dimanche 27 mai 2012

Semaine 21/52 : Le livre imprimé comme chrysalide

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 21/52.
   
Je suis resté cette semaine sur la question : quelle orientation prend cette chronique ?
 
Comme souvent peut-être, la réponse est dans la question : c’est davantage l’écriture régulière de mes réflexions presque en continu sur la prospective du livre, qui décide de la forme et du sens de ce rendez-vous hebdomadaire, qu’un travail objectif d’analyse.
Est-ce que je choisis ainsi la voie la plus facile, celle de me laisser aller à mon inspiration, ou bien, la voie étroite, celle qui conjuguerait l’intime à une véritable approche globale de ces questions du devenir du livre et de la lecture ?
 
Cette préoccupation rejoint au fond ce que j’ai exprimé en novembre 2010 sur ce blog de "P.L.E. Consulting" (où le mot "Consulting" heurte en somme) avec cette Charte éthique dont voici l’essence : « je m’attache à mettre en pratique dans mon travail, davantage qu’un ensemble de principes de bonne conduite, relevant de la déontologie professionnelle, un code moral personnel.
Car l’avenir du livre et de la lecture est vraiment ma préoccupation quotidienne.
Aussi curieux, voire stupide ou inconvenant, que cela puisse paraître pour un consultant, mon objectif n’est pas de gagner un maximum d’argent, en vendant du vent (ou des applications), en reformulant aux professionnels de l’interprofession du livre ce qu’ils disent eux-mêmes et veulent entendre en écho, en leur fourguant des solutions-recettes qui seront demain matin obsolètes.
Dans le cadre moral, que j’ai de ma propre et libre volonté décidé d’appliquer dans l’exercice de mon activité de consultant, les principales missions que je me donne sont :
- Rapprocher les acteurs des filières de l’édition imprimée, et, de l’édition numérique.
- Informer l’ensemble des partenaires de la chaine du livre imprimé, des auteurs aux lecteurs, des enjeux de la digitalisation du livre.
- Former les professionnels en les informant, l’objectif étant de leur donner une perspective historique et prospectiviste juste, pour qu’ils puissent développer des stratégies adaptées et pérennes, responsables aussi.
- Former en les informant, les jeunes des filières du livre, mais aussi de la communication et de la publicité, du marketing, de la gestion et de la médiation de projets culturels, du design et de l’ingénierie culturelle, sur l’édition du siècle. Susciter des vocations… »
  
Être ou ne pas être héroïque ?
   
J’ai relu récemment Eroïca, de Kosmas Politis. Un roman d’une puissance poétique extraordinaire. Cela dit, je n’y retrouve pas une citation précise, que je ressens pourtant comme liée à l’expression de ma pensée (la recherche plein texte manque aux ouvrages imprimés, il faut le reconnaître).
L’esprit de cet oubli est que le papillon est peut-être le rêve des chenilles.
 
Au fond je vois deux points de vue pour aborder la prospective du livre :
- considérer que nous sommes face à un tsunami numérique balayant et recouvrant le vieux monde d’un nouveau continent du flux et de la fluidité, emportant les anciens codes (dont l’écrit)…
- ou bien considérer le livre, non plus dans les limites que nous lui assignons, mais comme une interface, et la lecture comme une activité naturelle et essentielle du vivant pour déchiffrer le monde et y vivre.
Ce deuxième point de vue considère le livre comme une chenille.
C’est celui que j’adopte à ce jour.
En somme de l’argile au pixel les supports d’écriture se métamorphoseraient.
Ce que nous appelons livre (imprimé sur papier) serait une chrysalide.
    
