lundi 28 décembre 2020

Le turfu du livre et de la lecture ?

Le futur et le turfu sont-ils une "seule et même chose" ? Pas sûr.
Issu du verlan de "futur", le terme "turfu" aurait d'abord été popularisé par des rappeurs français avant sur les "réseaux sociaux" d'être employé par certains internautes soucieux d'afficher à moindre coût une "modernité" de façade espérant y gagner facilement en popularité.
Sans aller jusqu'à dire que ce serait "prendre les choses à l'envers" que d'envisager notre futur en tant que turfu, il n'empêche que le choix des mots, de leur sonorité et de leurs connotations spécifiques influe sur l'usage que nous en faisons et sur la manière dont ils peuvent en retour influencer nos opinions et nos décisions.
Envisager le futur, et, envisager le turfu, est-ce pareil ? Je n'en suis pas certain...
Et vous ?

samedi 26 décembre 2020

Finir 2020 avec la question de la transsubstantiation...

L’année 2020 s’est terminée en beauté avec une séance du séminaire Ethiques et Mythes de la Création consacrée aux personnages de fiction.
En compagnie de Sylvie Dallet (Présidente de l’Institut Charles Cros), Céline Mounier (sociologue) et Jean-Claude Heudin (spécialiste de l’Intelligence Artificielle) j’ai exposé l’avancée de mes réflexions sur le sentiment de "traversée du miroir" chez les lectrices et les lecteurs de fictions littéraires en posant le postulat suivant : les personnages de fictions littéraires sont généralement des créatures anthropomorphes qui ne vivent pas physiquement sur Terre, en conséquence de quoi nous pourrions les considérer comme des extraterrestres avec lesquels nous pourrions chercher à entrer en contact.
 

J’ai présenté une typologie pouvant servir de base à une catégorisation des rapports entre personnes physiques, et, personnages fictionnels, avec pour objectif de nous aider à élaborer des stratégies pour établir un contact, c’est-à-dire pour que nous puissions considérer des personnages de fiction comme de possibles médiateurs entre le monde sensoriel et les mondes imaginaires. J’ai présenté quatre catégories d’entités fictionnelles qui pourraient potentiellement nous servir de truchement avec des personnages de fiction :
    I – Les créatures ectoplasmiques
    II – Les personnes fictives
    III - Les créatures digitales
    IV - Les intelligences fictionnelles
 
En conclusion j’ai rappelé que depuis l’aube de l’humanité nous poursuivons toujours les mêmes rêves. Par exemple, voler comme les oiseaux et accéder à d’autres mondes. Pour ce qui est du vol cela nous est anatomiquement impossible mais nous sommes parvenus à mettre au point des machines de plus en plus sophistiquées qui nous transportent dans les airs et dans l’espace. Pour ce qui est de l’accès à d’autres mondes cela nous est aussi physiquement impossible, mais nous avons développé différentes stratégies passant des expériences esthétiques aux expériences mystiques et psychédéliques. Le texte reste cependant selon moi le principal agent et la lecture de fictions littéraires le domaine dans lequel nous devrions concentrer nos recherches.

Les personnages de fiction sont en-dehors du spectre sensoriel que nous pouvons consciemment percevoir, mais potentiellement certains d’entre eux pourraient-ils acquérir sur le psychisme de certains lecteurs une densité telle qu’ils pourraient accéder à leur perception de la réalité ou tout au moins l’altérer par leur présence invisible ?
Que faudrait-il débloquer pour passer de l’énergie statique du texte écrit à l’énergie cinétique spontanément engendrée par le processus mental dynamique de la lecture ?
Pourquoi ne pas chercher à mettre au point un dispositif technique permettant d’entrer en contact avec les personnages ? En physique quantique et en astrophysique les scientifiques élaborent après-coup les appareils permettant de détecter l’existence de ce dont leurs équations théoriques leur avaient auparavant démontré la réalité. Ne faudrait-il pas faire passer les études sur la lecture de fictions littéraires de la recherche théorique fondamentale à une véritable recherche expérimentale appliquée ?

mercredi 23 décembre 2020

Le support papier et son avenir...

