Depuis des mois la question prend forme en moi. Elle a d'abord jailli à l'été 2011. En reparcourant Une histoire de la lecture d'Alberto Manguel, j'ai été frappé qu'il rapporte que le psychologue américain Julian Jaynes avait émis l’hypothèse que : « Lire pendant le troisième millénaire avant notre ère revenait […] à entendre les cunéiformes, c’est-à-dire à imaginer le discours de façon hallucinatoire en regardant les signes qui le symbolisent, plutôt qu’à reconnaître visuellement les syllabes de la façon qui est la nôtre. ».
Puis j'ai entendu parler du Projet Synesthéorie de Vincent Mignerot, lequel est venu le présenter au sein de l'incubateur MétaLectures que j'anime sur le web 3D open source Francogrid depuis janvier de cette année (Cf. illustration et sur le blog dédié à MétaLectures).
« Je croyais entendre la clarté de la lune chanter dans les bois » Chateaubriand
" issu du grec « sunaisthêsis » qui signifie « perception simultanée ». On
pratique la synesthésie lorsqu’on fait appel, pour définir une perception, à un
terme normalement réservé à des sensations d’ordre différent. Par exemple,
lorsqu’on qualifie certains sons (perception auditive) de perçants, ou d’aigus
(sensations d’ordre tactile). Ou encore, lorsqu’on parle d’une couleur (sens de
la vue) criarde (sens de l’ouïe) ou froide (sens du toucher)." (Source et page consacrée à la synesthésie sur Wikipédia).
La synesthésie pourrait nous apporter des éléments de réponses sur la lecture avant l'élaboration des écritures alphabétiques, sur le sentiment d'immersion que tout lecteur aimant lire ressent lorsqu'il est "plongé dans un livre", sur l'acquisition de la lecture par les enfants, sur la possible émergence avec les nouvelles interfaces de lecture d'un nouveau genre littéraire : "les fictions immersives" au cours de ce 21e siècle.
Le vendredi 30 mars 2012 à 21H30, Vincent Mignerot nous fera l'amitié d'intervenir une nouvelle fois sur MétaLectures, pour une conférence exceptionnelle sur le thème : Sensibilité augmentée : des rapports entre les synesthésies et la lecture.
Les pistes de réflexion sur ce thème sont multiples : l'on pense spontanément au sonnet Voyelles de Rimbaud (A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu), aux Correspondances de Baudelaire dans Les fleurs du mal ("Les parfums, les couleurs et les sons se répondent"), à la symbolique des lettres (voir Symbolisme des lettres : analogies et correspondances, synesthésies)...
Sur la synesthésie et les origines du langage, on pourra se reporter aux réflexions du paléoanthropologue Pascal Picq, maître de conférence au Collège de France, notamment dans cette présentation abordable sur le site de Futura Sciences : La synesthésie des chimpanzés dévoile un des secrets du langage.
Voilà donc pour vous préparer à cette conférence ;-) Consultez aussi le site de l'association synesthésique de France.
Pour accéder à cette conférence au sein de l'espace web MétaLectures suivez la procédure indiquée en suivant ce lien...
sur le cunéiforme, je lisais aujourd'hui dans le passionnant "Langue, nombre, code" de Clarence Herrenschmidt, que justement, cette manière d'écrire nous était difficilement concevable parcequ'échappant à tout ce qu'on a pu construire de "syntaxe" depuis.
RépondreSupprimerIl ne s'agissait pas de transcrire la parole, mais de noter des repères.
Le travail du lecteur est énorme, pour reconstituer ce qui est transcrit, et passe effectivement par une forme d'hallucination, qui est aussi une libre interprétation...
Finalement, des prises notes vraiment jetées sur un bloc note dans une conférence, sans verbe conjugué, avec des abbréviations, presque des dessins : cela ressemble peut être à de l'akkadien.
A la relecture, avec un peu d'entraînement, la mémoire fait rejaillir la voix des intervenants, les idées fortes, la force d'un orateur etc...
Pour la synesthésie... je n'ai pas les mots ! Mais j'entends bien... ce que je lis là...
Oui, merci pour votre commentaire et pour cet exemple (qui peut être pertinent) sur la prise de notes ("noter des repères") dont : "A la relecture, avec un peu d'entraînement, la mémoire fait rejaillir la voix des intervenants, les idées fortes, la force d'un orateur etc..."
RépondreSupprimer(Pour votre référence, excellente par ailleurs, il s'agit de : "Les trois écritures" de Clarisse Herrenschmidt ;-))