En pensant cette semaine aux mystères de la lecture immersive, ou peut-être, plus exactement : à l’immersion du lecteur dans sa lecture, j’ai repensé à La maison du retour, témoignage de Jean-Paul Kauffmann en 2007, et particulièrement à cet extrait (que j’ai facilement retrouvé sur le web) : « Comme beaucoup de gros liseurs, j’ai longtemps entretenu un commerce névrotique avec les livres. Peur d’en manquer ? [] Un jour, cette crainte est devenue réalité. J’ai dit combien j’avais été privé de livre pendant ma détention au Liban. Ils m’ont aussi sauvé. Quand je n’avais rien à lire, je me remémorais les lectures d’avant. Il ne s’agissait que d’une reconstitution. Évidemment ces romans, je ne les savais pas par cœur. Les poèmes, oui. Je pouvais en réciter encore un certain nombre. Pour le reste, je me livrais à une tentative de rétablissement ou de représentation d’une chose disparue. L’exercice m’absorbait à ce point que je parvenais pendant un certain temps à oublier ma condition. [] Après ma libération, j’ai vite constaté avec un serrement au cœur que mon rapport aux livres avait radicalement changé. Quelques bouquins m’étaient parvenus dans ma geôle. Jamais je n’ai dévoré avec autant d’intensité. J’oubliais la cellule. [] l’homme libre ne peut lire avec une telle concentration. Il est sans cesse distrait, éparpillé par le plein exercice de sa liberté. [] La liberté nous émiette. Enchaîné, j’ai connu à la lueur d’une bougie l’adhésion absolue au texte, la fusion intégrale aux signes qui le composaient – la question du sens, je le répète, était secondaire.
Cet acquiescement total, je ne parviens pas à le retrouver depuis ma délivrance. [] Je le constate avec tristesse : j’ouvre désormais les volumes d’un geste machinal et les parcours mollement. Manque cette vigilance impérative, élémentaire, qui m’a prémuni du désespoir. »
Cela doit je pense interroger tous les "gros liseurs".
   
Il m’est difficile pour l’instant d’argumenter cette sensation intime, à savoir que mon point de vue sur la prospective du livre nait, au-delà de ma propre pratique de la lecture, d’une intuition sur les propriétés immersives de la lecture. Intuition que je ne peux encore formuler.
Peut-être ne s’agit-il que d’un mouvement de l’âme.
Peut-être est-ce réellement ce qu’il se passe en ce moment même où vous me lisez.
Comment savoir ?
   
Lire nous met sur des chemins qu’il y a, je trouve, une certaine élégance à emprunter ; aujourd’hui plus qu’hier peut-être. Mais nous devons forcément composer avec une réalité aux multiples facettes.

samedi 26 mai 2012

Le Roman de l'Espèce

Hier soir, 25 mai 2012, une vingtaine d'internautes avatarisés ont rejoint l'équipe de MétaLectures pour suivre en situation d'immersion sur le web 3D de Francogrid la conférence de Karen Guillorel : “e-troubadours : parler des livres, des terroirs aux mondes virtuels”. Quelques dizaines d'autres nous ont suivi en direct sur la web radio de Silicon Maniacs ou le live stream de Francogrid. Merci à tous !
 
Ci-après le texte de mes quelques mots d'introduction à la conférence de Karen, dont l'aventure se poursuit, avec hier précisément le lancement d'E-Migrations 3D Website qui permet aujourd'hui à tous de partager l'expérience poétique des e-Troubadours...
   


INTRODUCTION A LA CONFERENCE
" Bonsoir à toutes et à tous et merci pour votre présence.
Nous accueillons ce soir dans Francogrid pour cette 10e manifestation sur MétaLectures : Karen Guillorel. Merci à elle.
Le thème, le parcours qu'elle va retracer pour nous ce soir est celui des e-Troubadours.
En accédant à la bipédie et en se mettant en marche, nos ancêtres ont commencé à écrire le roman de l'espèce.
Ce qui les a poussés à se mettre en route dans un monde qui n'avait alors aucune voie tracée, comme eux, nous n'avons pas les mots pour le dire, pour l'exprimer. Mais c'est sans doute la même impulsion, c'est sans doute le même besoin, qui nous fait nous réunir ce soir ici.
Progressivement, de la marche aurait émergé une protolangue chantée, de laquelle différents langages articulés auraient pris formes.
Ce furent alors des siècles de nomadisme et de grandes civilisations de l'oralité.
Puis d'autres générations allaient se sédentariser et inventer les écritures, des nombres et des langues.
Ce n'est que bien plus tard que l'on inventa l'imprimerie!
Ce soir, où en sommes-nous de cette épopée ?
Comme les explorateurs qui se lançaient sur l'immensité des océans ou à la découverte de terra incognita, quelques internautes avatarisés se lancent aujourd'hui dans l'hypergrid, cette connexion de mondes numériques qui préfigure le web 3D immersif de demain. (Et demain c'est bientôt.)
Aujourd'hui les territoires digitaux nous apparaissent de plus en plus comme une extension du Réel.
Même celles et ceux qui ignorent l'existence d'Opensim, ou bien qui confondent Opensim et Second Life et limitent Second Life à un jeu, même eux ne peuvent que constater la porosité de plus en plus importante entre leur univers physique et ce méta-univers, qui prend forme par la magie d'une nouvelle écriture : le code informatique.
Il ne s'agit donc pas (ou plus, maintenant que nous avons le code pour nous le révéler) d'un univers parallèle.
Nous allons vers la symbiose, puis l'osmose.
C'est dans cette symbiose, que quelques-uns appellent réalité augmentée et réalité mixte, que se dessinent de nouvelles routes et que commence à s'écrire la suite de notre aventure.
De nouveaux explorateurs vont au contact des digiborigènes. Des e-troubadours font le lien et prennent des chemins de traverses.
Karen Guillorel parcourt, découvre et trace ces chemins depuis des années déjà.
C'est cette aventure qu'elle va conter ce soir, pour nous, pour vous qui, il y a plus ou moins longtemps, avez franchi ce pas, celui de cheminer, à la fois, dans le monde physique et dans ses extensions numériques.
Bonne soirée à tous, et merci Karen pour ce voyage que nous allons faire ce soir avec toi."
  