Je suis souvent sollicité par des étudiant.e.s pour des entretiens... J'en fais écho cette fois-ci car comme sujet il s'agit de l'avenir du "support papier", et comme contexte celui d'une grande école de design.
Voici donc : 

 
 — Selon vous, quelles ont été les fonctions spécifiques du papier depuis son apparition et son évolution ? Support de l’archive et de l’écriture, quels ont été/sont ses "pouvoirs", ses lacunes et ses limites ?

Ses fonctions ont été celles d’un support léger, maniable et facilement transportable qui a en partie contribué au développement de la lecture, et ses limites sont liées à ses qualités, la fragilité à l’eau, au feu, à des parasites...
La question du pouvoir symbolique n’est pas tant liée au papier ou au livre qu’à l’écrit en fait, voire même à la maîtrise de la parole. L’expression "Avoir voix au chapitre" a longtemps véhiculé cette idée. Cependant la rareté et le coût des livres, en lien d’intelligence avec les pouvoirs économiques et politiques, les problématiques sociales d’enseignement et d’alphabétisation, doivent nous conduire à relativiser. Dans quelle mesure la valeur symbolique attachée au papier a-t-elle été une construction sociale artificielle ? Aujourd’hui poser devant une bibliothèque véhicule-il toujours le même message que naguère ?


— Considérant ses propriétés (conservation et pérennité), le papier est un témoin, une preuve du passé, vivant et significative (l’archive). Dans un sens, le papier rendrait le réel visible, lisible et intelligible. Quels rapports pouvez-vous établir entre le réel et le livre/le papier ?

La conservation et la pérennité du papier sont très relatives. C’est l’écriture, et non pas le papier, qui rend visible le langage verbal et la pensée, la parole invisible. Dans un sens l’on peut penser que cette opération de rendre visible la parole nous informe sur le réel, c’est-à-dire qu’elle lui donne forme, ou bien qu’elle nous forme, nous, à percevoir une certaine image du réel et à l’exprimer dans certaines limites communément admises par l’époque.
Il faudrait s’entendre sur une définition du réel dans le sens où le papier et les livres, que j’aime parfois à définir comme "des moyens de locomotion", véhiculent surtout des fictions et que, par exemple, une majorité de fictions littéraires nous ouvrent les portes vers des mondes imaginaires.
Le papier est le sable sur lequel nous apparaissent les mirages de l’écriture. L’analogie qui me vient à l’esprit est celle d’une partition, le solfège rend visible la musique mais la musique reste invisible cependant.


— Selon Jacques Derrida, le papier nous représente, nous atteste (Papier Machine, Galilée, 2001). En tant que support et sujet il acte, il crédite ou discrédite une réalité, "sur le papier". Pourtant, avec le numérique, il quitte peu à peu le monde réel pour se dématérialiser (e-paper, écran d’ordinateur), il se "virtualise". Comment alors le support du réel peut-il devenir virtuel ? Comment un support virtuel peut-il acter le réel ?

