samedi 24 mai 2014

De nouvelles formes d'oralités en milieux numériques ?

Le texte ci-après est la retranscription de mon intervention à la séance de clôture du Séminaire cultures, savoirs et techniques numériques 2013-2014, organisé par Thibaud Zuppinger et Florian  Forestier, avec le soutien de MSH Paris Nord et Implications philosophiques, à l'Ecole nationale des Chartes.
  
Nouvelles pratiques de lectures et nouvelles formes d'oralités en milieux numériques :
   
" Bien au-delà de l’informatique, les technosciences nous invitent à une conversion du regard anthropologique (trop souvent anthropocentriste), nous incitent à un véritable mouvement de pensée qui remet en question la superstructure fictionnelle de ce que nous appelons du nom, du « beau nom grave » d’univers, puits et source de l’imaginaire, l’uni-vers, réservoir et résurgence, comme Cervantès pouvait qualifier Don Quichotte de : « miroir et lumière de toute la chevalerie errante », et comme nous pouvons voir un Frère de Don Quichotte dans la gravure de Dürer : Le Chevalier, la Mort et le Diable.
 
Ainsi, nous pouvons assez facilement concevoir comment les dispositifs de lecture, par leur maniabilité, et ce qu’elle impose aux lecteurs comme contraintes à résoudre, influencent les pratiques de lecture. Marcel Mauss en 1934 dans Les techniques du corps contribue à l’élucidation des « actes traditionnels efficaces » (c’est ainsi qu’il définissait les techniques) qui se transmettent par l’éducation. Malheureusement il n’y est pas question des dispositifs de lecture, et il n’en est pas question non plus dans l’essai plus récent (1989) de Jacques Perriault sur La logique de l’usage, essai sur les machines à communiquer, approche ethnotechnologique, qui met en évidence des détournements d’innovations vers des logiques dictées par les usagers. Le livre, comme dispositif de lecture, est pourtant bien « une machine à communiquer » et « une technologie de l’illusion ».
  
On ne lit ni avec la même intention ni avec la même attention, ni dans la même posture physique ni dans le même état d’esprit, une stèle porteuse d’inscriptions gravées, une tablette d’argile recouverte de caractères cunéiformes, un rouleau de papyrus, un parchemin manuscrit, un livre imprimé, un livre de poche, un livre numérisé sur une “liseuse”, un livre numérique dit “augmenté”, “enrichi” d’audio et de vidéo sur une tablette numérique, tactile et connectée, un livre-application sur un smartphone dans le métro, un site web sur un écran d’ordinateur, des informations sur l’écran de sa montre ou de ses lunettes connectées.
 
Alors que depuis le 1er siècle de notre ère nous lisions ordinairement sur l’interface du codex : feuilles pliées, réunies en cahiers reliés et protégés par une couverture, depuis la fin du siècle précédent et la désolidarisation des messages et de leurs supports, le nombre de dispositifs de lecture a été en moins de dix ans multiplié par dix (au moins). Potentiellement, toute surface pouvant afficher du texte devient de fait un dispositif de lecture, sans pour autant être un livre cependant.
 
Ces nouveaux dispositifs de lecture, réinscriptibles à loisirs, induisent inévitablement de nouvelles pratiques de lecture. Ces dernières se signalent par un certain nombre de caractères que nous pouvons rapidement lister de la façon suivante, quoique sans doute cavalière : fragmentation, connexion (téléchargement, streaming…), partages et commentaires, d’anciennes pratiques parfois aussi du temps des manuscrits et que nous redécouvrons. 
  
