mardi 15 mai 2012

Des entrepreneurs français qui écrivent l'édition du 21e siècle

J'aurai le 13 juin prochain, dans le cadre des 5e Rencontres de la création de contenus et de la diffusion multicanal dans la presse, l’édition et la communication, organisées par Presseedition, le plaisir d'animer une table ronde sur le thème : Des entrepreneurs français qui écrivent l'édition du 21e siècle.
 
L'occasion de faire un point sur l'édition numérique et l'innovation en compagnie de :
  
- Sophie DENIEL, PDG et créatrice de bookBéo
- Jean-Yves HEPP, PDG et créateur de QOOQ
- Stéphane LEDUC, PDG des éditions Leduc .S
- Jean-Charles FITOUSSI, cofondateur et responsable Creative business développement de Move & Read
  

INFOS PRATIQUES
  
Le mercredi 13 juin 2012 de 09H45 à 11H00 dans le cadre du Salon OnLine 2012, Parc des expositions, Porte de Versailles à Paris.
Accès libre mais Inscription obligatoire sur le site : http://www.online-expo.fr/
N.B. : Les abonnés à la newsletter Presseedition.fr sont prioritaires. Nous signaler les inscriptions par mail à presseedition@orange.fr
Cette table ronde sera suivie de deux autres animées par Daniel Dussausaye :
- Presse et Communication : 2012, année de tous les écrans, année de toutes les opportunités ! 
- Les outils de la communication et du cross média...

  

lundi 14 mai 2012

Le livre en partage des terroirs aux territoires numériques...

Le vendredi 25 mai à 21H30 précises, l'écrivain-voyageuse et artiste Karen Guillorel viendra sur MétaLectures (environnement web 3D immersif sur Francogrid pour présenter, expérimenter et développer des solutions innovantes dans l'univers du livre et de la lecture francophones), pour aborder le sujet suivant : “e-troubadours : parler des livres, des terroirs aux mondes virtuels”.
  
J'ai en effet pensé en accord avec Karen, que ce sujet lui permettrait d'éclairer toutes les facettes qui retracent ce possible chemin de la lecture et du livre partagés, dans le paysage, la ville, et les territoires numériques...
  
Au cours de cette rencontre Karen abordera notamment les points suivants :
  
- Un voyage à pied de Paris à Jérusalem
 - lire en voyage : pourquoi ?
- le poids d'un livre oblige à abandonner le livre sur la route
- Au retour germe une idée de livre voyageur

- Un ouvrage qui se transmet de la main à la main : Traverses, livre voyageur
- Un ouvrage échangé et non pas vendu
- sur le thème du voyage
- il parcourt la planète de mains en mains
- Il a une existence en papier et numérique (2D et 3D - le choix de Second Life à l'époque comme monde virtuel)

- La conception d'un voyage pour transmettre Traverses : E-Troubadours
- En quoi ce voyage a-t-il consisté dans les faits ?
- Pourquoi E-Troubadours : aspect européen et poétique
- L'aspect IRL (in real life) / SL (Second life), coeur du voyage
 
- Expérimentations de lecture réalisées pendant E-troubadours
- transmission de la main à la main sur le chemin
- arbres à livres
- lectures à haute voix IRL et SL
- geocaching de livres

- Partenariats sur Second Life :
- Noodongeon : un espace d'exposition et de rassemblement représentant le bivouac, un arbre à livres, une machine à créer des livres sous forme de dominos, un shoot them up avec des livres...
- Bibliothèque francophone : un espace d'exposition et un livre 3D
- Tournicoton : un espace d'exposition et des oeuvres numériques réalisées par plusieurs artistes liés à Tournicoton
- Alchimie : un espace d'exposition et de rassemblement représentant le bivouac
- Aire : réduction de l'espace du noodongeon sur Aire
 
- E-Migrations : l'installation numérique de E-Troubadours
- Description de l'installation et lien
- Pourquoi utiliser Unity, paradoxalement
- Aspect littéraire : carnet de voyage 3D temps réel

   
 
Une occasion exceptionnelle de réfléchir et d'échanger sur les passerelles et les nouvelles voies du livre, les perspectives que les technologies de la communication ouvrent à la lecture grâce à quelques pionnières et à quelques pionniers.
Cette rencontre est un événement MétaLectures en partenariat avec Francogrid.
Pour accéder librement sur le web 3D à l'ile virtuelle MétaLectures il suffit de suivre la procédure simple et gratuite indiquée à la page du blog compagnon : http://metalectures.blogspot.fr/p/pour-acceder-lile-3d-metalectures.html Sautez le pas !
   

dimanche 13 mai 2012

Semaine 19/52 : Le lecteur chimérique

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 19/52.
    