P.S. : Karen Guillorel participera également le 16 juin prochain à Paris au Real Time Poetry Game # Conduit d’Aération, "implémentation du dispositif Real Time Poetry Game, réalisé par l’EnsadLab/EN-ER dans le cadre d’un partenariat avec la société Ubisoft. Le projet est soutenu par le Labex Arts H2H et sera présenté le 16 juin au Centquatre, dans le cadre du Festival Futur en Seine 2012."
   

lundi 21 mai 2012

20 semaines de réflexions sur les mutations du livre et de la lecture...

Depuis le 08 janvier 2012 je développe une chronique hebdomadaire dans laquelle j'essaye, ici et tant bien que mal, d'articuler les évènements des semaines écoulées avec les problématiques de la prospective du livre et de la lecture, et avec mes espoirs et révoltes du moment également.
  
Pour celles et ceux que cet effort intéresserait, qui auraient "raté un épisode" ou souhaiteraient une vue d'ensemble des chroniques à ce jour, le "sommaire" ci-après les conduira vers les différents posts :
    
Moutons et perroquets
Semaine 02/52 :
le livre à l’école du futur
Au seuil d'un autre monde
Semaine 03/52 :
vers le biolivre ou le plasmabook ? 
Je deviens peut-être un peu fou
Les droits des lecteurs menacés
Les droits des auteurs toujours bafoués
La partie immergée de l’iceberg
Semaine 05/52 : d’une possible trans-littérature dans le récit transmédia
Un monde en développement…
Nous sommes le Livre
Semaine 06/52 : Le Livre Absolu
Avatars de chair et Livres de pierre
Du lecteur au personnage sur la scène du monde
Saint-Germain-des-Prés en état de siège ?
Pendant ce temps l’histoire s’écrit…
Et si le hasard n’existait pas ?
Semaine 08/52 : Je est une bibliothèque
Le volume, ce ferment…
Je suis un bipède, un (dé)lire sur pattes
Les grands cimetières sous les livres…
Semaine 09/52 : De la diffusion à l’infusion
Psychogéographie et ubiquité
Comment qualifier cette naissance à la noospshère ?
Un prodige agissant. Une seconde Renaissance ?
Semaine 10/52 : Primauté des articulations
Une semaine "sérendipitielle" de remise en questions
Des phrases qui articuleraient notre présence au monde
« O tempora, O mores » - « Ô temps, ô mœurs ! » (Cicéron)
Des robots indexeurs et prescripteurs
Au-delà de tous les livres LE Livre dont nous sommes les héros
J’aurais besoin que mes avatars m’aident
Semaine 12/52 : Le livre comme objectif
Danger si le livre nous devient étranger
Ne plus rien attendre des professionnels du livre
Semaine 13/52 : Troubles à l’ordre public Bd St-Germain
Quand le 19ème revient hanter mes nuits
Ceux qui font tourner les manèges
Semaine 14/52 : La Grande Pâque à Singe-des-Prés
Immobile près de la rue Grégoire-de-Tours
Mais je suis une grenouille !
Semaine 15/52 : L’obsolescence du livre
Transfiguration du lecteur
Craindre un évanouissement de la lecture
Semaine 16/52 : Une vraie ambition pour le livre et la lecture !
La peste ou le choléra ?
Mais que serions-nous en droit de revendiquer ?
Semaine 17/52 : Cette semaine je me suis fait insulter par un éditeur !
Un baromètre trop optimiste
Pourquoi me laisserais-je insulter par un directeur de collection ?
Semaine 18/52 : Pas Occupy Saint-Germain-des-Prés
Le collectif Livres de Papier
Du loup blanc au mouton noir
Semaine 19/52 : Le lecteur chimérique
La rétractation technologique
La rétine et la peau
Semaine 20/52 : Le livre devant soi
Et j’appris un jour à lire…
  