Je n’ai pas lu le livre de Derrida que vous évoquez. Je pourrais essayer de vous répondre à partir de l’essai "Simulacres et simulation" de Jean Baudrillard, mais je préfère vous répondre par moi-même.
En réponse à notre angoisse de mort nos ancêtres ont éprouvé très tôt semble-t-il le besoin d’inscrire, graver, buriner, laisser des traces de leurs passages. Nous pouvons penser que la transmission se faisait alors autrement que par ces sortes de témoignages, mais plutôt par imitation et apprentissage manuel, puis progressivement par des récits oraux. Et si nous voulons être rigoureux dans notre pensée nous devrions même nous questionner sur en amont l’apparition du langage articulé et sur sa pertinence à rendre compte du réel. Dans les diverses théories à ce sujet l’une avance l’hypothèse que le langage articulé aurait été facilité par la nécessité de devoir rendre compte de réalités éloignées dans le temps ou l’espace et ne pouvant pas être désignées par un geste de la main. C’est là ouvrir la porte à la fabulation, aux mensonges, etc., dès l’origine.
Avec le numérique, plus précisément que le papier, c’est la feuille, la page qui semble se dématérialiser, alors qu’étymologiquement le terme même de page est lié à une surface cultivée parcourable d’un regard, un champ, une vigne… Dans notre patrimoine culturel lire un texte et lire un paysage sont intimement liés.
Aujourd’hui la page de papier passe d’un monde de particules physiques à un monde de pixels. D’où ces inquiétudes multiples. Un sentiment de malaise qui pourrait peut-être s’expliquer par l’impression que le virtuel semblerait pouvoir introduire une rémanence plus proche de la pensée que le ne le faisaient l’écriture manuscrite ou l’imprimerie.
Cependant il demeure aussi une autre forme d’attachement aux livres et au papier et qui tient peut-être au fait qu’il existerait un esprit des objets qui se connecterait à nous, dans le sens qu’il entrerait en relation avec notre esprit, ou bien auquel notre esprit se connecterait sans avoir recours à un dispositif technique.
En résumé la frontière entre réel et virtuel est-elle si nette que cela ? C’est la question qui se pose également pour le rapport entre réalité et fictions.


— Selon vous, quels impacts majeurs l’arrivée du numérique a-t-elle eus sur la lecture et sur l’écriture ? Quels changements le traitement de texte numérique a-t-il eu sur le processus d’écriture ? Et sur le processus de lecture ? Le numérique s’adapte-il à nos habitudes et notre culture ? Ou l’inverse ?

Pour ce qui est de la lecture je pense que globalement nous lisons davantage même s’il s’agit d’une lecture moins suivie, moins linéaire et plus entrecoupée par des sauts multi voire transmédia. Ce qui potentiellement peut autant être une source d’enrichissements que de distraction préjudiciable.
Pour ce qui est de l’écriture il faudrait évaluer les risques liés à une perte progressive de l’écriture manuscrite (claviers, interfaces tactiles, reconnaissance vocale…) et ses impacts potentiels en termes de compréhension et de mémorisation notamment.
Le laboratoire Lutin Userlab a produit des travaux sur les impacts des différences de supports sur la lecture. Le professeur Stanislas Dehaene du Collège de France travaille également sur ces questions. Ces différents travaux reconnaîtraient nos indéniables facultés d’adaptation. Nous constatons bien depuis déjà quelques décennies que nous nous adaptons au numérique, cela ne signifiant pas que c’est facile pour tous, ni sans risques ou sans pertes, ne serait-ce que d’un sentiment de sécurité.


— Le livre et le papier ont, pendant des siècles, véhiculé le savoir, la mémoire et la culture. Comment le numérique, en seulement quelques dizaines d’années, a-t-il bouleversé la suprématie du livre, du support papier ? Comment être sûr qu’il soit capable de remplacer un support/un objet aussi historiquement ancré dans nos civilisations ?

Nous ne pouvons être sûrs de rien. Mais un livre imprimé est un objet clos sur lui-même et statique, tandis qu’un livre numérisé permet une plasticité d’affichage et d’accès, des recherches internes…
Par rapport au support papier il faut plutôt considérer le numérique comme la possibilité d’une hyper bibliothèque potentiellement accessible à tous en permanence, que comme un simple concurrent aux livres qui serait en compétition en termes de victoire ou d’échec.
Je crois que de tous temps l’essentiel de la transmission s’est effectuée bien plus par la chaîne du vivant, par une continuité génétique et spirituelle, que par des héritages matériels biodégradables dans le temps. Les livres imprimés devraient connaître le sort des rouleaux de papyrus et les tablettes numériques le sort des tablettes d’argile. Cela dit il reste deux aspects à prendre en compte : d’une part, le numérique n’est absolument pas de l’immatériel (il y a toujours une réalité physique de serveurs informatiques et de data centers), d’autre part, quand des archéologues retrouvent une tablette d’argile ils voient à sa surface des inscriptions à décoder, un archéologue du futur quand il retrouvera une tablette tactile il ne verra... rien.


