Durant l’année 2012
j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon
sentiment personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien
évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le
47/52.
Lire entre les
lignes c’est lire entre les sillons.
C’est lire là où
l’homme dans une société sédentarisée met encore ses pas.
Il ne trace plus la
route.
C’est lire ce qui
n’est pas écrit, mais qui a été semé.
L’argile façonnée
de mains d’hommes, à l’image des premiers champs cultivés.
Une évidence :
une tablette d’argile est une parcelle de terre travaillée par l’homme.
Les premiers
scribes n’avaient pas de traces d’encre sur les mains.
Mais de la terre
sous les ongles.
Les lignes découlent
des sillons.
(Ou l'inverse.)
L’écriture boustrophédon.
L’homme voyage alors
autrement.
Lignes. Partition
des sons. Extraire les mots des cris et des gestes.
Certains commencèrent
ainsi à voyager en restant immobiles, une tablette entre les mains, inertes
devant une stèle dressée porteuse d’étranges inscriptions.
Lire ?
Suivre le sillon.
Trébucher.
Tomber sur le
champ.
Un vertige.
Le préfixe “tré”
nous apprendrait un dictionnaire étymologique : du bas latin “tra”,
pour le latin “trans”, pour signifier : « au-delà de, par-delà ».
En lisant je
trépasse.
La racine qui
affleure du sillon me fait trébucher.
Je me prends les
pieds dans le tissu.
Lire. Marcher.
Cueillir les restes
de l’épopée.
Parcourir le champ
qu’un autre a labouré.
Passer de la scène
écrite à l’espace sonore du paysage peint.
Creuser le récit.
Mettre à jour les
maux sous taire.
Longer le chemin.
Prolonger le chant.
A l’origine s’ils
ont fui, devant quoi ont-ils fui ?
D’abord ils
découvrirent l’histoire en la parcourant.
Un jour ils se
fixèrent et fixèrent les histoires.
Assurbanipal eut sa
bibliothèque.
Au pied du mur. Au
pied de la lettre.
Premières cités aux
formes textuées.
Rêves
d’architectures alphabétiques d’Antonio Basoli.
La roue
tourne : pourquoi se sont-ils arrêtés, un jour ?
Augusto Ramelli, sa
roue à livres…
Rien ne s’élève de
cette terre retournée par les mots.
Si ce n’est une
haleine chaude.
Mais à travers ses
brumes, les brouillards et les pluies, entre les rayons rasant du soleil à
l’aurore, sous la clarté de la lune à minuit, se dessinent des mirages, que
nous prenons pour des réalités.
La lecture
profonde, lecture des profondeurs, s’effectuerait-elle en surface du champ
scriptural ?
L’expression
« coureur de fond » n’est-elle pas intrigante ?
La course de fond,
peut-on lire sur Wikipédia, « est une activité physique d'endurance qui
requiert un bon équilibre énergétique et une forte volonté mentale. ».
Que serait la
lecture de fond ?
Une lecture
dynamique ? Engageante.
Le lecteur captif.
De quoi
parler : lecture immersive, lecture de fond, lecture captivante,
peut-être, simplement, revenir à la traditionnelle appellation de lecture
intensive.
Non. Oui. Si je
prends mon propre cas de lecteur j’ai de plus en plus l’impression d’avoir été,
d’être encore piégé par l’abondance de nouveaux romans, sans cesse, et de plus
en plus j’ai la tentation d’arrêter de lire de nouveaux livres pour juste en
relire et relire, en relire, quelques-uns soigneusement sélectionnés. Relire.
Ne plus lire. Marcher. Retourner.
Les pieds sur
terre.
L’édition, dans sa
manière dont elle ne fait pas face à la mort du livre.
Sa résurrection
dans le lecteur.
Nous nous sommes
arrêtés de marcher pour nous suivre pour nous rapprocher pour nous dépasser.
Le lecteur
transhumain s’injectera du texte.
Puis peau et
papier. Ecrans ?
Le destin de
l’humanité en quelques pages.
Quelques volumes.
Des cités, des citations.
Nous deviendrons
tous des livres, je vous le dis.
Nous deviendrons des livres ? Des êtres Folon ? Oui, peut être, à condition que le/les support/s ne s'effacent pas d'eux mêmes !
RépondreSupprimerPar supports, j'entends les connexions neuronales reliées à la main qui forment écriture. Et puis, aussi,les supports matériels, ordinateurs et autres tablettes dont les logiciels évoluent si vite que, peut être, dans 4/5 ans on ne pourra plus "lire" les documents/textes sous cessions (et non en tant que propriétaires, mais là c'est encore une autre question ;-))...... Bref, lire et écrire engagent toujours et de nouveau par-delà le corps et les sédimentations de l'histoire/s