dimanche 20 mai 2012

Semaine 20/52 : Le livre devant soi

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 20/52.
    
Le temps est gris et il pleut. Pardonnez-moi, je ne tiens pas à revenir sur l’actualité de la semaine écoulée. La crise politique et financière qui murit inexorablement est sans doute bien plus importante pour notre avenir commun que le devenir des livres. Pour sept euros cinquante en livre de poche, il suffirait de lire ou de relire Le monde d’hier, de Stefan Zweig, pour voir ce qui nous attend. Et puis la sensation aussi, que tout se dilue, que la lecture finira détrempée sous l’anglais et la publicité à force de suivre le modèle du marché américain qui n’est pas un modèle. Mais aussi, j’aurais préféré me tromper sur le destin du portail de la librairie indépendante, arrivé trop tard, mal échafaudé et sans aucune vision prospective.
Seule, comme d'un phare dans le lointain, une faible lueur parvient parfois de ce que bâtissent François Bon et quelques compagnons à lui. Mais je ne partage pas leur confiance, ni leur familiarité avec le numérique. Car non, il ne s’agit pas d’outils neutres. Il s’agit là d’interfaces codées, programmées. Un marteau est un objet neutre. Il peut servir à planter un clou ou à défoncer un crâne. Un ordinateur, une tablette tactile connectée, une "liseuse", sont, je le redis, des interfaces programmées qui nous obligent. Et comment, moi, ai-je été programmé ?
   
Et j’appris un jour à lire…
  
Certainement que si l’on nous demandait notre avis, à nous autres lecteurs, nous préfèrerions en rester aux livres tels que nous les connaissons et qu’ils nous sont familiers depuis notre apprentissage de la lecture, et en ce qui me concerne sur la méthode Boscher.
« Il n'est besoin dans les sections enfantines d'autre livre que du syllabaire... Au C.P., l'enfant prend possession de l'instrument sans lequel il ne pourrait acquérir aucune autre connaissance : il apprend à lire. Les autres exercices auxquels on le soumet n'ont d'autre but que d'entretenir les bonnes habitudes physiques, intellectuelles et morales qu'il a contractées à l'école maternelle. Mais l'enseignement essentiel à cet âge, c'est la lecture ; le cours préparatoire est, avant tout, un cours de lecture... », peut-on y lire dans sa préface à destination des adultes.
Aujourd’hui je ne peux pas davantage me remémorer ma vie avant cet apprentissage de la lecture, la pratique de cet "instrument", que je puis imaginer comment durant plusieurs millénaires s’organisèrent et se développèrent des civilisations sans écriture.
Il suffit de lire le Phèdre de Platon pour réaliser que les sociétés sans écrit n’accueillirent pas sans réticences ce nouveau média, et il semble évident que quelques siècles plus tard la grande majorité des lettrés de l’Antiquité s’accrocha aux rouleaux de papyrus. Le livre ? Quelle idée !
  
En ce qui me concerne au jour d’aujourd’hui, si je ne me crispe pas sur cet éclat du passé qu’est la méthode Boscher, si je lâche prise, j’ai comme l’impression qu’il me serait possible de remonter jusqu’à moi-même au travers l’opacité des années passées, remonter à contre-courant à ce que je ressentais alors que je déchiffrais ces premiers mots, alors que je m’appliquais à ces exercices.
J’étais une page blanche alors et cette méthode m’imprima, au moins en partie, ce qu’allait être, ma vie durant, mon rapport à l’écrit et à la lecture, voire mon regard sur le monde.
Il y aurait beaucoup à dire. J’aurais beaucoup à dire.
A cette vingtième étape je suis à la croisée des chemins, de ces chemins parmi les écritures.
Soit cette chronique demeure, dans une conversion du regard sur le livre et la lecture, soit elle tourne au journal intime.
Le livre devant soi. La vie devant (et derrière) soi. Le livre devant moi est maintenant un livre blanc. Peut-être une forme élaborée de malédiction. Ou d’apocalypse ?

mardi 15 mai 2012

Des entrepreneurs français qui écrivent l'édition du 21e siècle

J'aurai le 13 juin prochain, dans le cadre des 5e Rencontres de la création de contenus et de la diffusion multicanal dans la presse, l’édition et la communication, organisées par Presseedition, le plaisir d'animer une table ronde sur le thème : Des entrepreneurs français qui écrivent l'édition du 21e siècle.
 