— Le texte numérique a la capacité de se métamorphoser, de se transformer, d’interagir. A l’inverse du texte sur papier, il est en constante évolution. Avec la circulation massive de l’information, de la communication, le "règne de l’accès", mais aussi les solutions de contrôle, de tri, doit-on se méfier du texte numérique (fake news, falsification, perte de documents) ?

Oui, nous devons toujours nous méfier. Mais aussi avoir conscience que les erreurs sont plus facilement et rapidement détectables et corrigeables que dans le passé et que le travail collaboratif et les échanges contribuent à la validation des informations publiées. Énormément de mensonges et de propagande furent imprimés sur papier et véhiculés par des livres au cours des siècles passés.
Comme nous ne pouvons pas plus revenir à un avant le numérique qu’à un avant le chemin de fer, ce qu’il faut c’est nous adapter. En l’occurrence il nous faut détecter et lutter contre l’illectronisme, et faire en sorte que les enseignants et les bibliothécaires puissent développer une véritable littératie numérique auprès de la population.
A terme des développements de la technologie blockchain devraient permettre un meilleur contrôle de la fiabilité et de l’intégrité des contenus et de l’authentification de leurs sources.

— En constatant les avantages du livre électronique (accessibilité, maniabilité), est-il raisonnable d’imaginer la fin du livre papier dans les décennies à venir ?

Ces avantages sont à ce jour loin d’être des réalités. Mais c’est en effet en termes de décennies qu’il faut penser. Pour l’heure les enfants en âge de faire leur apprentissage de la lecture et de l’écriture le font encore majoritairement sur du papier, même si les apprentissages sur supports numériques se développent. Nous devons envisager ce changement sur le temps long de la chronologie des successions de générations et des politiques gouvernementales d’éducation soumises à des contraintes économiques fortes. De plus il peut toujours y avoir de l’imprévu : le récent confinement a révélé les difficultés et les limites de l’enseignement à distance et provoquera peut-être une accélération de la littératie numérique au sein de l’éducation nationale.

— Pensez-vous que l’avenir du livre soit lié à celui du papier ? En mettant en lumière ses lacunes et ses limites, le numérique peut-il aider le papier/le livre papier à se réinventer ? Une résistance du papier est-elle possible ?

L’avenir de l’objet livre en tant que dispositif de lecture est probablement lié oui à l’avenir du papier. Comme l’argile était lié aux tablettes d’argile et le papyrus aux rouleaux.
Mais le support papier, en tant que matière première, évolue toujours et il est l’objet de développements technologiques intéressants. Je pense notamment aux travaux conduits au sein de l’INP-Pagora de Grenoble par exemple sur les encres conductrices et l’électronique imprimée. A terme nous devrions évoluer vers des interfaces hybrides mixant ce que nous distinguons aujourd’hui comme étant du papier, et, les écrans (écrans flexibles...).
Par ailleurs d’autres technologies d’affichage de textes sont également l’objet de recherches, comme l’encre et le papier électroniques déjà exploités dans ce que nous appelons "liseuses", ou encore à partir du graphène.
Pour ce qui est d’une possible résistance du papier cela fait déjà quelques années que les acteurs de la filière des industries graphiques se sont organisés sous l’impulsion de leurs représentations syndicales professionnelles, entre autres l’UNIC (Union Nationale de l'Imprimerie et de la Communication) avec notamment Culture Papier qui mène un important travail de lobbying. La filière graphique (papeterie, imprimerie, diffusion et distribution…) représente des centaines de milliers d’emplois. Le SNE (Syndicat National de l’Édition) est également très actif. Enfin, pour conclure positivement, des éditeurs innovants travaillent à rapprocher l’univers du papier et l’univers numérique... 

Et vous, qu'en pensez-vous ?

lundi 21 décembre 2020

Rendez-vous en 2021 pour le Livre et la Lecture

2021 sera une année de challenges !
Pour préparer votre programmation autour des évolutions du livre, de ses supports et des pratiques de lecture, je vous propose, en présentiel ou à distance, dans le cyberespace ou bien tout simplement avec un logiciel courant de visioconférences, sept conférences exclusives ouvrant le débat, toutes rigoureusement argumentées et sous le signe de la découverte...
 