Ah le beau printemps ! Je reparais aussi radieux que jamais, l’esprit pétillant de projets, et sans doute encore plein d’ambitions déréglées pour le livre et la lecture.
Dans le contexte actuel de crises - financière et économique, sociale et politique, il est logique en somme que le devenir du livre apparaisse secondaire. Mais la lecture ? Au commencement était le Verbe. Quel animal serions-nous si nous ne savions ni lire ni écrire dans ces sociétés occidentalisées dopées à la communication ?
        
La rétractation technologique
     
Ce que nous appelons livre va-t-il disparaître un jour, comme ont disparu les tablettes d’argile et les rouleaux de papyrus ?
Je crois que beaucoup de "choses" vont disparaître dans les décennies à venir.
Quelques exemples que vous me pardonnerez de jeter ainsi pêle-mêle, joyeusement et sans argumentation…
- Les automobiles - même si coulait à flot le carburant, l’équation : [un individu => une automobile] ne peut que nous conduire à un embouteillage généralisé…
- Les postes de télévision - avec la TV connectée ("Smart TV") alliant des portails d’information continue avec des bouquets de vidéos (fictions, séries, documentaires, etc.) à la demande…
- Les ordinateurs - avec les tablettes tactiles connectées et le "cloud" (stockage sur des serveurs extérieurs)…
- Les téléphones - on commence à observer une baisse significative des conversations téléphoniques, de plus en plus ressenties comme intrusives et dérangeantes. Les mails, les SMS et les Tweets réhabilitent la communication écrite. En proposant des dizaines de fonctions les smartphones sont de moins en moins utilisés comme de simples téléphones qu’ils ne sont plus.
- Beaucoup de "choses" ont déjà pratiquement disparu, et par exemple, ces dernières années : les magnétophones à cassettes, les radios-transistors, les calculettes de poche, le Minitel… (Vous pouvez allonger la liste en commentaires !) Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus avoir ni montre ni réveil ni agenda, confiant la gestion de notre temps à notre téléphone portable.
Êtes-vous certain de ne pas déjà être nomophobe ?
   
La disparition des "choses" ne date pas du consumérisme assumé et ravageur qui souffle sur nos vies.
L’Homo faber a toujours perdu ses outils au fur et à mesure qu’il les perfectionnait.
Aujourd’hui c’est du livre qu’il s’agit.
La possible disparition du livre en tant qu’objet nous questionne en tant que lecteur.
Elle inquiète aussi (et cette inquiétude m’apparaît légitime) beaucoup de monde.
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?
  
La rétine et la peau
    
L’addiction aux "choses connectées" qui, faisant "dispositifs de lecture" remplaceraient les livres imprimés, l’addiction aux "choses connectées" est déjà reconnue aujourd’hui comme une névrose.
Pas facile de devenir un cyborg.
Être accroc de ses aides artificielles ?
Ou rejeter ces prothèses ?
La cyber-hybridation de l’espèce humaine apparait cependant inévitable.
  
Évacuée par la science-fiction dans le champ de l’imaginaire, l’hybridation technologique s’insère dans notre quotidien sans que nous en ayons réellement conscience.
(Ici se pose en filigrane la question de la responsabilité de la science-fiction, de ses auteurs et de ses éditeurs donc, dans le devenir ultra-technologique de nos sociétés ; la question de la science-fiction comme prophétie auto-réalisatrice…)
    
Longtemps, en effet, nous avons pu ne pas en avoir conscience, ou bien refuser d’envisager ce destin. Les données dont nous pouvions disposer étaient peu nombreuses et peu explicites pour des non-scientifiques. Et c’est en grande partie encore le cas. Mais surtout il nous fallait aller au devant de cette information, être attirée par elle, pour en avoir connaissance.
Aujourd’hui nous pouvons (nous devons) nous interroger je pense sur ce que les nouveaux dispositifs de lecture trahissent de cette hybridation technologique des hommes.
  
