Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 03/52.
En physique, le plasma est un état de la matière constitué de particules chargées d'ions et d'électrons. En biologie, le plasma sanguin est la partie liquide du sang dans laquelle baignent ses composants majeurs, eux qui diffusent dans le corps l’oxygène et les éléments nutritifs.
Durant cette troisième semaine de janvier 2012 c’est entre le ciel gris et les trottoirs mouillés de Rennes que lentement ont germé en moi les réflexions ci-après, et d’abord cette constatation : physique et numérique sont comme huile et eau.
Je l’ai ressenti presque physiquement alors que je m’apprêtais d’abord, puis ensuite lorsque que je venais juste, d’entretenir un auditoire attentif (mais que pouvait-il bien penser ?) des complémentarités entre l’imprimé et le numérique (à la Cantine numérique rennaise) : en vérité, il n’y a pas encore de porosité entre le monde physique et les territoires digitaux. Tout juste quelques passerelles incommodes et encombrées par les marchands du temple.
Cette constatation engendre de multiples questions qu’il faudrait sérier et prioriser.
D’abord sur l’interface : c’est quoi qui pourrait faire l’interface entre le monde physique (celui que nous percevons avec nos cinq sens) et ce que j’appelle les territoires digitaux. (Il faudra que j’explique un jour pourquoi, tout ardent défenseur que je sois de la francophonie, j’opte préférentiellement pour le terme "digital", de préférence à "numérique". J’ai de bonnes raisons je vous assure !)
Comment donc concevoir que cette interface pourrait être un (ne pourrait être qu’un) appareil manufacturé, conçu par quelques américains et fabriqué par des esclaves asiatiques ? Je n’y crois pas.
(Les machines -devices ;-) vont avoir leur importance, mais, j'y reviendrai, elles doivent rester des outils et ne pas devenir des prothèses.)
Il faut dépasser toutes les catégories imposées par la vision marchande du livre et véhiculées par les médias et nombre de blogueurs qui ne font souvent que relayer ce qui reste du domaine de l'opinion.
Il faut transgresser tout ce que nous croyons savoir du livre et de la lecture.
En physique, le plasma est un état de la matière constitué de particules chargées d'ions et d'électrons. En biologie, le plasma sanguin est la partie liquide du sang dans laquelle baignent ses composants majeurs, eux qui diffusent dans le corps l’oxygène et les éléments nutritifs.
Durant cette troisième semaine de janvier 2012 c’est entre le ciel gris et les trottoirs mouillés de Rennes que lentement ont germé en moi les réflexions ci-après, et d’abord cette constatation : physique et numérique sont comme huile et eau.
Je l’ai ressenti presque physiquement alors que je m’apprêtais d’abord, puis ensuite lorsque que je venais juste, d’entretenir un auditoire attentif (mais que pouvait-il bien penser ?) des complémentarités entre l’imprimé et le numérique (à la Cantine numérique rennaise) : en vérité, il n’y a pas encore de porosité entre le monde physique et les territoires digitaux. Tout juste quelques passerelles incommodes et encombrées par les marchands du temple.
Cette constatation engendre de multiples questions qu’il faudrait sérier et prioriser.
D’abord sur l’interface : c’est quoi qui pourrait faire l’interface entre le monde physique (celui que nous percevons avec nos cinq sens) et ce que j’appelle les territoires digitaux. (Il faudra que j’explique un jour pourquoi, tout ardent défenseur que je sois de la francophonie, j’opte préférentiellement pour le terme "digital", de préférence à "numérique". J’ai de bonnes raisons je vous assure !)
Comment donc concevoir que cette interface pourrait être un (ne pourrait être qu’un) appareil manufacturé, conçu par quelques américains et fabriqué par des esclaves asiatiques ? Je n’y crois pas.
(Les machines -devices ;-) vont avoir leur importance, mais, j'y reviendrai, elles doivent rester des outils et ne pas devenir des prothèses.)
Il faut dépasser toutes les catégories imposées par la vision marchande du livre et véhiculées par les médias et nombre de blogueurs qui ne font souvent que relayer ce qui reste du domaine de l'opinion.
Il faut transgresser tout ce que nous croyons savoir du livre et de la lecture.
En France, les éditions Flammarion, nous l’avons appris cette semaine, seraient à vendre. La Fnac licencie.
Aux États-Unis, Amazon prend progressivement mais sûrement le contrôle de l’édition, ou, plus exactement, du marché du livre.
En France, Amazon a les moyens de racheter Flammarion ou (et ?) la Fnac. Et alors ?
Est-ce que cela importe ? Quelle valeur tout cela aura-t-il dans un siècle seulement, tant pour les lecteurs que pour les autres (mais je pense que nous allons vers un monde dans lequel il ne sera pas possible de ne pas être lecteur…).
Comme aujourd’hui, certains d’entre nous se penchent sur les débuts de l’écriture vers 3300 avant notre ère à Sumer, quelle valeur auront ces peccadilles dans un ou deux millénaires, alors que des chercheurs se pencheront à leur tour sur l’émergence d’une nouvelle écriture vers l’an 2000 ?
Je deviens peut-être un peu fou.
Je ne peux pas encore tellement divulguer, ici sur le web notamment, les fruits de mes recherches et les conclusions auxquelles j’en arrive.
Je peux tout juste dire que ces conclusions n’en sont pas.
Je peux déjà dire qu’il n’y a pas de conclusion en passant de l’imprimé au numérique. Mais que certainement, comme je l’écrivais dans "De la bibliothèque à la bibliosphère" : « Il faut relativiser la puissance du numérique. En effet, il se pourrait bien que d’ici quelques siècles, le numérique apparaisse à nos descendants comme, en partie, anecdotique dans l’histoire du livre. Il ne s’agit, répétons-le à nouveau, que d’outils. Et ces outils numériques, quelles que soient finalement leurs étonnantes capacités, sont aussi anecdotiques que les armes le sont dans la guerre. Car ce ne sont pas les armes qui font ou qui déclarent les guerres. Ce ne sont pas les armes qui tuent. Pas plus que ce ne sont les outils qui construisent ou détruisent. ».
