jeudi 18 octobre 2012

BnF, PetaBox versus pataquès

J'ai assisté le mercredi 17 octobre à un atelier du Labo BnF consacré au thème : "Archivage du Web : BigData et PetaBox", animé par Clément Oury (chef du service du dépôt légal numérique à la BnF), Claude Musso (Direction Déléguée aux Collections, Dépôt Légal du Web à l'INA) et Baptiste Fluzin (membre des WebArchivists).
 
Derrière ce vocable de PetaBox, qui sonne comme un médicament contre les maux d'estomac, se déploie la politique d'archivage du Web menée par la BnF pour la France dans le cadre du dépôt légal.
Pour ce qui est de l'aspect matériel de la chose on peut se représenter ces PetaBox comme de gros congélateurs remplis jours et nuits et 365 jours par an à ras bords par des robots logiciels (Heritrix).
 
Pour ce qui est de l'esprit qui anime une telle collecte il réside en fait tout entier dans les dispositions législatives et règlementaires relatives au dépôt légal (notamment la loi 2006-961 du 1er août 2006 qui concerne également les livres numérisés et numériques - Cf. fiche documentaire de l'Enssib).

Cela est bien certes, mais il manque à mon sens une vision stratégique et prospective, et ce manque pourrait, d'ici quelques décennies, nous placer dans des situations complexes difficilement gérables.
Le fait que le Web ne soit pas un "média de la permanence", comme l'imprimé, a de quoi susciter l'inquiétude et la méfiance. Certes. Mais vouloir reproduire avec des contenus volatiles les stratégies de conservation mises en place sept siècles avant J.-C. par Assurbanipal (illustration), n'est-ce pas vain ?
Dans sa conception et son vocabulaire le projet SPAR (Système de préservation et d'archivage réparti), qui va d'ailleurs jusqu'à parler "d'objets numériques" (sic) s'inscrit dans cette logique qu'il nous faudrait pourtant dépasser.
 
Bibliosphère vs PetaBox
 
Plutôt qu'au mythique modèle de la Bibliothèque d'Alexandrie, la mémoire du Web répond davantage je pense aux processus de fonctionnement de la mémoire humaine.
Les neurobiologistes auraient ici leur mot à dire.
Le numérique a une tendance, une faculté à mimer le biologique.
Il faudrait en tenir davantage compte, au moins pour ce qui concerne la lecture, l'écriture, la conservation de nos productions intellectuelles.
Il faudrait penser en termes de mémoire collective (re)distribuable, plutôt qu'en terme de silos.
Le périmètre des quatre tours s'impose comme un facteur de stabilité dans l'aventure humaine que quelques-un(e)s (rares) sont aujourd'hui conscients de vivre. Mais les archéologues du 3e millénaire en retrouveront-ils des vestiges ?
Il faut absolument je pense que les bibliothèques ne se referment pas entre leurs quatre murs, en communiquant vers l'extérieur, même si c'est avec ces "nouvelles" technologies de l'information et de la communication et qui justement ne le sont plus tant que cela "nouvelles".
De nouvelles nouvelles technologies les remplacent !
Il faut penser la bibliothèque hors les murs.
Le développement accéléré de la mobiquité, de l'Internet des objets, de la réalité augmentée, de la réalité virtuelle ou mixte, va probablement déboucher sur un biotope moins physique et davantage "océanique", une sorte de Web symbiotique (formule de Joël de Rosnay), entremêlant "réalité physique" à "réalité virtuelle", "univers" à "métavers", et que j'appelais quant à moi dans mon livre le plus récent : la bibliosphère (De la bibliothèque à la bibliosphère).
 
Dans un tel écosystème à intelligence ambiante chacune et chacun sera potentiellement bibliothécaire.
L'objectif n'est déjà plus tant dans la conservation des données numériques en des endroits précis et déterminés, mais pour la permanence de la possibilité d'accès, et cela passe surtout par des stratégies de prolifération et d'indexation (qui par ailleurs émergent naturellement des nouvelles pratiques que nous pouvons observer chez les internautes et les mobinautes).
Certes, il ne faut pas brûler les étapes, mais il faut se préparer et il faudrait, en marge des obligations légales auxquelles les grands organismes (BnF, INA...) doivent se soumettre, qu'ils aient les moyens de développer des stratégies à plus long terme...
(Ce sont là mes réflexions à chaud, le sujet est important et j'espère pouvoir l'approfondir dans les mois qui viennent. Vos réactions, commentaires, apports... seront bienvenus ;-)
 
 

3 commentaires:

  1. Merci de votre contribution, les gens de la BnF n'avaient pas du tout pensé à ce que vous dites...

    Et c'est sympa de dire qu'il faut sortir de la bibliothèque, mais la loi sur le dépôt légal l'interdit (ce sera cependant disponibles dans un réseau de bibliothèques partenaires).

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  2. Et pendant que la France donne une leçon à Google, la CNIL couvre alors la BnF, dans cette vaste opération qui viole la LOI et la VIE PRIVEE des éditeurs de sites français.

    La FRANCE ne fait donc pas mieux que GOOGLE ...C'est même pire : la BnF aspire TOUTES nos données personnelles et nos fichiers, qu'elles soient publiques ou privées, sans notre consentement et sans avoir prévenu leurs propriétaires.

    Hum?! Ai-je manqué un épisode de cette logique pas très logique ?

    Pour en savoir plus visitez cet article : http://goo.gl/6sZeG

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  3. Il s'agirait en somme d'assurer la transition de l'archive vers l'anarchive, anarchive qui ne soit plus sous l'emprise de la pulsion de mort (Cf. Derrida : "La pulsion de mort est "anarchivique" : elle travaille à détruire l'archive, y compris ses propres traces" "La finitude de la trace, c'est que, par structure, elle peut toujours s'effacer; il n'y a pas d'archive indestructible. La trace peut mourir. "Le métier d'archiviste est un métier terrible" dit Derrida, car la pulsion d'archive est à la fois un mouvement d'interprétation qui pousse à garder, maîtriser, et une pulsion destructrice qui peut conduire à la disparition de documents publics ou privés, à la mise à mort d'oeuvres d'art, à la perte définitive de corpus entiers." source http://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1205101107.html), mais de la pulsion de vie, l'anarchi(v)e, avec le développement de la consommation collaborative, du libre accès, de la défense du domaine public et des biens communs...

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