Je considère la révolution des dispositifs et des pratiques de lecture comme anthropologique, dans le sens où deux landmarks (des points de repère) qui nous apparaissaient comme éternels : d’une part, le lien indéfectible du message écrit et de son support, et, d’autre part et concomitamment, l’espace circonscrit d’inscription de la page, sont désormais désunis.
J’ai précédemment évoqué en filigrane dans le survol historique la dé-liaison, le divorce, ce dé-lire, du texte et de son plan d’écriture. La métamorphose des livres en tant que contenants, et, la volatilité du livre en tant que contenus, s’inscrit en creux dans le désencrage et le “désancrage” de la parole écrite. La notion de page, elle, comme espace rectangulaire délimité et saisissable par le regard, sur le modèle d’un vignoble, à l’œuvre sur les tablettes d’argile, les colonnes d’écriture des rouleaux, les feuilles des livres et les écrans successifs des sites web, est remise en question par quatre facteurs. Tout d’abord, les liens hypertextes (dont était précurseur en 1501 le dispositif de la roue à livres conçu par l’ingénieur italien Agostino Ramelli), puis, nous avons rapidement retrouvé sur nos écrans d’ordinateurs l’habitude du multifenêtrage (que nous avions perdu avec la normalisation de l’espace introduite par l’imprimerie à partir du 16e siècle), ensuite, des applications de lecture séquentielle (les mots y apparaissent au regard du lecteur successivement et rapidement un à un : le premier logiciel de ce type fut conçu à partir de 1996 par l’architecte designer strasbourgeois, Pierre Schweitzer, il s’appelait Mot@mot et a été breveté en avril 2001), enfin, l’infinite scroll inauguré par les réseaux sociaux (un réglage permettant au contenu des pages web de se charger progressivement et sans fin pendant que nous descendons la barre de défilement vertical). Alors devons-nous tourner la page de vingt siècles d’organisation spatiale de l’écriture-lecture ?
 
Gardons-nous de tout sensationnalisme dicté par les technophiles. Les observations, notamment oculométriques du Laboratoire des Usages en Technologies d'Information Numériques (Cité des sciences et de l’industrie, Paris), par exemple, ou les travaux du neurobiologiste Stanislas Dehaene, démontreraient que ce n’est pas le cortex cérébral qui au cours de l’évolution se serait modifié pour que nous puissions un jour lire des textes écrits, mais, les hommes qui ont dû adapter leurs systèmes d’écriture pour que la lecture leur soit plus facile et moins ambiguë. Nous devrons faire de même. Cette part d’accommodation humaine serait cependant soutenue par une certaine plasticité de nos circuits neuronaux aptes à répondre à de nouveaux besoins comme, par exemple, passer de la reconnaissance d’objets au déchiffrage d’écritures. Historiquement, les pratiques de lecture ont toujours évolué dans le temps conjointement à l’évolution des supports et des dispositifs de lecture, dont les lecteurs adaptaient progressivement l’usage à leurs possibilités cognitives.
Aujourd’hui, le sensationnel n’est pas au niveau des outils numériques, mais, au niveau d’usages naissant, c’est-à-dire dans ce que j’appelais dans mon titre : “de nouvelles formes d’oralités en milieux numériques”.
 
La notion de “milieux numériques”, au pluriel, fait référence, à la fois, à la multiplicité des autres lieux possibles (dont ceux imaginaires ou fictionnels simulés numériquement), et, à l’hybridation de plus en plus criante entre territoires physiques et espaces numériques, métissage favorisé par l’internet des objets, la réalité augmentée, la géolocalisation, l’expansion galopante du métavers (monde-miroir et hyper-monde virtuels en 3D immersive engendrés par des programmes informatiques).
Dans ce mille-feuille de mondes parallèles, forme de stratification du réel en couches fictionnelles, les nouveaux dispositifs de lecture, tant ambiants qu’embarqués par les lecteurs, entretiennent en permanence la possibilité de nouvelles formes de conversation. Aux nouvelles pratiques de lecture se conjuguent de nouvelles formes d’oralités. C’est, je pense, de leurs noces, que pourraient naitre de nouvelles formes de narration, de nouvelles manières de faire récit, d’entretenir nos mythes et de nourrir notre légende, celle d’une « espèce fabulatrice » (Nancy Huston), d’un « animal lecteur » (Alberto Manguel), les paraboles et hyperboles de notre condition humaine.
  