Le dispositif de la roue à livres (Cf. illustration 1) conçu par l’ingénieur italien Agostino Ramelli en 1588, témoigne significativement de la technicité qui a toujours été à l’œuvre dès lors qu’il s’agissait d’améliorer l’accès à l’écrit. Comme je le précise en général en introduction de mes cours ou de mes conférences : « L'innovation a toujours été motrice dans l'humanité pour l'apparition des écritures et le perfectionnement des dispositifs de lecture. ».
  
Nonobstant, en affectant une des activités premières du vivant : la lecture (de son environnement extérieur et de ses états intérieurs), les nouveaux dispositifs de lecture toucheraient à une des fonctions essentielles qui nous distinguerait dans le règne du vivant.
   
Ce qui m’a fait pendre conscience cette semaine des signes de cyber-hybridation véhiculés par les nouveaux dispositifs de lecture, ne sont pas tant les échos à mon opus de la semaine passée - tel le slogan du collectif Livres de papier : « Non aux livres-machines, non aux lecteurs-robots », ni ma constatation qu’il s’agit en fait du risque de notre perte d’autonomie avec l’appareillage que l’on nous vend, mais, c’est de voir sur les blogs et les réseaux sociaux certains se répandre avec fierté dans l’exposition de leurs tablettes et autres "choses connectées".
  
Quand des lecteurs exhibent leurs dispositifs de lecture comme les peuples premiers leurs représentations totémiques, quand des lecteurs arborent leurs dispositifs de lecture comme des substituts phalliques, les étalent sur le web comme des organes génitaux de la communication grande ouverte, il y a là des signes qu’il serait imprudent de ne pas interpréter.
   
Si vous avez la curiosité de faire une recherche avec des expressions comme : « skin display » ou « retinal display » (Cf. illustration 2), vous serez surpris par le nombre d’occurrences qui témoignent des recherches en cours sur les projections rétiniennes et la peau comme support d’affichage.
 
De tels dispositifs s’inscrivent dans la suite (chrono)logique, d’une part, de la disparition des ordinateurs en faveur de tablettes tactiles, d’autre part, d’une miniaturisation qui conduit aujourd’hui au développement de picoprojecteurs et d’interfaces gestuelles, pour converger demain avec les nanotechnologies.
   
Attestées en Eurasie depuis le néolithique (9 000 ans av. J.-C.), les techniques de tatouage n’ont jamais cessé de se perfectionner et d’affirmer leur palette d’expressions, que ce soit avec le body-painting (peinture corporelle), le piercing, ou tout simplement le maquillage, et dans une autre mesure les textes imprimés sur les T-shirts et autres vêtements que nous portons : comme parfois la couleur des chemises (chemises rouges des garibaldiens, chemises noires des fascistes…), les maillots des coureurs cyclistes et les ceintures des judokas, etc.
    
Les bio-nanotechnologies du 21e siècle pourraient en fait simplement remettre à fleur de peau des rêves ancestraux véhiculés par les mythes fondateurs.
Des écrans, soient implantables à quelques millimètres sous la peau, soient directement applicables sur la peau, comme des décalcomanies... Robert A. Freitas Jr, chercheur à l’Institute for Molecular Manufacturing, évoquait déjà en 1999 dans son ouvrage Nanomedicine son projet Programmable nanodermal display : un écran tactile qui permettrait d’afficher, par exemple sur la paume ou le dos d’une main, des informations médicales. De par le monde des multinationales travaillent à des projets de tatouages électroniques susceptibles de réagir aux stimulations de l’environnement extérieur, aux excitations de caresses sur la peau. Avec l’incorporation de telles technologies les corps des hommes et des animaux deviendraient un jour des écrans tactiles interactifs. Les lecteurs (lus) pourraient devenir des livres.
Vous avez déjà dévoré un livre ? Vous allez voir : vous allez adorer.
    
Cela dit, au-delà des historiens du livre, qui à mon humble avis devraient davantage faire entendre leur voix dans la période que nous traversons actuellement de passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, je pense que les anthropologues, les ethnologues et les psychanalystes devraient, eux aussi, s’emparer de cette question du devenir du livre et de ses enjeux.
Quel avenir pour des lecteurs humains dans un monde de "choses qui (les) lisent" ?
   

vendredi 11 mai 2012

Culture Papier ok avec Amazon !