L'occasion de faire un point sur l'édition numérique et l'innovation en compagnie de :
  
- Sophie DENIEL, PDG et créatrice de bookBéo
- Jean-Yves HEPP, PDG et créateur de QOOQ
- Stéphane LEDUC, PDG des éditions Leduc .S
- Jean-Charles FITOUSSI, cofondateur et responsable Creative business développement de Move & Read
  

INFOS PRATIQUES
  
Le mercredi 13 juin 2012 de 09H45 à 11H00 dans le cadre du Salon OnLine 2012, Parc des expositions, Porte de Versailles à Paris.
Accès libre mais Inscription obligatoire sur le site : http://www.online-expo.fr/
N.B. : Les abonnés à la newsletter Presseedition.fr sont prioritaires. Nous signaler les inscriptions par mail à presseedition@orange.fr
Cette table ronde sera suivie de deux autres animées par Daniel Dussausaye :
- Presse et Communication : 2012, année de tous les écrans, année de toutes les opportunités ! 
- Les outils de la communication et du cross média...

  

lundi 14 mai 2012

Le livre en partage des terroirs aux territoires numériques...

Le vendredi 25 mai à 21H30 précises, l'écrivain-voyageuse et artiste Karen Guillorel viendra sur MétaLectures (environnement web 3D immersif sur Francogrid pour présenter, expérimenter et développer des solutions innovantes dans l'univers du livre et de la lecture francophones), pour aborder le sujet suivant : “e-troubadours : parler des livres, des terroirs aux mondes virtuels”.
  
J'ai en effet pensé en accord avec Karen, que ce sujet lui permettrait d'éclairer toutes les facettes qui retracent ce possible chemin de la lecture et du livre partagés, dans le paysage, la ville, et les territoires numériques...
  
Au cours de cette rencontre Karen abordera notamment les points suivants :
  
- Un voyage à pied de Paris à Jérusalem
 - lire en voyage : pourquoi ?
- le poids d'un livre oblige à abandonner le livre sur la route
- Au retour germe une idée de livre voyageur

- Un ouvrage qui se transmet de la main à la main : Traverses, livre voyageur
- Un ouvrage échangé et non pas vendu
- sur le thème du voyage
- il parcourt la planète de mains en mains
- Il a une existence en papier et numérique (2D et 3D - le choix de Second Life à l'époque comme monde virtuel)

- La conception d'un voyage pour transmettre Traverses : E-Troubadours
- En quoi ce voyage a-t-il consisté dans les faits ?
- Pourquoi E-Troubadours : aspect européen et poétique
- L'aspect IRL (in real life) / SL (Second life), coeur du voyage
 
- Expérimentations de lecture réalisées pendant E-troubadours
- transmission de la main à la main sur le chemin
- arbres à livres
- lectures à haute voix IRL et SL
- geocaching de livres

- Partenariats sur Second Life :
- Noodongeon : un espace d'exposition et de rassemblement représentant le bivouac, un arbre à livres, une machine à créer des livres sous forme de dominos, un shoot them up avec des livres...
- Bibliothèque francophone : un espace d'exposition et un livre 3D
- Tournicoton : un espace d'exposition et des oeuvres numériques réalisées par plusieurs artistes liés à Tournicoton
- Alchimie : un espace d'exposition et de rassemblement représentant le bivouac
- Aire : réduction de l'espace du noodongeon sur Aire
 
- E-Migrations : l'installation numérique de E-Troubadours
- Description de l'installation et lien
- Pourquoi utiliser Unity, paradoxalement
- Aspect littéraire : carnet de voyage 3D temps réel

   
 
Une occasion exceptionnelle de réfléchir et d'échanger sur les passerelles et les nouvelles voies du livre, les perspectives que les technologies de la communication ouvrent à la lecture grâce à quelques pionnières et à quelques pionniers.
Cette rencontre est un événement MétaLectures en partenariat avec Francogrid.
Pour accéder librement sur le web 3D à l'ile virtuelle MétaLectures il suffit de suivre la procédure simple et gratuite indiquée à la page du blog compagnon : http://metalectures.blogspot.fr/p/pour-acceder-lile-3d-metalectures.html Sautez le pas !
   

dimanche 13 mai 2012

Semaine 19/52 : Le lecteur chimérique

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 19/52.
    
