cinq ce vendredi ?
Le rapport espace métrique / espace numérique reconfigure notre carte mentale, nos repères spatio-temporels se trouvent modifiés.
Nous nous entretenions des rapports entre les "avatars biologiques", que nous sommes tous, et, nos "avatars numériques". Des rapports entre ces avatars et les personnages de fictions. Du rapport entre la fiction et la réalité. Du… De… De beaucoup de choses.
En fin de compte : de prospective du livre peut-être, dans le sens où elle exprime une défense de la liberté d’esprit des auteurs et des lecteurs, où elle repositionne le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique dans la phylogenèse.
 

jeudi 16 février 2012

La Prospective du livre comme miroir de l'avenir de la lecture

Actualitice, le site de débats et d'actualité, proposé par l’équipe de Microsoft Education France et l’agence de presse spécialisée sur l’éducation AEF, et consacré aux technologies de l’information et de la communication dédiées à l’enseignement, m'a récemment accueilli sur ce thème : La prospective du livre miroir de l’avenir de la lecture.
L'occasion pour moi de rappeler certains points essentiels qui fondent la prospective du livre.

Extraits

"L’innovation a toujours été motrice dans l’humanité, tant pour l’invention des écritures, que pour le perfectionnement des dispositifs de lecture. Pensons un instant aux sauts technologiques qu’ont été pour nos ancêtres le passage des tablettes d’argile aux rouleaux de papyrus, puis celui des rouleaux aux codices (pluriel de codex), le livre sous la forme que nous lui connaissons encore [...]
Depuis l’été 1971, et la numérisation d’un premier texte par Michael Hart à l’Université d’Illinois aux États-Unis, acte fondateur qui allait préluder au lancement du Projet Gutenberg, première bibliothèque numérique d’ouvrages du domaine public, nous sommes dans une période de mutation aussi capitale, voire davantage encore, que celle des décennies des premiers livres imprimés (les incunables : 1450-1501). [...]
Ces faits nous invitent à repenser la lecture au-delà du livre. Il nous faut concevoir les interfaces de lectures de la fin de ce siècle, à la confluence de l’Internet des objets, de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle. Il nous faut imaginer la lecture dans les décennies à venir, comme une activité autre que celle que nous pratiquons depuis le passage [...]  de la lecture à haute voix, à celle, silencieuse, à laquelle nous sommes habitués. [...]
Dans ce contexte, nous pouvons définir la prospective du livre comme étant l’étude des évolutions et des mutations des livres, conçus en tant que dispositifs de lecture [...]
La prospective du livre, telle que je l’ai conceptualisée depuis 2007 et la publication de Gutenberg 2.0, le futur du livre, se développe dans une perspective transhistorique [cf. illustrations], qui cherche à mettre en parallèle les évolutions passées avec ce que nous vivons aujourd’hui. [...]
Cet « à venir » nous surprendra certainement. Avec les évolutions des technologies d’affichage, le développement de la 3D et de solutions informatiques qui intègrent la lecture dans un environnement hybride, réel et virtuel à la fois, les récits et les fictions de demain ne s’inscriront plus sur du papier imprimé, mais dans des représentations qui pourront peut-être rivaliser avec ce que nous percevons aujourd’hui comme étant, soit du domaine de la réalité, soit de celui de notre imaginaire. C’est notamment dans cette perspective que depuis janvier 2012, dans le cadre du projet MétaLectures, une équipe francophone cherche sur le web 3D de nouvelles pistes pour expérimenter des solutions innovantes dans l’univers du livre et de la lecture..."



lundi 13 février 2012

Se former à l'édition du 21e siècle...

J'invite les lectrices et lecteurs de ce blog à venir me retrouver ce samedi 18 février 2012 à Tours, pour la Journée Portes Ouvertes de l'ESTEN (Ecole Supérieure des Techniques d'Edition Numérique).
- Rdv à l'Institut de Touraine, 1, rue de la Grandière - 37000 TOURS, 09H00-18H00 (dans le centre de Tours, pas loin de la gare SNCF).
  
J'y serai présent pour rencontrer les étudiants et futurs étudiants de l'école et leurs familles, discuter avec eux de l'avenir du livre et de son marché, et présenter de brèves conférences d'introduction à la prospective du livre...