Il est de bonne guerre qu'intérêts économiques et realpolitik dominent en ces années de crise(s). Mais, alors qu'Amazon impacte directement la "chaine du livre" imprimé et travaille à prendre demain le plus possible le contrôle de l'édition numérique, j'ai été malgré tout (pôvre innocent que je suis !) surpris de voir Culture Papier, le lobby français des industries graphiques, faire presque dans sa newsletter numéro 22 d'hier jeudi 10 mai 2012, l'éloge d'Amazon dans son Edito !
    
Extrait à l'appui :
" La société américaine Amazon, leader mondial de la distribution en ligne, a dévoilé il y a quelques semaines sa nouvelle stratégie relative à l'un des secteurs les plus porteurs de son activité : la vente de livres. Jeff Bezos, le médiatique PDG de cette société qui a vendu, dès 1995, directement des livres sur internet, souhaite désormais s'attaquer à la production de contenu. Ainsi, Amazon deviendrait un véritable éditeur avec notamment la publication dès ce printemps de 122 livres numériques mais aussi en version papier.
Cette nouvelle stratégie suscite de nombreuses réactions. Selon les propres mots de M. Bezos, « seuls comptent le lecteur et l'écrivain. ». Avec Culture Papier, tous les acteurs de la chaine du livre (éditeurs, imprimeurs, relieurs, brocheurs, doreurs, distributeurs, libraires, agents, critiques...) apprécieront sans nul doute ses propos à leur juste valeur. Aux Etats-Unis, ce nouvel intérêt d'Amazon pour le contenu correspond également à une évolution : le boom de l'autoédition. Depuis 2008, le nombre de titres autoédités y dépasse en effet ceux de l'édition traditionnelle.
Le choix de produire des « livres papier » vient conforter notre action nationale pour promouvoir la complémentarité du papier et du numérique, c'est-à-dire la liberté de penser, d'écrire et de lire, la qualité d'une production durable au service de l'Homme et du développement..." (Laurent de Gaulle, Président de Culture Papier).
   

mardi 8 mai 2012

Mise à jour de la liste des éditeurs numériques

Actualisation ce matin de la liste des éditeurs "pure-players" francophones : 82 entreprises seraient concernées...

dimanche 6 mai 2012

Semaine 18/52 : Pas Occupy Saint-Germain-des-Prés

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 18/52.
   
J’ai décidé cette semaine que je ne lancerai donc pas un appel pour occuper le carrefour de l’Odéon à Saint-Germain-des-Prés. Comme me le faisait remarquer une amie germanopratine : il n’y a personne derrière moi. Et c’est vrai : je me suis retourné pour vérifier. Elle avait raison. Et que revendiquer ? (Elle m’a posé la question et pris au dépourvu je n’ai pas su quoi lui répondre.)
« J’ai le sentiment que tu n’as plus de recul Lorenzo, ou trop et du coup tu sembles perdu. »
Perdu pour qui ? Pour quoi et pourquoi ? Perdu peut-être, mais je ne me sens pas égaré : de plus en plus s’éclaire la voie qui m’est tracée et je perçois mon devoir avec de plus en plus de discernement.
De fait j’ai entrepris ici même depuis janvier de cette année 2012 un travail de déconstruction, de "dé-lecture" de la prospective du livre telle que je l’avais à ce jour et depuis 2006 échafaudée. Je suis maintenant dans ce "délire" (dé-lire) de découvrir sous la gangue des échafaudages que j’envoie valdinguer ce qui constituerait l’édification d’une discipline qui me survivrait : la prospective du livre, conçue comme l’étude des mutations des livres conçus en tant que dispositifs de lecture, c’est-à-dire en les considérant comme des supports et des interfaces lecteurs/livres et en étudiant leurs effets sur les pratiques de lecture.
       
Le collectif Livres de Papier
  
Vendredi soir (le 04 mai 2012) je suis allé incognito à la rencontre organisée à la librairie Tropiques par le collectif Livres de Papier.
Y sont intervenus : Dominique Mazuet, (le libraire), Aurélie Del Piccolo (bibliothécaire), Guillaume Carnino (des Éditions L'échappée) et Guillaume Riquier, puis quelques-uns de la douzaine d’auditeurs qui comptaient parmi eux plusieurs éditeurs indépendants. 
  