Cliquez simplement sur les liens ci-dessous pour accéder à la fiche de présentation de la conférence concernée : 

Le catalogue général est librement téléchargeable en suivant ce lien : catalogue PDF... 

Versant formations : je vous propose une approche pragmatique d'anticipation et d'exploration du futur centrée sur le secteur des arts et de la culture avec une formation au Design Fiction...
Je vous propose également un parcours adaptable à tous les cursus dédiés aux futurs professionnels des métiers du livre et de l'édition, une approche pratique visant l'efficacité à court terme...

@ votre écoute...

dimanche 20 décembre 2020

Retour d'expérience - Narration et Cyberespace


Mon avatar en compagnie de ceux de Jenny Bihouise [Collectif i3Dim] et Jacqueline Barral [Adret Web Art] à l'occasion de la visite par les organisateurs et participants de l'OpenSimulator Community Conference 2020 le dimanche 6 décembre de notre réalisation de théâtre narratif immersif dans le cyberespace open source, d'après mon texte La Traversée du langage.

Le texte intégral avec introduction et compléments est disponible au format e-book ici...
N'hésitez pas à me contacter pour plus d'informations...

mercredi 9 décembre 2020

Un séminaire sur les personnages de fiction

Dans le cadre du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros j'aurai le plaisir de participer le samedi 19 décembre 2020 (10H00 - 12H30 heure de Paris) en vidéoconférence ZOOM, à une séance consacrée au sujet suivant : 
 
Les personnages de fiction nous aident-ils encore à vivre ? 
 
 Avec au programme :
 
- Introduction par Sylvie Dallet (Présidente de l'Institut Charles Cros, professeure des universités) : "L‘écriture, "cette substance magique" comme l’écrit Le Clézio fait vivre, au delà du plaisir de la lecture du moment, des personnages et des moments qui restent dans nos mémoires et nous inspirent des choix et des renoncements. Si l’émergence des personnages singuliers induit des dialogues personnels avec leurs lecteurs, est ce l’amorce d’une lecture prospective qui annonce des comportements nouveaux ?
 
- Jean-Claude Heudin (titulaire de l'Habilitation à Diriger des Recherches de l'Université Paris-Sud, auteur de nombreux articles scientifiques ainsi que plusieurs ouvrages dans les domaines de l'Intelligence Artificielle et des sciences de la complexité aux éditions Odile Jacob puis Science eBook dont il est le fondateur)
La musique créatrice de mondes imaginaires : "Les mondes imaginaires, en particulier de science-fiction, sont des lieux qui résultent d'une boucle étrange. Ils représentent des univers créés par leurs auteurs autant que par leurs personnages. C'est en effet au travers de leurs yeux et de leurs émotions que, dans un premier temps l'auteur, puis ensuite les lecteurs ou les spectateurs, « découvrent » ce monde. Dans les films, les séries, les jeux vidéos, la musique joue un rôle essentiel. Elle fait partie intégrante de la narration, du monde et de ses personnages, en participant à l'immersion sensorielle et émotionnelle.
 
-  Céline Mounier (Docteur en sociologie et sociologue en entreprise)
Sur Les furtifs de Damasio : "L’été 2019, j’ai lu Les furtifs d’Alain Damasio, un roman de science-fiction. J’ai été captivée par le personnage de Lorca, qui étudie les furtifs en anthropologue, protégé par un chef visionnaire et bienveillant à la fois. Pendant tout le roman, Lorca ouvre des voies de recherche, progresse lentement parfois, par accélérations à d’autres moments. Son regard reste critique sur la société des années 2040 avec ses « technococons » et autres « intechtes » qui façonnent un certain rapport à la consommation, aux loisirs et à l’autorité. Dans la société d’alors, chacun est replié sur soi et l’ordre économique gouverne l’ordre politique.  En observateur engagé, Lorca est bientôt emporté par une énergie digne de la musique du Sacre du Printemps de Stravinsky. D’ailleurs, dans le roman, la place de la musique et des sons est essentielle, tout autant que la furtivité, l’animalité, la joie des corps qui se meuvent en liberté.
 
