jeudi 29 mars 2012

La route du papier et le déclin de l'imprimerie

J'ai eu l'occasion hier soir à l'invitation de Culture Papier d'entendre à l'École des Gobelins Erik Orsenna présenter son troisième "Petit précis de mondialisation" : Sur la route du papier.
    
La veille au soir j'avais achevé sa lecture, une lecture qui avait été agréable, le style aide beaucoup, l'élégance du ton fait passer bien des choses.
  

Nonobstant, en filigrane de ces pages, la question se pose malgré tout : ne s'agit-il pas là au fond d'un enterrement de première classe pour le papier dit "graphique" (imprimé), pour le papier comme support de lecture, par celui qui fut il n'y a pas si longtemps un pionnier français de la lecture sur support électronique (avec Cytale...).
  
Quoi qu'il en soit en réalité ce n'est pas là ce que je regrette pour ma part de ne pas avoir trouvé sur cette route du papier.
J'aurais aimé pouvoir y emprunter quelques sentiers, quelques chemins de traverse dans l'histoire du livre et de la lecture.
Le papyrus par exemple? Ce n'est pas véritablement du papier, mais par son processus de fabrication qu'explique clairement Erik Orsenna l'appartenance ou la non-appartenance à la lignée du/des papier(s) n'est pas si claire que cela. Si l'imbrication par martelage des fibres des tiges de papyrus abondamment humidifiées ne donne pas véritablement une pâte à papier, nous n'en sommes pas très éloignés et la parenté avec le papier me semble plus proche que celle du parchemin.
Et c'est sur le parchemin précisément, en tant qu'erreur industrielle qui aurait retardé de plusieurs siècles l'émergence de l'imprimerie en Europe, qu'il faudrait je pense s'interroger davantage aujourd'hui, notamment afin de déterminer dans quelle mesure, parallèlement à l'évolution des technologies d'affichage sur écrans (je pense par exemple aux tablettes tactiles multimédia), le papier dit électronique (e-paper ou papiel) ne serait pas, malgré la différence de process industriel, une voie adjacente au papier graphique pour accompagner les nouvelles pratiques de lecture ? 
L'appropriation du papiel par des artistes témoigne je pense de sa parenté, d'une certaine parenté, avec le papier (voir les illustrations ci-dessous).  
  
Le déclin de l'imprimerie
    
Il ressort incontestablement du livre d'Erik Orsenna que le papier, en tant que matière première, est encore dans sa phase de croissance. Je partage pleinement cet avis. Le papier va poursuivre sa route, et le livre la sienne.
Mais si je conseille la lecture de ce "Petit précis de mondialisation", je conseillerais de l'augmenter de quelques points de vue, tout aussi récents et parfois un peu moins policés, comme par exemple : Comment ralentir le déclin de l'imprimerie ? ("Chaque industrie connaît un modèle de cycle de vie qui commence par une phase d’émergence, suivie d’une phase de croissance puis de maturité avant de finir ou de « mourir » après une phase de déclin plus ou moins longue. L’industrie graphique n’échappe pas à ce modèle.") par Yves de Ternay, et, Le numérique tue les usines à papier (enfin) par François Bon ("Qui d’entre nous pour nier que les arbres repoussent, et non point les iPad ? Qui d’entre nous pour ne pas réfléchir en permanence à ce fait grave d’une consommation effrénée des ressources les plus précieuses, et ce qu’on en inclut dans nos micro-processeurs et nos écrans de plastique ?").
N'hésitez pas à signaler en commentaires les autres points de vue ou apports qui vous sembleraient (im)pertinents.
     
Illustrations de gauche à droite : oeuvres sur papiel des artistes Nora Boudjemaï et Gilles Guias.
  
Lire aussi sur ce sujet : Encre électronique à Drawing Now Paris ("Marie Denis, artiste plasticienne passionnée par le papier, ne s'y est pas trompée. Elle propose de visiter ce nouveau support étonnant, avec une œuvre expérimentale à base d'encre électronique, présentée pour la première fois à Drawing Now Paris par la Galerie Alberta Pane, du 29 mars au 1er avril au Carrousel du Louvre.").
  

8 commentaires:

  1. j'invite ceux qui ne savent encore comment se positionner sur l'utilisation du papier comme support de communication à prendre en main un beau livre imprimé sur un papier noble, orné de dorures, gaufages,vernis et autres embellissements. je les encourage à le toucher, le sentir, le regarder et le lire. Ensuite je leur demanderai de lire le même texte sur leur écran d'ordinateur...

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    1. @ Laurent :
      Certes ! et sans être bibliophile j'apprécie les livres reliés et imprimés. Cela dit, pour le type d'ouvrage auquel vous faites allusion le prix pour le lecteur (acheteur consommateur aussi) est loin d'être négligeable et, de toutes les façons, ce type de bel ouvrage est bien rare sur le marché courant de la librairie : la grande majorité des livres imprimés coûtent déjà plus de 20 euros en général et sont réalisés à l'économie, à la "va comme je te pousse" ;-(
      Quant à lire sur ordinateur il n'en est pas question (je faisais allusion aux tablettes, et, surtout aux liseuses e-paper).

