vendredi 28 septembre 2012

Le livre intemporel

Si l'on s'intéresse véritablement aux livres, et donc à leur histoire, il faut alors visiter l'exposition "Six siècles d'art du livre - de l'incunable au livre d'artiste" au Musée des lettres et manuscrits (du 13 septembre 2012 au 20 janvier 2013, 222, boulevard Saint-Germain à Paris).
D'abord, la visite permet de remettre un peu de raison, tant dans nos visions du passé, que dans les perspectives futuristes que nous imaginons parfois.
Nous sommes je pense (je le suis en tous cas de temps en temps) aussi subjectifs dans nos considérations sur le passé, que dans celles sur le futur.
Nous pensons trop vite, nous ne prenons pas (plus ?) le temps, nous résumons, nous simplifions pour être lu et, peut-être, compris. Au fond nous communiquons. (La forme "blog" change (a changé) notre (ma) façon d'écrire.) 
 
Le temps de lire...
 
Ce n'est pas avant le 8e siècle que le parchemin remplace vraiment le papyrus, et le codex les rouleaux.
Pourquoi se quereller sur la disparition du livre imprimé ?
Aucun de nous ne la vivra.
Si elle advient effectivement un jour, et que les livres imprimés passent des bibliothèques aux musées, comme le firent les manuscrits, ce sera dans un autre monde, une autre époque peuplée de générations qui auront d'autres points de vue que les nôtres.
Je retiens aussi de cette visite trois autres points...
L'art le plus en contradiction avec notre époque de numérisation et de téléchargement des contenus sur des dispositifs froids est très certainement celui de la reliure, dont cette exposition présente de véritables bijoux.
Dans ces époques passées, où le livre était le principal média, l'illustration, et notamment les illustrations narratives, occupent une place essentielle.
Les petits formats et le souci de maniabilité du livre et de mobilité des lecteurs sont très anciens. Les formats in-seize et in-douze sont fréquents. Une petite "bibliothèque portative du voyageur" exposée, contient vingt volumes (certes bien moins qu'une liseuse d'aujourd'hui).
Bien évidemment je n'ignorais pas tout cela, mais en reprendre conscience, dans un face à face avec les objets (notamment avec quelques outils des typographes) est essentiel je pense pour voir le présent avec un minimum d'objectivité.
 
Au-delà la praticité des nouveaux dispositifs de lecture - l'accès facile et le téléchargement rapide d'un grand nombre d'oeuvres et la gratuité de celles du domaine public, la recherche plein texte, l'accès immédiat à des dictionnaires intégrés..., ce qui est encore loin d'être toujours le cas, au-delà donc de cette praticité, l'on ressort de cette exposition avec le sentiment d'une extraordinaire singularité du livre, comparé aux nouveaux dispositifs de lecture ; avec la prise de conscience  d'une culture du prototype qui risque fort de s'éteindre si un véritable humanisme numérique ne parvient pas à s'imposer face au matérialisme dominant et à son économie vérolée.
 
Pour le reste, et comme lors de mes précédentes visites dans ce lieu par ailleurs agréable, j'ai vivement regretté : que le sens de la visite ne soit pas plus clairement indiqué et que les conditions pour voir les vidéos ne soient vraiment pas confortables. Un accès à des versions numérisées des oeuvres présentées aurait également été un véritable enrichissement.
Nous pourrions enfin regretter que le site web de ce musée n'offre pas de services et de contenus permettant de vraiment préparer ou d'approfondir ensuite sa visite. Des améliorations à venir peut-être.
L'agréable promenade que j'ai pu faire ensuite dans un Saint-Germain-des-Prés baigné par la douceur d'un beau soleil d'automne, m'incite aujourd'hui à l'optimisme.
  

1 commentaire:

  1. À toutes époques les hommes-femmes ne peuvent pas s'empêcher de complexifier et embellir ou ouvrager-d'art les objets fonctionnels... le livre et les polices-fontes, mises en page en sont un exemple particulier.
    Mais ce qui compte c'est le coût et le temps d'accessibilité au fond.
    Nous ne sommes pas pressés, mais comme disait parait il Bergson, dans toute opération de l'intelligence, il faut ? il est souhaitable? de donner une prime à la vitesse.
    Le fait que le eBook n'ait pas encore l'équivalent de 12 siècles d'artification ne tient qu'à la différence de temps, pas à l'innaréttable pulsion humaine, tant des artificateurs que des lecteurs-propriétaires pour l'artification des objets autour du contenu.

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