samedi 14 juillet 2012

Semaine 28/52 : Futurologie du livre

Durant l’année 2012 j’ai décidé de publier ici même chaque semaine un billet exprimant mon ressenti personnel sur la semaine précédente, dans la perspective, bien évidemment, des problématiques de la prospective du livre et de l’édition.
Ce post est donc le 28/52.
 
A l’échelle d’une simple vie humaine, éphémère, les métamorphoses des outils d’écriture et des dispositifs de lecture apparaissent aujourd’hui époustouflantes.
J’ai appris à écrire au début des années 1960 avec un encrier et une plume Sergent-Major. L’année suivante je passais au stylo plume avec ses cartouches d’encre noire. Ce ne fut que quelques années plus tard que je fus autorisé à utiliser des stylos billes. Jeune adulte, prétendant à la poésie et à l’écriture dramatique, je “tapais” mes textes sur des machines à écrire, longtemps mécaniques  et même quelques années par fétichisme sur une vieille Underwood, puis, un jour, électriques, puis, plus tard, électroniques.
Contrairement à certains pionniers de l’édition numérique (je pense notamment à François Bon) je n’ai que très tardivement adopté un ordinateur. Je ne suis vraiment pas d’une nature technophile et j’entretiens des rapports difficiles avec celui sur lequel je tape (au lieu d’écrire) le présent texte.
Ce parcours, sans doute très commun, concernant les outils d’écriture, je peux aussi le retracer pour les dispositifs de lecture. Ainsi, longtemps, j’ai lu des textes de toutes sortes imprimés sur des feuilles de papier reliées entre elles et protégées par une couverture. Des livres tout bonnement. Du jour où un ordinateur a pris place sur mon bureau j’ai commencé par la force des choses, de cette chose là nommée “ordinateur”, à ordonner différemment mes parcours et mes stratégies de lectures. En résumé je lis pratiquement autant qu’avant sur papier, mais de plus en plus sur ordinateur, et parfois sur ce qui est aujourd’hui appelé : une “liseuse”.
 
Je me souviens la troisième phrase
 
Cette semaine, dans la nuit du 10 au 11 juillet 2012 j’ai fait un rêve étrange. J’assistais à une présentation d’un nouveau dispositif de lecture. C’est dire comme cette question m’obsède littéralement !
Dans une atmosphère évidemment onirique sur laquelle je ne chercherais pas à faire de la littérature, le speaker (d’Hachette Livre je crois ?) répétait en introduction de sa présentation trois phrases clés, trois phrases pour présenter les aspects révolutionnaires du dispositif en question.
Je me rappelle bien qu’il les répétait, comme pour que je puisse les noter ou m’en souvenir (au réveil ?). Je me les répétais mentalement dans mon sommeil. Dans mon rêve je me rappelle nettement que je les notais, toutes les trois, sur un grand journal papier que j’avais avec moi, des colonnes de textes imprimés en noir sur blanc. J’avais très peu de place pour y écrire !
Tout à coup, pensant je crois qu’il y avait une pause avant la présentation, laissant le journal derrière moi, je suis parti en courant pour aller m’acheter un carnet. Évidemment, les rares magasins du quartier inconnu dans lequel je me retrouvais, et qui en temps normal auraient été susceptibles de vendre ce genre de choses, étaient tous fermés. Je vous fais grâce des péripéties saugrenues courantes dans les rêves. Quoi qu’il en soit, je me réveillais sans avoir pu retourner à cette présentation et avec en moi le désagréable sentiment que j’étais parti brusquement en donnant l’impression d’avoir pris la fuite.
Au réveil je ne me souvenais nettement que de la troisième phrase que j’ai aussitôt notée.
La voici : « Vous aurez un gout de tomate dans la bouche, parce que vous aurez vu un beau vert qui vous aura plu. ». (Il faut entendre je pense : « une belle couleur verte qui vous aura plu ».)
J’en conclus (avec subconsciemment l’écho des deux premières phrases que je ne peux formuler) qu’il s’agissait donc d’un dispositif léger (mais je ne sais pourquoi, car je ne l’ai pas vu dans mon rêve) destiné à produire des synesthésies lors de la lecture, c’est-à-dire pouvant traduire notre lecture, d’un texte je suppose, du monde peut-être, par un rapprochement de sensations. Une sorte de générateur de synesthésies ?  
 
Ce rêve n’a évidemment aucune valeur prédictive. Mais il m’a profondément marqué.
Malgré les effets parfois époustouflants à l’échelle d’une vie humaine, à ce jour nous avons finalement peu innové en matière de supports de lecture depuis le papyrus.
Souvent nous croyons innover alors que nous réinventons plus ou moins, tout simplement.
Au lieu de lire les livres, peut-être demain les dispositifs de lecture liront-ils les lecteurs.
Les livres seront comme des miroirs.
La bibliothérapie  pratique fondée en 1924 en Alabama par la bibliothécaire Sadie Peterson Delaney, ne sera peut-être plus une simple thérapie d’appoint, mais la nouvelle doxa.
Les pratiques d’écriture se déglaceront dans les nouveaux processus de communication. Les logiciels réagiront aux gestes et aux regards. Les machines communiqueront entre elles avec une certaine intelligence. Nous commençons déjà à observer tout cela depuis quelques années.
Notre cerveau nous projettera le film de nos lectures, comme il nous projette chaque nuit celui de nos rêves.
Les interfaces de lecture seront d’abord probablement des sortes de lunettes vidéos connectées avant, un jour, d’être directement incorporées dans l’organisme des hommes. Les implants de puces électroniques se pratiquent déjà. Il n’y aura alors plus d’hommes, il n’y aura plus de femmes alors : il y aura des lecteurs, il y aura des lectrices, et la belle histoire de l’uni-vers tous ensemble. Bien le bonjour chez vous !
 

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