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  2. Bonjour,

    D'un point de vue général je pense que le papier ne va pas disparaître dans son utilisation au niveau de l'information. On disait que la radio allait tué la presse écrite, on disait que la télévision allait tué la radio et la presse écrite, on disait qu'internet allait tué la télévision, la radio, et la presse écrite et au final on se retrouve avec cette multitude de media. Donc le papier, au niveau de la transmission de l'information, est toujours là et bien présent.

    En ce qui concerne les livres papier je me permet de vous faire une petite liste non exhaustive d'arguments en sa faveur :

    1) Écologiquement parlant : Un livre papier est moins "polluant" qu'un e-book (on compte bien sûr l'empreinte carbone de la liseuse). On estime donc qu'il faille environ 60 e-book dans une liseuse numérique pour arriver à une égalité d'empreinte carbone. Si on compte la durée de vie d'un appareil et son obsolescence programmé on se rend bien compte que l'empreinte écologique d'un livre papier dans le temps est beaucoup moindre qu'un e-book. De plus, le papier est une ressource renouvelable, biodégradable, recyclable et surtout non fossile. Il faut savoir que la consommation de papier font accroître les forêts européennes de l'équivalent de la surface de 5000 terrains de football par an. Cette croissance est dû à la gestion durable et éco-responsable.

    2) Financièrement parlant : Là c'est souvent le cheval de bataille des pro "e-book" car ils montrent constamment que le livre papier est plus cher de l'ordre de 20 à 40% par rapport à un livre électronique. Ce qui me fait, personnellement bondir car...Quid de l'emprunt de livre dans les bibliothèques/centre culturel/mediathèque ? Qui du marché de l'occasion ? Pour l'instant si on achète un e-book, on l'achète et on ne peut plus le revendre.

    3) Au niveau de la praticité : Je reviens avec mon dernier argument sur la revente...Quid du prêt de livre ? Si j'ai lu un livre qui m'a plu et que j'ai envie de le transmettre à quelqu'un, comment faire ? Pour l'instant on ne peux pas. Autre exemple où l'on voit la limite de la praticité : Imaginons un couple de lecteur. Chacun lit un style de roman bien différent. Il faudra donc acheter chacun son livre (comme le livre papier) mais aussi chacun sa liseuse numérique ! Multiplions donc ça par autant d'utilisateurs et...ça rejoins mes arguments écologique et financier. Et il y a encore plein d'autres arguments à avancer : le prêt de livre, le confort de lecture, la non dépendance énergétique, etc.

    4) Technologiquement parlant : Je ne vais pas développer autant dans ce point là mais je vais juste donner quelques pistes de réflexion : Si j'achète un e-book, est-ce que je pourrais le lire dans 10, 20, 30 ans ? Est-ce que le changement de technologie ne rendra pas les e-book obsolète très rapidement (il y a déjà des incompatibilités entre le format epub1 et le format epub3...) ? Quid de la transmission des e-book sur les machines à venir ? Quid de l'obsolescence des machines ? J'ai des livres chez moi qui ont entre 100 et 150 ans et qui sont encore en très bon état et parfaitement lisible, qu'en est-il des livres électroniques ?

    [Suite dans un autre message]

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  3. [Suite du message]

    Je comptais écrire encore et encore mais je vais m'arrêter là. Je pense que vous avez bien compris mon point de vue sur le medium papier mais surtout sur le livre numérique. Pour conclure, je pense que "le papier a de l'avenir parce qu'il a un passé" (ce n'est pas de moi mais de Ludovic Martin). Le medium papier existera toujours car c'est un medium que l'on maîtrise depuis des années et qui nous apporte encore aujourd'hui de la créativité. Ce qui me fait peur concerne le livre papier, car nous vivons dans un monde complètement fou qui ne s'arrêtera jamais et qui est totalement régit et gangrené par l'argent. On voit bien que pour un éditeur un e-book coûte moins cher à produire qu'un livre papier. On va donc se ruer vers ça en sacrifiant sur l'autel du sacro-saint capitalisme : l'environnement, le savoir et la transmission, le rapport à l'objet et aux choses tangibles, les sensations et le sens (un e-book n'a pas d'odeur, de saveur), etc. Je pense que l'on va droit dans le mur. Quoiqu'il en soit, j'ai 27 ans, et j'espère encore pouvoir lire mes auteurs préférés sur du papier jusqu'à ma mort.

    Désolé pour le pavé. Y a sûrement énormément de fautes d'orthographe/grammaire/conjugaison mais j'avais besoin de m'exprimer, là, maintenant, tout de suite, et de faire parler mon coeur. Merci pour le lieu d'expression mis à disposition.