L’apparition et le développement de la faculté du langage articulé au sein de notre espèce restent des mystères, faute de transmission orale et de traces écrites. Pour ce qui est de la lecture, nous nous rappelons l’étonnement de Saint-Augustin la première fois où il surprit son maitre Saint-Ambroise à lire silencieusement.
Passerions-nous, après l’oralité, après l’écriture, à une autre étape mixant langage oral et langage écrit ?
Dans les transports en commun les personnes qui communiquent par SMS, textos, les tweets, les courriels (mails) et les smileys, les tchats-texts, l’application Snapchat qui limite le temps d’affichage…, entretiennent une conversation sur le mode et le rythme de l’oralité en utilisant des codes de l’écrit et une écriture parfois phonétique. Le métavers permet à des internautes avatarisés de recourir à des échanges vocaux ou écrits, en mode public ou privé, dans les conditions du présentiel alors qu’ils peuvent être physiquement éloignés de milliers de kilomètres. De nouvelles formes de temporalités s’organisent, porteuses de nouveaux contrats de confiance.
Le langage articulé aurait surgi lorsque nos ancêtres purent communiquer entre eux sur des choses qui n’étaient pas, qui n’étaient plus, à portée de leurs regards, qui relevaient du passé. C’est quand a pu s’opérer ce découplage qu’ils commencèrent véritablement à pouvoir parler. Bien plus tard les écritures abstraites leurs auraient ouvert la voie à la pensée abstraite (j’entendais récemment Marek Halter affirmer au sujet de l’émergence des monothéismes : « sans alphabet abstrait pas de Dieu abstrait »). Autre découplage par rapport aux écritures idéographiques.
Supports des paroles écrites, avant les tablettes d’argiles, les bulles-enveloppes étaient peut-être des projections de la cavité buccale (3300 av. EC., voir Les trois écritures, langue, nombre, code, de Clarisse Herrenschmidt).
Aujourd’hui, en 2014, un nouveau diabole opère, encore embryonnaire, la séparation des mots écrits et de leurs supports, la dissolution de la page dans…, dans notre espace mental peut-être et les différents plans de conscience auxquels les codes numériques pourraient nous donner accès.
 
Depuis que la lecture est sortie du bois, elle n’a pas cessé d’avancer. En accédant à la volatilité de la parole, l’écrit (et ses pouvoirs — Cf. Histoire et pouvoirs de l’écrit, de Henri-Jean Martin) accède à de nouvelles formes d’essaimage, de pollinisation, de viralité, lesquelles, si nous nous référons à l’hypothèse Sapir-Whorf (années 1930) qui postule que : « les représentations mentales dépendent des catégories linguistiques, autrement dit que la façon dont on perçoit le monde dépend du langage » (Wikipédia), lesquelles donc vont façonner notre vision de l’univers pour les siècles à venir. "
 

lundi 19 mai 2014

L'édition numérique : un colonialisme ?

Je n'avais pas lu fin 2013 l'essai du philosophe et enseignant Roberto Casati, sous-titré : Manifeste pour continuer à lire, chez Albin Michel, l'éditeur historique de L'apparition du livre de 1958, sous les plumes de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin. Clairement, le passage du manuscrit au livre imprimé leur pose moins de problèmes à aborder, que celui de l'édition imprimée à l'édition numérique. Ce qui est logique.
Je ne l'avais pas lu car je me fie à mon instinct et à mon intuition dans le choix de mes lectures. J'ai fréquemment recours aussi à la sérendipité, attitude d'esprit que je développe en tant que chercheur en prospective du livre et de la lecture et en tant que cherchant sur des voies davantage spirituelles.
 
On me l'a prêté. Alors je l'ai lu. Mais de fait je ressens un malaise à la lecture de cet essai.
Pourquoi ?
Difficile à exprimer.
Son auteur est sans conteste possible intelligent et cette intelligence le force à une ouverture d'esprit que je ne peux que saluer. L'impression de gêne que je ressens vient peut-être seulement de son effort, qui justement me semble perceptible, palpable presque entre les lignes, par exemple dans son insistance curieuse tout au long du livre à clamer qu'il n'est pas un "luddiste". En devançant une attaque, à ma connaissance informulée à son égard, et qui en tous cas ne me serait personnellement pas venue à l'esprit, il crée le doute, la suspicion. Dès lors je relève d'étranges anomalies dans son argumentation.
 