Ah le beau printemps ! Je reparais aussi radieux que jamais, l’esprit pétillant de projets, et sans doute encore plein d’ambitions déréglées pour le livre et la lecture.
Dans le contexte actuel de crises - financière et économique, sociale et politique, il est logique en somme que le devenir du livre apparaisse secondaire. Mais la lecture ? Au commencement était le Verbe. Quel animal serions-nous si nous ne savions ni lire ni écrire dans ces sociétés occidentalisées dopées à la communication ?
        
La rétractation technologique
     
Ce que nous appelons livre va-t-il disparaître un jour, comme ont disparu les tablettes d’argile et les rouleaux de papyrus ?
Je crois que beaucoup de "choses" vont disparaître dans les décennies à venir.
Quelques exemples que vous me pardonnerez de jeter ainsi pêle-mêle, joyeusement et sans argumentation…
- Les automobiles - même si coulait à flot le carburant, l’équation : [un individu => une automobile] ne peut que nous conduire à un embouteillage généralisé…
- Les postes de télévision - avec la TV connectée ("Smart TV") alliant des portails d’information continue avec des bouquets de vidéos (fictions, séries, documentaires, etc.) à la demande…
- Les ordinateurs - avec les tablettes tactiles connectées et le "cloud" (stockage sur des serveurs extérieurs)…
- Les téléphones - on commence à observer une baisse significative des conversations téléphoniques, de plus en plus ressenties comme intrusives et dérangeantes. Les mails, les SMS et les Tweets réhabilitent la communication écrite. En proposant des dizaines de fonctions les smartphones sont de moins en moins utilisés comme de simples téléphones qu’ils ne sont plus.
- Beaucoup de "choses" ont déjà pratiquement disparu, et par exemple, ces dernières années : les magnétophones à cassettes, les radios-transistors, les calculettes de poche, le Minitel… (Vous pouvez allonger la liste en commentaires !) Nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus avoir ni montre ni réveil ni agenda, confiant la gestion de notre temps à notre téléphone portable.
Êtes-vous certain de ne pas déjà être nomophobe ?
   
La disparition des "choses" ne date pas du consumérisme assumé et ravageur qui souffle sur nos vies.
L’Homo faber a toujours perdu ses outils au fur et à mesure qu’il les perfectionnait.
Aujourd’hui c’est du livre qu’il s’agit.
La possible disparition du livre en tant qu’objet nous questionne en tant que lecteur.
Elle inquiète aussi (et cette inquiétude m’apparaît légitime) beaucoup de monde.
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?
  
La rétine et la peau
    
L’addiction aux "choses connectées" qui, faisant "dispositifs de lecture" remplaceraient les livres imprimés, l’addiction aux "choses connectées" est déjà reconnue aujourd’hui comme une névrose.
Pas facile de devenir un cyborg.
Être accroc de ses aides artificielles ?
Ou rejeter ces prothèses ?
La cyber-hybridation de l’espèce humaine apparait cependant inévitable.
  
Évacuée par la science-fiction dans le champ de l’imaginaire, l’hybridation technologique s’insère dans notre quotidien sans que nous en ayons réellement conscience.
(Ici se pose en filigrane la question de la responsabilité de la science-fiction, de ses auteurs et de ses éditeurs donc, dans le devenir ultra-technologique de nos sociétés ; la question de la science-fiction comme prophétie auto-réalisatrice…)
    
Longtemps, en effet, nous avons pu ne pas en avoir conscience, ou bien refuser d’envisager ce destin. Les données dont nous pouvions disposer étaient peu nombreuses et peu explicites pour des non-scientifiques. Et c’est en grande partie encore le cas. Mais surtout il nous fallait aller au devant de cette information, être attirée par elle, pour en avoir connaissance.
Aujourd’hui nous pouvons (nous devons) nous interroger je pense sur ce que les nouveaux dispositifs de lecture trahissent de cette hybridation technologique des hommes.
  