- Pour ma part j'interviendrai sur le sujet : Les personnages de fictions comme médiateurs
Travaillant depuis plusieurs années sur le sentiment de "traversée du miroir" chez les lectrices et les lecteurs de fictions littéraires et forgeant pour cela le concept de "Fictionaute", la part subjective de soi qu'une lectrice ou qu'un lecteur projette spontanément dans ses lectures, cette séance du séminaire Éthiques et Mythes de la Création sera pour moi l’occasion de proposer une catégorisation de nos rapports aux personnages de fictions. Nous serons ainsi amenés à les considérer comme de possibles médiateurs entre monde sensoriel et mondes imaginaires. La comparaison entre personnes physiques et personnages fictionnels guidera notre essai de typologie aux confins de la fiction pour distinguer les apports respectifs dans la prise de conscience et l’éventuelle autonomisation de notre fictionaute, tant des personnes fictives, que des nouvelles formes de créatures numériques, jusqu’à l’émergence d’intelligences fictionnelles que j’avais abordée le 1er mai 2020 dans le cadre du séminaire Scénographies et Technologies S&T#3 du psychanalyste Franck Ancel [Cf. Voyager dans les livres].

- Pour recevoir le lien et le code pour participer à cette vidéoconférence merci d'envoyer un mail au plus tard la veille à l'adresse suivante : sylvie.dallet@uvsq.fr  
 
- A lire également sur ce thème : 
 

dimanche 6 décembre 2020

Prendre contact avec des personnages de fiction...

J'ai envoyé un mail à des personnages de fiction.
Vers la fin de L'Anomalie, Prix Goncourt 2020 d'Hervé Le Tellier aux éditions Gallimard, il y a les adresses mails de deux personnages du livre. Deux personnages de fiction donc.

Mes deux messages étaient identiques et sobres. Comme "Sujet" : Prise de contact, et comme message, suivi de mes coordonnées : 

 " Bonjour,
J'ai trouvé votre adresse mail dans un roman.
Vous seriez un personnage de fiction, ce qui m'intéresse au plus haut point considérant mes travaux (Cf. bloc signature ci-dessous).
Pourriez-vous me confirmer ?
Je suis à votre écoute...
Bien à vous, ... "

Dans la minute qui suivait j'avais, malheureusement, pour les deux une non-réponse automatique [Mail Delivery System [...] The mail system said : 550 5.1.1...], en clair : destinataire inconnu, inexistant. 

Ce qui aurait été vraiment intéressant c'est que je reçoive une réponse !
Volonté des éditions Gallimard ou manque d'imagination de leur service marketing et promotion, absence d'un département de veille et développement R&D sur les mutations en cours des dispositifs et des pratiques de lecture, mais surtout en l’occurrence sur l'évolution des rapports entre réalité et fiction, ou tout cela à la fois ? Ce qui est le plus surprenant je trouve c'est, d'autant plus si l'on considère le sujet du livre, que son auteur n'ait semble-t-il pas songé à prolonger ainsi son histoire dans, entre guillemets, "la vraie vie".
En 2020 comment est-il possible d'indiquer les coordonnées d'un personnage et de ne rien prévoir pour que les lectrices et les lecteurs puissent entrer en contact avec lui ?

Si je suis si sensible à ce manquement c'est qu'il relève directement d'un de mes axes de recherche. Le samedi 19 décembre 2020 je participerai d'ailleurs à une séance du séminaire Ethiques et Mythes de la Création de l'Institut Charles Cros sur le sujet : Les personnages de fictions comme médiateurs. C'est également le thème d'une des conférences du cycle que je propose : Entrer en communication avec des personnages de fiction.

Parmi les nombreuses critiques du livre d'Hervé Le Tellier ces deux ont retenu mon attention :
* Chic, enfin un Goncourt qui explore le futur ! sur Usbek & Rica...
* Hervé Le Tellier est un fossoyeur heureux, sur PHILITT...