Une pensée magique
  
Un exemple ?
Après une intéressante présentation des recherches de Dana Ballard et de son équipe, qui montrent que "lorsqu'un sujet doit reproduire une certaine configuration de blocs (par exemple, deux pyramides au-dessus de trois cubes à côté d'une sphère) en se servant de blocs dans le désordre, il préférera déplacer son regard en faisant des allers-retours [...] plutôt que de mémoriser le modèle à reproduire..." et l'évocation de ce que cela pourrait nous enseigner sur les arts de la mémoire : le fait que dans certaines situations "il soit moins coûteux pour le cerveau de consulter [...] le monde extérieur que d'élaborer une représentation interne du monde", l'utilisation du monde matériel comme "succédané de mémoire externe" économisant le recours à notre mémoire interne, la conclusion de notre auteur est, je cite : "qu'il est bon de s'entourer d'étagères bourrées de livres que nous avons déjà lus. La simple vue des livres suffit à activer notre mémoire." (page 53, c'est moi qui souligne cette dernière phrase qui me semble relever ni plus ni moins que de la pensée magique !). 
 
Je pourrais ainsi relever plusieurs raccourcis saisissants qui ne me semblent pas très honnêtes intellectuellement. Un autre exemple (page 65) : "Ce n'est pas parce qu'on aura vu une adaptation cinématographique qu'on aura lu le livre. Et ce n'est pas parce qu'on aura lu un livre de Kundera sous format numérique [...] qu'on aura pour autant vraiment lu un livre de Kundera...". Allons donc ! Cela va à l'encontre de mon expérience personnelle de lecteur : j'éprouve davantage de plaisir à lire, par exemple, L'insoutenable légèreté de l'être en version imprimée que sur une des "liseuses" dont je dispose, soit, mais, force m'est de reconnaître et de clamer que si je lis le roman sur "liseuse" je le lis bel et bien, au point, j'en ai plusieurs fois vécu l'expérience d'en oublier, pris par la lecture, les désagréments de la "liseuse" (vous remarquerez que je mets d'ailleurs le terme entre guillemets, cela n'est pas innocent). Que Milan Kundera refuse la diffusion de ses livres en formats numériques ne change rien à l'affaire en l'occurrence.
Certes, comme Roberto Casati le formule avec justesse : "La lecture est une expérience complexe ; elle ne se résume pas à avoir accès à un texte.", mais il faudrait je pense argumenter autrement cette vérité !
Cet essai sent le livre militant je trouve et en tant que chercheur indépendant je ne (me) donne pas dans le militantisme.
  
Des avantages cognitifs du rouleau de papyrus
 
Ma réponse sera la suivante... Le 04 juin 2007 j'avais écrit à la demande de Bernard de Fréminville pour le Colloque Alire-Dilicom : "Les nouveaux supports numériques du texte - Impacts sur le commerce du livre", le texte suivant qui y fut lu par Hervé Falloux :