Le dispositif de la roue à livres (Cf. illustration 1) conçu par l’ingénieur italien Agostino Ramelli en 1588, témoigne significativement de la technicité qui a toujours été à l’œuvre dès lors qu’il s’agissait d’améliorer l’accès à l’écrit. Comme je le précise en général en introduction de mes cours ou de mes conférences : « L'innovation a toujours été motrice dans l'humanité pour l'apparition des écritures et le perfectionnement des dispositifs de lecture. ».
  
Nonobstant, en affectant une des activités premières du vivant : la lecture (de son environnement extérieur et de ses états intérieurs), les nouveaux dispositifs de lecture toucheraient à une des fonctions essentielles qui nous distinguerait dans le règne du vivant.
   
Ce qui m’a fait pendre conscience cette semaine des signes de cyber-hybridation véhiculés par les nouveaux dispositifs de lecture, ne sont pas tant les échos à mon opus de la semaine passée - tel le slogan du collectif Livres de papier : « Non aux livres-machines, non aux lecteurs-robots », ni ma constatation qu’il s’agit en fait du risque de notre perte d’autonomie avec l’appareillage que l’on nous vend, mais, c’est de voir sur les blogs et les réseaux sociaux certains se répandre avec fierté dans l’exposition de leurs tablettes et autres "choses connectées".
  
Quand des lecteurs exhibent leurs dispositifs de lecture comme les peuples premiers leurs représentations totémiques, quand des lecteurs arborent leurs dispositifs de lecture comme des substituts phalliques, les étalent sur le web comme des organes génitaux de la communication grande ouverte, il y a là des signes qu’il serait imprudent de ne pas interpréter.
   
Si vous avez la curiosité de faire une recherche avec des expressions comme : « skin display » ou « retinal display » (Cf. illustration 2), vous serez surpris par le nombre d’occurrences qui témoignent des recherches en cours sur les projections rétiniennes et la peau comme support d’affichage.
 
De tels dispositifs s’inscrivent dans la suite (chrono)logique, d’une part, de la disparition des ordinateurs en faveur de tablettes tactiles, d’autre part, d’une miniaturisation qui conduit aujourd’hui au développement de picoprojecteurs et d’interfaces gestuelles, pour converger demain avec les nanotechnologies.
   
Attestées en Eurasie depuis le néolithique (9 000 ans av. J.-C.), les techniques de tatouage n’ont jamais cessé de se perfectionner et d’affirmer leur palette d’expressions, que ce soit avec le body-painting (peinture corporelle), le piercing, ou tout simplement le maquillage, et dans une autre mesure les textes imprimés sur les T-shirts et autres vêtements que nous portons : comme parfois la couleur des chemises (chemises rouges des garibaldiens, chemises noires des fascistes…), les maillots des coureurs cyclistes et les ceintures des judokas, etc.
    
Les bio-nanotechnologies du 21e siècle pourraient en fait simplement remettre à fleur de peau des rêves ancestraux véhiculés par les mythes fondateurs.
Des écrans, soient implantables à quelques millimètres sous la peau, soient directement applicables sur la peau, comme des décalcomanies... Robert A. Freitas Jr, chercheur à l’Institute for Molecular Manufacturing, évoquait déjà en 1999 dans son ouvrage Nanomedicine son projet Programmable nanodermal display : un écran tactile qui permettrait d’afficher, par exemple sur la paume ou le dos d’une main, des informations médicales. De par le monde des multinationales travaillent à des projets de tatouages électroniques susceptibles de réagir aux stimulations de l’environnement extérieur, aux excitations de caresses sur la peau. Avec l’incorporation de telles technologies les corps des hommes et des animaux deviendraient un jour des écrans tactiles interactifs. Les lecteurs (lus) pourraient devenir des livres.
Vous avez déjà dévoré un livre ? Vous allez voir : vous allez adorer.
    
Cela dit, au-delà des historiens du livre, qui à mon humble avis devraient davantage faire entendre leur voix dans la période que nous traversons actuellement de passage de l’édition imprimée à l’édition numérique, je pense que les anthropologues, les ethnologues et les psychanalystes devraient, eux aussi, s’emparer de cette question du devenir du livre et de ses enjeux.
Quel avenir pour des lecteurs humains dans un monde de "choses qui (les) lisent" ?