A l’échelle humaine le neuronal prime sur le numérique et la conscience sur le mobiquitaire.
Revient alors la question de l'interface, mais aussi de ce qui fera charnière entre deux mondes (physique//digital), qui n'existent probablement pas plus l'un que l'autre, si ce n'est dans l'investissement en significations que nous leur prêtons. C'est peut-être ainsi à une véritable phénoménologie de la digitalisation qu'il faudrait s'adonner (travail gigantesque, alors qu'inconscient que j'étais, je n'ai fait jadis que survoler les écrits de Merleau-Ponty).
Comme je le répondais dans un entretien récent à La Règle du Jeu : « oui, le livre numérique va avoir des conséquences sur nos capacités de réflexion et d’analyse, sur nos facultés de concentration et de mémorisation. Mais il est encore trop tôt je pense pour savoir lesquelles précisément. Et surtout rien ne nous oblige à les considérer a priori comme néfastes. Nous développons aussi de nouvelles capacités, notamment en termes d’ubiquité et de travail multitâche. Il faut concevoir ces dispositifs numériques comme des outils, et éviter qu’ils deviennent des prothèses. ».
Un grand mystère se dresse devant nous. Peut-être ineffable. Il est de l’ordre de l’élaboration des écritures alphabétiques, voire carrément de l’ampleur de la naissance de l’écriture, peut-être.
Face à la bibliosphère que j’évoque (invoque) depuis plus d’une année maintenant, à la préhistoire des territoires digitaux, dont nous commençons à peine l’exploration, notamment sur l’open simulator avec l’incubateur MétaLectures, il nous faut reconsidérer, repenser le lecteur établi en conscience dans sa posture singulière de lecture, en immersion dans un environnement logiciel. (Ne pas déléguer la lecture à des machines.)
Le livre du troisième millénaire sera peut-être un état de l’humanité, constitué de particules chargées d'ions et d'électrons : le flux qui diffusera dans le corps social l’information et les éléments de savoirs. Une lecture globale à la limite de l'hyperesthésie (?)
Débile ? Mais avez-vous une seule seconde imaginé le saut, et technologique et ontologique, entre une tablette d’argile mésopotamienne et la Bible de Gutenberg ?
Je peux déjà dire qu’il n’y a pas de conclusion en passant de l’imprimé au numérique. Mais que certainement, comme je l’écrivais dans "De la bibliothèque à la bibliosphère" : « Il faut relativiser la puissance du numérique. En effet, il se pourrait bien que d’ici quelques siècles, le numérique apparaisse à nos descendants comme, en partie, anecdotique dans l’histoire du livre. Il ne s’agit, répétons-le à nouveau, que d’outils. Et ces outils numériques, quelles que soient finalement leurs étonnantes capacités, sont aussi anecdotiques que les armes le sont dans la guerre. Car ce ne sont pas les armes qui font ou qui déclarent les guerres. Ce ne sont pas les armes qui tuent. Pas plus que ce ne sont les outils qui construisent ou détruisent. ».
A l’échelle humaine le neuronal prime sur le numérique et la conscience sur le mobiquitaire.
Revient alors la question de l'interface, mais aussi de ce qui fera charnière entre deux mondes (physique//digital), qui n'existent probablement pas plus l'un que l'autre, si ce n'est dans l'investissement en significations que nous leur prêtons. C'est peut-être ainsi à une véritable phénoménologie de la digitalisation qu'il faudrait s'adonner (travail gigantesque, alors qu'inconscient que j'étais, je n'ai fait jadis que survoler les écrits de Merleau-Ponty).
Comme je le répondais dans un entretien récent à La Règle du Jeu : « oui, le livre numérique va avoir des conséquences sur nos capacités de réflexion et d’analyse, sur nos facultés de concentration et de mémorisation. Mais il est encore trop tôt je pense pour savoir lesquelles précisément. Et surtout rien ne nous oblige à les considérer a priori comme néfastes. Nous développons aussi de nouvelles capacités, notamment en termes d’ubiquité et de travail multitâche. Il faut concevoir ces dispositifs numériques comme des outils, et éviter qu’ils deviennent des prothèses. ».
Un grand mystère se dresse devant nous. Peut-être ineffable. Il est de l’ordre de l’élaboration des écritures alphabétiques, voire carrément de l’ampleur de la naissance de l’écriture, peut-être.
Face à la bibliosphère que j’évoque (invoque) depuis plus d’une année maintenant, à la préhistoire des territoires digitaux, dont nous commençons à peine l’exploration, notamment sur l’open simulator avec l’incubateur MétaLectures, il nous faut reconsidérer, repenser le lecteur établi en conscience dans sa posture singulière de lecture, en immersion dans un environnement logiciel. (Ne pas déléguer la lecture à des machines.)
Le livre du troisième millénaire sera peut-être un état de l’humanité, constitué de particules chargées d'ions et d'électrons : le flux qui diffusera dans le corps social l’information et les éléments de savoirs. Une lecture globale à la limite de l'hyperesthésie (?)
Débile ? Mais avez-vous une seule seconde imaginé le saut, et technologique et ontologique, entre une tablette d’argile mésopotamienne et la Bible de Gutenberg ?
Imaginez. Vous verrez c’est bon pour la liberté d’esprit.
Semaine 01/52
: appeler les machines des machines
Semaine 02/52 : le livre à l'école du futur
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