« Vous me reconnaissez ? Non, bien sûr. Déjà à Rome je n’étais qu’un simple citoyen. Mais un citoyen amoureux des livres et des textes. J’ai toujours été persuadé que jamais les hommes ne trouveraient un moyen plus habile que le volumen pour faciliter la lecture et la diffusion du savoir. Mon nom n’est pas rentré dans l’histoire, mais j’étais d’une bonne famille et depuis mon plus jeune âge j’avais été habitué à manier délicatement des rouleaux de papyrus.
J’ai toujours pensé que le rouleau-livre était la forme ultime : la forme la plus parfaite pour le lecteur. Ce support s’imposait naturellement comme le véhicule de la pensée hellénistique et les plus grands textes littéraires romains y trouvaient leur juste place. Le papyrus, que nous importions alors d’Égypte était une matière noble, les Grecs la nommaient biblyos, et son assemblage en rouleau relevait d’un artisanat hautement qualifié.
Les tablettes réinscriptibles, enduites de cire, ne convenaient que pour les comptes ou la correspondance, mais, l’acte de lire exigeait assurément un support plus noble et plus pratique.
Car à Rome, la lecture n’était pas un acte anodin. Pour lire un livre il fallait prendre un rouleau dans la main droite, puis, il fallait le dérouler lentement de la main gauche, au rythme de sa lecture, puis, enrouler de nouveau graduellement la portion du texte lu, et ainsi le lecteur progressait, porté par une lecture en continu du texte qui se déroulait sous ses yeux comme une mélopée se serait développée à ses oreilles.
Son corps et toute son attention de lecteur étaient sans cesse sollicités. Il ne nous était guère possible de lire et d’écrire en même temps, de lire et de laisser notre esprit divaguer. Pour confronter différentes parties d’un même rouleau, ou bien des textes inscrits sur différents rouleaux, il nous fallait faire appel à notre mémoire. Il nous fallait être patients et attentifs, tout entiers dans l’acte de lecture. Lire, pour nous Romains, c’était comme naviguer sur un fleuve.
Le feuilletage, que quelques-uns appelaient alors de leurs vœux, aurait fait des lecteurs des visiteurs hagards et pressés, ballottés par des flots de textes saccadés sur des embarcations éphémères. Cette lecture fragmentée aurait été hautement nuisible à la perception globale des œuvres et à leur mémorisation. Avec les pages, la capacité de texte aurait été beaucoup trop grande pour un lecteur honnête. Tourner à toute allure des pages d’une seule main, est-ce seulement pensable ?
Leur fameux codex aurait nécessité une reliure solide qui aurait alourdi le livre, il serait devenu moins maniable, et puis leur parchemin aurait été un support ô combien plus onéreux que le papyrus et dont la production aurait remise en cause tout le commerce et l’artisanat du livre-rouleau.
Facilement transportables dans des écrins cylindriques richement ornés, facilement ordonnés à plat dans des casiers fixés aux murs, les volumens avaient une suprématie indéniable face à l’avenir toujours incertain. Changer de support n’est guère une saine tentation pour un citoyen honnête. Oui, je suis heureux d’être mort avec cette certitude, et avec dans les bras un volumen, symbole de savoir et d’autorité. »
 
Telle est donc, en toute sympathie, ma réponse à monsieur Casati ;-)

samedi 17 mai 2014

Edition numérique francophone indépendante : un soufflé qui retombe ?


J'ai actualisé une nouvelle fois la liste des éditeurs numériques francophones.
Une trentaine en avril 2011, cent soixante référencés à ce jour de mai 2014 et, ce que je constate à mon niveau : un fort ralentissement dans le nombre de nouveaux entrants.
 

Au moins quatre causes à cela :
  
- Le peu d'aide au lancement et au développement de telles structures innovantes dans un secteur culturel dont la préoccupation principale est de prolonger le présent le plus longtemps possible...
- Des nouveaux dispositifs de lecture mal conçus en termes de pensée design et d'ergonomie...
- La puissance commerciale et financière léonine des industries culturelles qui accaparent et orientent le marché grand public à leur bénéfice et au détriment des acteurs indépendants...
- Le recours massif des auteurs putatifs à des prestataires de services et le développement du nombre d'auteurs-éditeurs qui ne recourent plus à l'édition qu'elle soit imprimée ou numérique...
Il faut y ajouter au moins je pense la somme des incertitudes actuelles sur ce qui sortira à terme comme nouvelle(s) forme(s) de narration du creuset des nouveaux dispositifs et des nouvelles pratiques de lecture.
L'avenir s'annonce donc passionnant !