Pour le collectif Livres de Papier créé en 2009 et qui « entend résister en mots et en actes aux menaces numériques qui pèsent aujourd'hui sur le monde de l'édition » : « qu'il s'agisse d'équiper les ouvrages de puces RFID, d'intégrer une plateforme de vente en ligne ou d'investir dans des liseuses, les thuriféraires de l'ordre numérique nous servent toujours le même refrain : il faut vous adapter si vous ne voulez pas disparaître ! Pourtant, l'irruption du numérique dans nos métiers n'a rien d'évident : c'est un choix politique, prolongation directe de plusieurs décennies de libéralisation et de précarisation, renforçant les phénomènes de concentration de l'édition et fragilisant encore un peu plus les librairies indépendantes. A l'heure où le PDG d'Amazon prédit la disparition de tous les intermédiaires du livre, quels espaces de lutte s'offrent aux libraires, éditeurs et bibliothécaires soucieux de défendre leurs savoir-faire et leur attachement au livre et à la lecture ? ».
Le raisonnement ne manque pas d’à-propos et j’ai moi-même souvent sonné le tocsin ou rappelé le point de vue pertinent de Richard Stallman sur les dangers du livre électronique. 
  
Mais faut-il pour autant refuser en bloc le passage à l’édition numérique ? Je ne le pense pas, mais certains en sont persuadés.
C’est ainsi que Dominique Mazuet a récemment adressé une longue lettre argumentée à Jean-François Colosimo, l’actuel président du Centre national du livre, pour dénoncer ce qu’il considère comme un détournement d’argent public : le fait que la contribution à la formation professionnelle serve à la formation des libraires pour faire face aux mutations induites par le numérique (voir par exemple ceci). Cela serait un cas de haute trahison. L’Observatoire du livre et de l’écrit en Île-de-France (MOTif) et l’Association des librairies informatisées, utilisatrices de réseaux électroniques (ALIRE) ne semblent pas très appréciés du côté de la rue Raymond Losserand.
Il serait intéressant je pense que le texte de cette longue lettre soit porté à la connaissance de tous pour élargir son audience et ouvrir un véritable débat.
Il y a une logique implacable dans la prose de ce monsieur, mais je ressens comme plus porteuse d’avenir pour la librairie indépendante une approche comme celle défendue par un autre libraire, Vincent Demulière, notamment sur son blog : La librairie est morte, vive la… ? (Je me trompe peut-être, je ne suis pas libraire et je ne l’ai jamais été, ce que je veux juste signaler c’est que tous les libraires ne pensent pas pareil et ne réagissent pas de la même manière.) 
  
Pour le reste je pourrais je pense synthétiser assez facilement le fil conducteur de cette soirée du 04 mai en disant que le véritable risque dépasse de loin le champ du livre et de son marché et qu’il s’agit en fait du risque de notre perte d’autonomie avec l’appareillage que l’on nous vend (nous achetons nos propres chaines). Un exemple, dans autre domaine que le livre, peut expliciter cela : en s’habituant au GPS on perd progressivement son sens inné de l’orientation (cela rejoint ce que j’écrivais récemment ici même sur le désapprentissage : avec les claviers j’ai pratiquement désappris l’écriture manuscrite !). 
   
Cela dit, je pense que la politisation extrême (Livres de Papier est ouvertement partie prenante des groupes de la gauche libertaire) marginalise ce collectif et empêche l’émergence d’un véritable mouvement de réflexion et d’action critiques pour (ré)orienter l’édition du 21e siècle.
Il faudrait que l’ensemble de l’interprofession du livre se saisisse de ces questions. Il faudrait que les personnels des grands groupes de l’édition s’organisent spontanément dans chaque entreprise en comités de réflexion et de vigilance.
  
Du loup blanc au mouton noir
   
En France aujourd’hui nous sommes au mauvais endroit au mauvais moment. Ce n’est pas vers les États-Unis d’Amérique mais c’est sur la Chine que nous devrions porter nos regards je pense pour entrevoir ce que seront demain les dispositifs de lecture et les nouveaux circuits de diffusion du livre.
  
Quoi qu’il en soit, agiter le chiffon rouge de la Liberté devant les datas-centers d’Amazon et de Google, comme don Quichotte plastronnant face aux moulins à vent, ne servira à rien sinon à grossir le rang des pleureuses pour un enterrement de première classe du livre et de la lecture. 
  