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  4. Je ne partages pas totalement l'argumentaire très détaillé ci-dessus :

    - Si on tient compte de l'ensemble de la chaîne (depuis l'abattage des arbres, la fabrication du papier avec des produits chimiques divers, la fabrication des encres, l'énergie consommée par les machines d'impression et de mise en forme du livre, l'emballage, le stockage, le transport, l'éclairage et le chauffage des locaux de production, de stockage et de vente, ...), il faut, à mon humble avis, bien moins de 60 eBooks pour compenser les ressources nécessaires pour la production d'une liseuse de type Kindle (pour ne pas la nommer)

    - le prix des eBooks (version électronique de livres papier existants et hors domaine public) est maintenu artificiellement haut par les éditeurs et distributeurs (vois simplement l'exemple de la procédure judiciaire actuelle contre Apple et de grands éditeurs), ce qui rend l'eBook financièrement bien plus intéressant pour eux mais pas pour le lecteur. Il existe nombre de livres tombés dans le domaine public (les 'classiques' entre autres) qui sont disponibles soit gratuitement soit à un prix dérisoire, mettant la culture à la disposition de tous (une liseuse Kindle coûte 99€ soit le prix de +/- 5 livres ou 10 livres au format poche mais peut stocker, comme la mienne, des dizaines, voire des centaines de livres)

    - il existe aujourd'hui des systèmes de protection (DRM) permettant le prêt d'eBooks pendant une certaine durée, tout en empêchant le propriétaire de le lire pendant ce temps ; cela peut servir pour les bibliothèques publiques, scolaires, ... De plus, dans un couple (pour reprendre l'exemple cité), rien n'empêche de se prêter également sa liseuse, d'autant que, quand on reprend la lecture, le livre s'ouvre à l'endroit où on l'a quitté.

    - en ce qui concerne l'aspect technologique, cela pourrait, il est vrai poser problèmes mais, déjà aujourd'hui, il existe des logiciels libres de bonne qualité permettant de convertir des formats (p.ex. de PDF en ePub ou de ePub en Mobi ou KF8, ...), cela devrait donc permettre de suivre l'évolution et de convertir ses livres pour qu'ils nous suivent longtemps.

    Un aspect qui n'a pas vraiment été abordé est l'aspect pratique de l'eBook et de la liseuse : quand je pars en voyage, je peux prendre suffisamment de livres avec moi sans encombrer ma valise ni me démonter l'épaule (je lis actuellement une brique de 1200 pages et je ne dois supporter que le poids de ma liseuse pas le kilo bien tapé du livre papier.
    Mais il est vrai que la sensation est différente, en particulier au niveau de l'odeur des vieux livres, ... Tout en reconnaissant que les liseuse à eInk ont un confort de lecture proche de celui du livre papier, ce qui n'est pas le cas avec les écrans 'classiques des ordinateurs et autres tablettes.

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  5. En début de commentaire, bien entendu lire 'je ne partage pas ' (sans 's') ... Désolé

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  6. Bonjour et merci pour votre réponse :)

    Je pense qu'on discuter et débattre des 3 derniers points (prix, technologie et praticité) car chaque support a ses points positifs et négatifs. Pour ma part, je vois plus d'avantages que d'inconvénient au livre papier.

    Par contre au niveau écologique, je pense qu'on se sera pas du tout d'accord. Pour la simple et bonne raison est que le papier et l'encre (végétale désormais) sont des ressources renouvelables, durables et non fossiles. Je vous conseille le visionnage du reportage "Boomerang" diffusé sur Canal+ qui se nomme "La puce à l'oreille". C'est juste édifiant de voir que l'extraction de minerai précieux pour les batteries de téléphones/tablettes et liseuses sont soumis à la barbarie, aux crimes de sang et viol de villages entier en Afrique. Que la fabrication et le montage de ces produits sont soumis à de l'esclavage à l'échelle industrielle de milliers de chinois. Je vous suggère également de faire une recherche sur google avec les mots clés suivant : "bilan carbone livre électronique". Vous remarquerez que les chiffres que j'avance sont réelles et ne prennent même pas en compte l'obsolescence programmé de l'appareil (qui sera inutilisable dans 4 ans au maximum alors qu'un livre papier...bah...pas besoin de faire la démonstration ^^)

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  7. Bonjour,

    Très intéréssant ! Personnellement, je préfère des livres papier, en effet, pour une question d'hygiène, je trouve que les Ipad, écran tactile, sont grasses, ça ne me donne même pas envie de les toucher. un eBook facilement transpotable, ça on ne peut le nier. Je préfère la lecture classique aussi car je ne veux pas sur-utiliser mes yeux devant les écrans, en effet après des heures et des heures de travail passées à l'écran, pour moi la lecture devant un livre classique est un moment agréable de détente.

    Une chose que je déteste avec les epub je précise "epub", c'est moche au niveau de mise en page, d'un point de vue artistique. En fait, le gros point qui avantage un "epub" est qu'il pratique.

    Donc, quoiqu'il en soit, e-Book ou livre papier, chacun a des avantages et inconvénients.

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