vendredi 9 mai 2014

La prospective stratégique en action

C'est avec un réel intérêt que j'ai lu ces dernières semaines l'ouvrage collectif : La prospective stratégique en action, sous la direction de Philippe Durance et paru en février dernier aux éditions Odile Jacob.
Plus d'une vingtaine de spécialistes reconnus interviennent dans ce livre qui : " À l’occasion du passage de témoin entre les chaires de prospective stratégique et de développement durable au sein du Conservatoire national des arts et métiers, [...] poursuit quatre objectifs : faire le bilan de quarante ans de pratique de prospective, approfondir certains fondements, montrer l’actualité des méthodes et esquisser quelques pistes pour l’avenir. " (plus d'informations sur ce livre ici...).
Avec, entre autres, les signatures de Régine Monti, Michel Godet bien sûr - titulaire de la chaire de prospective stratégique au Cnam, Marc Mousli, Philippe Durance - titulaire de la chaire de Prospective et Développement durable, Cnam...) c'est là un ouvrage de référence pour qui voudrait saisir, à la fois l'histoire, la vivacité et le rayonnement de l'école française de prospective, qui se définit comme : une indiscipline intellectuelle. Une définition qui m'enchante et me convient parfaitement :-)
 
Bilan et perspectives pour la prospective... du livre
 
A l'invitation de quelques-uns des auteurs de ce livre écrit pour "penser et agir autrement", j'aurai le grand plaisir de participer le mercredi 14 mai 2014 à 19H00 à un Café de la prospective consacré à la présentation de la prospective du livre de la lecture et de l'édition.
Une belle occasion d'expliciter ma propre "indiscipline intellectuelle", le parcours d'autodidacte qui m'a conduit à définir et promouvoir une approche personnelle de la prospective appliquée aux changements des supports et des pratiques de lecture, une occasion aussi de préciser mes méthodes de travail et de veille stratégique, de faire le point sur les freins et les obstacles que je rencontre, mais aussi de tracer des perspectives d'avenir, d'évoquer comment pourraient évoluer le livre et son marché, et la prospective du livre également, et surtout enfin, l'occasion d'échanger et de discuter avec des professionnels et des passionnés de prospective, et, je n'en doute pas, du livre et de la lecture.

mardi 6 mai 2014

Projet de Manifeste pour un Ecosystème du Livre Equitable

 
En tant que lecteur et chercheur indépendant en prospective du livre, je suis contre les DRM et pour ce projet d'un Manifeste pour un écosystème du livre équitable, auquel j'ai réfléchi en compagnie d'Alexandre Girardot (éditeur chez Long Shu Publishing et auteur), Ayerdhal (auteur), Sara Doke (auteur et traductrice), Colette Vlérick (auteur, traductrice et directrice littéraire chez Long Shu Publishing) et Isabelle Marin (éditrice chez Les Netscripteurs).
Ce texte, que je vous invite à commenter et à soutenir, est en parfait accord avec les 14 nouveaux droits fondamentaux des lecteurs au 21e siècle sur lesquels je travaille depuis avril 2013.


samedi 26 avril 2014

De l'hypothèse Sapir-Whorf en prospective du livre

A la question : La prospective du livre et de la lecture devrait-elle prendre en compte l'hypothèse de Sapir-Whorf (HSW), laquelle peut se formuler simplement ainsi : les façons dont nous percevons le monde dépendent du langage que nous utilisons, la réponse serait : "Oui, évidemment !".
La corollaire étant que les langages créent des mondes.
Le court texte ci-après, intitulé "Seuils et avoisinances" est un pas de côté en prospective, pour approcher ce pouvoir créateur, modestement dans la filiation des Villes invisibles d'Italo Calvino.   
J'évoquais récemment ces pistes dans un autre post : Les processus de la lecture éclairés par la théorie des univers parallèles.
Cette démarche s'inscrit elle-même en parallèle, en marge, en complément, en écho... de la toute récente création de la Société Internationale de Mythanalyse par Hervé Fisher au Québec. 
 
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la surface des pensées...
" Les orygines sont une espèce d’antilopes particulièrement étranges. Leur viande est réputée immangeable à un point tel que même les grands carnivores ne les chasseraient pas. Pour autant les orygines ne pullulent pas. Elles ont, pour s’exprimer, le besoin de vastes espaces dépeuplés de toutes espèces animales. Longtemps les hommes ont cru que c’était au-dessus des nuages que les orygines galopaient en toute liberté, mais l’invention de l’aviation a tué ce mythe. S’il reste aujourd’hui des orygines elles sont certainement en nombre réduit, en petits groupes isolés, otages d’espaces confinés au sein desquels elles se morfondent.
  