Je ne pense pas que ces personnes qui se donnaient du "Camarade !" à la librairie Tropiques me considèrent comme un "camarade", et pour ma part cette appellation est historiquement trop connotée pour que je l’utilise.
  
Comme Gutenberg je ne suis pas leur camarade, même si je les comprends en partie. Gutenberg n’était pas imprimeur puisque l’imprimerie à son époque n’existait pas et qu’il en est le principal inventeur. Il était orfèvre. C’est-à-dire un corps étranger dans le monde du livre et des copistes. Maitrisant la ciselure et les alliages des métaux, il put apporter les caractères d'imprimerie, mobiles, résistants et reproductibles.
En partie (car la révolution numérique est bien plus globale que celle de la typographie) les informaticiens sont aujourd’hui à l’édition imprimée ce que furent jadis les orfèvres à l’édition manuscrite : des alchimistes.
  
Il ne s’agit pas de leur passer le relai.
De s’asseoir par terre et de regarder passer le grand barnum organisé par ceux qui les exploitent.
Mais il ne s’agit pas non plus de s’opposer avec l’espoir ou même avec la volonté ferme que rien ne change.
Il s’agit d’entrer dans la ronde, d’imposer notre rythme et de danser sur notre propre musique.
Je ne le répéterai jamais assez : le futur du livre ne peut pas être son passé ! 
  
Le Lorenzo Soccavo qui en 2003 commençait à agacer ces beaux messieurs de Saint-Germain-des-Prés en parlant un peu trop tôt et un peu trop fort de l’émergence de l’édition numérique, les agace aujourd’hui en pointant d’un doigt accusateur leurs démissions et leurs petits arrangements avec les industriels américains du divertissement de masse.
   
De toutes parts on tire sur moi à boulets rouges (rassurez-vous je m’en amuse et c’est avec plaisir que j’exagère ici la portée de ces boulets !), et je me rappelle avec amusement ces vers de Mallarmé que je déclamais à Bordeaux dans les années 1980 :
  
Nous naviguons, ô mes divers
Amis, moi déjà sur la poupe
Vous l’avant fastueux qui coupe
Le flot de foudres et d’hivers ;
 
Une ivresse belle m’engage
Sans craindre même son tangage
De porter debout ce salut [et là je me lève]
  
Solitude, récif, étoile
A n’importe ce qui valut
Le blanc souci de notre toile.
[A la place de Mallarmé moi j’aurais fini par un point d’exclamation !]
 
Le loup blanc que je fus mangera-t-il le mouton noir que je serais devenu ? La suite au prochain épisode !
 

samedi 28 avril 2012

Semaine 17/52 : CETTE SEMAINE JE ME SUIS FAIT INSULTER PAR UN ÉDITEUR !

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 17/52.
    
Cette semaine j’ai été insulté à mots couverts, mais vraiment insulté malgré tout (vous allez voir, et puis profitez bien de ce 17e opus car je ne sais pas s‘il y en aura un 18e !), insulté donc par un éditeur (un directeur de collection en fait, à la place de l’éditeur d’ailleurs je m’interrogerais sur l’image que véhicule de ma maison un tel monsieur donneur de leçon !), insulté donc pour avoir osé prétendre à un à-valoir d’un montant équivalent à ceux que j’ai pu percevoir au début des années 2000, et ce s’agissant d’un essai de vulgarisation grand public sur les mutations du livre et de la lecture, c’est-à-dire d’un sujet complexe, en pleine évolution et sur lequel on ne pourrait en aucun cas prétendre qu’il s’agirait simplement et stupidement, pour reprendre les termes de ce monsieur : “d’accumuler et de trier des matériaux”.
      
Un baromètre trop optimiste
  
Il est vrai que pour ce monsieur un tel ouvrage doit pouvoir s’écrire en deux semaines « à raison de 4 ou 5 heures par jours ». Il me suffirait en somme de suivre ses conseils : de me lever tous les matins, sept jours sur sept à cinq heures, d’écrire jusqu’à neuf heures, « ainsi il s'agit d'écrire 5 pages par jour ce qui n'est pas la mer à boire » me dit ce brave homme, puis après… : « d’aller au boulot pour gagner [ma] croute ».
  
Le travail d’analyse et de réflexion n’a aucune valeur pour ce monsieur. Il s’agit juste d’épicerie, de fournir rapidement un produit juste bon pour des lecteurs a priori considérés comme des cochons de consommateurs-acheteurs de livres. Et le voilà donc d’inciter l’auteur à se servir ensuite de ce livre forcément mal torché pour, je cite : « construire du chiffre d'affaire en conférences, séminaires, consultances, etc. ». Mais l’auteur ne doit surtout pas s’attendre à gagner de l’argent avec son travail « qui est un investissement ».
  
Que je veuille prendre le temps d’un travail de qualité et que je veuille juste survivre modestement pendant ce temps et la conclusion de ce monsieur est alors simple : je suis chercheur et consultant indépendant, donc je suis sans emploi et donc je cherche à escroquer un pauvre et brave éditeur de quelques mois de salaires. CQFD. Pauvre abruti va ! (Je note au passage les références au sacro-saint salariat. On n’aime pas le marronnage surtout quand il porte un nom pas très français comme Soccavo !).
    
La réaction, les propos et les allusions méprisantes de ce monsieur, qui n’a apparemment aucune idée des dispositions légales d’un contrat d’édition (alors qu’il s’agit d’un petit groupe éditorial et d’une maison fondée dans les années 1920), mais aussi des témoignages et des confidences que je recueille depuis des années, les échanges au sein du Collectif Le droit du serf sur Facebook, m’enlèvent toute illusion : le Baromètre des relations auteurs/éditeurs de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) est bien trop optimiste. Il ne reflète pas la réalité. Il ne prend en compte que les déclarations d’un nombre relativement peu élevé d’auteurs et, surtout, ne considère pas les relations en amont de la signature du contrat d’édition : les rebuffades et les humiliations que les auteurs doivent subir ne sont pas prises en considération, seuls les aspects financiers contractuels sont raisonnablement pris en compte.
Cling ding bing bing… (C’est le bruit des petits sous !)
Mais je vous le dis moi : en vérité il n’y a pas de respect au cœur de l’interprofession, et c’est grave.
  
Deux autres points aussi :
- Avec la bascule d’une partie au moins du marché du livre de l’édition imprimée à l’édition numérique il va y avoir une période de flottement et de dérégularisation propice à toutes les dérives : mon imagination est peut-être ici prise en défaut mais je ne vois que l’instauration d’agents littéraires pour éviter… pour éviter quoi en somme ?
- Il faudrait également que les sociétés de gestion de droits et les organisations censées représenter et défendre les droits des auteurs soient moins complaisantes vis-à-vis de ceux qui font tourner les manèges de l’édition.
(La relève est peut-être du côté de collectifs plus informels comme Le droit du serf ?) 
  
Pourquoi me laisserais-je insulter par un directeur de collection ?
 
J’en appelle à la dignité des auteurs ! Ne vous laissez pas mépriser ! Restez dignes ! Ne soyez pas prêt(e)s à tout pour être publié ! Refusez que votre travail soit votre unique rémunération !
 
Dans mon dernier mail, celui où je réponds aux propos que j’ai sommairement rapportés ici, je remets ce monsieur à sa place, à savoir une place à laquelle je ne veux pas être : « En conséquence de quoi je refuse catégoriquement de publier cet ouvrage dans votre collection et ce quelles que soient les conditions que vous pourriez maintenant me proposer. Je regrette vivement de m’être adressé à votre maison et vous assure que je m’en préserverai bien à l’avenir, tant comme auteur que comme lecteur.
Dans ces conditions je préfèrerais également que nous en restions là. Je ne vois pas l’utilité de nous faire perdre réciproquement notre temps et d’échanger ensemble des propos discourtois. »
C’est moi qui refuse d’être édité dans une telle maison et pas leurs gens qui refusent de m’éditer. Vous comprenez ? 
  
A partir du moment où je demandais un à-valoir j’étais un voleur ! En discuter entre personnes honnêtes ? Négocier le montant ? Chercher un commun accord ? Que nenni ! Mon outrecuidance à oser refuser les : « huit cents euros mais pas plus ! » m’a déjà valu un camouflet par mail (on n’arrête pas le progrès décidément !).
Ces gens-là font la couche d’Amazon.
En ne pensant qu’à se faire du fric, ces gens là commencent à se faire du fric sur le dos des auteurs, avant de s’en faire sur celui des libraires et des lecteurs.
« Faut vous dire Monsieur / Que chez ces gens-là / On ne cause pas Monsieur / On ne cause pas on compte ! » (Jacques Brel, 1966).