Les hiéroglyphes sont des insectes sociaux des sables.
  
Les teyxtes sont des tissus algueux vivants qui se développent à la surface des pensées.
  
Les xylophones sont des mots entêtants qui empêchent de penser.
  
La rutylance est comme un sentiment exacerbé de certitudes acquises.
  
L’hydre, ce n’est pas la peine qu’elle finisse ses phrases. Elle en dit toujours trop.
  
Et puis les l’eytres, ces grands oiseaux qui planent au-dessus des étants."


mardi 22 avril 2014

Des avatars jouables des mondes numériques aux nouveaux usages

Je viens de lire l'ouvrage collectif récemment paru sous la direction d'Etienne Armand Amato et d'Etienne Perény, du Laboratoire Paragraphe de l'Université Paris 8, aux éditions Lavoisier : Les avatars jouables des mondes numériques.
Je l'ai lu avec la subjectivité, d'une part, d'un chercheur indépendant qui évolue en marge des instances universitaires, et, d'autre part, qui s'interroge et expérimente depuis 2006 les possibilités d'utiliser le truchement des avatars pour réhumaniser les médiations autour du livre et de la lecture au sein des bibliothèques et des librairies numériques gérées par des algorithmes (après MétaLectures, mon projet Bibliosphère s'inscrit dans cette dynamique).
Même s'il est regrettable que l'intelligence des auteurs de l'ouvrage en question se soit exercée presque uniquement sur le métavers Second Life et le MMORPG World of Warcraft, dont les noms mêmes stigmatisent l'imaginaire et orientent les possibles appropriations par les internautes, le fond du propos est cependant plutôt intéressant, bien que très "théorisant". 
 
Passer des avatars jouables aux avatars communicants
 
Pour ma part, à une réflexion thématique sur les "avatars jouables des mondes numériques", je préférerais de beaucoup des expériences pratiques sur... les avatars communicants des mondes immersifs.
L'avatar, en tant "qu'objet heuristique" et transversal sur lequel s'interrogent Amato et Perény depuis 2010, "présentifie l'internaute", c'est-à-dire, à mon humble avis, le projette dans un nouvel espace social au sein duquel il peut, à nouveau, "surfer" sur le web, en compagnie et/ou en mentor de ses pairs.
Je trouve vraiment dommage que les opensims soient ici à ce point négligés. (Etrangement, mais cela est souvent le cas avec les livres imprimés abordant les évolutions des usages liés à l'emploi d'outils numériques, le contenu apparait parfois en partie presque déjà dépassé.) La volonté manifeste de théorisation à outrance ne fait, selon moi, que renforcer cet effet.
L'ouvrage est sur ce point cependant sauvé par les contributions de Claire Sistach (dont la notion de "switch identitaire" a retenu toute mon attention) et de Yann Minh.
Il est important qu'un tel travail de conceptualisation se fasse versant francophone, mais il manque ici en l'occurrence, à la fois, des perspectives pluridisciplinaire et prospective, et une véritable synthèse cohérente. Dommage.
Le plus surprenant dans cet ouvrage est en fait... son prix. 97,00 euros (quatre-vingt dix-sept euros, oui), avec en plus quelques erreurs typographiques et une version numérique seulement au format PDF et... au même prix de 97,00 euros ! 
Cela fait cher pour 300 pages et quelques de réflexions, certes intéressantes, mais diluées par le jargon universitaire qui n'appelle pas un chat, un chat, mais, un felis silvestris catus.
Nos universitaires sont-ils des ca(c)tus pensants ? Et comment n'ont-ils pas pensé alors qu'un tel prix excessif ne pouvait que nuire à la transmission, notamment auprès des étudiants et des jeunes chercheurs ?
En tous cas, des "avatars jouables des mondes numériques", aux nouveaux usages d'un web social immersif, le chemin est long :-(